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Réflexions et pistes de programme pour les présidentielles de 2022

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L’auteur traite ici de diverses questions de santé publique et de protection sociale, en particulier du financement de la Sécurité sociale, de l’hôpital public, des centres de santé, de l’autonomie, des déserts médicaux, de la psychiatrie. Maryse Montagnon livre analyses et propositions de réformes susceptibles d’être prises en compte lors des prochaines élections présidentielles et législatives.

 Abstract :

The author deals here with various questions of public health and social protection, in particular the financing of Social Security, public hospital, health centers, autonomy, medical deserts, psychiatry. It delivers analyzes and reform proposals likely to be taken into account in the next presidential and legislative elections.

Nous donnons ici quelques réflexions pour alimenter les débats et les propositions pour les prochaines élections présidentielles. À partir de réflexions et d’expressions collectives, elle livre analyses et propositions de réformes susceptibles d’être prises en compte lors des prochaines élections présidentielles et législatives.

Nous demandons le 100% Sécu : de quoi parle-t-on ?

C’est une ambition révolutionnaire : « 100 % Sécu » parce que la Sécurité sociale est un objet politique, pas un supplément d’âme. Faire du « 100 % Sécu » un objectif politique, c’est poser que la Sécurité sociale est en soi une dynamique essentielle de la transformation sociale. Qu’elle n’est pas subordonnée à des conditions qui lui échappent (coût du travail, endettement public, croissance du PIB) et qui détermineraient son niveau et son périmètre d’application. Au contraire, la réponse aux besoins sociaux définit l’ensemble des conditions qui permettent une meilleure efficacité de la production. La Sécurité sociale n’est donc pas un supplément d’âme de l’activité économique, elle est à l’inverse une brique du développement des capacités humaines. Faire du « 100 % Sécu » un objectif politique, c’est donc assurer que les richesses produites contribueront directement au financement de la protection sociale. Et la seule façon d’assurer cette contribution directe c’est de s’assurer que ce financement soit une prise directe sur les profits. C’est le rôle de la cotisation sociale. Ni salaire, ni impôt, ni prime, elle est une part des profits que se réapproprient les travailleurs, dont le montant est calculé à partir des salaires, pour répondre à leurs besoins.

Dans cette perspective, renforcer le rôle des complémentaires, c’est un danger. C’est transférer des coûts vers les ménages. En vérité, l’emprise accrue des complémentaires sur le système de Sécurité sociale français affaiblit son rôle et renforce la partition du système et des acteurs sur le modèle de 3 piliers proposés par les institutions internationales (couverture publique obligatoire, couverture complémentaire obligatoire, surcomplémentaires volontaires). Car si le financement de la Sécurité sociale est assis sur les profits des entreprises, le financement des complémentaires est quant à lui, assis sur les revenus des ménages ou sur la valeur ajoutée des entreprises. Dans l’immédiat il faut exiger la fin des exonérations des cotisations patronales, lutter contre la fraude sociale. Il nous faut ouvrir le débat sur cette base, en confrontation tant à droite qu’à gauche !

La question du financement de la Sécurité sociale : un choix de société

 L’enjeu politique de la sécurité sociale est clair : permettre aux travailleurs de maîtriser les moyens de répondre aux besoins sanitaires et sociaux de la population, de les prendre directement là où cette richesse est produite, à savoir dans l’entreprise, et de contribuer ainsi à une nouvelle efficacité sociale par l’effet dynamique pour l’économie et la société que génère cette réponse aux besoins. Opposé à tous prélèvements sur la richesse produite dans l’entreprise qui pouvait réduire ses profits, le patronat s’est très vite opposé à la Sécurité sociale et a cherché à transférer sa gouvernance et son financement sur l’État. La crise économique a contribué à amplifier la lutte patronale contre la Sécurité sociale au nom de la baisse des coûts des entreprises, et tout particulièrement du coût du travail. Exonérations de cotisations patronales et CSG ont joué un rôle essentiel pour cela au début des années 1990. La mise en œuvre des exonérations de cotisations patronales (première étape de cette stratégie de glissement vers l’État), compensées par des impôts et taxes affectées au budget de la Sécurité sociale, a consolidé la base fiscale du financement de la Sécurité sociale. Puis, la création de la CSG s’est substituée aux cotisations sociales. La hausse du taux et l’élargissement régulier de l’assiette ont permis de remplacer une hausse des cotisations patronales par une hausse des prélèvements sur les revenus d’activité et de transfert des ménages. Finalement alors que la fiscalité représentait 2 % du total des recettes de la Sécurité sociale à la fin des années 1980, aujourd’hui elle en représente près de 40 %. Cette croissance de la fiscalité a servi de justification à l’élimination quasi complète d’une gouvernance de la Sécurité sociale par les représentants des salariés et la création des lois de financement de la Sécurité sociale, et à l’emprise croissante de l’État sur les logiques de gestion des organismes sociaux prônant l’austérité sur les dépenses.

Désormais, les ressources comme les dépenses de la Sécurité sociale sont subordonnées aux arbitrages fiscaux de l’État et aux arbitrages salariaux dans l’entreprise. Cette stratégie politique conjuguée à la hausse du chômage a produit une baisse des recettes à la source des déficits, justifiant les politiques de réduction des dépenses, et la déstructuration de notre système de retraite (-20 % de perte de pouvoir d’achat pour les retraités en 30 ans), de notre système de santé publique, notamment hospitalier et de notre politique familiale (disparition de l’universalisation des allocations familiales).

Il est donc capital de mettre en œuvre les moyens d’accroître les ressources de la Sécurité sociale à partir de l’emploi. Ceux-ci sont de deux ordres :

 a) la cotisation additionnelle basée sur la financiarisation de la gestion des entreprises

De 1998 à 2015, la part des revenus financiers dans les ressources propres des entreprises est passée d’un peu moins de 24% en 1998 à 33,6% en 2015. Si le rythme de progression de cette part ralentit depuis la crise financière de 2008, pour cause de ralentissement de l’activité lié à cette crise, il repart depuis 3 ans. Dans le même temps, la part des salaires dans la valeur ajoutée, au contraire, tend à régresser. Elle aurait perdu entre 8 et 10 points depuis 1983 et passerait en 2015 à 49,5% de la Valeur Ajoutée brute. Nous proposons donc une nouvelle cotisation sur les revenus financiers des entreprises et des institutions financières car ceux-ci ne sont pas soumis aux contributions sociales et se développent contre l’emploi et la croissance réelle. Il existe en 2020, selon nos calculs effectués à partir de la publication des Comptes de la Nation 2021, 215,2 milliards d’euros de revenus financiers des entreprises et des banques. 174,6 milliards d’euros au titre des produits financiers des sociétés non financières (dividendes reçus + intérêts perçus, inclus les revenus des investissements directs étrangers). Et 70,6 milliards d’euros de revenus financiers des sociétés financières (dividendes reçus + solde des intérêts versés/perçus).

Ainsi sur une base de revenus financiers de 215,2 milliards d’euros en 2020, on pourrait dégager, en les soumettant aux taux actuels de la cotisation patronale:

  • 28,219 milliards pour la maladie (13,1%)
  • 17,8613 milliards pour la retraite (8,3%)
  • 11,6208 milliards pour la famille (5,4%)

Ceci permettrait de compenser dans l’immédiat le déficit de la Sécurité sociale imputable à la crise du covid et à la crise économique, de commencer à réduire les prélèvements de CSG et de mener une politique sociale active visant à répondre aux nouveaux besoins sociaux, en particulier pour l’hôpital public et les EHPAD. Cela contribuerait dans le même temps à réorienter l’activité économique vers la production de richesses réelles au lieu d’alimenter la spéculation. L’objectif serait de participer au financement de la solidarité en incitant à une autre utilisation de l’argent pour viser un nouveau type de croissance réelle. Le développement des ressources humaines constituerait le moteur de ce nouveau type de développement économique et social. Celui-ci à son tour permettrait de dégager des moyens pour financer une nouvelle Sécurité sociale, elle-même articulée avec la sécurisation de l’emploi et de la formation.

 b) la modulation des cotisations:

Le débat pour développer le financement de la protection sociale doit impérativement être mené. Il s’agit de démontrer qu’une dynamique du financement visant à développer la protection sociale est possible et nécessaire. À droite et même au PS, on propose le développement de la CSG, voire d’une TVA sociale, et donc d’augmenter la contribution fiscale des ménages dans les recettes de la Sécurité sociale. Nous défendons au contraire le principe des cotisations sociales. Mais la question d’une réforme pour un développement de leur assiette se pose. Les limites de l’assiette actuelle de calcul des cotisations patronales peuvent être reliées au type de politique économique et de gestion des entreprises, tout particulièrement en matière d’emploi. Si une entreprise réalise ses profits en diminuant ses emplois, elle est moins prélevée pour le financement de la Sécurité sociale. Et inversement, une réforme du financement de la Sécurité sociale qui affirmerait toujours ce financement par un prélèvement sur les profits, doit donc impérativement articuler la hausse des cotisations patronales avec le niveau d’emplois dans l’entreprise. Ainsi, dans le cadre d’une hausse générale des cotisations patronales, au sein d’une même branche d’activité, les entreprises qui ont une politique de développement de l’emploi, des qualifications et des salaires, qui embauchent, (illustré par un rapport masse salariale / valeur ajoutée élevé et un rapport charges sociales / VA beaucoup plus élevé que leurs consœurs), se verraient privilégiées par une réduction relative du niveau de leurs prélèvements sociaux par rapport aux entreprises de la branche. À l’inverse, celles qui pratiquent les revenus financiers en détruisant l’emploi et en développant la précarité, celles-là seraient surprélevées. Nous proposons ainsi de responsabiliser les entreprises au développement de l’emploi, des salaires, pour l’enclenchement d’un nouveau type de croissance centré sur le développement des ressources humaines (emploi, salaire, formation, etc.).

PLFSS 2022/Financement de la Sécurité sociale

 Depuis des années nous assistons, avec impuissance, à la déstructuration méthodique de la Sécurité sociale :

  •  7 août 2020, loi organique qui transfert à la CADES 136 milliards, remboursables intégralement à l’horizon 2033, notamment avec la prolongation de la CRDS payée par les actifs et les retraités. Cette somme est censée «couvrir la dette sociale» générée par la COVID 19, donc les déficits constatés de la Sécurité sociale et futurs, dont la dette cumulée des hôpitaux publics (30 milliards en 2019): le gouvernement fait le choix de faire porter par la Sécurité sociale l’ensemble des dépenses extraordinaires générées par la crise sanitaire, dettes qui seront remboursées intégralement par l’accès aux marchés financiers.
  • 7 décembre 2020, dans sa lettre de mission au HCFIPS ( Haut Conseil du financement de la protection sociale), le premier ministre affirme: « Les finances sociales, qui avant la crise, tendaient vers l’équilibre, sortent durablement et structurellement affectées par les conséquences économiques, sanitaires et sociales de la crise ».
  • En mai 2021, le HCFIPS, dans sa note d’étape affirme: « Quelles que soient les réformes, souhaitables, menées, il ne sera pas possible de rééquilibrer l’Assurance maladie rapidement par la seule maîtrise des dépenses, même avec des hypothèses favorables ».
  • L’avant-projet du PLFSS 2022 est le reflet de cette volonté d’avancer masqués, tout en se félicitant, dans la perspective des Présidentielles, « d’avoir fait du bon boulot »: gestion de la crise sanitaire, vaccination, Ségur santé, investissements hospitaliers. À côté de quelques mesures positives, comme les tests VIH, la gratuité de la contraception, le gouvernement se complaît dans l’alignement des chiffres de l’ONDAM ( objectif national des dépenses d’Assurance Maladie) dans des configurations différentes:-

– 2021 ODAM 6,7% hors COVID
– 2022 ONDAM 3,8%, mais 2,6% hors Ségur
– ONDAM 2022 établissements de santé: 2,7%(hors Ségur et Covid). Pour mémoire, les dépenses
hospitalières ont une évolution moyenne, de 4 à 5%.

 L’état des dépenses:

  • 2020: Assurance-maladie: 219,4 milliards; Déficit (RG+FSV) 38,4 milliards
  • 2021: Assurance-maladie: 237,1 milliards; Déficit projeté 34,6 milliards, dont dépenses COVID: 14,8 milliards et  remboursement dette:17,4 milliards
  • 2022: le PLFSS va accélérer les transferts financiers entre branches et régimes de la Sécurité sociale, notamment les «recettes fiscales» : Prévisions des dépenses Assurance maladie: 229,6 milliards avec un déficit prévisionnel de 19,7 milliards; pour l’ensemble des régimes 569,8 milliards, soit un déficit de 22, 6 milliards

L’état des recettes:

Alors même que depuis 18 mois nous avons pu prendre la mesure des besoins de santé de la population et l’inadéquation du système de santé, tant l’hôpital que la ville,  le PLFSS 2022 précise en toutes lettres:  « aucune mesure de recettes n’étant prévue…», la trajectoire de l’évolution des dépenses, même fortement restructurées à coup de fermetures de lits, services et établissements pour le sanitaire, ou à coup de «maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie à marche forcée, où les EHPAD ne seront plus que « des centres de ressources territoriaux», va se heurter à la disparition programmée du financement, et singulièrement des cotisations. Ainsi, se défait le financement de la Sécurité sociale, sous couvert d’une évolution structurelle accélérée depuis 2019:

  • L’argument idéologique de compétitivité des entreprises qui justifie exonérations des cotisations patronales et maintien des bas salaires: exonérations permanentes de 6 points (transformations du CICE), exonérations estimées à fin 2021, à plus de 80 milliards
  • La «création» de la 5e branche entraîne un transfert de recettes de l’Assurance maladie via la CNSA, soit une perte de 10%
  • En 2018 la CSG représente 45% du financement de l’Assurance maladie; le transfert à la CNSA pèse pour 25,8 milliards en 2022.

Sans développer outre mesure, le PLFSS 2022 apporte sa pierre à l’entreprise de démolition de la Sécurité sociale, à l’opposé de ses principes fondateurs.

Sur le droit à l’autonomie

Le vieillissement est une période naturelle de la vie qui n’induit pas nécessairement une perte d’autonomie. Quand on arrive à cette étape, on reste un citoyen à part entière avec des droits et des besoins spécifiques qui doivent être pris en compte dans les fondements de notre société. La perte d’autonomie, qui peut avoir d’autres causes que le vieillissement, peut survenir à toute période de la vie. C’est la résultante multifactorielle de situations qui jalonnent la vie de tout individu. Parfois prévisibles, parfois non, elles sont physiques, psychologiques, cognitives mais aussi matérielles, sociales et familiales et menacent, au maximum, la poursuite de l’existence d’une personne, et au minimum, la dignité de celle-ci. Elle rend un individu au cours de sa vie dépendant d’autres individus, qui peuvent être des membres de sa famille, des amis ou des voisins (les aidants naturels) mais qui sont de plus en plus des professionnels missionnés pour assurer son bien-être dans toutes ses dimensions. Elle n’est en rien un risque en soi, ce qui explique notre rejet de l’assurantiel, mais un état qui justifie la mise en œuvre de moyens et d’expertises divers pour assurer à un individu la poursuite de son existence dans la dignité, à partir d’un développement des solidarités ainsi que des financements et des accompagnements collectifs nécessaires.

 Nous inscrivons l’autonomie des personnes dans un nouveau projet de civilisation. Nous voulons replacer le problème dans le cadre plus général d’un processus d’autonomisation de la personne qui vise à la libérer d’un état de sujétion, à lui permettre d’acquérir la capacité d’user de la plénitude de ses droits, de s’affranchir d’une dépendance d’ordre social, moral ou intellectuel. Il ne s’agit pas seulement d’indemniser les personnes ou d’accompagner leur trajectoire de vie, mais aussi et surtout de créer les conditions économiques et sociales de leur autonomie tout au long de leur vie. L’autonomisation de la personne humaine est un objectif social central de nos sociétés développées, qui s’inscrit pour nous dans le cadre de la solidarité de tous les âges et cycles de vie ainsi que de tous les acteurs humains.

 Nous mettons en débat les propositions qui suivent en proposant de travailler à les approfondir avec les intéressés, leurs familles, les associations et les professionnels. La perte d’autonomie doit être traitée de manière globale et non ségrégative pour le vieillissement. Elle nécessite une vraie politique publique articulant prévention, dépistage et prise en charge solidaire avec un droit universel de compensation de la perte d’autonomie. Ce droit à l’autonomie serait intégré dans la branche maladie de la Sécurité sociale.

Un développement important des services publics nationaux répondant à la perte d’autonomie avec des métiers de haut niveau, à statut unique, dans tous les établissements. La mise en place au niveau départemental d’un pôle public de « l’autonomie », s’appuyant sur le développement des services publics existants : nous pensons notamment à tous les aspects d’aides (repas, toilettes, mobilisations, etc.) mais aussi aux équipements et aménagements des logements, aux transports, etc. Il doit ainsi permettre une synergie entre les services publics ainsi développés et les nouveaux services publics à créer pour favoriser la promotion des activités sociales des personnes âgées et des personnes en situation de handicap. Cette coordination départementale doit permettre une simplification des démarches pour les personnes et les aidants et une meilleure efficacité du service rendu. Cela nous conduit à affirmer que le service public doit être élargi au service à la personne, au-delà des seules personnes âgées.

Le point central du financement

Ce financement n’a de sens que s’il est réellement assuré de manière pérenne et n’est pas tributaire du budget de l’État ou des ressources des familles. Nous posons le principe d’un financement solidaire à 100% par la Sécurité sociale et d’un financement public pour le service public. Il est hors de question d’accepter une nouvelle augmentation de la CSA (journée solidarité des salariés) qui rapporterait 2,6 milliards €/ an pas plus que la Casa. Nous refusons également l’hypothèse d’une révision des droits de donation ou de succession. Aujourd’hui, les dépenses de santé, la prise en charge de la perte d’autonomie et les frais d’hébergement représentent des dépenses évaluées à 34 milliards d’euros chaque année, dont 24 milliards d’euros pour les pouvoirs publics. Le reste repose sur les ménages. Face à ce besoin grandissant de financement, le gouvernement a évoqué ouvertement l’éventualité de reporter l’âge de départ à la retraite ou d’instaurer une deuxième journée de solidarité.

La loi du 6 août 2020 a acté la création d’une 5e branche de la Sécurité sociale en plus des branches maladie, vieillesse, famille et recouvrement. Nous considérons que la perte d’autonomie est indissociable d’une approche globale de la santé. La création de cette nouvelle branche opère donc une séparation nocive entre santé et perte d’autonomie. Le financement de cette branche autonomie sera assuré par l’impôt et non par les cotisations sociales, 90 % de ses ressources provenant de la CSG, le solde provenant du jour de travail gratuit (CSA) et de la CASA acquittée par les retraités. De plus, la CNSA a retenu l’hypothèse d’une CSG autonomie additionnelle correspondant à 0,3 points de CSG soit près de 5 MD € par an.

Gérer financièrement sa fin de vie devient de plus en plus compliqué

Les retraités qui se retrouvent dans une situation de dépendance doivent encore dépenser 1850 € en moyenne de leur poche pour financer leur hébergement en Ehpad, alors qu’ils touchent en moyenne 1500 € de pension. Dans la majorité des cas, le reste à charge est donc supérieur aux ressources du résident. Dans le futur, il est envisagé une simplification du système d’aides avec une nouvelle prestation autonomie fusionnant dépendance et soins. L’APA (allocation personnalisée d’autonomie) serait remplacée par une « prestation autonomie établissement » dégressive selon le revenu. Pour les personnes qui restent à domicile, la situation est aussi très compliquée. Lorsqu’elles ont besoin d’une présence permanente, elles doivent faire appel à une aide à domicile à plein temps. Malgré les aides existantes, leur reste à charge mensuel varie de 2500 à 4050 €, en fonction du revenu et des aides financées par chaque département. Les retraités qui peuvent compter sur les aidants, dont le soutien est évalué à 11 milliards d’euros, verront leur reste à charge chuter de manière vertigineuse à 55 € en moyenne par mois. Mais les aidants de demain auront-ils les moyens des aidants actuels ? Entre l’Ehpad (600 000 places) et le domicile existent déjà des solutions alternatives, comme les résidences autonomie (110 000 places) ou les résidences services seniors (50 000). Ce système est amené à se développer. On parle beaucoup « d’Ehpad hors les murs », « Ehpad à domicile », pour que les personnes même dépendantes puissent rester chez elles tout en bénéficiant de soins, d’accompagnement à la fin de vie, d’aide à la vie quotidienne. Nous pensons préférable de construire des Ehpad publics financés par l’État, le CREDOC estimant à 5 420 000, le nombre de places nécessaires d’ici 2040.

Hôpital public

La stratégie du gouvernement, après tous ceux qui ont dirigé le pays dans l’intérêt du capital et cela depuis plus de trente ans ( l’année 1983, année de la «rigueur» étant le point de rupture…), se construit autour de trois axes indissociables qui s’imbriquent, s’épaulent au gré des rapports de forces: nous les retrouvons dans tous les plans gouvernementaux, toutes les lois et cela d’une manière soutenue notamment depuis le plan Juppé de 1996. Il s’agit de réduire la voilure du système de santé public pour prendre en charge les besoins de santé et ainsi ouvrir en grand le marché de la santé et des soins au privé, aux fonds de pension et autre fonds d’investissement; c’est l’attaque tout azimut aux moyens d’expression et d’action des personnels et leurs organisations, avec l’obsession de réduire les dépenses publiques, dont le financement de la Sécurité sociale…

Aujourd’hui la situation est la pire que nous n’ayons jamais vécu: les services d’urgence et SMUR ferment les uns après les autres, sans compter les lits fermés dans toutes les disciplines, fermetures à la conjonction de deux phénomènes: la fuite des soignants et la poursuite des restructurations au sein des GHT ( groupements hospitaliers de territoire) en plein été et pandémie. Mais ce désastre ne relève pas de la fatalité: c’est bien le résultat des politiques menées depuis de nombreuse années et aggravées par la politique menée par le gouvernement Macron.

Mais le COVID 19 a rebattu les cartes, et le fort soutien de la population, l’émotion générée par les conditions épouvantables révélées jour après jour, ont obligé le gouvernement à avancer masqué pour mettre en œuvre sa stratégie et les objectifs de «ma santé 2022»:

  • Diminuer la part de l’hôpital public dans le système de soins en prenant appui sur les 135 GHT et l’implication du privé.
  • Privilégier le «tout ambulatoire» à l’intérieur et à l’extérieur (développement des hôtels hospitaliers/gr ACCOR!)
  • Une gestion de remise en cause du service public, dont les statuts des personnels.

Les questions de financement

Nous avons avancé depuis longtemps des propositions de financement réalistes et cohérentes pour refinancer l’HP: supprimer la taxe sur les salaires, rembourser la TVA, un budget de fonctionnement couvrant l’ensemble des charges et obligations des établissements sur la base de « l’obligation de moyens » et non plus « l’obligation de résultats » initiée par l’EPRD (état prévisionnel des recettes et des dépenses) et la T2A (tarification à l’activité), qu’il faut supprimer.

Nous revendiquons le financement intégral et immédiat de la dette hospitalière qui génère, chaque année 1 milliard d’intérêts payés aux banques. Quant au plan « d’investissement massif » du gouvernement, nous devons clamer haut et fort qu’il ne fait pas le compte au vu des besoins énormes: répondre à l’endettement est un premier levier pour relancer l’investissement. Mais l’enjeu est bien de construire une politique nationale d’investissement en santé et particulièrement dans le système hospitalier, déconnectée des logiques de rentabilité et de privatisation. La démocratie sociale comme moyen et but de l’action politique devrait être une obsession au regard de la casse généralisée des instances représentatives et des moyens d’expression des professionnel-le-s et des citoyen-ne-s usager-e-s…

Centre de santé/Maison de santé-réponses aux besoins de santé de proximité.

Pour nous la solution de centre de santé s’impose en médecine ambulatoire car c’est à la fois une structure dispensatrice de soins comme de prévention, répondant à des besoins de proximité, et ce pour les raisons suivantes : il est un lieu qui participe par ses missions à la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé en offrant soins et prévention à tous, par le tiers payant intégral, la coordination des soins, l’accompagnement social des patients, la prise en compte de toutes les populations sans discrimination sociale, culturelle ou religieuse, la prévention, la proximité avec une amplitude d’ouverture adaptée aux besoins du territoire et des populations. Il donne la possibilité d’accès à des soins non programmés et participe à la permanence des soins ambulatoires. Il constitue un lieu de stages pour la formation des différentes professions de santé.

Le Centre de santé est une réponse à la question de la désertification médicale, car il salarie les personnels de santé médicaux et paramédicaux, et donc les postes sont de la responsabilité du gestionnaire, à la différence de la Maison de santé pluridisciplinaire composée de praticiens libéraux, donc seuls détenteurs de leur poste, notamment en cas de départ comme aucune obligation pour eux de se trouver un successeur. Il répond à une demande de plus en plus large des jeunes praticiens qui souhaitent être salariés, et travailler dans une structure collective, déchargés de la problématique de la gestion, bénéficier d’avantages sociaux, notamment congé maternité (et paternité). Il offre le tiers payant généralisé, car c’est une obligation pour ces structures, ce qui n’est pas le cas pour les maisons de santé pluridisciplinaires. Il offre des tarifs obligatoirement de secteur 1, donc sans dépassement d’honoraire. Ce n’est pas une obligation pour les maisons de santé pluridisciplinaires. Il offre un plateau technique au regard du projet de santé établi par la structure. Il favorise le juste soin au juste coût pour les tarifs dentaires non opposables ou hors nomenclature. Le centre de santé s’engage à assurer un suivi des patients dans la durée, par des professionnels de santé qui ont accès aux données du dossier partagé. Il privilégie le travail en réseau, et veut répondre aux besoins sociaux, en lien avec les structures sociales du territoire que lequel elle rayonne. Dans une démarche de médecine de proximité, nous pensons indispensable d’associer la création de centres de santé à la défense de l’hôpital de proximité afin qu’ils travaillent au maillage territorial d’un bassin de santé en étroite collaboration l’un avec l’autre.

Au delà, les députés dont nous aurons besoin demain aurons à cœur de faire en sorte que les centres de santé que nous voulons puissent devenir une exigence territoriale dans le cadre de la nouvelle organisation du système de santé que nous défendons, avec un statut tant pour la structure que pour les personnels, leur donnant à la fois un cadre institutionnel aujourd’hui inexistant et pour les professionnels de santé une mobilité territoriale et de fonction publique.

Démographie médicale – déserts médicaux.

 La situation actuelle est connue : avec le départ à la retraite des derniers médecins généralistes formés avant la mise en place du numerus-clausus, de plus en plus d’habitants des villes et des campagnes n’ont plus de médecins traitants ! Il y a urgence sanitaire!

Une situation volontairement construite en accord avec l’idéologie libérale

Elle a été voulue, tout à la fois par les gouvernements successifs, pensant, en réduisant l’offre, réduire les dépenses de santé et par des syndicats de médecins corporatistes, car ce qui est rare est cher! Dans la conception ultralibérale, nul besoin de beaucoup de médecins : des protocoles pour des paramédicaux, des logiciels informatiques, et quelques médecins pour superviser, en oubliant l’humain et que chaque malade est particulier, avec à la clé le développement du secteur non remboursable, l’augmentation des restes à charges pour les patients et le développement d’une médecine à plusieurs vitesses.

À la décision de limiter le nombre de médecins formés par le numerus-clausus se sont surajoutés l’augmentation de la population, son vieillissement, les progrès médicaux, transformant des causes de décès prématurés en maladies chroniques et l’aspiration des médecins à la réduction du temps de travail ( comme les autres salariés), favorisée par la féminisation de la profession. Le déficit de médecins touche toutes les régions. Il concerne la médecine générale, d’autant plus que cette spécialité est peu choisie par les jeunes générations, mais aussi les spécialités à visée préventive (médecine du travail, médecine scolaire), les psychiatres et les spécialistes « clé » dont l’absence aide à justifier les fermetures de services et d’hôpitaux (gynéco, anesthésistes, urgentistes …). Dans d’autres domaines, le déficit a servi de justification aux dépassements d’honoraires et il n’y a quasiment plus de spécialistes en secteur 1.

Dans nos hôpitaux publics, cet été 2021 a vu un nombre inquiétant de services d’urgences fermer partiellement, temporairement ou définitivement, faute de médecins urgentistes. Mais toutes les spécialités à l’hôpital sont touchées, pénurie de médecins et suppressions de lits (100 000 en 20 ans et 5700 lits d’hospitalisation supprimés en 2020).

Des propositions multiples et complémentaires supposant d’urgence une approche nouvelle.

La gravité de la situation appelle des mesures urgentes, multiples en lien avec la multiplicité des causes et les changements sociétaux, tout à la fois mesures concrètes immédiates mais aussi construction d’un nouveau système de santé, répondant aux besoins des populations et aux aspirations des jeunes professionnels.

  • Supprimer le numerus-clausus : insuffisant, mais nécessaire

La mesure emblématique de «ma santé 2022» est la suppression du numerus clausus. Or, la sélection n’a pas disparu et le numerus clausus ne fait que changer de nom pour devenir numerus apertus. Il indique toujours le nombre de places disponibles dans chaque filière, nombre fixé par chaque université en fonction de leurs capacités de formation et des besoins de santé du territoire, sur avis des agences régionales de santé. Sachant que les universités ne disposent pas de capacités de formation plus importantes, que les besoins de santé dans les territoires sont fixés autoritairement par les ARS en lien direct avec l’objectif gouvernemental de diminution des dépenses de santé notamment hospitalières, cette suppression du numerus clausus est une tromperie et rien n’a changé. L’augmentation du nombre de médecins formés (au moins 12 000 par an) est nécessaire pour répondre aux besoins. Mais, la suppression ne règle pas tout …

  • Transformer les études

La suppression du numerus-clausus doit être préparée et accompagnée de moyens nouveaux pour l’enseignement théorique et pratique. Les études doivent contribuer à ce que la médecine générale ne soit pas un choix par défaut : elles doivent développer une approche plus globale.

  • Changer le travail en ville et à l’hôpital

Travailler en équipe, faire de la médecine et pas des papiers, bien travailler, mais aussi avoir du temps libre, autant d’aspirations des jeunes générations de médecins qui se conjuguent avec le salariat dans un cadre de service public. C’est ce que pourrait offrir un véritable service public de soins primaires, décentralisé, démocratique, répondant aux besoins selon un projet de santé territorial élaboré avec les populations, les élus, les personnels. Il y a urgence à attirer et à garder les médecins dans les hôpitaux publics, par la qualité des conditions de travail et par un rééquilibrage des revenus des médecins entre public et privé. Cette politique ambitieuse de service public en soins primaires et hospitaliers est seule capable de redonner espoir.

En finir avec la déshumanisation de la psychiatrie !

La manière dont la psychiatrie « moderne » maltraite l’humain nous interpelle. La psychiatrie « moderne » est une psychiatrie de la normalisation des populations et des comportements. Où l’on ne soigne plus des personnes mais où l’on traite des symptômes. Au travers de soins protocolisés, normalisés qui ne prennent plus en compte la globalité de la dimension biopsychosociale de la personne. Mais où seule la dimension biologique neuronale compterait. Cela aboutit à une psychiatrie déshumanisante qui maltraite aussi bien les patients que les soignants.

En 1960, la création du « secteur psychiatrique » fut une révolution  humaniste

Il a rompu avec la conception asilaire des internements, en ramenant le « fou » dans la cité et développant des soins psychiques essentiellement en ambulatoire. Il garantissait à chaque personne en souffrance psychique l’accès aux soins de prévention, de cure et de postcure et à leur continuité, par la même équipe. Il a obligation de prendre en charge toutes les demandes de soin de prévention, de cure et de postcure et d’assurer leur continuité fondée sur la qualité du lien thérapeutique et non sur la contrainte. Il garantit à chaque personne en souffrance psychique l’accès à ces soins. La psychiatrie à la française qui s’est développée dans les années 60 /80 que nous enviait le monde entier était fondé sur une approche biopsychosociale prenant en compte la complexité de l’humain.

 Comme l’a reconnu Véran sur France Inter au lendemain des Assises de la Santé mentale la psychiatrie s’est paupérisée depuis 40 ans. De fait, depuis les années 80 il n’y a eu aucune augmentation des moyens. Depuis cette période aucun moyen supplémentaire les créations ambulatoires des années 80/90 l’ont été par redéploiement des moyens liés à la fermeture de 40% des lits.

Une exclusion toujours plus large d’un soin psychique de qualité

Alors que les demandes de soins n’ont cessé d’augmenter, cela a entraîné des tris de plus en plus restrictifs des malades suivis par le Secteur qui a pourtant l’obligation d’accueillir toutes les demandes y compris celles jugées plus bénignes. On a commencé par renoncer à la prévention. Puis on a refusé les situations jugées trop bénignes qu’on a orientées vers le libéral et surtout le généraliste. Aujourd’hui, seules les situations très lourdes sont prises en charge par le CMP. Et pour les patients éligibles nous ne parlons pas du scandale des délais d’attente pour un premier rendez vous qui entraînent des renoncements au soin.

Si la pédopsychiatrie n’a pas opérée ces tris, les délais d’attente pour un 1er rdv en CMP sont souvent supérieurs à 1 an. Le tri se fait par renoncement aux soins ! Seules les psychoses graves ou les dépressions sévère sont prises en charge par le Secteur, les autres sont renvoyés vers le libéral, psychiatre, psychologue (non remboursés par l’Assurance maladie), le plus souvent généraliste qui ne peut que se contenter de donner des médicaments, là où en psychiatrie de Secteur le patient devrait pouvoir bénéficier d’une psychothérapie, associée, si nécessaire, à une prise en charge de groupe de sociothérapie et à un traitement chimiothérapique. C’est une des raisons qui fait que la France est le 1er consommateur de psychotropes.

 La Loi Touraine organise la rupture de soins

Au lieu d’y remédier, la Loi Touraine de 2015 a normalisé cette situation et organisé la rupture de soins. Considérant que la psychiatrie est une spécialité médicale comme les autres et non une discipline à part entière elle l’intègre dans le parcours de soin généraliste. De ce fait le Secteur n’est plus chargé que de la crise. Le suivi des patients stabilisés relevant du médecin généraliste ! Quand on connaît la pénurie de généralistes et les déserts médicaux qui ne cessent de croitre comment les médecins généralistes pourront-ils suivre mensuellement ces centaines de milliers de patients stabilisés, mais pour beaucoup toujours fragiles ? Elle organise de fait la rupture des soins alors que le Secteur était fondé sur la continuité de ceux-ci. Ce qui permet au Gouvernement de poursuivre sa politique de réductions de moyens en organisant fusions de Secteurs et de structures ambulatoires. Nous disons que la psychiatrie est une discipline médicale à part entière au même titre que la Médecine-Chirurgie-Obstétrique et que le secteur psychiatrique est la référence du dispositif public de lutte contre les maladies mentales. Il garantit une cohérence du parcours de soins et une proximité des soins. Il s’appuie sur un maillage territorial d’établissements de santé et est organisé autour d’une zone géo-démographique regroupant une population d’environ 75 000 habitants.

 Un modèle uniquement biomédical et normalisateur

Si dorénavant, la psychiatrie ne doit s’occuper que de la crise, il est inutile de fonder le soin sur la qualité du lien relationnel. On ne va se focaliser que sur le symptôme qu’il faut éradiquer et les comportements qu’il faut normaliser. La singularité de chaque patient (et de chaque soignant !) disparaît derrière des traitements standardisés. S’il s’agit de ne traiter que des symptômes, il n’est plus question d’aborder la complexité de l’humain dans sa dimension biopsychosociale.

La théorie psychanalytique visant à donner du sens au symptôme dans le cadre de la relation transférentielle s’inscrivant forcément dans la durée et la continuité du soin et la sociothérapie venant interroger l’aliénation induite par les rapports sociaux et de production et nécessitant là encore une continuité de la relation thérapeutique ne sont plus reconnues comme des approches pertinentes. Cette perte de sens et de focalisation sur le symptôme et non la souffrance exprimée par le symptôme est à l’origine de l’explosion des recours aux chambres d’isolement et à la contention.

Avec la crise du Covid une explosion de décompensations psychiques

Les ruptures de lien social et les craintes pour l’avenir ont provoqué un nombre énorme de décompensations psychiatriques. Ce qui vient contredire le modèle purement biologisant des causalités psychiatriques.

Nous devons montrer que nous n’accepterons jamais ce modèle déshumanisant de psychiatrie et imposer un autre modèle

D’autant que, pour donner un peu d’air au Secteur et réinsuffler un peu d’énergie créatrice, on peut tout de suite, embaucher immédiatement, sur des postes de titulaires, les milliers de psychologues cliniciens qui ont du renoncer à leur métier. Ceci devant permettre aux CMP de pouvoir mener leur travail de psychothérapique. La psychiatrie est la seule discipline médicale qui a cette possibilité d’embauche massive immédiate.