Un système de santé qui fait honte aux professionnels et fait défaut aux besoins de la population

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Résumé :
L’auteur, dirigeante syndicale de la CGT, présente une analyse des besoins de réforme de l’hôpital. Elle dénonce les fermetures de lits dont elle fait l’inventaire depuis 2013. Elle fait le tour des principales revendications des personnels : une rémunération qui corresponde aux qualifications des professionnels, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, l’augmentation les formations qualifiantes et les emplois et la sécurisation des parcours des étudiants pour rendre les métiers attractifs. Il faut assurer la continuité et l’accès aux des soins sur tout le territoire et prendre soins des conditions de travail des personnels pour garantir une prise en charge de qualité.

Abstract :
The author, union leader of the CGT, presents an analysis of the hospital reform needs. She denounces the bed closures which she has been taking stock of since 2013. She reviews the main demands of staff : remuneration that corresponds to the qualifications of professionals, professional equality between women and men, increased training qualifications and jobs and securing student pathways to make professions attractive. We must ensure continuity and access to care throughout the territory and take care of the working conditions of staff to guarantee quality care.

Chaque année la période estivale est la plus éprouvante pour les salariés au sein de l’hôpital public et des établissements du sanitaire, médico-social et social puisque les effectifs en personnel s’effondrent pour permettre la rotation des congés annuels. Cette année a été extrêmement difficile pour de nombreux travailleurs de ces secteurs d’activités par manque de moyens humains. Cela a entrainé soit le report de leurs congés annuels, générant des situations d’épuisement professionnel, soit des fermetures de lits ou de services, causant ainsi la dégradation de l’accès et de la qualité de la prise en charge de la population.

Quelques chiffres parlant pour illustrer la dégradation progressive organisée par les gouvernements successifs et notamment ces dernières années sous la présidence d’Emmanuel Macron.

« Statistiques Dress décembre 2023 », depuis 2013, la baisse cumulée des lits d’hospitalisation complète a atteint 39000 lits soit une diminution moyenne par an de – 0,9 % entre 2013 et 2019, fin 2021 et fin 2022 cette baisse s’accélère de – 1,8 %. Cela touche particulièrement la médecine, la chirurgie, l’obstétrique, mais aussi la psychiatrie qui a perdu plus de 1000 lits en 2022 dans le secteur public. Les capacités en réanimation continuent de diminuer notamment après le sursaut pendant la pandémie Covid fin 2022, 19700 lits, soit 330 lits de moins fin 2021 soit – 1,7 %. La progression de places d’hospitalisations partielle parallèlement augmente entre 2013 et fin 2022 ; 17400 places ont été créées, soit + 25, 8 % en neuf ans, en 2021 cette progression ralentit + 3,4 %, en 2022 + 3,1 %.

Toutes les régions de la métropole et des DROM sont touchées par le manque de moyens. La CGT avec d’autres organisations s’est mobilisée dans de nombreux établissements cet été pour dénoncer les situations catastrophiques que vivent au quotidien les professionnels dans l’exercice de leurs missions, ainsi que les conditions inacceptables subies par les usagers, qui n’obtiennent pas régulièrement des réponses rapides et adaptées à leurs besoins. De plus en plus de salariés alertent sur le fait que des vies pourraient être sauvées si notre système de santé disposait de moyens humains et financiers supplémentaires.

Ensemble évitons le pire pour gagner le meilleur.

Depuis le précédent quinquennat du Président Macron, 7 ministres de la santé se sont succédés en 7 ans. Cette instabilité permanente démontre un manque d’ambition politique et de considération pour un secteur clé et vital pour la bonne santé de la population française.  Seule la mobilisation du plus grand nombre salariés, retraités, usagers et citoyens permettra d’obtenir une rupture politique pour engager les réformes nécessaires à l’amélioration de notre système de soins et de protection sociale. Dans le cadre du débat parlementaire sur le Projet de Loi de Finance et Projet de Loi sur le Financement de la Sécurité sociale il faut exiger des financements à la hauteur des besoins de la population et répondre aux  revendications des salariés de la santé et de l’action sociale pour améliorer leurs conditions de travail et de vie.

Pour la CGT, des mesures fortes, immédiates et pérennes sont nécessaires.

Une rémunération qui corresponde aux qualifications des professionnels  

L’augmentation des rémunérations pour l’ensemble des personnels, en prenant en compte la fourchette haute des pays européens qui nous entourent, est indispensable pour rendre ces métiers attractifs. Cela doit se traduire par l’annonce rapide de négociations sur l’ensemble des grilles salariales et leur revisite pour l’ensemble des filières au sein des établissements du sanitaire, médico-social et social (filières médicales, paramédicales, éducatives, administratives, ouvrières et logistiques). Le salaire de base doit être la référence pour une haute rémunération reconnaissant les qualifications et les responsabilités de chaque métier. Les primes ne doivent plus être les variables d’ajustement ou de modulation fluctuante des rémunérations, et aucune rémunération ne doit être inférieure au SMIC. En effet, les disparités salariales pour les mêmes métiers selon le type d’établissement, les secteurs d’activités, les conventions collectives, ou la nature du service ou structure avec ces primes associées, engendrent des inégalités de traitement entre les mêmes professionnels qui exercent pourtant le même métier et qui ont le même diplôme. Il faut une harmonisation de haut niveau des rémunérations pour un même métier et diplôme afin d’éviter la concurrence entre les différents secteurs d’activité et permettre une mobilité choisie par les salariés. Il faut remédier à une injustice qui perdure, notamment par l’extension immédiate du CTI Ségur à l’ensemble des salariés. Cette inégalité discriminante ne plus durer.

Les différentes conventions collectives existantes dans nos secteurs d’activité doivent être revues pour créer une convention unique, basée sur les revendications et propositions de la CGT. Cette nouvelle convention devrait offrir une harmonisation de haut niveau, avec des rémunérations attractives et des mesures favorables pour les travailleuses et travailleurs.

Rétablir l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes 

L’égalité professionnelle entre les femmes et hommes tant sur le plan salarial que sur celui d’évolution de carrière, doit être la règle dans ces professions hautement féminisées. En effet, dans le secteur de la santé et de l’action sociale, pour des qualifications identiques, les femmes sont moins bien rémunérées que dans les branches professionnelles majoritairement occupées par des hommes.

Augmenter les formations qualifiantes et les emplois

Il faut engager un plan urgent et massif de financement pour la formation de professionnels avec à la clé des recrutements de personnel pluridisciplinaire avec des financements spécifiques dédiés. Nous exigeons également des budgets supplémentaires alloués aux établissements afin de répondre immédiatement à toutes les demandes de formation pour des évolutions professionnelles faites par les salariés, qui ne sont actuellement pas accordées faute de moyens.

Une prospective des emplois nécessaires pour l’avenir doit être lancée, avec une projection sur 20 ans, accompagnée de plans de formation et de l’ouverture de places dans les différentes écoles ainsi qu’à l’université pour y parvenir. La CGT estime qu’il faut rapidement créer 400000 emplois répartis comme suit : 100000 pour l’hôpital public, 100000 pour les EPHAD et la prise en charge des personnes âgées et 200000 pour le secteur médico-social et social.

Sécuriser le parcours des étudiants pour rendre les métiers attractifs  

La CGT réaffirme que le dispositif « Parcours Supérieur » doit être supprimé. Ce dispositif n’améliore en rien les conditions des étudiants dans leur recherche, au contraire, il engendre des inégalités et ne répond pas aux besoins de nos secteurs d’activités qui nécessitent un recrutement spécifique et adapté. Un tel recrutement permettrait d’augmenter les taux de réussite et de garantir les emplois futurs dont nous avons tant besoin. Nous revendiquons l’importance de formaliser des contrats entre les établissements et les élèves ou étudiants pendant leurs études, avec un salaire minimum au niveau du SMIC. Après l’obtention du diplôme, ces jeunes professionnels pourraient ensuite servir au sein de l’établissement et fidéliser l’emploi.

Assurer la continuité et l’accès aux des soins sur tout le territoire  

Il est crucial de réguler l’installation des médecins sur le territoire pour permettre la résorption des déserts médicaux en imposant l’obligation d’assurer la permanence des soins. Nous exigeons aussi que les dossiers des médecins PADUE soient traités pour régulariser leur statut.

Il faut développer des centres de santé composés d’équipes pluridisciplinaires de professionnels salariés dans tous les territoires.

Le recours aux emplois CDD et surtout à l’intérim qui pèse lourdement sur les budgets des établissements, ne garantit ni la bonne gestion des effectifs ni la qualité du service rendu. Il est donc nécessaire de privilégier la titularisation et le recrutement en CDI.

Prendre soins des conditions de travail des personnels

L’amélioration des conditions de travail des personnels doit être une priorité. Cela passe par la reconnaissance de la pénibilité de ces métiers, avec un départ à la retraite anticipé et une réduction du temps de travail à 32 heures par semaine. Il est également essentiel de respecter la réglementation en matière d’organisation et de temps de travail (deux jours de repos par quinzaine, dont deux consécutifs, abrogation des journées de 12 heures, respect des temps de repos pendant le temps de travail et des temps d’échange entre les équipes, etc.). Enfin, il est nécessaire de mettre fin au recours aux heures supplémentaires non assujetties aux cotisations sociales qui sont  des recettes en moins pour la sécurité sociale.

Le développement de la Médecine du travail, pour la mise en place d’actions de prévention et le suivi médical des salariés doit être effectif pour permettre une meilleure prévention et reconnaissance de l’imputabilité des employeurs en matière d’accident de travail, de maladie professionnelle, d’invalidité etc. qui doivent avoir comme obligation de diminuer la sinistralité.

Il faut créer de meilleures conditions pour reclasser les personnels « cassés » par le travail et augmenter les postes aménagés.  La remise en place des CHSCT est plus qu’indispensable dans tous les établissements pour garantir la protection des salariés.

Garantir une prise en charge de qualité

Pour garantir une bonne prise en charge des personnes accueillies, il est nécessaire de mener une réflexion sur des ratios d’encadrement entre professionnels et patients / résidents dans toutes les structures. Leur augmentation permettrait à la fois d’améliorer les conditions de travail des personnels et la qualité de prise en charge des personnes.

Concernant plus particulièrement la prise en charge dans les EPHAD ainsi que dans le secteur de la psychiatrie, la CGT demande l’interdiction du recours aux grands groupes lucratifs dans la santé et l’action sociale. Cette prise en charge devrait être assurée uniquement par le service public ou par des missions de services publics confiées au secteur associatif privé, sous conditions, et soumis au contrôle.

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Mireille Stivala, « Un système de Santé qui fait honte aux professionnels et fait défaut aux besoins de la population », Les Cahiers de santé publique et de protection sociale, N° 50 septembre 2024.