L’auteur procède à une analyse du système de soins qu’il distingue du système de santé. Il plaide pour un changement d’approche qui ne soit pas basé uniquement sur la question des moyens financiers. Il propose 5 directions ou chantiers : renverser la pyramide des services de soins, contrôler la spirale des surconsommations, tous les médicaments ne sont pas utiles, l’équipe médicosociale de proximité comme meilleur spécialiste, et l’implication des concernés : une condition et exigence démocratique.
Abstract : The author proceeds to an analysis of the care system which he distinguishes from the health system. He pleads for a change of approach that is not based solely on the question of financial means. It proposes 5 directions or projects: reversing the pyramid of care services, controlling the spiral of overconsumption, not all drugs are useful, the local medico-social team as the best specialist, and the involvement of those concerned: a condition and requirement democratic.
Réformer, refonder, renforcer « nos hôpitaux, voire nos systèmes de santé »… Confondant allégrement soins et santé, de telles déclarations et engagements reviennent régulièrement dans les agendas politiques, ici et ailleurs. Surtout pendant ou après chaque situation de « crises ». Sous la pression évidemment des événements et de leurs poids dans l’opinion et les médias. Nos vécus lors de cette pandémie liée au Covid 19 ont encore aiguisé ces incontournables exigences. On se rappelle les engagements d’un président français, solennel, nous promettant d’en faire un bien commun malgré ses vétos par la suite sur la levée du monopole sur les brevets et technologies autour des vaccins, pour en faire un bien partagé[1].
Les flots médiatiques ne peuvent nous faire oublier les cris de « faillite du système de soins » en Tunisie ou la course des citoyens affolés en Algérie pour secourir leurs proches, lors de la vague meurtrière de l’été dernier suite à l’accélération brutale de la circulation du variant Delta du Sars Covid-2[2]. Les scènes de panique et de solidarité au Sénégal n’ont pas échappé aux yeux curieux du reste du reste du monde. Plus récemment, les scènes et les alertes sur le débordement des services d’urgence hospitaliers publics en France ont de nouveau envahi nos écrans. Des promesses de changements ne sont pas seulement proclamées en France, pays aux ressources appréciables, mais aussi dans la plupart des pays aux marges plus étroites, particulièrement ceux de la sphère francophone.
Réactions salutaires en ces circonstances ou vaines incantations quand on sait les déceptions en France après le Ségur de la santé[3], ou plus récemment la teneur du programme sommaire affiché par le président réélu. Réactions exemplaires en Tunisie où les plus convaincus du nécessaire redressement, au sein des institutions comme au sein de la société, avaient déjà lancé une vaste consultation, le dialogue sociétal sur la santé, recueillant les avis et propositions des citoyens[4], et élaboré un document porteur d’une vision et de stratégies de santé au profit de tous[5]. Réactions redondantes en Algérie où, à coup d’assises nationales et d’un énième plan, le pays est engagé in fine dans la réalisation d’un grand ensemble hospitalier dans la capitale[6]. Les résultats ou leurs projections débouchent toujours sur les mêmes logiques : un peu plus de moyens aux hôpitaux, bâtir, équiper, numériser et courir après des effectifs pillés aux autres[7] ou pousser à la privatisation.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Les raisons sont anciennes. Je les ai décrites dans Blouses Blanches colère noire. Les cliniques privées et les médecins libéraux participaient à leur prise en charge. Beaucoup ont fermé, les contraintes liées à une tarification insuffisante les en ont détournés. Cinq millions de Français n’ont plus de médecin traitant et affluent aux urgences pour le moindre bobo. La quasi-gratuité fait le reste. La complémentarité public/privé a été détruite depuis 1996. Les cliniques regroupées dans des chaines ne sont plus intéressées par les urgences à cause d’une tarification en moyenne quatre fois inférieure pour les actes non-programmés par rapport à l’hôpital. Elles s’orientent vers les soins les plus rentables pour ne pas disparaitre. En conséquence, les urgences affluaient de plus en plus à l’hôpital, leur nombre avait doublé en 10 ans. Il a dépassé en 2019 le chiffre effarant de plus de 25 000 000 passages. Les cliniques de taille humaine qui les assurent ont disparu, étouffées par les normes et les agences de santé. Compte tenu d’un numerus clausus trop serré, les médecins ne sont plus assez nombreux en ville pour assurer les urgences. Le rôle des médecins de ville est pourtant fondamental. L’avalanche de normes et la sous rémunération des actes les en ont détournés. Le défaut de formation participe à cette crise car les médecins généralistes ne sont plus formés à la petite chirurgie, comme les sutures, et ne veulent plus garder ouvert des cabinets le soir pour accueillir les urgences pour des consultations non-programmées et mal rémunérées. La réorganisation des services hospitaliers et leur modernisation n’ont pas été entreprises. Il n’y a eu aucune réorganisation des services d’urgences et trop peu d’adaptations des locaux. Les directeurs étaient trop heureux de la manne financière qu’elles rapportaient, soit plus de 5 milliards d’euros par an. En effet, une urgence aussi bénigne soit-elle rapporte plus de 200 euros à chaque passage. Elles ont quasiment disparu avec la pandémie, ce qui démontre les abus. Pourtant des solutions existent. Un premier pas sera fait avec le PLFS de 2021 en exigeant un reste à charge d’un peu moins de 20 euros pour toute urgence non suivie d’hospitalisation et en révisant la tarification en ville des soins non programmés. Ce n’est pas à l’hôpital, avec la création des bed managers (ou gestionnaire de lits) que viendra le salut[8].
Comme on le constate, même quand il y a une volonté, des ressources disponibles, ou la formulation d’une vision et de stratégies, les rapports de forces et d’intérêts, les contextes socioéconomiques, les imaginaires formatés, n’autorisent ni de réelles avancées ni des débats sur le fond. Nous nous heurtons à des résistances et à des difficultés multiples et répétées, comme face à des murs invisibles, de fait infranchissables.
Pourquoi et sur quoi buttons-nous ?
Ces limites sont-elles conjoncturelles ou structurelles, spécifiques à chaque pays ou communes ? Sont-elles surmontables ? Nécessités de plus de ressources ? Ou faut-il changer d’approche ?
Rappelons brièvement, pour la clarté des concepts, quelques savoirs acquis
On est de plus en plus d’accord sur le fait que le système de soins ne se confond pas avec le système de santé, même si des interrelations les relient fortement.
- Le système de soins englobe l’offre et l’organisation des soins dont les pratiques, les techniques et techologies, les compétences et ressources, les filières et parcours de soins. Sans occulter les représentations sociales de la maladie et de la mort dans la tête des gens, institutionnels et autres. Et, bien sûr, la question centrale de l’accessibilité assurée ou non à toutes et tous et la solvabilité garantie par l’existence ou non d’un système de couverture médicale solidaire, durable et universelle.
- Le système de santé est un ensemble plus vaste. Outre le système de soins, d’autres déterminants le façonnent : la disponibilité et l’accès à une eau saine et suffisante, à une alimentation en quantité et qualité, un revenu décent, un toit, la sécurité et la paix, un système de protection sociale et un environnement protecteur.
Ces notions, de base, sont connues depuis la déclaration d’Alma Atta en 1978 et la stratégie des soins de santé primaires[9] définie et prônée par une OMS multilatérale. Ressasser ces composantes peut apparaitre comme une litanie. Cela nous permet d’apprécier à la fois, les progrès accomplis, peu ou prou, dans nos pays. Mais aussi les reculs et les retournements enregistrés depuis maintenant plus de 4 décennies autour de ces conditions fondamentales ! C’est dire sur le fond, la persistance voire l’aggravation des inégalités de santé pour ne cibler que celles du fait du système de soins et de santé.
Rappeler ces distinctions et ces « bréviaires » de la santé publique nous obligent à reconnaitre les aspects politiques d’une approche pertinente de toute politique de soins : qui veut-on soigner et protéger, comment et à quelle hauteur ? Mais aussi d’une approche de santé publique, forcément multidimensionnelle et multisectorielle, si on en a une vision conséquente et globale. Où, dans nos pays, a-t-on vu une conception et une planification de santé comme on parle aujourd’hui en France et à juste titre, d’une planification écologique.
La charte d’Ottawa avait pourtant engagé les pays dit riches dès les années 1986, comme la déclaration d’Alma Ata avait engagé les pays du Sud, dés 1978. Les travaux et publications au Québec ont pourtant grandement vulgarisé dès les années fin1980, les contenus et démarches de la planification sanitaire[10]. La politique de soin engage tout au moins un secteur et quelques institutions dédiées. Une politique de promotion de la santé engage tous les secteurs c’est-à-dire le pays au plus haut niveau. On voit bien les différences de périmètres et d’ambitions et toute persistance dans la confusion soins/santé aboutit de fait à un manque de clarté et de vision politique. On doit et on peut réformer un système de soins, de façon plus ou moins pertinente. La dimension de « création de milieux favorables à la santé », pilier d’une approche de promotion de la santé, telle que prônée par la Charte d’Ottawa[11], suppose une approche globale. Forcément éminemment politique. Les approches écologiques nous ouvrent, aujourd’hui, un nouvel horizon.
Dans cet écrit, nous aborderons essentiellement les conditions d’une refonte d’un système de soins dans les pays partageant la même culture de santé. Même si les questions des déterminants en santé intéressent et mobilisent de plus en plus en faveur d’une approche touchant à nos conditions environnementales, de vie et de travail.
De quoi souffrent nos systèmes de soins ?
La doxa dominante tourne autour de la question des ressources (humaines, matérielles et technologiques. Ce n’est pas faux quand on sait les niveaux inégaux de dépenses consacrées aux soins. Surtout en ces temps où la gestion de la pandémie a ouvert des vannes de financements insoupçonnées, et plus gravement les milliards consacrés, de nouveau, à la course aux armements, ici et là. Mais, un argument bien connu : l’accessibilité et l’efficacité des systèmes de soins ne sont pas corrélées aux pourcentages des dépenses de santé par rapport aux richesses d’un pays. Les USA, avec plus de 17% de son PIB, consacré aux dépenses de santé en 20018 et aux inégalités connues en matière d’accès aux soins, en savent quelque chose[12].
Un autre argument tout aussi familier : il faut plus de moyens, vu les politiques de réductions, en France et les faibles ressources, comme en Tunisie ou au Sénégal, par exemple. Là aussi, ceci est bien vérifiable. Encore faut il regarder de plus près leurs répartitions, leurs usages et surtout leurs principaux bénéficiaires[13]. En fait la logique des moyens mobilisés ou à accroitre traverse depuis l’après-guerre nos raisonnements et choix. A juste titre, tout au moins en partie quand on regarde les systèmes bien dotés comparativement à ceux des pays aux ressources amputées ou limitées. Les progrès en matière d’espérance de vie, de santé maternelle et infantile, de soins en fin de vie dans nos différents pays en témoignent[14]. Comme on réalise encore mieux les conséquences des abondons et des réorientations de nos systèmes. On en sait aussi un peu plus ce que le complexe médico industriel a réussi à en faire, dans le meilleur et dans le pire. Même là où les ressources dédiées aux soins et les investissements croissants, leurs impacts restent relativement limités. L’efficience n’est pas toujours aux rendez-vous de nos efforts. Et les inégalités de santé sont toujours là sans compter les inégalités sociales dans leurs rapports dialectiques.
C’est pour cela, que nous pensons, au vu de tous les travaux documentés, que la logique des moyens ne suffit pas, à elle seule, à assurer la pertinence de nos systèmes de soins. Que la pertinence n’est pas corrélée aux seules sommes injectées. Ce constat est bien connu par les économistes en tous domaines.
Changer d’approche : des directions, décisives à nos yeux
Dans les pays dits développés, comme en France, la logique des moyens a connu un essor remarquable avec les accords historiques noués durant la Résistance et après-guerre. La rente coloniale, une partie des retombées de l’industrialisation et la solvabilisation d’une protection sociale arrachée de haute lutte, ont soutenu la poursuite de cette logique. Dans les pays du Nord et d’autres contrées, sous d’autres influences, un autre modèle a prévalu. De l’Angleterre, avec son NHS aux pays scandinaves et anglo-saxons aux orientations sociales- démocrates, d’autres logiques ont été choisies et mises en œuvre. Avec des résultats plus probants ou identiques. L’OMS, dans ses fondements et moments les plus engagés, a mis au point depuis les années 1970, des concepts et des stratégies que les pays du Sud ont éprouvés avant les retournements des fameux programmes d’ajustements prônés par le FMI et la BM. Ils sont toujours d’actualité et mon ami et collègue Tunisien, le Dr Abdelwahed Abassi, pionnier de cette approche, ne cesse de les revendiquer à travers l’exigence du « revenir à nos fondamentaux ». Nostalgique ou lucide ?
D’où nos 5 directions ou chantiers :
* renverser la pyramide des services de soins,
* contrôler la spirale des surconsommations,
* tous les médicaments ne sont pas utiles,
* l’équipe médicosociale de proximité : le meilleur spécialiste,
* l’implication des concernés : une condition et exigence démocratique.
On se contentera de les citer, pour ne pas charger cet écrit et d’en renvoyer les argumentaires et références dans les travaux cités ci-dessous.
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Renverser la pyramide des services de soins sur sa base
Cette proposition imagée nous a été longuement répétée par notre maitre et regretté, le Pr Pierre Chaulet. A coup de schémas et de flèches, il n’arrêtait pas de nous démontrer ce que d’autres travaux ont repris[15]. La pyramide des services est à l’envers, il faut la renverser, disait-il. Si plus de 80 % des pathologies, des recours et des demandes relèvent des services ambulatoires, il est urgent d’organiser prioritairement ces services utiles à la majorité des patients et citoyens. D’où la base de la pyramide. Les 20 % de soins complexes pour une faible partie des patients et malades, nécessitant une hospitalisation, relèveraient des établissements dédiés, en moins grand nombre. D’où la pointe de la pyramide. Des services de base ( postes de santé, centres de santé, polycliniques, maternités ici, des maisons médicales, de santé et cabinets de groupes là-bas), pour accueillir en tous temps et tous lieux tout le monde.
L’Algérie, la Tunisie et le Maroc, tout particulièrement, disposent aujourd’hui encore de ce réseau public maillant tout le territoire. Ils ont été, des années 1960 à 1990, les principaux contributeurs décisifs à la prise en charge des citoyens enfin reconnus après les indépendances, et aux reculs significatifs de la mortalité et de la morbidité. Délaissées en grande partie, depuis la mise en œuvre des « réformes à la FMI et à la BM », ces structures de proximité sont devenues aujourd’hui des« centres dépourvus pour les démunis… Les plus débrouillards ou introduits s’ingéniant et s’épuisant à les contourner pour engorger les services d‘urgences et hospitaliers »[16]. Étonnement, nous entendons les mêmes constats du directeur général de l’assistance publique des hôpitaux de Paris ou l’urgentiste débordé de l’hôpital de Cherbourg. En France et aujourd’hui ! Evidemment dans des proportions relatives aux contextes de ces pays. Mais n’y a-t-il pas en commun un modèle, fondé sur des politiques qui ont misé sur le tout hôpital, poussé à la privatisation au niveau des services ambulatoires au nom de prises en charges de pointe comme en France ou « modernes » dans les pays moins dotés. Mais soumis aux mêmes enseignants, experts et autres préconisations de bailleurs dits désintéressés ?
Les crises notamment de l’hôpital public, itératives et résistantes à toute réforme, ne sont-elles pas la résultante d’un engorgement du 3ème palier par défaut des premières lignes ? Jusqu’à quand l’hôpital, notamment public restera-t-il le lieu de tous les recours, des 1ers soins aux soins ultimes ? D’où la nécessaire réhabilitation des soins essentiels de 1ère ligne.
L’hôpital public ne peut être à l’aise dans ses fonctions que soulagé de la pression des soins et des urgences de premier recours. En aval de cette 1ère ligne, le renforcement du réseau hospitalier est effectivement plus qu’urgent. Non pas seulement avec plus de moyens mais avec une nouvelle logique de statut et de fonctionnement. Cela impose de rompre avec la T2A et les concepts et vocables du ‘‘Lean management’’ et du tout virtuel. Avec en appui des établissements privés repositionnés sur la base d’un conventionnement de missions de service public.
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Contrôler la spirale des surconsommations
L’offre de soins n’a pas besoin de plus de soins et d’examens, mais au contraire de soins appropriés et de maîtrise des logiques de surdiagnostics et de surprescriptions. Les surmédicalisation/sous médicalisation sont dommageables et ruineux pour nos systèmes de protection sociale solidaires. Confère pour développement sur cette thématique nos travaux, colloques et publications du collectif http://surmedicalisation.fr/
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Tous les médicaments ne sont pas utiles
L’ouverture d’un véritable chantier non pas seulement sur les contours d’un pôle public du médicament mais dans sa principale mission : promouvoir et négocier une liste prioritaire (ou nomenclature) des médicaments jugés essentielscomme en Suède et les pays qui ont suivi les préconisations de l’OMS.
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L’équipe médicosociale de proximité : le meilleur spécialiste
La valorisation prioritaire et significative des professions paramédicales dont principalement les infirmier(e)s et aide-soignant(e)s et des médecins généralistes au sein d’équipes pluri-professionnelle de proximité. Les centres de santé et maisons médicales deviendraient ainsi les portes d’entrée et de régulation des autres niveaux de soins. Intégrés au sein d’un réseau revalorisé, un nouvel élan peut être donné à la de PMI, à la santé scolaire, à la médecine du travail et aux Maisons des adolescents. La promotion du salariat et d’autres formes d’exercice en équipe. La main mise moyenâgeuse de l’ambulatoire par « la médecine libérale à tarif libre» et l’exercice en solo depuis les années 1927/1947, ne peut être une fatalité.
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L’implication des concernés : une condition et une exigence démocratique
L’implication des citoyens, des patients et des malades peut s’entendre à différents niveaux et sous diverses formes. Regardons tout au moins : l’écoute, la prise en compte et les droits. L’écoute passe par la disponibilité, intellectuelle et pratique, des soignants à savoir prendre le temps pour entendre, décrypter et composer avec les patients quant à leurs vécus, savoirs, ressources et marges de choix. Or c’est ce temps, cette formation et cette posture qui leur manquent le plus. La prise en compte de leurs conditions de vie et de travail et avant tout de leurs représentations, émotions, préjugés et croyances, est centrale dans les conditions de l’acceptabilité et la faisabilité de toute offre de soins et de prévention.
Leurs droits sont multiples et fondamentaux. Ils s’imposent de plus en plus dans les sociétés où les citoyens les ont arrachés. Ils restent à conquérir dans les sociétés où ces droits sont étouffés. Outre le respect de toute personne, le droit à intervenir auprès des soignants et au sein des services de santé et peser sur les politiques et les choix de soins et de santé reste à parachever ou à conquérir. La crise liée à la dernière pandémie a montré à quel point les droits des malades, la voix des associations, les cadres de concertations (commission, comité, conférences de santé et autres), ont été ignorés ou tout au moins peu pris en compte. En France, il a suffi de quelques mois pour balayer des années d’efforts et de petits pas en matière de démocratie sanitaire ou en santé. La loi sur les droits des malades a été occultée. Dans les pays du Maghreb, l’état de crise et d’urgence ont encore plus écrasé le long chemin vers la conquête des droits fondamentaux.
En conclusion
Comme on le note, refondre ou même reformer nos systèmes de soins et de santé, passe par plusieurs conditions. La première est conditionnée par le poids des opinions, des urnes, et des groupes de pression pour que le décideurs soient « sous pression » d’une commande sociale. Cet axe est au prix du temps d’expériences cumulées et de longs efforts. La deuxième dépend des capacités des lanceurs d’alertes et personnes indépendantes, d’institutions d’intérêt public, un tant soit peu vigilantes et de textes à force de lois, pour traquer et dénouer la nature des liens d’intérêts entre décideurs, experts et prescripteurs avec les profits et les profiteurs.
La troisième suppose un effort intellectuel et politique pour apprendre la nature et la force des modèles, ou des paradigmes et des processus de reproductions. Une approche hospitalo- centrée, emportée par la logique des soins à tout prix, et infiltrée par des liens d’intérêts dictés par le marché et les lois du profit est un modèle. Il a été façonné pour ce qui concerne la France après-guerre. Le CHU en aura été in fine la chapelle ardente et la matrice reproductive. La période coloniale a vu naturellement son extension dans les « anciennes colonies françaises », pour un peu de meilleur et beaucoup de pire. Une partie de nos élites, la densité des liens humains et marchands, ainsi que les démarcheurs et intermédiaires de toute sortes l’on installe et entretenu. La courte période des années post indépendance -1960/1990- leur ayant échappé, ont permis les trois décennies d’adoption d’un autre modèle, celui prôné par l’OMS, à côté de la persistance du modèle hérité. Depuis nos errements et égarements n’ont pas cessé.
Plus grave ici, comme là-bas, on ne se permet ni de penser ce modèle, ni encore moins de le repenser. L’autonomie, les indépendances, surtout de pensée, se débattent et se conquièrent. Comme d’ailleurs les défis autour du climat et de l’avenir de nos enfants.