L’auteur dénonce l’inadaptation des CPTS prévues par la loi qui sont maintenant passées sous le contrôle des médecins libéraux. La population est éloignée du dispositif et les financements serviront les intérêts de quelques-uns. Il prend l’exemple de la région des pays de la Loire.
Abstract :
The author denounces the inadequacy of the CPTS provided for by law, which have now come under the control of liberal doctors. The population is far from the system and the funding will serve the interests of the few. He takes the example of the Région des Pays de la Loire.
Ces regroupements (Communautés professionnelles territoriales de santé) sont nés de la Loi de Modernisation du Système de Santé de Marisol Touraine de janvier 2016. Elle souhaitait initialement créer un Service Public Territorial de Santé, concept issu du rapport de Bernadette Devictor (présidente de la Conférence Nationale de Santé) qui proposait de créer un dispositif maillant le territoire national avec une complémentarité entre deux services publics, un à créer pour l’ambulatoire le SPTS, et l’autre, le service public hospitalier, pour développer une approche populationnelle et territoriale de l’organisation du système de santé, avec un élément central et cohérent du projet, un lien étroit entre ambulatoire et hospitalier.
Là encore les libéraux, hérissés contre le principe même de service public, ont mené une bataille rangée contre cette approche qui devait répondre aux besoins des populations sur tout le territoire et ils ont obtenus, avec l’abandon du gouvernement, un changement radical du contenu du projet.
C’en était fini de la place du service public hospitalier dans cette complémentarité, c’en était fini du pilotage par la puissance publique, les ARS ne faisant qu’enregistrer les projets de santé portés par des équipes de libéraux volontaires. Encore la liberté, d’entreprendre, d’installation et de se gérer !
Cette organisation qui devait couvrir la totalité du territoire national, montre qu’il ne s’agit que d’une dentelle de territoires, constitués au gré des intérêts des uns et des autres, des ententes entre copains des syndicats médicaux, sous l’emprise principalement des URPS des médecins libéraux (Union régionale des professionnels de santé). La cartographie de Rezone CPTS (outil de l’Assurance Maladie) montre que 4 ans après le lancement, les territoires couverts ne sont même pas superposables aux zones déficitaires en médecins. Après l’avoir vidé de sa substance, ils ont changé un projet centré sur la population et les territoires en un projet centré sur les professionnels et surtout les médecins ; il ne restait plus qu’à prendre les moyens prévus à cet effet.
L’article du 25/01/22 d’Hospimédia présente le nouvel Atlas des CPTS publié par la Direction Générale de l’Organisation des Soins. Le crédo du gouvernement est présenté en introduction de la page de la DGOS[1] : « De par les réseaux de professionnels qu’elles fédèrent, les CPTS jouent un rôle essentiel dans le maillage du territoire pour répondre au mieux aux besoins de santé des usagers, patients comme résidents. Pour visualiser cette couverture régionale et nationale de la population, le ministère met à disposition un atlas des CPTS afin de suivre au plus près l’évolution du dispositif. ».
Lorsqu’on regarde de près ce montage, on a du mal à comprendre de quelle façon les CPTS pourraient répondre aux besoins de santé des usagers dans les déserts médicaux. Les CPTS ont pour missions socles l’amélioration de l’accès aux soins des patients sur leur territoire (trouver un médecin traitant aux patients qui n’en ont pas); organiser les parcours de santé, en gros permettre l’accès des patients aux soins non programmés ne relevant pas des services d’urgences hospitaliers (mais qui relèvent dorénavant des Service d’Accès aux Soins -SAS- pour lesquels d’autres financements sont mobilisés, les SAS étant généralisés depuis le 1er janvier 2022) et au moins une mission de prévention.
Cet Atlas montre par exemple que la Région Centre Val de Loire est en tête pour la métropole du nombre de CPTS en activité ou en cours de création (25 en tout qui couvrent ou couvriront 78% de la population), or il apparait que cette région est aussi en tête pour les déserts médicaux. Il apparait donc impossible pour les médecins du territoire de répondre aux missions socles de la convention alors qu’ils refusent déjà de prendre des nouveaux patients car ils sont saturés. Ceci a conduit le Conseil Régional du Centre Val de Loire à créer le premier centre régional de santé multisite, pour répondre aux besoins de la population.
Quelle est donc la plus-value et le retour concret pour la population qui justifier les centaines de milliers d’euros distribués chaque année à chacune des CPTS qui ont signé cette convention pour le bénéfice, sans contrôle, de quelques libéraux en activité membres de ces CPTS ? En effet si le volume (théorique) de population couverte est connu, le nombre de professionnels, plus singulièrement de généralistes, ne l’est pas et ce que nous en savons c’est que c’est loin d’être la majorité.
La lecture d’Hospimédia du 27/01/22 permet de comprendre l’enjeu économique pour les libéraux membres et dirigeants des CPTS, pour la plupart aux mains des URPS. Un décret à paraître fixe les modalités de fonctionnement des CPTS, notamment les conditions de versement d’indemnité ou de rémunération pour leurs membres et dirigeants. « Le projet de décret précise ainsi que les indemnités sont destinées « à compenser la perte de ressources entraînée pour les membres et les dirigeants par les fonctions qu’ils exercent au sein de la CPTS ». Les rémunérations sont quant à elles destinées à rétribuer leur participation à la réalisation des missions de service public de cette CPTS. »,
La somme totale de ces indemnités ou rémunérations ne doit pas excéder le plafond annuel de la Sécurité sociale qui est de 41 136 € soit 3 428 € par mois. Ce qui représente une augmentation d’environ 50% en moyenne de revenus pour les libéraux ! Une paille…
On comprend mieux pourquoi Jacques Battistoni président de MG France, interpelé au dernier congrès des centres de santé sur l’exclusion des CdS de la gouvernance de la plupart des CPTS, a bafouillé qu’il s’agissait de problèmes entre syndicats libéraux. De fait, ils ne veulent ni témoins ni partage. On comprend aussi pourquoi ils sont franchement contre l’obligation d’installation selon les besoins de la population car ils n’auraient pas le même rapport de force leur permettant d’être les seuls maitres de la gestion de l’organisation de l’ambulatoire et des moyens qui lui sont accordés.
A titre d’exemple pour les 25 CPTS de la région Centre, qui couvrent une population de 2,05 millions d’habitants, la dotation annuelle totale possible sera de 9,250 millions d’€. Pour toute la France il y avait au 30 juin 2021 134 CPTS couvrant 13,2 millions d’habitants, soit 1/5ème de la population nationale, financées dans le cadre de l’ACI CPTS. Sur la même base de rémunération, le montant possible annuel est donc de 49,580 millions d’€. A terme ce sera 250 millions d’euros à se partager !
Pour quel service à la population ? On pourrait demander aux habitants du Centre Val de Loire.