Résumé :
L’auteur constate que la Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2024 n’apporte aucune amélioration de la prise en charge du handicap dans notre pays.
Abstract :
The author notes that the 2024 Social Security Financing Law does not bring any improvement to disability care in our country.
Les projets de loi de financement de la Sécurité sociale se suivent et se ressemblent, placés sous le signe exclusif des économies comptables et sans que soit pris en considération le principe essentiel à l’origine de notre Sécurité Sociale : « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ». Seule nouveauté sans doute : l’adoption à grand renfort de 49.3 d’une loi centrale pour notre protection sociale.
Qu’en est-il des personnes ne situation de handicap ? Rappelons qu’elles sont environ 7,7 millions (chiffres de la Drees – Février 2023) dans notre pays et composent une partie des 12 millions de nos concitoyens ayant une affection de longue durée (ALD), pour laquelle une prise en charge à 100% des soins, théorique, est accordée. Théorique, car ce sont ces personnes en ALD qui ont les restes à charge parmi les plus élevés en matière de soins, alors que très souvent, elles n’ont pas les revenus suffisants leur permettant de financer une complémentaire santé correspondant à leurs besoins véritables. Elles font face à des barrières multiples dans l’accès à la santé : inaccessibilité des lieux de soins, et freins financiers, qui pourraient encore être accrus si les franchises et participations forfaitaires sont augmentées… J’en veux pour preuve le reste à charge exorbitant d’acquisition des fauteuils roulants : 900 € en moyenne pour l’ensemble des fauteuils, mais 8670 € en moyenne pour les fauteuils roulants électriques. Ces aides techniques font l’objet aujourd’hui d’un financement complexe, véritable parcours du combattant pour les personnes concernées (près de 800 000) : remboursement très limité de l’assurance maladie et dont la tarification n’a pas évolué depuis des décennies, remboursement par la complémentaire santé (lorsque l’on a la chance d’avoir un contrat haut de gamme), prise en charge par la Prestation de Compensation du Handicap versée par le Département mais également restreinte et non revalorisée depuis 2006, recours à des aides extralégales de fondations ou d’associations… Une « réforme » est en cours d’élaboration mais les modalités de tarification ne sont pas encore dévoilées, en dépit des espoirs suscités par l’annonce d’Emmanuel Macron à l’occasion de la Conférence Nationale du Handicap en avril 2023, d’un « financement intégral ». Par qui ? Sous quelles conditions ? De quelles aides techniques ?
Revenons aux autres mesures du PLFSS qui impactent les personnes en situation de handicap. Un service de repérage, de diagnostic et d’intervention précoce est créé, à destination des 0-6 ans, sans que l’articulation avec les dispositifs existants ne soit traitée. Et pour cause : l’évaluation des besoins sur les territoires est dans l’impasse, faute de moyens techniques et humains. Comment proposer un service adapté aux enfants et à leurs familles sans avoir mesuré les besoins, a fortiori dans le contexte actuel de crise aggravée du secteur médico-social ? Les professionnels, mal reconnus et mal payés, manquent et les listes d’attente s’allongent, par exemple pour avoir accès aux actuels CAMSP (Centres d’action médico-sociale précoce) et CMPP (Centre médico-psycho-pédagogiques). Il est aujourd’hui indispensable de donner aux professionnels une rémunération digne et une reconnaissance de leurs compétences. Ce service d’action précoce doit être un service public, car trop souvent, les parents sont confrontés à un reste à charge.
Par ailleurs, la LFSS prévoit des financements de la branche autonomie largement insuffisants pour mettre en œuvre une véritable politique de soutien à l’autonomie, fondée sur les besoins des personnes, quel que soit leur âge et leur situation de handicap. L’objectif de dépenses de cette branche pour 2024 est de 39,9 milliards d’euros, certes en hausse de 5,2% par rapport à 2023, mais alors que le besoin de financement complémentaire a été évalué à 10 à 12 milliards d’euros pour les seules personnes handicapées (étude mandatée par le Collectif Handicaps qui réunit 52 associations). En lieu et place d’une branche autonomie étriquée, il faudrait viser au « bien vivre » pour toutes et tous, sans exclusion d’âge et de situation de handicap. C’est pourquoi la barrière d’âge de soixante ans, qui sépare aujourd’hui le champ des personnes en situation de handicap de celui des personnes âgées, à la seule fin de faire des économies, doit disparaître. Sa suppression était d’ailleurs prévue en 2015 dans la loi « handicap » du 11 février 2005 mais n’a jamais été à l’ordre du jour. Les situations de handicap sont toujours présentes après 60 ans et de nombreux besoins ne sont pas couverts car le vieillissement des personnes en situation de handicap est très largement un impensé des politiques publiques.
Une nouvelle fois, il est urgent de mesurer les besoins et d’y répondre, au lieu d’être guidé par la seule boussole des économies budgétaires. Il est urgent de modifier en profondeur les dispositifs existants, en plaçant la personne handicapée au centre. Elle doit avoir accès à un accompagnement de proximité, de qualité et correspondant à ses besoins : au domicile en priorité car vivre au cœur de la cité est une émancipation, mais pas sans accompagnement s’il est nécessaire ; auprès d’un service ou d’un établissement en tant que de besoin.
Au lieu de mettre les besoins des personnes au point de départ des politiques publiques, ce PLFSS évoque la création de 50 000 « solutions », promises par Emmanuel Macron (non, les personnes handicapées ne sont pas un « problème » !), sans logique politique sous-tendant la répartition et en reportant la charge financière sur les départements, donc sans garantie de mise en œuvre réelle et en poursuivant le désengagement de l’Etat, amorcé depuis dix ans… L’accompagnement des personnes handicapées doit relever de la solidarité nationale, avec un soutien financier adapté aux besoins et un droit à compensation, reconnu dans les textes internationaux, enfin effectif et couvrant l’ensemble des situations, y compris les plus complexes.