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Sécurité sociale alimentaire: sans doute pas la bonne solution !

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Résumé :
L’auteur présente ici les raisons qui poussent certains à proposer comme solution à la crise alimentaire et agricole actuelle une perspective basée sur un système de cotisations. Elle démontre qu’un tel système ne répondra en rien aux espoirs suscités. La première urgence est d’augmenter les salaires pour que les gens puissent se nourrir correctement.

Abstract :
The author presents here the reasons which push some to propose as a solution to the current food and agricultural crisis a perspective based on a system of contributions. It demonstrates that such a system will in no way meet the hopes raised. The first emergency is to increase wages so that people can feed themselves properly.

Des agriculteurs au bout du rouleau, qui ne vivent pas de leur travail, des terres épuisées par une culture intensive, la sécheresse qui se renouvelle d’année en année, des Français qui se restreignent de plus en plus sur leurs dépenses alimentaires et la malbouffe, le constat est implacable et appelle à des réponses globales vis à vis de cette crise agricole, environnementale, alimentaire et sociale.

C’est ainsi qu’est né le projet de Sécurité Sociale Alimentaire (SSA), qui fait rêver des progressistes, d’autant plus que la symbolique de la Sécurité Sociale est forte. Mais la beauté des mots ne suffit pas. Face à ce capitalisme impitoyable à l’origine de cette crise globale aux facettes multiples, il faut une lutte de classe résolue, harcelant la grande bourgeoisie, aggravant les contradictions de ce mode de production jusqu’à dépasser le capitalisme. Après des rappels, ce qu’est la SSA et les principes et l’histoire de la Sécurité sociale, l’article tentera de répondre à la question de savoir si le projet de sécurité sociale alimentaire répond aux objectifs annoncés. Il conclura, après un détour théorique, sur des propositions alternatives plus réalistes pour répondre aux enjeux majeurs que soulèvent à juste titre les promoteurs de la SSA.

Rappel

a) Qu’est ce que la sécurité sociale alimentaire ?

Le projet de sécurité sociale alimentaire est né à partir de 2019 à l’initiative du groupe thématique Agricultures et Souveraineté Alimentaire d’Ingénieur·e·s sans frontières, rejoint rapidement par la Confédération Paysanne, le réseau Salariat autour de Bernard Friot et d’autres organisations.

L’analyse conduisant à ce projet ne peut être que partagée : les revenus insuffisants de trop d’agriculteurs, l’enjeu environnemental et la difficulté de nombreuses familles à bien se nourrir. On ne peut que souscrire aussi à l’idée qu’il faut une politique universelle et pas seulement des mesures pour les « pauvres », qu’un processus démocratique est nécessaire pour une vision globale permettant de régler les contradictions inhérentes aux droits des agriculteurs, aux impératifs environnementaux et à l’aspiration à une nourriture saine pour toutes et tous.

Selon le socle commun de ce collectif « Concrètement et sur le modèle du système de santé, une carte vitale de l’alimentation donne accès à des produits conventionnés pour un montant de 150 €/mois et par personne. Le conventionnement repose principalement sur des caisses primaires gérées démocratiquement au niveau local, et articulées avec une instance nationale composée de membres représentants de ces caisses. » Le financement reposerait sur la cotisation.

Ce socle commun est l’état des propositions communes, alors que des débats continuent  sur les modalités de mise en œuvre. Deux documents sont plus développés : celui du groupe des agronomes et un livre de Laura Petersell et Kévin Certenais « Régime général pour une sécurité sociale de l’alimentation », disponible en ligne sur le site du réseau salariat. Notons d’ailleurs que le groupe autour des agronomes fait le lien entre salaire à vie et SSA tout en disant que ce sont deux propositions qui peuvent converger, mais aussi être portées séparément pour avancer plus vite vers la SSA.

b) La Sécurité Sociale : ses fondamentaux et son histoire

Le but de la Sécurité sociale a été défini par le programme du Conseil National de la Résistance : « un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ». Mise en place sous la responsabilité du Ministre communiste du travail, Ambroise Croizat, elle repose sur un double principe de solidarité intra et intergénérationnelle : « je cotise selon mes moyens et reçois selon mes besoins »; sans lien entre celui qui paie et celui qui reçoit, contrairement au système assurantiel. Ses principes d’unicité et d’universalité assurent une vraie solidarité de l’ensemble de la population et font société. Les cotisations d’aujourd’hui, part prélevée sur les richesses produites, sont les prestations d’aujourd’hui, permettant à cette part des richesses produites d’échapper aux marchés financiers (contrairement par exemple à des plans d’épargne retraite) et à l’appétit des actionnaires.

Ce qui caractérise la création de la Sécurité sociale française à la différence d’autres régimes de protection sociale, c’est la volonté politique qui la sous-tend : s’émanciper des règles de l’exploitation capitaliste et renforcer le pouvoir des travailleurs pour lutter contre les logiques du capital. Reprenons les idées forces d’Ambroise Croizat :

– En premier, évidemment, sécuriser les travailleurs et leurs familles contre les aléas de la vie.

– Deuxièmement, contribuer à relancer l’économie du pays tout en ouvrant la voie à un développement productif national mieux maîtrisé par les salariés et les pouvoirs publics, et moins à la main du patronat. En lien avec d’autres réformes de la période (création des comités d’entreprise, création d’entreprises publiques, statut du fonctionnaire d’Etat), en prélevant une partie de la richesse produite pour répondre au financement de certains besoins sociaux plutôt que de la laisser partir en profits, la Sécurité sociale participait à l’amélioration de la qualité des forces productives et au fond, au développement d’une croissance socialement efficace.

– Troisièmement, unifier le salariat pour renforcer le pouvoir des travailleurs face à celui du patronat et de la bourgeoisie à travers des droits communs.

Dans ce contexte de l’immédiat après-guerre, la mise en place de la Sécurité sociale fit l’objet de compromis, en particulier avec les mutuelles et la médecine libérale. Par contre, du fait de son soutien majoritaire au nazisme, le patronat n’était pas en position de force. Il n’aura de cesse de s’attaquer à cette conquête sociale avec la collaboration des gouvernements successifs.

Sans reprendre toutes les attaques qui ont fait perdre à la Sécurité sociale une partie de son sens original, notons trois grandes dates : les ordonnances de 1967 instaurant le paritarisme, la mise en place de la CSG par Michel Rocard et les ordonnances Juppé instituant le vote par le parlement de la loi de financement de la Sécurité Sociale et l’ONDAM. Ces réformes marquent le recul de la démocratie sociale, le recul de la cotisation, remplacée par un mécanisme proche de l’impôt et la limitation des dépenses, confiée au parlement dans une république devenue de type présidentielle.

Il y a aussi eu la modulation du montant des allocations familiales en fonction du revenu, mise en place sous la Présidence de F. Hollande : une petite mesure, une petite économie mais une grande perte de sens en terme d’universalité ! Ainsi sous les coups de boutoir conjugués du patronat et des gouvernements successifs la Sécurité sociale a régressé mais la solidité de ses principes fondateurs lui a permis de perdurer depuis 1945, de servir d’amortisseur lors des crises.

Le projet de Sécurité sociale alimentaire répond il aux objectifs annoncés ?

Nous allons nous placer successivement du côté de la population puis de celui des agriculteurs. Rappelons le but de la Sécurité Sociale : assurer des moyens d’existence dans tous les cas où les personnes sont incapables de se le procurer par le travail. Les revenus de remplacement sont là pour permettre, entre autre, l’alimentation, à ceux qui ne peuvent travailler. Donner une carte vitale de l’alimentation à tous change le sens de la Sécurité Sociale.

La précarité alimentaire s’aggrave : d’après une étude du CREDOC de mai 2023, la part des Français se privant d’alimentation est passé de 12 % à 16 % en 6 mois. Il y a urgence à lutter pour des augmentations de salaires, des revenus de remplacement et pour que tous ceux qui le peuvent aient un travail. A lutter pour créer un revenu pour les étudiants. La Sécurité sociale est là pour les revenus de remplacement : augmentons les retraites, augmentons les allocations familiales. Nul besoin d’inventer une nouvelle branche !

Faudrait-il d’ailleurs affecter une somme attribuée aux familles à l’alimentation ? On fustige violemment ceux qui voudraient transformer l’allocation de rentrée scolaire en bons d’achat,  trouvant intolérable ce mépris pour les familles populaires. Ce serait différent pour l’alimentation ? D’ailleurs, ce projet de Sécurité sociale alimentaire n’est pas porté par les couches populaires qui veulent surtout vivre dignement de leur travail, mais est issu du monde de l’agriculture.

Voyons maintenant du côté des agriculteurs.

La logique capitaliste se base sur la surexploitation et non sur la reproduction des ressources (fertilité de la terre, ressources en eau). Seul le présent compte pour générer des profits immédiats. Les agriculteurs ne peuvent faire le poids face à des entités capitalistes mondialisées et ils sont voués  à continuer à s’auto-exploiter moyennant soumission à l’agroalimentaire ou à vendre leur force de travail, devenant salariés des investisseurs et fonds de pension qui lorgnent sur les terres agricoles. La substitution du travail par du capital asservit de plus en plus les producteurs à leurs fournisseurs en les rendant dépendants de marchandises produites ailleurs. Ces transformations, non seulement maltraitent les agriculteurs, l’environnement et notre alimentation, mais mettent en cause la souveraineté alimentaire de la France. Alors que notre pays était excédentaire en 2000, en 2020 la France doit importer 20 % de denrées alimentaires pour couvrir ses besoins.

Poursuivons un peu le constat ! L’agrobusiness tente aussi de récupérer le bio, les circuits courts, contribuant là aussi à tirer les prix vers le bas, aggravant la difficulté de ceux qui se sont engagés dans cette voie. Et le don alimentaire vient en renfort du système agro-industriel, lui permettant pour maximiser son profit, d’être en surproduction constante et de bénéficier de déductions fiscales liées aux dons !

Mais la SSA est-elle la solution ? Cela passerait par un conventionnement avec les agriculteurs. C’est le système qui a été retenu à la libération comme mode de relation entre les médecins et la Sécurité sociale parce qu’il fallait arriver à un compromis, et l’expérience montre que ce n’est pas très performant pour l’accès aux soins sur tout le territoire ! On peut aussi parler du prix des médicaments et faire le parallèle : le remboursement par la Sécu des médicaments n’exclut pas les profits des laboratoires pharmaceutiques ! L’évolution de la réflexion est plutôt d’aller vers un service public de soins de premier recours, vers un pôle public du médicament.

Les agronomes sans frontières analysent assez justement ces difficultés du conventionnement et proposent la mise en place de critères sociaux et environnementaux élaborés démocratiquement par les caisses mais comme le souligne Marc Mangenot dans une note de la fondation Copernic, on ne voit pas bien comment la production d’aliments répondant aux critères de qualité voulus pourrait être suffisante à court et même à moyen terme, d’autant plus que l’agrobusiness va mettre des bâtons dans les roues !

Le réseau salariat avec le livre évoqué plus haut « Régime général pour une sécurité sociale de l’alimentation » répond à la question de l’exploitation des agriculteurs dans le système capitaliste, par le salaire à vie avec des entreprises qui sont des copropriétés d’usage, des collectifs de travail autogérés. Il s’agit en fait de commencer à installer le salaire à vie par le secteur de l’alimentation. Quel beau rêve ! Mais comment on y parvient ?

C’est concrètement qu’il faut poser la question des rapports des agriculteurs avec les banques, avec l’agrobusiness. Sinon, le projet de SSA perd son sens, peut être récupéré. D’ailleurs le très officiel Conseil National de l’Alimentation a repris l’idée de SSA dans un de ses avis. On ne peut que partager le commentaire par la CGT de l’agroalimentaire sur cet l’avis  : cela « s’apparente soit à une nouvelle institutionnalisation de l’aide alimentaire, soit à un « coup de pouce » au chiffre d’affaires de quelques agromanagers ou entreprises des industries agroalimentaires qui ne s’en cachent pas. » L’agrobusiness ne laissera pas faire sans réagir !

Des propositions alternatives à la SSA

a) Détour théorique

Vu les liens affirmés entre le projet de SSA et celui de salaire à vie, encore appelé salaire à la qualification il est intéressant de donner quelques éléments à ce sujet. Un petit détour pour préciser ce qu’est le salaire dans la conception de Marx s’impose en s’appuyant sur un article de JM Galano paru en 2016 dans Economie & Politique intitulé : « Tout travail mérite-t-il salaire ?». En résumé, il y a le travail qui ne crée que des valeurs d’usage, quand je cuisine ou bricole par exemple et il y a le travail qui crée des valeurs d’échange. Celui là, d’une certaine façon se dépersonnalise en entrant dans un processus d’évaluation sociale. JM Galano écrit : « Ce qui constitue l’apport essentiel de Marx, c’est donc la distinction opérée par lui à l’intérieur du travail humain entre production de valeurs d’usage et travail salarié comme insertion du travailleur et de son produit dans la sphère marchande. »

Le salarié vend sa force de travail, tout en créant une plus value qui va dans la poche des capitalistes. Le salaire est le prix de la force de travail, considérée comme une marchandise, une spécificité donc du mode de production capitaliste. En quoi un salaire à vie permettrait de dépasser le capitalisme ? A l’occasion des mobilisations contre la réforme des retraites, le réseau salariat a explicité ses réflexions. Il affirme que la retraite est une alternative en acte au mode de production capitaliste, qui ne demande qu’à être étendue et écrit dans un tract : « 16 millions de personnes produisent déjà grâce aux retraites en étant libérées de l’emploi et des capitalistes… » Il suffirait de généraliser et de proposer la retraite à 50 ans ! C’est une confusion totale entre la production de valeur d’usage et celle de valeur d’échange. Appeler salaire à vie la retraite n’a aucune influence sur le lien de subordination du salarié vis à vis de son employeur. Et si on veut être méchant, le salaire à vie pour les femmes cela peut être le retour à la maison : fini l’égalité professionnelle et les progrès qui se font dans le partage des taches domestiques dans le couple. Le réseau propose aussi qu’après 50 ans, tout en étant retraité, il soit possible de continuer à travailler dans son entreprise. Le travail gratuit pour le patron (gratuit car payé par la caisse de retraite) serait la solution au lien de subordination !

Le financement reposerait sur la valeur ajoutée des entreprises sauf que si tout le monde ne produit plus que des valeurs d’usage, il n’y a plus de valeur ajoutée ! La vraie question est celle de transformer les rapports de production, au profit d’une nouvelle efficacité sociale et environnementale pour satisfaire les besoins humains en mettant fin à l’énorme gâchis des capacités humaines en lien avec le chômage, le manque de formation, le mal emploi. Toute l’histoire, après la victoire électorale de 1981, a montré les limites de conceptions politiques déléguant à l’État le soin de corriger les contradictions du capitalisme. N’attendons pas des ordonnances à l’image de celle de 45 créant la Sécurité sociale, instaurant le salaire à vie ou la Sécurité sociale alimentaire !

Dépasser le capitalisme suppose de travailler ses contradictions, sa recherche du profit, antagonique de l’efficacité sociale, pour aller vers une transformation radicale de la société. C’est ce que propose le projet de Sécurité Emploi Formation. Comme le dit la résolution du dernier congrès du PCF: « Il s’agit d’un processus révolutionnaire conduisant à l’éradication du chômage, au dépassement du marché du travail capitaliste, à une mobilité choisie pour chacune et chacun et à un progrès culturel considérable par l’accès permanent et volontaire des salariés aux savoirs et aux connaissances. » Il s’agit de changer le travail en changeant l’emploi, libérer le travail en dépassant le marché du travail capitaliste, en agissant sur le lien de subordination pour libérer la créativité humaine au profit d’une nouvelle efficacité sociale.

La Sécurité Emploi Formation(SEF), c’est évidemment la sécurité de l’emploi et de la formation, mais comme l’indiquait la proposition de loi déposée par le groupe communiste en 2017, c’est aussi une autre utilisation de l’argent pour éradiquer le chômage et cela suppose de nouveaux pouvoirs des travailleurs sur les décisions relatives au financement des entreprises et à l’utilisation de leurs profits avec de nouveaux critères d’efficacité des fonds utilisés, de réels pouvoirs de décision des comités d’entreprise jusqu’à de nouvelles institutions économiques et sociales, ouvertes aux salariés et à des représentants des territoires. La SEF, c’est tout à la fois la sécurité, la démocratie sociale, l’utilisation de l’argent pour la satisfaction des besoins humains. L’intérêt de la proposition de loi, c’est de montrer que cela peut se décliner en articles très concrets, en axes de lutte, mettant des bâtons dans les roues des capitalistes. 

b) Des propositions concrètes pour l’alimentation

Prenons point par point les solutions.

Le crédit d’abord : le réseau salariat rappelle que la Sécurité sociale avait prêté dans ses premières années aux hôpitaux et considère que la SSA pourrait servir de banques aux agriculteurs ! Sauf que la thèse de B. Friot est historiquement très approximative ! A la Libération, les besoins de financements publics étaient considérables et la dette publique a fortement augmenté en s’appuyant sur la création monétaire par le Trésor public. Depuis, il y a eu la construction européenne, le passage à l’euro et la banque de France ne peut plus créer de monnaie, soumise à la banque centrale européenne. C’est bien cela que le PCF propose la création d’un Fonds européen de développement social et écologique financé par la BCE et formule des propositions pour une autre utilisation du crédit, contrôlé démocratiquement. Cela répond aux besoins de l’agriculture, comme de l’industrie !

D’une manière générale, les propositions du PCF de transformation de l’économie pour la mettre au service des humains peuvent s’appliquer à l’agriculture : donner du pouvoir aux salariés dans les entreprises, organiser des conférences régionales pour l’emploi, c’est se donner des moyens pour orienter les investissements des semenciers, de l’industrie chimique des engrais, de l’agroalimentaire vers des productions plus respectueuses de l’environnement, d’une alimentation saine, vers une économie plus respectueuse aussi des agriculteurs ! Et la Sécurité sociale a aussi un rôle à jouer, pas celui voulu par les promoteurs de la SSA, mais un rôle beaucoup plus structurel, en modulant les cotisations pour pénaliser les entreprises nocives pour l’emploi et l’environnement.

Et puis, il y a aussi des luttes plus spécifiques à mener :

  • un régime public d’assurance en cas d’aléas bioclimatiques pour sécuriser le revenu.
  • la réforme de la PAC. Comme le dit le texte adopté par le conseil national du PCF en vue des élections européennes, « Les critères d’attribution, majoritairement proportionnels à la superficie déclarée ou la taille du cheptel doivent être dépassés pour sécuriser le revenu des producteurs et soutenir l’emploi. »
  • des lois contraignantes sur la distribution comme l’intégration de la rémunération des paysans dans la définition législative du coût de production et l’interdiction d’achat de produits agricoles en deçà des coûts de production en France.
  • le développement de services publics de l’environnement, de l’agriculture, de l’alimentation, de la recherche agronomique … Il faudrait par exemple une réappropriation des circuits de transformation et de distribution, via l’investissement public dans des moyens de production (abattoirs de proximité, légumeries, etc.) et le remplacement progressif des centrales d’achat par des offices publics gérés démocratiquement par des représentants des filières, des citoyens et de l’État.

C’est cela qui permettra la nécessaire transformation agro-écologique de nos systèmes agricoles. Cela suppose une augmentation du rapport travail/capital et l’octroi de pouvoirs nouveaux pour la profession et les citoyens, via l’instauration de conférences permanentes pour planifier les besoins alimentaires de la collectivité. Cela donne du grain à moudre pour des luttes concrètes, permet de faire de l’en-commun nécessaire à la transformation radicale nécessaire de la société, à la mise en mouvement progressiste des agriculteurs, comme la lutte menée par André Chassaigne pour des retraites dignes pour les agriculteurs.

Bien évidemment, cela ne condamne pas, loin de là, toutes les initiatives locales, comme savent en prendre en particulier les élus communistes, pour rapprocher les producteurs des consommateurs, et d’ailleurs, comme le propose la CGT de l’agroalimentaire, un service public localisé de l’alimentation, adossé à une régie agricole, ouvert à toutes les personnes vivant, étudiant ou travaillant dans les communes, un service plus large que les seules cantines scolaires, serait certainement une première pierre à l’édifice d’une politique alimentaire nationale qui n’existe pas.

c) Pour la Sécurité Sociale

Pour la population globalement, la solution pour que le droit à l’alimentation soit réalité, ce sont des salaires convenables, un emploi pour tout ceux qui le peuvent avec l’éradication du chômage et des revenus de substitution dignes pour les autres. Cela renvoie à la question de la Sécurité sociale, une Sécurité sociale de plus en plus attaquée que le patronat voudrait limiter à un simple filet de sécurité pour les plus pauvres, assurant la paix sociale et permettant les profits d’un système de protection sociale passé à l’assurance privée.

A l’actif des militants de la Sécurité sociale alimentaire, on peut souligner le fait de mettre en avant la cotisation : c’est en effet une part prise sur les profits. Mais leur déconnexion des réalités leur fait oublier que sa part baisse inexorablement dans les recettes de la Sécurité sociale, avec la création de la CSG et avec les exonérations patronales. D’après le rapport de la commission de contrôle des comptes de la Sécurité sociale, les cotisations sociales ont représenté 49 % des recettes des régimes de base et du FSV en 2022. Elles représentaient 60 % en 2011, 82 % en 1993. Avant le rêve de tout financer par la cotisation, il faudrait déjà restaurer la place de la cotisation, d’autant plus que la diminution de la part des cotisations fragilise aussi l’exigence d’un retour à une gestion par les salariés !

Plutôt que la proposition de B. Friot de faire payer les cotisations sociales sur la valeur ajoutée, plutôt que sur les salaires, portons la proposition du PCF de modulation des cotisations sociales en fonction des politiques d’emploi et environnementale des entreprises : c’est permettre une augmentation des ressources de la Sécurité sociale en augmentant les taux de cotisation, tout en les modulant en fonction du ratio VA/masse salariale pour favoriser ceux qui font peu de profit avec une grosse masse salariale. C’est répondre à l’angoisse des petits patrons, des agriculteurs qui craignent la suppression des exonérations, c’est aussi se donner les moyens de faire jouer à la Sécurité Sociale ce rôle essentiel d’orienter l’économie vers une nouvelle efficacité sociale et environnementale en faisant surcotiser ceux qui licencient, tirent les salaires vers le bas, freinent la formation professionnelle, refusent l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou polluent ! Et cela concerne aussi l’agrobusiness !

Cette proposition s’accompagne de celle de faire cotiser les revenus financiers des entreprises. Cela aurait en plus l’avantage de pousser les entreprises à investir plutôt qu’à boursicoter !

En conclusion, plutôt que de faire rêver en parlant de SSA, attachons nous à faire vivre concrètement la lutte des classes, à agir sur le rapport capital/travail : augmentation des salaires, démocratie sociale. Le droit effectif à l’alimentation, comme le droit au logement (certains parlent aussi de sécurité sociale du logement) passe par l’augmentation des revenus et le développement des services publics. La Sécurité Sociale a été et reste un instrument remarquable de dépassement du capitalisme de part sa conception politique à la fois de sécurisation des parcours de vie et d’action pour un développement économique socialement efficace. Ne la bradons pas ! Continuons la réflexion théorique pour l’adapter aux enjeux du XXIe siècle et défendons là dans l’action au jour le jour.