Résumé :
La décision du 10 juillet du tribunal administratif de Montreuil fera date ! Elle annule l’arrêté du 14 mars 2022, par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré d’utilité publique le projet de campus hospitalo-universitaire du Grand Paris Nord. Quelques soient les suites données, ce jugement fera date : le droit à la protection de la santé prime et la réduction du nombre de lits d’hôpital est actuellement une atteinte à la protection de la santé.
Abstract :
The July 10 decision of the Montreuil administrative court will be a landmark! It cancels the decree of March 14, 2022, by which the prefect of Seine-Saint-Denis declared the Grand Paris Nord university hospital campus project to be of public utility. Whatever the outcome, this judgment will be a landmark: the right to health protection takes precedence and the reduction in the number of hospital beds is currently an attack on health protection.
C’est à suivre, car bien sûr, l’APHP a fait appel ! Mais la décision du 10 juillet du tribunal administratif de Montreuil fera date ! Elle annule l’arrêté n° 2022-0606 du 14 mars 2022, par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré d’utilité publique le projet de campus hospitalo-universitaire du Grand Paris Nord.
Rappelons les faits : l’APHP a projeté de construire un campus hospitalo-universitaire à Saint-Ouen pour réunir les activités hospitalières de médecine, chirurgie et obstétrique des hôpitaux Beaujon et Bichat-Claude Bernard et des activités d’enseignement et de recherche. Le projet avait été validé par le COPERMO en 2016. Le concours de maîtrise d’œuvre pour la conception de cet hôpital a été lancé en juillet 2019 et le groupement d’architectes retenu en mai 21.
Un beau projet ? Pas tant que cela car sous prétexte de modernisation, l’APHP et l’ARS d’Ile de France mettaient surtout en œuvre les politiques de réduction du nombre de lits dans les hôpitaux, ces politiques de réduction des dépenses de santé au détriment de la population, ces politiques qui ont créé la crise des urgences, ces services devant garder des malades ou des blessés plusieurs jours, faute de lits d’aval.
Les personnels des deux hôpitaux menacés de fermeture (Beaujon et Bichat) avec leurs organisations syndicales (CGT, FO, Sud Santé Sociaux) et la population du nord parisien, se sont mobilisés, à tel point qu’en octobre 2020 le Premier Ministre a demandé de rajouter 3 nouvelles unités d’hospitalisation au projet.
Mais le compte n’y est toujours pas ! « Selon les chiffres retenus par le tribunal, le nombre de lits d’hospitalisation passerait de 1131 à 941 et le nombre de places en ambulatoire de 207 à 173. Alors que la situation des maternités en Ile de France et particulièrement en Seine Saint Denis est très précaire, avec régulièrement des femmes transférées pour accoucher vers d’autres maternités que celle où elles ont été suivies et pensaient accoucher, le déplacement vers le nouveau site baisserait le nombre d’accouchements possibles de plus d’un tiers, l’APHP ayant l’audace de dire que l’on pourrait augmenter le nombre d’accouchements dans des hôpitaux comme Avicenne (Bobigny) ou Delafontaine (St Denis).
L’arrêté de Déclaration d’Utilité Publique était signé en mars 2022. Pourtant le rapport de la commission d’enquête publique aurait du alerter : il émettait en effet plusieurs réserves devant impérativement être levées, la première étant que « Les conditions d’accueil capacitaire global liées au nouvel hôpital devront, a minima, être équivalentes à celles qui existent aujourd’hui dans les hôpitaux Beaujon et Bichat. »
Les travaux de déblaiement du site ont commencé en juin de cette année. Une requête au tribunal administratif avait été déposée dès la signature de l’arrêté de DUP par le syndicat Sud Santé Sociaux et d’autres organisations associés à des signatures individuelles.
La décision du tribunal se pare de garanties juridiques habituelles: la demande est recevable, car l’un des requérants habite à St Ouen et le dossier de l’enquête publique était incomplet, l’évaluation socio-économique et la contre-expertise n’y figurant pas.
Mais c’est sur le fond que ce jugement est rendu : c’est au nom du droit fondamental à la protection de la santé, garanti par le onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 et précisé par des articles du Code de la Santé publique que le tribunal administratif de Montreuil annule l’arrêté préfectoral de déclaration d’utilité publique du projet. La décision indique que ce projet « diminue l’offre de soins hospitaliers proposée à la population du bassin de patientèle concerné, tant en nombre de lits, y compris de maternité, que de places, sans prévoir ou justifier les complémentarités, les alternatives ou la diminution des besoins invoquées en défense. »
Quelques soient les suites données, ce jugement fera date : le droit à la protection de la santé prime et la réduction du nombre de lits d’hôpital est actuellement une atteinte à la protection de la santé. Le ministère de l’Enseignement supérieur était également concerné par le volet universitaire. L’histoire ne dit pas si l’université prévoyait une augmentation importante du nombre d’étudiants. Cela serait pourtant indispensable ! Saluons pour conclure la mobilisation des personnels et de la population ! Elle a montré son utilité.