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L’euthanasie concrètement c’est quoi ?

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Courrier de Michel Katchadourian

L’euthanasie concrètement c’est quoi ? Exemple en Belgique où les problèmes juridiques s’ajoutent aux problèmes éthiques. 

C’est le dénouement d’une affaire de dix ans. En 2012, Godelieve De Troyer, Flamande de 64 ans atteinte de dépression chronique, est euthanasiée à l’insu de ses deux enfants adultes. Son fils, Tom Mortier, estimant que sa mère a été manipulée, porte plainte en 2014 contre l’oncologue Wim Distelmans, qui a mis fin à la vie de sa mère. Ce médecin bruxellois est président de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie (CFCEE), l’organe chargé de vérifier l’application de la loi de 2002 dépénalisant la mort planifiée dans le royaume.

Rappelons que l’euthanasie est autorisée en Belgique pour « souffrance physique ou psychique insupportable » à caractère « incurable ». Pour les maladies psychiatriques, il est nécessaire de solliciter deux avis médicaux et celui d’un spécialiste. Le rôle de la CFCEE est ensuite de vérifier si les déclarations d’euthanasie, envoyées anonymement par les médecins une fois l’acte pratiqué, sont bien conformes à la loi belge. Le contrôle de l’euthanasie s’effectue donc a posteriori.

Les faits: après avoir rencontré le Dr Distelmans à sa clinique, Godelieve écrit un courriel à ses enfants, cité dans le reportage du New Yorker, en janvier 2012 : « J’ai déposé une demande d’euthanasie auprès du professeur Distelmans en raison d’une détresse psychologique. J’ai suivi toute la procédure et j’attends maintenant le résultat. » Sa fille lui répond qu’elle respecte une telle décision, même si cela la blesse.

Tom Mortier l’autre enfant Tom découvre que sa mère a rencontré le Dr Distelmans six fois en huit mois, et qu’elle a fait un don de 2500 € à l’organisation LEIF, sept semaines avant son euthanasie. Il demande des explications à la clinique Ulteam de Wim Distelmans, le 15 mai 2012.  

Poursuivant le médecin, mais débouté par la justice belge, il saisit la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en 2017, pour attaquer la Belgique. Pour lui, le royaume a violé la Convention européenne des droits de l’homme, en ne protégeant pas le droit à la vie de sa mère.

La juridiction européenne a tranché en donnant raison aux deux parties. Dans son arrêt consacré au cas « Mortier c. Belgique » rendu public le 4 octobre 2022, la Cour strasbourgeoise condamne la Belgique pour violation de l’article 2 de la Convention sur le droit à la vie, en raison du manque d’impartialité de la CFCEE. « Tenant compte du rôle crucial joué par la Commission dans le contrôle a posteriori de l’euthanasie, la Cour estime que le système de contrôle établi en l’espèce n’assurait pas son indépendance, et cela indépendamment de l’influence réelle qu’a éventuellement eue le professeur D. sur la décision prise par la Commission en l’espèce ». La CEDH constate à l’unanimité les « défaillances du contrôle a posteriori de l’euthanasie pratiquée », et demande à l’État belge de verser au requérant une indemnisation de ses frais de défense. 

En d’autres termes, l’arrêt ne condamne pas la loi belge dépénalisant l’euthanasie, mais affirme que son contrôle s’est révélé inopérant en pratique. De quoi nuancer le jugement d’Olivier Véran, ex-ministre français de la Santé et actuel porte-parole du gouvernement, sur le système « hyper cadré » de la législation belge. 

La décision de la CEDH alerte  sur les limites du « modèle » de notre voisin du Nord en matière d’euthanasie. Ouvrir la porte du suicide assistée c’est ouvrir une boite de Pandore avec toutes les dérives financières, ethniques qui peuvent suivre. En France le modèle sanitaire et éthique c’est plutôt les soins palliatifs, le choix de la vie sans acharnement thérapeutique. 

Quand vient le moment de la fin c’est le médecin en concertation avec la famille, le malade si possible, qui arrête dignement des soins devenus superflus ! C’est ce choix de société, de la vie qui jusqu’à présent faisait consensus au pays des droits de l’homme. Si l’exception fin de vie assistée devient la règle dans ce système capitaliste où la réduction des dépenses de santé remboursées est la norme, alors, on peut craindre le pire !