© Federico Scarionati (Unsplash)

Les trois pays du Maghreb central face à la pandémie: rattrapés après avoir été épargnés?

Télécharger l'article

L’auteur avec ses contributeurs remet ici en cause les premières appréciations émises lors de la première vague, qui voulaient que les pays du Sud étaient protégés de l’épidémie de Covid 19. Aujourd’hui ces pays se retrouvent face au virus, seuls et avec des faibles ressources. Il n’y a pas d’autres choix que de se battre sur tous les fronts.

 Abstract :

The author with his contributors here calls into question the first assessments made during the first wave, which wanted the countries of the South to be protected from the Covid 19 epidemic. Today these countries find themselves facing the virus, alone and with low resources. There is no other choice but to fight on all fronts.

Dr Omar Brixi et Contributeurs[1]

 

A l’heure où sont écrites ces lignes (29 juillet 2021), les remontées, brutales et vertigineuses, des cas d’infections, attribuées à un variant ( le delta), nous assaillent de toutes parts. En Afrique surtout[2], mais aussi en Europe, en Asie sans qu’aucun pays ne soit épargné. Avec leurs cortèges de drames humains, de conséquences psychologiques, sociales et économiques ; sans compter leurs dimensions politiques et leurs traitements médiatiques. L’espoir d’une perspective de sortie de crise, d’un été de répit sont de nouveau contrariés. Même si chacun est en plein gué ou sur une berge, « chacun son chemin, chacun son destin».

C’est dire les difficultés à pouvoir apprécier de si rapides évolutions. Comment s’engager dans un écrit avec raison alors que les vécus et l’émotionnel nous bousculent. Alors que l’égoïsme des pays vaccinés, détenteurs des monopoles, prive les plus exposés des vaccins tant convoités.

Dans un article récent publié le 11 juin dernier par la revue Les Possibles[3], nous avions repris  la thèse assez partagée que la plupart des pays du Sud, ont été relativement épargnés par les 1éres vagues épidémiques, mais qu’ils étaient plus éprouvés au plan économique, social et psychologique. Thèse que nous avons tenté de regarder de plus près pour les 3 pays du Maghreb central (Algérie, Maroc et Tunisie) à travers des grilles de lectures croisées[4]. Partagé avec des amis et collègues maghrébins, plus près des réalités vécues, cet écrit – prétexte et nécessité – a , comme espéré, suscité des commentaires et des compléments.

Dans le présent article, destiné à la Revue des Cahiers de Santé Publique et de protection sociale, nous nous apprêtions à les intégrer et à tenter d’approfondir les hypothèses débattues sur les causes et les spécificités propres à ces pays. Suite aux allégements des mesures restrictives dont les réouvertures partielles des frontières un peu partout, à la réalité des mesures barrières et des couvertures vaccinales, la vitesse de circulation du virus et de ses mutants actuels nous oblige à cette mise à jour, du moins jusqu’à nouvel ordre.

Et ce, malgré les appréhensions, les avertissements formulées de toutes parts[5], et les prises de positions et propositions face aux scandaleuses inégalités d’accès aux vaccins. Autrement qu’à travers « des dons, des ventes et sous-traitances aux pays les plus pauvres » !

Les nouvelles d’une Tunisie où la porte-parole du ministère de la santé en arrive à parler de «l’effondrement du système de santé », d’une Algérie vite rattrapée dans ses fausses assurances, ou d’un Maroc fort de sa stratégie vaccinale et du retour de ses émigrés, nous consternent et nous concernent. Propos exacts, déformés, amplifiés, les faits sont là. Des mesures restrictives plus ou moins cohérentes ont été rétablies. Aussi tâtonnantes, difficiles qu’impopulaires et aux conséquence aggravantes.

Et pas seulement en Tunisie, en Algérie ou au Maroc mais aussi dans la plupart des pays d’Europe et d’autres pays vaccinés en grande partie, certes à des niveaux différents. Une France qui se raidit, malgré ses atouts et ses valeurs, en dit long sur la réalité d’une pandémie et non d’une épidémie et sur les modes de gestions à l’épreuve. D’autres pays d’Europe, d’Amérique, d’Asie sont aussi à l’épreuve de nouvelles flambées et autres risques ( inondations, incendies, canicules, restrictions hydriques …). Le delta planerait-il sur tout le monde, à l’évidence chacun avec ses capacités et ses vulnérabilités ? Les perturbations climatiques, les crises sanitaires, socioéconomique et politiques sont là, chez tous, chacun dans ses variantes et ses niveaux. Les retours de manivelle seraient-ils déjà à l’œuvre ?

Aussi la thèse des pays relativement épargnés par la pandémie en cours, mais plus éprouvés par les crises qu’elle a révélées et accentuées doit être nuancée et probablement formulée autrement :  face à de nouveaux et anciens risques, c’est, in fine, les plus fragilisés et les plus exposés qui payent les tributs les plus lourds.

Rien de nouveau dans ce nième constat. Rien d’autre que ce qui était déjà su.

Sauf que :

  • N’était-il donc pas prématuré et hasardeux de dire que les pays du Sud ont été épargnés ? Les confortant ainsi dans une fausse et paradoxale sécurité relative ?
  • Les hypothèses explicatives évoquées ( effets de saisonnalité, profils démographiques, caractéristiques génétiques, épidémiologiques etc…) ont-elles été correctement formulées, abordées ? Tout comme les stratégies de ripostes dans toutes leurs diversités et combinaisons.
  • Ne faut-il pas regarder plutôt du côté des failles et retards structurels : dépendances intellectuelles, économiques, matérielles et technologiques ? Le poids de maladies dites chroniques, nos services de soins et de santé et les modèles et politiques qui les ont façonnés.
  • Et surtout apprendre à composer avec nos ressources, prendre en compte sérieusement les inégalités sociales et territoriales, nos choix économiques, nos institutions politiques et modes de gouvernance, nos dépendances et inclinations mimétiques, nos capacités organisationnelles ? Et dans le même temps, nos potentiels, nos jeunesses, nos intelligences et la coopération avec les voisins et nos véritables partenaires.

En somme un regard plus systémique pour mieux comprendre une crise dans ses interactions. La mondialisation néolibérale persiste, s’adapte. Même une crise sanitaire de cette ampleur n’en a pas changé les termes, pas assez fait bouger les rapports de force et les capacités de transformations de celles et ceux qui ont un intérêt vital dans un monde moins inégalitaire. Du moins, à ce jour.

 La thèse des pays relativement épargnés mais durement éprouvés

Les trois pays du Maghreb ont été concernés très tôt par le SARS-CoV-2. Eprouvés différemment et en plusieurs « vagues », comme pour de nombreux pays dont ceux dits du « Sud ». Mais ces pays ont été globalement épargnés par le « pire » tel qu’il était appréhendé par différents analystes.

Les États ont réagi aussitôt et conduit une riposte vigoureuse selon leurs marges et leurs logiques. Les sociétés ont « encaissé », se sont mobilisées, puis ont subi jusqu’à ce que la défiance endémique vis-à-vis des autorités, revienne en force, aggravant le fossé déjà existant. Les impacts socioéconomiques, psychologiques et politiques ont été très tôt perçus et vécus comme plus virulents que le virus invisible. Sidérées, nos sociétés ont regardé le reste du monde, notamment les plus nantis, de plus  près, que celui-ci ne les a considérées. Sociétés et États ont vite compris que le chacun pour soi prévalait sur les grands crédos altruistes. Les problématiques de l’accès aux vaccins les ont renforcés dans leur statut de sociétés reléguées.

Le monde d’après ne les fait ni rêver, ni s’illusionner. Il renvoie le plus grand nombre aux promesses du ciel, les désespérés à toutes les violences et pour les plus avertis aux plus sombres analyses. Et pourtant les résistances, les initiatives, les solidarités et les disponibilités sont aussi grandes que les jeunesses bouillonnantes de ces pays.

Même les menaces des incessants variants, plus ou moins sensibles aux vaccins mis au point, ni les nouvelles frontières (passes sanitaire en plus des visas) ne font bouger ni les plus avertis ni les plus cyniques des États dominants, tant leurs périmètres sécurisés leurs paraissent invulnérables. Pandémie et crises multiples ne risquent-t-elles pas de  replonger, une fois de plus, ces pays en périphérie des remaniements en cours à travers les mondes d’aujourd’hui et de demain ?  La santé, bien commun, peut-elle être acquise autrement que dans un monde plus solidaire ?

C’est ce que nous écrivions dans l’article publié dans le Revue des Possibles le 11 juin dernier ! Avec faut il le rappeler une mention récurrente : jusqu’à ce jour, jusqu’à nouvel ordre !

 Depuis, les points débattus et en partie à l’œuvre

La surmortalité proportionnelle liée au covid 19 en Tunisie que nous avions pointée a suscité réactions et débat avec nos collègues, ceux nommés au titre de contributeurs. Plusieurs questions, dont celle des données, y compris  les indirectes (ou subjectives), celles liées aux degré et fréquence des ouvertures de frontières, les profils démographiques, le poids des inégalités et de la paupérisation, les modes de prises en charges, de gestion, les soutiens et les alliances externes etc…

Nous en reprenons l’essentiel pour, avec les termes et les sensibilités des uns et des autres, les restituer et poursuivre le débat, prendre date, ave et au-delà de nos tourmentes, et surtout afin de ne pas oublier et savoir en tirer les enseignements :

 Les données

Les statistiques officielles déclarées et relayées, ici et là-bas, selon les pays, sont controversées. De plus en plus. Nos collègues, acteurs sur place, le disent et redisent avec de plus en plus de franchise, avec, chacun ses nuances et lectures :

  • « Il faudrait vérifier la différence sur le plan démographique avec une population un peu plus vieille en Tunisie que dans les autres pays du Maghreb résultant de la politique volontariste de planification familiale durant les décades post indépendance. Il semble que les données démographiques et en particulier celles sur les décès sont les plus fiables en Tunisie… »,
    «  En Algérie, les chiffres tronqués ont été juste sciemment sabrés. Au plus fort de l’épidémie, j’ai vu des statistiques officielles divisées par 10 voire 15, quand on sait que nous n’avons eu droit qu’à la face visible de l’iceberg (cas PCR+)… ».
    «  le rôle des médecins privés a été totalement mis de côté. Ils ont été très peu informés, impliqués, guidés, protégés, soutenus, mais il faut le dire aussi qu’ils se sont assez peu mobilisés pour ne pas dire plus. Il est évident que ni leur formation ni leurs pratiques, ni leurs motivations ne les incitent à contribuer à une riposte nationale contre une catastrophe ou urgence sanitaire. Et pourtant, ils ont largement contribué à la prise en charge ambulatoire des cas nombreux qui ne se sont pas présentés à l’hôpital. Ils l’ont aussi payé de leurs vies… »
  • « Toutefois, je ne me hasarderais pas à trop d’analyse, notamment autour des chiffres de mortalité due à la Covid. C’est un débat complexe, y compris dans des pays aux systèmes d’information et d’analyse développés. “Mort de la Covid ou avec la Covid” était le titre d’un article d’un médecin légiste américain l’an dernier, qui disséquait (le cas de le dire!) la question. Ceci d’une part. D’autre part, chez nous au moins, les chiffres officiels de mortalité ont été grossièrement en-deçà de la réalité du terrain, et la différence pouvait fluctuer dans un facteur de 2 à 10! Autant dire qu’il faut rester prudent sur la “faible mortalité” constatée. Et donc sur les hypothèses explicatives.

Comment pouvait-il en être autrement quand on connait les systèmes d’information de nos pays, autant ceux dotés et expérimentés, que comme dans les pays « héritiers de seconde classe », calqués sur le même modèle? En dégradé !

L’OMS n’a pas arrêté de mettre en garde sans pouvoir faire autrement que collecter ce que les États membres lui notifient. «  De toutes façons, il est de plus en plus établi que les chiffres déclarés sous estiment la surmortalité réelle liée au SARS-COV-2. Le rapport publié, le 21 mai 2021 par l’OMS réévalue la surmortalité réelle liée au SARS-COV-2 de 2 à 3 fois supérieur aux chiffres agrégés qui lui ont été remis par les États. Le bilan réel serait au minimum de 6 millions sinon 8 quand le dernier bilan officiel dressé en début mai, était de 3 millions !  Cette sous-estimation touche de nombreux pays peu performants ou défaillants en matière de statistiques sanitaires, mais, même dans les pays les plus riches et mieux outillés ! Dans certains pays parmi les moins avancés, l’espérance de vie pourrait perdre deux à trois ans, estime l’OMS[6] ».

 Quelles que soient les difficultés des modes de calculs ou leur fiabilité, le temps nous en dira plus. Dans tous les cas, on gagne à les lire dans leurs grandes lignes et avec réserve.  « Ce sont juste des pistes à jauger et vérifier sans aucune prétention de réponse. Les analyses démographiques a postériori apporteront des réponses plus fiables et solides sur la surmortalité effective attribuable à la Covid-19 dans les différents pays… ».

 Les vécus et le respect des mesures barrières

«  Le respect des dispositions préventives que tu évoques dans ton article semble avoir été plus difficile à réaliser dans un pays en situation de post révolution, comme en Tunisie… ». En Algérie et au Maroc, on dirait qu’il y a des gens qui vivent, ou plutôt qui survivent et des autorités qui sont ailleurs. Ils font chambre à part ! Et pourtant, l’autoritarisme y est plus affirmé que dans la société tunisienne actuelle !

  • Comment en situation d’exiguïtés de logements et d’espaces de vie observer des distances physiques ?
  • Face à des décomptes des cas contaminés et des décès, en centaines de cas/jour et des variations en dizaines, comment voulez-vous que les citoyens y croient et observent les mesures barrières préconisées ?
  • Dans un climat où la défiance populaire n’a d’égale que les mépris des détenteurs du moindre pouvoir, comment en appeler à leur esprit de responsabilité face à la rigueur, voire l’incohérence, des mesures restrictives ?

User de l’injonction auprès de citoyens épuisés et défiants explique, à notre sens, ce qu’on appelle « la non-observance ou le relâchement des mesures barrières », sauf si la posture autoritaire, méprisante ou rationaliste les éloigne à ce point des représentations et pratiques sociales.

 Les positions géographiques et considérants humains et économiques

 – « La pénétration du virus semble avoir été la plus forte eu égard aux conditions géographiques et humaines de la Tunisie, pays plus largement et intensivement ouvert ». Il y a eu en effet des réouvertures partielles en Tunisie et au Maroc du fait de leurs dépendances vis-à-vis du tourisme et des échanges externes.

– Mais «  l’intensité des échanges et ouvertures sur l’extérieur ne se limite pas au tourisme. Il y a aussi les mouvements des émigrés qui retournent aux pays et les mouvements transfrontaliers terrestres même quand les frontières sont supposées fermées. L’amorce de la vague qui a débuté en septembre en Tunisie a été nourrie par des infections importées à travers les frontières terrestres officiellement fermées, principalement d’Algérie… » .

– «  Pour finir, le drame qui secoue aujourd’hui les familles, c’est la circulation des personnes. D’un côté ou de l’autre des frontières, les Algériens sont pris au piège. Lenteur du programme de vaccination ou choix politique à payer? ».

 La vaccination

 « L’acceptabilité de la vaccination est encore très faible chez le personnel soignant, et le vaccin Astra Zeneca est lui aussi disponible, mais très boudé ». Mais comment peut-il en être autrement ? Les gens de toutes les rives regardent les mêmes écrans, échangent sur les mêmes réseaux. Et pourquoi faut-il qu’un vaccin boudé ici puisse être adopté sans réserve là-bas ?  Même les réticences et résistances à se faire vacciner alors qu’il n’y a pas assez de doses pour tous, doivent être interprétées avec nuances et un peu de respect. Et si le dépit face aux  manques et à la frustration se drape en refus déguisé ? Et si le manque d’organisation de l’accès à la vaccination  est une marque de mépris qui n’échappe pas aux gens et un stigmate du sous-développement et de sociétés que l’on a dégradées ? ( confère échanges sur les réseaux dits sociaux). Le dicton populaire ne dit-il pas que « quand on ne peut pas atteindre cette grappe de raisin, on dit qu’il est acide » !

Les systèmes de soins

«  La situation du système de soin et la capacité de mobiliser tout son potentiel a été indiscutablement déficiente en Tunisie eu égard à la crise grave que traversent presque tous les services publics ». A titre illustratif, nous précise un collègue Tunisien « …quoique que le secteur public tunisien a pu passer de 87 lits de réa en septembre à plus de 490 lits de réa actuellement et de 500 à plus de 2500 lits d’O2 et qu’il a assuré depuis le début de l’année 2021, et pratiquement sans ressources financières supplémentaires, plus de 45 000 nuitées de réa et 180 000 nuitées d’O2, on n’est parvenu lors des 3 vagues, qu’à maintenir le nombre des décès juste en deçà des prévisions obtenues selon le modèle SIR pour l’hypothèse d’une application des mesures à 60%… ». C’est dire que les tensions et les efforts que le secteur hospitalier public a porté dans la plupart de nos pays, car le plus accessible et souvent le plus sécure.

«  Un système de santé hyper-dépendant vis-à-vis des marchés internationaux pour plus de 90% des produits essentiels à la gestion de cette crise (réactifs, EPI, médicaments, équipements…) reste fragile. Il est éprouvé non par l’absence de vision mais par le manque de moyens face à la durabilité et l’instabilité de la pandémie. Il se trouve tiraillé devant la multiplicité et la diversité des champs d’intervention exigés pour contrôler l’épidémie allant de la veille à la prise en charge des malades et au contrôle du banditisme sanitaire des affairistes. Il se trouve également au bord de l’asphyxie vu l’incohérence entre les exigences d’équité, de qualité, de transparence et de traçabilité d’une part et les faibles moyens financiers mis à sa disposition d’autre part. Une telle situation s’est aggravée par l’essoufflement des professionnels, l’immigration non contrôlée des compétences, le marathon quotidien derrière les 5 essentiels pour la surveillance et la prise en charge de la covid-19 : EPI, réactifs, médicaments, dispositifs médicaux et O2. Des produits toujours en situation de pénurie malgré les efforts de prévisions et d’anticipation réalisés… ».

«  Le pire est en Algérie où les moyens existent mais leur usage, utilité et mobilisation ont été ou sont détournés ou dégradés. L’exemple de l’Oxygène est édifiant. Une entreprise nationale florissante, bradée à de pseudo investisseurs étrangers, et des hôpitaux et des malades qui étouffent ! ».

« Pour résumer, je dirai que comme pour tout problème de santé, la gestion et l’impact de la covid-19 restent tributaires aussi bien des mécanismes et outils spécifiques mis en place pour lutter contre la maladie que des facteurs socio-sanitaires. Il reste ainsi beaucoup de choses à améliorer et les acquis enregistrés sont en deçà d’une réponse appropriée aux besoins.

Le chemin est encore long pour contrôler les VOC[7] et  pour faire de cette pandémie une vraie opportunité permettant de relancer le secteur public… ».

 Contexte socio politique et modes de gestion  

 « A ce propos, je me permets d’insister sur les conséquences des spécificités de nos sociétés et de nos systèmes de santé sur la qualité de la riposte. En effet, ces spécificités conditionnent aussi bien les facteurs que la capacité de résilience de la société et du système de santé en termes d’anticipation et d’adaptation. Elles influencent l’évolution de la pandémie et la dynamique des décisions à prendre aussi bien sur le plan sanitaire que social ».

«  En se référant à la situation en Tunisie, je relève que la dynamique socio-politique du pays a réellement impacté négativement la gestion de la pandémie. C’est ainsi que la démocratie qui se décline, à tous les niveaux, par la revendication de TOUS les droits sans les préalables d’investissement personnel et de respect des obligations et des devoirs, associée aux analyses erronées des milliers nouveaux experts nationaux en gestion de crise qui se réfèrent aux modèles occidentaux en occultant nos réalités socio-culturelles et en oubliant les limites de nos capacités par rapport à ces pays ont bien limité l’efficacité de la riposte et du contrôle de la pandémie par la brouille et la discorde qu’ils ont répandu. Pour sa part, l’instabilité politique qui a fini par faire valoir le discours au détriment de l’action et la discontinuité au détriment de la persévérance n’a fait qu’aggraver cette situation de tension et d’inconstance ».

« C’est vrai que la Tunisie, dont l’Etat a été beaucoup affaibli par le “régime parlementaire”- s’en sort le moins bien », « Il y a en effet un lien avec des institutions stables et une riposte organisée, endurante et sous-tendue par les données nationales au sens large: épidémiologiques, mais aussi sociologiques, anthropologiques, économiques et financières. 

Comme on peut le noter à travers ces bribes d’échanges, il n’est simple ni d’agir, ni de comprendre encore moins de diriger, sans débat, ni confrontations aussi francs et ouverts. C’est autour de valeurs et de rigueur professionnelle que nous nous sommes rapprochés, en tant que professionnels maghrébins. Nous les avons patiemment construites depuis des décennies d’échanges et de rencontres dont, en particulier, ce que nous avons intitulé l’Université de Santé Publique du Maghreb ( USPM)[8]. La 7éme session tenue à Oran au CRASC, a débouché sur une contribution prémonitrice et utile face à une pandémie dont on se croyait prémunis.

En conclusion ( à ce jour)

 Cet effort d’écrit arraché aux tourmentes de cette nouvelle vague de la pandémie liée au Covid 19, n’a d’autre objectif que de marquer à un instant précis ce dont on n’a pas intérêt à occulter ou à oublier. La thèse de « pays relativement épargnés mais terriblement éprouvés aux plans psychologique, éducatif, social et économique » n’est pas fausse mais elle est datée au 11 juin 2021.

Nous savions que nous n’étions pas encore à l’abri de nouvelles mutations. Nous savions que la vaccination pour les uns ( les plus nantis) et pas pour le reste de l’humanité démunie et dépossédée n’était ni réaliste, ni morale ni sécuritaire pour tous. Nous espérions que les appels, prises de positions de personnalités, d’organisations non gouvernementales et d’institutions multilatérales allaient déboucher sur un ressaisissement ou du moins un compromis, salutaire pour tous. Solidaire, en somme, face à une pandémie, sans frontières. Les dons, les ventes, et les sous traitances sont un pis-aller. Les efforts y compris de nos pays ( Algérie et Maroc) pour produire ou sous-traiter des vaccins avec la Chine et la Russie sont une voie d’espoir mais qui ne produira pas avant que de nouveaux drames ne surviennent.

Entre temps, le variant delta nous a rattrapé. Tous, certes, mais à des degrés bien différents. Aussi grands que les inégalités sociales et territoriales qui fracturent le monde comme nos sociétés. Une fois de plus les plus vulnérables payeront le tribut le plus lourd et aussi préoccupant, nos pays seront encore plus dépendants. La bataille des vaccins, toujours en cours et les mutations du virus, toujours à l’œuvre, pèsent sur leurs vies dans les mois à venir. Les périmètres protégés pour les plus nantis ou dotés, ne sont qu’une barrière de plus.

Pour desserrer l’étau des dépendances, renforcer les fronts internes de nos pays, au plan sociopolitique et les convergences entre et avec leurs voisins et semblables plus qu’avec leurs parrains. La question centrale reste de savoir quelles marges et quels repositionnements nos pays vont occuper pour ne pas dire arracher dans le monde d’après cette crise. Pas d’autres choix, que de continuer à se battre sur tous les fronts car nos citoyens, nos enfants aspirent et espèrent d’autres lendemains. Dans un monde qui les fasse rêver, et où la santé devienne pour de vrai et dans les faits un bien commun universel. Dans un monde plus solidaire.

A ce jour, jusqu’à nouvel ordre ….

Notes et références biblio

https://www.algerie360.com/bilans-covid-19-pourquoi-les-chiffres-ne-refletent-pas-la-realite/

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/07/29/en-algerie-le-systeme-de-sante-est-submerge-par-le-variant-delta_6089865_3212.html#xtor=AL-32280270-[default]-[android]

https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-28-ete-2021/

« L’Afrique face au Covid-19 :  en Afrique du Sud, l’espérance de vie a baissé de quatre ans L’OMS exhorte d’accélérer la vaccination, l’inquiétude grandit au Nigeria, nouvel accord entre Pfizer-BioNTech et le sud-africain Biovac. Par Sandrine Berthaud-Clair et Juliette Favarel , le 23 juillet 2021 ».

https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/07/29/la-pandemie-de-covid-19-pourrait-comme-celles-de-cholera-au-xixe-siecle-amener-a-une-nouvelle-revolution-de-la-sante-publique_6089855_3232.html#xtor=AL-32280270-[default]-[android]

https://www.coronavirus-statistiques.com › stats-pays

https://graphics.reuters.com/world-coronavirus-tracker-and-maps/fr/countries-and-territories/tunisia/

https://www.leaders.com.tn/article/31532-tunisie-assurer-de-bons-resultats-de-sante-publique-par-la-campagne-de-vaccination-contre-la-covid-19

Impact de la Covid-19 au Maghreb  : Qui du Maroc, de l’Algérie ou de la Tunisie s’en sort mieux ? 5 avril 2021 https://www.webmanagercenter.com/2021/04/05/466138/impact-de-la-covid-19-au-maghreb-qui-du-maroc-de-lalgerie-ou-de-la-tunisie-sen-sort-mieux/

Covid-19 : pourquoi l’Afrique a-t-elle été plutôt épargnée ? 31 12 2020 France Culture https://www.franceculture.fr/emissions/le-reportage-de-la-redaction/covid-19-pourquoi-lafrique-a-t-elle-ete-plutot-epargnee

https://crasc.dz/pdfs/uspm%207%20synthse%20des%20travaux%20dernire%20version_compressed.pdf

https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/07/29/vaccins-contre-le-covid-l-ong-oxfam-plaide-pour-une-levee-des-brevets_6089878_3234.html#xtor=AL-32280270-[default]-[android]

https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/07/29/vaccination-face-aux-variants-les-laboratoires-cherchent-la-parade_6089857_3234.html#xtor=AL-32280270-[default]-[android]

« Inégalités vaccinales : le FMI s’inquiète d’une reprise mondiale à deux vitesses.
Le Fonds monétaire international table sur une croissance mondiale de 6 % en 2021 et de 4,9 % en 2022. Mais l’émergence de variants plus contagieux et la circulation prolongée du Covid-19 pourraient fragiliser ce rebond. Marie Charrel , 27 juillet 2021 ».

 

[1] Abdelmadjid Benhamida, Abdelwahed Abassi, Hedi Achouri, Fayçal Bensalah, Dalila Bessaoud, Mohamed Belhocine, Leila Houti, médecins spécialistes d’Algérie et de Tunisie.

[2] «  Par rapport au texte, il me semble que la problématique abordée est généralisable à tous les pays du Sud. Il me semble aussi  que, compte tenu des informations parcellaires et peu spécifiques de l’un ou l’autre des pays du Maghreb (système d’info oblige et opacités structurelles), l’analyse est somme toute en grande partie superposable… »

[3] Les pays du Maghreb face à la pandémie : épargnés ou encore plus éprouvés ? vendredi 11 juin 2021, Les Possibles No. 28 Été 2021 par Dr O Brixi Les pays du Maghreb face à la pandémie : épargnés ou encore plus éprouvés ? – Attac France

[4] Selon plusieurs lectures (celles des données, des vécus à travers les témoignages) et des prismes d’analyse socio politique, autant que possible, au point que comme le relève une collègue  «  tel qu’écrit, cet article est aisé au partage a des non-médecins».

[5] Confère nos écrits et synthèses sur le site https://www.descolibrisensante.fr/

[6] https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/05/22/le-covid-19-a-fait-plus-de-six-millions-de-morts-dans-le-monde_6081100_3244.html

[7] Sigle anglo-saxon désignant la voix du consommateur (Voice of the consumer). Par définition, la démarche marketing est à l’écoute du consommateur. Toutefois, certaines entreprises, davantage adeptes d’un marketing de la demande, n’ont pas toujours porté idéalement attention à ses besoins, ses désirs et ses attentes. Aujourd’hui, non seulement la voix du consommateur se fait entendre bien plus et bien plus clairement avec les technologies numériques de l’information et de la communication et grâce à la multiplication des lieux d’expression que représentent les forums, les chats, les réseaux sociaux, les messageries instantanées, les sites de micro-blogging…site Marketing.fr

[8] https://tunisia.unfpa.org/fr/universit%C3%A9-de-sant%C3%A9-publique-du-maghreb; https://www.sante.gov.ma/Pages/Org%20sous-tutelle/ENSP.aspx; https://www.crasc.dz/index.php/fr/programme-2019/2576-colloque-international-l%E2%80%99universit%C3%A9-de-sant%C3%A9-publique-maghr%C3%A9bine-uspm-crasc

Si vous souhaitez réagir à cet article, le critiquer, le compléter, l’illustrer ou encore y ajouter des notes de lecture, vous pouvez proposer une contribution au comité de rédaction. Pour cela, vous pouvez envoyer votre texte à cette adresse : cahiersspps@gabrielperi.fr

Dr Omar Brixi et coll., « Les 3 pays du Maghreb central face à la pandémie : Rattrapés après avoir été épargnés ? », Les Cahiers de santé publique et de protection sociale, N° 38, Septembre 2021.