Résumé :
L’auteur poursuit le débat sur la fin de vie. Il présente une synthèse des éléments discutés. Opposé au suicide assisté sur simple demande, opposé à l’euthanasie des patients sans prise en compte de leur volonté ultime, il propose le développement accéléré des soins palliatifs sur tout le territoire national, la création immédiate de lits de replis en attendant, le développement de l’accompagnement à domicile et en Ehpad public, une politique de formation initiale et continue des professionnels, une mise en place de données chiffrées, des mesures d’information du public. Enfin la mise en place de tout cela dans le cadre d’un service public correctement financé. Il propose la possibilité pour les équipes de soins palliatifs de prolonger la démarche d’accompagnement du patient jusqu’à l’aide à mourir dans le cadre suivant : mise en place de « collèges cliniques », respect de la volonté de vivre ou de mourir du patient, protection juridique des professionnels et mise en place de centres pilotes. Il s’oppose à la création de maisons dites d’accompagnement hors hôpital public sans médecins et à la programmation de la mort réalisée 6 à 12 mois avant l’issue fatale prévisible.
Abstract :
The author continues the debate on the end of life. It presents a summary of the elements discussed. Opposed to assisted suicide on simple request, opposed to the euthanasia of patients without taking into account their ultimate wishes, he proposes the accelerated development of palliative care throughout the national territory, the immediate creation of fallback beds in the meantime, the development support at home and in public nursing homes, an initial and continuing training policy for professionals, the implementation of quantified data, and public information measures. Finally the implementation of all this within the framework of a properly financed public service. It proposes the possibility for palliative care teams to extend the process of supporting the patient until assistance in dying within the following framework: establishment of “clinical colleges”, respect for the will to live or die of the patient, legal protection of professionals and establishment of pilot centers. He is opposed to the creation of so-called support centers outside public hospitals without doctors and to the planning of death carried out 6 to 12 months before the foreseeable fatal outcome.
NDLR : À la suite des articles de fond publiés dans le N°45 des Cahiers de juin 2923 nous donnons ici un article de synthèse avec des propositions concrètes pour poursuivre le débat.
Trois questions reviennent régulièrement dans le débat public depuis quelques années. Celle du suicide assisté, celle de l’euthanasie et celle de la fin de vie. Nous allons les examiner de façon indépendante même si elles tournent toutes autour du même sujet et peuvent prêter à des discussions sémantiques que nous laisserons de côté. L’idée est d’arriver à des propositions politiques puisque ces questions vont venir en débat à l’Assemblée nationale et au Sénat et que les élus auront à prendre des positions sur des projets de loi, proposer des amendements, voire auront à faire eux-mêmes des propositions de loi. Les questions deviennent ainsi au delà des aspects philosophiques et éthiques, des questions politiques sanitaires et sociales.
Quelle est la nature du débat ?
Il s’agit de permettre ou non le suicide et plus globalement la mort d’une personne qui veut mourir en étant aidée par un médecin (ou pas), dans un cadre légal. En fait le terme communément employé est « mourir dans la dignité ». Cette expression est faite pour susciter l’adhésion : en effet qui voudrait ne pas mourir dans la dignité ? Cette question est très complexe malgré son apparente simplicité sémantique. Alors, il vaut mieux dire clairement les choses si l’on veut légiférer.
Une première remarque : l’idée d’obtenir au Parlement le droit de mourir dans la dignité présuppose qu’on ne dispose pas vraiment de ce droit aujourd’hui. Ce n’est pas tout à fait vrai ni tout à fait faux. Les moyens humains et matériels existent pour que les personnes mourantes ne souffrent pas et s’endorment de façon paisible et à tout le moins en étant inconscientes. Les moyens juridiques (Loi Clayes-Leonetti votée à la quasi unanimité : sédation profonde et continue, directives anticipées) existent et répondent très largement à ce besoin. Chaque humain, dans notre pays est digne lorsqu’il meurt ; il est traité avec dignité par les équipes soignantes si ce n’est que parfois les moyens de cette obligation ne sont pas là; nous refusons de parler de « décrépitude des personnes âgées » comme le font certains. Pour autant il existe une attente dans l’opinion publique pour mieux répondre aux besoins qu’on ne saurait négliger.
La deuxième remarque est que si mourir dans la dignité est une exigence, vivre dans la dignité est encore mieux. La vie digne est un combat politique de tous les instants qui mobilise beaucoup de personnes. La mort digne est le prolongement ultime du combat politique de cette vie digne. Le Dr Watanabe parle de « Bien vivre et mourir en douceur » dans l’article précédent.
L’idéal serait dit-on pour les personnes de prendre leur décision éventuelle de se suicider en toute conscience. Nous pourrions dire au mieux de leur forme de conscience. On voit que cela n’existe pas. C’est toujours dans une situation dégradée qu’il faut arbitrer pour soi-même.
Dernier aspect : à vrai dire les individus ne sont pas seuls. Il n’existe pas d’humains hors de la société. Leur mort concerne aussi les autres vivants. Leurs familles, leurs enfants, leurs amis et bien au-delà. À ce titre elle est un moment social. La mort est un fait social total. On ne peut dans notre raisonnement négliger cela. Le suicide ne relève pas alors de la seule décision personnelle. C’est d’ailleurs bien la raison d’être, le sens et l’utilité d’un vote parlementaire sur la question. Un vote dans le cadre d’une république sociale, laïque et fraternelle comme le propose le Dr Bernard Sportès[1] dans le livre que nous venons d’éditer au Temps des Cerises..
Que nous disent l’histoire récente et l’actualité?
1) Récemment les politiques d’austérité ont conduit certains pays à refuser des soins à des personnes âgées de plus de 75 ans car inutiles (Grande-Bretagne[2]). Par exemple on voit alors que la Grande-Bretagne depuis le saccage néolibéral du NHS a les pires taux de survie du cancer en comparaison avec d’autres pays développés[3].
2) On a vu aussi en France lors de l’épidémie de Covid 19 des personnes vivant en Ehpad (15000 décès rien que dans la première phase de l’épidémie en 2020) ne pouvoir accéder aux soins spécialisés en hôpital, complétement abandonnées et mourir dans des conditions effroyables : il s’agissait de garder les places pour des plus jeunes parce qu’on avait supprimé des lits d’hôpitaux. Inutile de poursuivre cette description de faits incontestables.
3) La crise économique et sociale récente du monde agricole a montré la fréquence importante des suicides chez les paysans les plus pauvres. Les personnes affiliées au régime agricole, consommant des soins et âgées de 15 à 64 ans, ont un risque de mortalité́ par suicide supérieur de 43,2 % à celui des assurés tous régimes de la même tranche d’âge. Ce sur-risque est de 36,3% pour les non-salariés et atteint 47,8% pour les salariés agricoles. Ce sur-risque est plus marqué chez les anciens exploitants (113,7%) que chez les salariés retraités (74,5 %). C’est bien une question sociale et politique. On pourrait aussi signaler le taux de suicide chez les policiers qui est supérieur de 50% à celui du reste de la population.
Une société néolibérale qui ferme des lits d’hôpitaux, réduit les crédits des services de soins palliatifs et réduit les effectifs sanitaires, peut-elle inspirer confiance ? Regardons par exemple pourquoi le Canada, pays riche et très libéral qui a validé toutes les propositions en faveur de l’euthanasie, euthanasie-t-il particulièrement les pauvres ? Les riches trouvent d’autres solutions de prise en charge[4]. D’un côté on nous propose l’homme augmenté, le surhomme sélectionné et de l’autre on nous propose de faire mourir ceux qui le souhaitent ou qui sont considérés comme des déchets inutiles. On allonge de façon mortifère l’âge de départ en retraite et en même temps on propose d’en finir plus facilement avec la vie !
La question du suicide assisté
Regardons la réalité dans sa complexité et ses contradictions. Trois associations militent pour une légalisation de l’aide active à mourir : L’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), Ultime Liberté, et Le Choix – Citoyens pour une mort choisie.
L’ADMD[5] est l’association historique et la plus importante, les deux autres en sont des scissions. Ultime Liberté[6] une scission de l’ADMD, fondée en 2009, essentiellement sur des questions philosophiques et de stratégies d’action. L’association Le Choix-Citoyens pour une mort choisie[7], fondée en 2018, est issue d’une autre scission de l’ADMD sur des problèmes de gouvernance, de stratégies mais également sur des questions philosophiques.
Deux mots-clefs résument leurs positions et leurs divergences. Vient en premier la notion de liberté qui se décline en un droit puis vient la notion de dignité.
Liberté
Il s’agit de la « LIBERTÉ de chacun de disposer de sa personne, de son corps, de sa vie et donc de sa mort ». Cette liberté reposerait sur la seule libre disposition de soi. Elle se rattacherait aux libertés fondamentales qui fondent notre droit moderne. Le corps humain est dit indisponible ; il ne peut ni ne doit faire l’objet de propriété. Le droit au suicide est reconnu, ce qui n’exclut pas un devoir d’assistance envers les personnes tentées par le suicide.
Globalement les associations en faveur de l’aide active à mourir estiment que le droit de mourir à sa demande ou de se suicider entraine de facto l’obligation pour l’État de fournir les moyens adéquats à l’exercice de ce droit sous peine d’un déni de droit. Il en résulte une demande basée sur l’exercice d’une liberté fondamentale qui serait celle de disposer de son corps et de sa vie et qui obligerait l’État à organiser l’exercice de ce droit. Si on suit cette manière de penser, ce droit n’a qu’une seule condition à son exercice : la preuve de la liberté et de l’autonomie du demandeur. C’est la position que prend l’association Ultime Liberté qui récuse toute demande de preuve d’une maladie grave en cours et n’inclut aucun avis médical devant exclure une atteinte du jugement (par dépression ou délire par exemple). Elle ne souhaite pas que l’exercice de ce droit à mourir soit du ressort de la médecine. Elle craint par dessus tout le « pouvoir médical ». Cette position radicale largement explicitée dans la profession de foi de l’association[8] récuse la dimension médicale d’une fin de vie déjà en vue. Pour elle, l’État n’est que le simple garant de notre liberté, il ne doit s’occuper ni d’égalité, ni de fraternité, ni de réalisation du bonheur, ni quoi que ce soit d’autre que l’exercice de la seule liberté. L’individu reste seul. C’est une conception libérale-libertarienne de l’organisation sociale.
Dignité
Depuis 1980, l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité milite pour que chaque Française et chaque Français puisse choisir les conditions de sa propre fin de vie conformément à ses conceptions personnelles de dignité et de liberté. Pour appuyer l’aspect libertaire, il faut en modérer l’aspect fraternel : « Le principal objectif de l’ADMD demeure que chacun puisse, à sa stricte demande, bénéficier d’une mort consentie, sereine et digne ; la dignité étant une convenance envers soi dont chacun est seul juge[9] ». L’ADMD martèle ses positions libertaires voire libertariennes: convenance envers soi dont chacun est seul juge. Mais si chacun est juge et seul juge de l’état de sa dignité, dignité impartageable car simple convenance envers soi, on se demande pourquoi restreindre l’aide active à mourir aux seules victimes d’une maladie grave et terminale ?
Les fondateurs de l’ADMD, dont est issu tout le mouvement pro-euthanasie en France, expliquent que l’origine de leur engagement se tient dans ce qu’ils appellent leur « texte fondateur » [10], texte qui a figuré de très longues années en première page du site de l’ADMD. Il faut lire ce texte exclusivement tourné vers l’indécence de la décrépitude de l’âge, indécence où nous nous maintiendrions par « une superstition vieillotte, indécence qui coûte cher ». L’euthanasie y est présentée comme la solution moderne qui « mettrait la dignité humaine à jour de la technologie », qui nous libèrerait « des charges sociales afférentes à l’accroissement continu de la longévité ». La mort y est présentée comme le dernier élément naturel que l’homme répugne à domestiquer par « indigence intellectuelle et (notre) infantilisme affectif ». Dans ce texte pas un mot sur les cancéreux, les souffrants, les paralysés. Pas un mot. Une seule et unique cible : la décrépitude obligée de la vieillesse ! La vieillesse est indigne parce qu’elle est indécente (âgisme). Texte fondateur !
À coté des ces positions théoriques on peut regarder la réalité : le suicide est bien une question de santé publique
a) les données objectives
Le suicide est l’aboutissement de la dépression. C’est la complication d’une maladie. Regardons le phénomène du suicide[11]. Le nombre de suicides en France en 2022 a été 9 200. Soit 25 morts par jour sur 685 tentatives quotidiennes. Ces chiffres sont très importants et permettent de dire que le suicide est un véritable problème de santé publique. Mais la plupart des tentatives heureusement n’aboutissent pas à la mort. Le taux de mortalité en France pour 100 000 habitants est de 13,4 contre 11,3 en Europe ce qui est inquiétant pour notre pays. Les hommes se suicident 3 fois plus que les femmes mais les femmes font plus de tentatives que les hommes. Bien souvent la tentative de suicide n’est pas une volonté réelle de mourir mais plutôt un appel au secours dans une situation de détresse ou un état pathologique sous-jacent de dépression. Ceci doit nous inciter à prendre avec beaucoup de prudence l’expression d’un souhait de suicide. On note que le taux de suicide le plus élevé se rencontre chez les personnes de plus de 75 ans. Les dernières données publiées cette année montrent une augmentation inquiétante de suicides chez les jeunes, plus particulièrement chez les jeunes filles en 2020 et 2021, avec une persistance en 2022. La période de pandémie a fait apparaître un phénomène en croissance[12] de plus de 22% chez les jeunes femmes en 2021. Les professionnels appellent à la mobilisation de tous pour enrayer le phénomène. Sur les 3 premiers mois de 2022, Santé Publique France a enregistré 6 418 passages aux urgences pour ce motif, en hausse de 27% par rapport à la même période en 2021. Un groupe de malades particuliers, les psychotiques délirants, parfois se prennent pour des oiseaux et sautent par la fenêtre. Leur attitude ambivalente vis à vis de la mort est un souci constant des médecins. Les adolescents aussi sont souvent dans un comportement mortifère, ils jouent avec les limites. Il y a parfois des drames…
Il faut savoir que les personnes tentant de se suicider, quel que soit leur âge, lorsque la mort n’est pas au rendez-vous, sont soignées. La plupart de temps les patients sont d’ailleurs heureux d’avoir survécu. Les médecins ont appris à reconnaître les risques de passage à l’acte de ces patients dépressifs. Ils ont des méthodes de prévention de ce risque et de soins. La dépression est une maladie qui se soigne même en fin de vie. Ce sont ces soins que fournissent les médecins généralistes, les pédiatres, les psychiatres et les psychologues malheureusement trop peu nombreux. L’hospitalisation est assez souvent nécessaire et relève de la psychiatrie.
b) Il y a des mesures à prendre
Les gouvernements actuels réduisent les moyens de soins et de suivi des malades psychiatriques de façon drastique. Des mesures de prévention et de soins s’imposent. Augmenter le nombre de psychiatres et d’infirmiers psychiatriques, améliorer l’attrait pour les métiers de la psychiatrie, rénover et donner les moyens nécessaires à la psychiatrie publique, arrêter la privatisation, relancer la politique de secteur, et particulièrement s’occuper de la psychiatrie infanto-juvénile en grande détresse. On pourra se reporter à l’article du Dr Martine Garrigou sur la pédopsychiatrie paru en septembre 2023[13].
Concernant la maladie d’Alzheimer (900 000 personnes en France) qui est une maladie progressive et qui crée beaucoup d’angoisse chez les personnes âgées, le désir de mourir avant de voir la situation se dégrader peut survenir. Faut-il considérer que ces personnes seront éligibles à l’assistance au suicide ? Est-ce la solution à leur problème ou aux problèmes qu’ils posent à la société ? À quel moment alors passera-t-on à l’acte ? À quel moment ces personnes seront-elles en situation de prendre en toute conscience une telle décision alors que cette maladie détruit peu à peu la conscience ? Qui va décider ? Cela concerne des centaines de milliers de gens dans notre pays. Ne va-t-on pas passer alors du suicide assisté à une euthanasie de masse ? Où seront les limites ? Il en est de même pour d’autres maladies neurodégénératives.
Nous l’avons dit, le cas où une personne pleinement consciente et dotée de toutes ses capacités cognitives choisit de mourir n’existe pas. La question sera aigue chez les malades diminués, particulièrement les malades mentaux. Dans certains pays (Belgique[14]), on a vu certains proposer que cette disposition soit élargie justement aux malades psychiatriques, voire aux prisonniers. Récemment une jeune femmes de 23 ans dépressive après les attentats islamistes a demandé à mourir : elle a été euthanasiée… est-ce raisonnable ? Et d’autres l’ont proposé pour les enfants aussi lorsqu’ils sont gravement malades et souhaitent peut-être en finir[15]. Où va-t-on ?
La question de l’euthanasie
L’euthanasie est assez difficile à définir en fait, particulièrement en regard du suicide assisté dans le cadre de directives anticipées lorsqu’un malade est incapable d’exprimer une volonté au moment ultime. Il s’agit de donner la mort dans un cadre légal à une personne qui le demande, l’a demandé voire qui ne demande plus rien. Cette pratique peut s’adresser à des handicapés, des malades psychiatriques, des personnes âgées diminuées dans leurs aptitudes physiques ou mentales comme on vient de le voir pour l’Alzheimer. Des enfants peuvent en être victimes et la question est posée dans certains pays aujourd’hui. La notion de « décrépitude des personnes âgées » signalée plus haut est envisagée par certains. Ce serait une indication. Cela fait frémir. Le point principal est qu’il s’agit de donner la mort à la suite d’une décision finalement arbitraire mais dans un cadre légal. Il y a quelqu’un in fine qui décide pour autrui. Qui sera le décideur ? C’est le pouvoir législatif qui le dira. Le décideur choisira la méthode et le moment même s’il y a une notion de directives anticipées. Cela suppose donc qu’une liste des affections ou des indications soit dressée par le pouvoir législatif ou par l’exécutif (il porte alors bien son nom !) et qu’un système judiciaire de contrôle fasse son oeuvre. C’est ce qu’on peut appeler la mort administrée au sens où une administration s’en occupera. Un peu comme la peine de mort lorsqu’elle existait. On peut souhaiter bon courage aux juristes pour définir une nosographie qui est en constante évolution et qui n’a jamais fait l’objet d’aucun consensus. Il suffit de voir la Classification Internationale des Maladies (CIM) définie par l’OMS[16] dont on en est à la 11e version…
La question de la fin de vie et des soins palliatifs
Nous l’avons dit : les moyens humains et matériels existent pour que les personnes mourantes ne souffrent pas et s’endorment de façon paisible et à tout le moins inconscientes. Les moyens juridiques (Loi Clayes-Leonetti) existent et répondent très largement à ce besoin. Néanmoins comme toute loi, elle est critiquable et peut être améliorée. Elle est mal appliquée comme chacun sait. Malgré ses avancées juridiques, cette loi a ses limites dans son application faute de moyens financiers, de lits disponibles et de personnels formés. Elle n’est pas sans ambiguïté. De plus l’ONDAM qui fixe les dépenses annuelles est une procédure législative totalement inadaptée de ce point de vue.
Chaque année la France compte près de 660 000 morts ; dont 300 000 environ auraient besoin, à différents niveaux, de soins palliatifs ; c’est-à-dire d’une prise en charge spécialisée, attentive à leur confort et au soulagement de leurs symptômes. Près de la moitié d’entre eux n’en bénéficie pas à l’heure actuelle, en dépit d’une loi votée en France en 1999 instaurant l’accès aux soins palliatifs pour « toutes les personnes dont l’état de santé le requiert ».
La priorité, c’est le développement des soins palliatifs ce qui suppose de tourner le dos aux politiques d’austérité actuelles. Ensuite faire le bilan. La question de l’aide active à mourir se posera peut-être différemment. La parole du bien portant s’inscrit dans une réalité tout autre que celle de la personne malade, plus encore de celle dont la mort est proche. Les attentes ne sont plus les mêmes et l’ambivalence des demandes est plus forte que jamais. Enfin ces services sont soumis à des règles de fonctionnement absurdes comme le paiement à l’acte et des incitations financières à des séjours courts…
La question centrale de la volonté du mourant
Ce qu’il est convenu d’appeler les « aides actives à mourir », posent, au-delà de leur légitimité même, une question plus fondamentale encore : celle du risque de donner la mort suite à une demande radicale alors que la volonté de la personne n’est pas engagée. Pour les associations en faveur des aides actives à mourir, la question de la volonté de la personne ne se pose pas puisqu’une fois la demande posée, réitérée, réfléchie voire discutée, une fois son autonomie validée par un groupe d’experts, la personne est juge et seule juge[17] de sa vie. À les entendre, le soignant qui aidera ou œuvrera à son décès serait dédouané de tout risque d’erreur puisqu’il n’est que la main du demandeur. Pour ces associations la demande émane forcément d’une volonté et il n’est pas envisageable que cette volonté soit questionnée.
Les opposants aux aides actives à mourir suggèrent au contraire que le demandeur puisse émettre cette demande pour bien d’autres raisons qu’une volonté claire de mourir et qu’en conséquence y donner suite expose le soignant au risque d’erreur et de contribuer à la mort prématurée de quelqu’un dont les motivations n’étaient ni assises ni claires. Ils en tirent argument pour refuser en bloc toute aide active à mourir. Un certain nombre de faits viennent étayer cette thèse. Le premier est que la plupart des demandes d’aide active à mourir disparaissent au cours d’une prise en charge palliative de qualité, laissant penser qu’elles émanent de peurs, de détresses, de fausses idées, de chocs émotionnels et qu’y donner suite les validerait et s’apparenterait à un abandon. Bien sûr, les envies de mourir au cours de maladies graves au pronostic vital engagé ne sont pas des pulsions suicidaires ordinaires. Cependant l’expérience des soignants montre que rien n’est simple dans ce domaine et que derrière la maladie peuvent se cacher des motivations complexes voire troubles et que là encore, y donner suite ressemble fort à un abandon du patient à ses souffrances morales. Par exemple en Oregon, le médecin prescrit un produit mortel, le pharmacien le délivre et le malade se débrouille ensuite seul.
Tout le débat tient en deux mots : opinion ou volonté ?
Les soignants interrogent la volonté des personnes dont ils ont la charge. Ils savent que des opinions peuvent venir occulter la volonté des patients. À quoi bon vivre les six prochains mois qui s’annoncent les derniers ? Est-il raisonnable de s’accrocher à une vie qui ne veut plus de nous ? Se construisent ainsi des rationalisations qui s’énoncent souvent comme des jugements, des avis, des opinions donc, et qui viennent contredire une vitalité qui se moque des fatigues et des douleurs. Et cela est vrai dans les deux sens ! Combien de malades acceptent des traitements parce qu’ils se font une raison alors qu’en fait plus rien en eux n’en veut ? Le soignant recherche la volonté du patient, volonté de vivre ou volonté de mourir, son intime conviction qu’il veut de ce traitement ou qu’il ne veut plus vivre. La recherche de la volonté ultime d’un patient est la grandeur de la médecine moderne, républicaine. Le patient acteur de sa santé, la recherche de l’émergence des attentes du patient sont les expressions modernes de l’évolution de la médecine vers une médecine de la personne.
Qu’est-ce les projets de lois ont à dire sur ce dilemme ? Rien. Pourquoi ?
La première raison est que ces lois sont faites par des vivants pour rassurer des vivants et non par des mourants pour accompagner des mourants et ce sont pourtant eux les principaux intéressés. Et les vivants, contrairement aux mourants, sont le plus souvent péremptoires quant à leurs opinions sur la fin de vie. Ils se comportent comme s’ils savaient ce que leur volonté sera quand la mort approchera. Ils se trompent. Tout soignant non seulement a connu des personnes qui affirment qu’ils demanderont à mourir « quand le jour viendra », restant dans le plus grand déni lorsque le jour est venu et d’autres qui, affichant un respect sacré pour la vie, baissent les bras, accueillent et souhaitent la mort parfois l’anticipant.
On n’interroge pas les volontés non plus parce qu’il semble difficile de faire des lois avec cette chose insaisissable qu’est la volonté. Une loi veut des listes de conditions d’éligibilité aux aides à mourir qu’un panel d’experts pourra valider. Et un diagnostic et une liste de symptômes n’ont jamais fait une volonté. Quand on juge sur une liste d’éligibilité et sur une opinion affichée antérieurement par le patient, on décide dans une incertitude totale mais cette décision sera juridiquement imparable ! La pathologie est sur la liste et le patient a signé la demande : que demander de plus ? Quand, en revanche, on s’attèle à rechercher la volonté de la personne, volonté de vivre comme volonté de mourir, quand on fait son affaire de la faire émerger, de l’accompagner dans les méandres flous de son expression, on décide alors avec la force d’une intime conviction même si ces décisions n’ont pas la forme rassurante d’un contrat légal. Bref, clairement, les lois existantes ou futures sur les aides à mourir préfèrent l’erreur juridiquement imparable à la force d’une intime conviction contractuellement faible.
Comment faire alors pratiquement pour décider selon la volonté des personnes ?
Deux choses seulement :
1°) En finir avec une liste de conditions faites pour rassurer, pour définir un « cadre légal », en finir donc avec le panel d’experts, avec des conditions objectives donnant droit à une aide à mourir.
2°) Se tourner vers ceux qui sont en mesure de faire émerger, de suivre, de recevoir la volonté des patients : le patient lui-même, ses proches désignés, l’équipe de soin qui le prend en charge. Le patient doit être pris en charge jusqu’au bout.
Quand, au cours d’une prise en charge, émerge un questionnement du patient vers un arrêt de soin, vers une mort anticipée, il demandera la constitution de ce que nous appelons son « collège clinique » dans le service où il est pris en charge. La loi peut en fixer les modalités, les membres de droit (le patient, la personne de confiance, le médecin traitant, les soignants impliqués) et les membres facultatifs (des proches, des soignants choisis, des représentants de mouvements de pensée choisi par le patient (religieux, associations) etc). La loi peut aussi fixer précisément les modalités de débat du collège clinique : type de réunion, modalité de compte-rendu, avis et argumentation de chacun. Enfin, pour éviter l’enfermement émotionnel propre à ce genre de situation, le collège clinique doit être supervisé. Là encore la loi peut fortement encadrer la supervision. Nature et nomination des superviseurs, rôle précis ; ils devront n’avoir aucun lien personnel ni avec le patient ni avec l’équipe et être des personnes rompues aux pièges des fins de vie. Ils valideront la qualité du travail du collège clinique.
Quel est ce travail ? La tâche du collège clinique est la tâche de toute prise en charge médicale : décider collectivement, avec le patient et toute autre personne qu’il invitera dans cette prise de décision, de la meilleure prise en charge possible selon les possibilités de la médecine, les possibilités des soignants et les attentes du patient, attentes qu’il faudra aider à faire émerger. Le collège clinique va tenter d’obtenir une intime conviction collective sur la meilleure manière de poursuivre la prise en charge du patient. En fait c’est la tâche de toute médecine correctement dispensée. La seule nouveauté, c’est que désormais s’inscrit dans les possibles que la meilleure prise en charge décidée soit d’anticiper la mort. Et si c’est cette décision qui émerge, décision dont la procédure a été validée par la supervision, alors l’équipe de soin qui a participé à ce collège clinique aura la possibilité d’accompagner le patient dans la réalisation de sa volonté de mourir.
« Donner la mort n’est pas un soin» répètent à l’envi les opposants aux aides actives à mourir. Ils ont souvent raison. Ce n’est pas un soin mais cela peut être la poursuite d’une prise en charge. L’abstention thérapeutique non plus n’est pas un soin (on ne le dit jamais). Elle est accompagnée de soins certes… s’il en faut. Mais c’est indéniablement une prise en charge, une décision collective en accord avec le patient sur la meilleure attitude possible quand la meilleure attitude est justement de ne rien faire. Ce n’est pas un soin, c’est une prise en charge. Faire une sédation jusqu’au décès à la demande du patient est partiellement un soin. C’est une sédation, un soulagement par extraction à la conscience des symptômes, donc un soin sous cet aspect-là. Mais l’aspect « jusqu’au décès » n’est pas un soin ; l’obtention du décès sous sédation demande une attention à un décès sans doute plus rapide (ou différent) qu’il n’aurait été naturellement. L’équipe et le patient ont alors opté pour ce qui apparaissait comme la meilleure prise en charge à ce stade ; cela incluait des soins et une attention à la survenue de la mort… qui n’est pas un soin. Nous savons qu’en fait cela est de pratique assez courante bien qu’illégale aujourd’hui.
Ce que nous proposons n’est-il que cela ? Ajouter un moyen de plus à disposition des équipes ? Quand une équipe entend que c’est la volonté du patient et qu’elle atteint l’intime conviction qu’aider au décès est la meilleure prise en charge possible, la loi doit l’autoriser. S’agit-il d’une simple extension des possibilités techniques de prise en charge ? Bien évidemment non. La mort donnée reste une transgression majeure. D’ailleurs nous savons bien que la succession des prises en charge, de l’abstention thérapeutique à la sédation jusqu’au décès prend garde à fournir des garanties (plus ou moins convaincantes d’ailleurs) que la prise en charge reste en-deçà de la transgression. Ce qui se propose ici n’est pas une simple mais bien une radicale extension de la prise en charge. C’est la radicalité, ouverte par l’évolution de nos mœurs, d’une fraternité qui en réponse à la radicalité de la demande d’un sujet répond par la transgression de l’interdit du meurtre. Ce n’est ni simple ni technique mais cela prend l’aspect de la poursuite d’une prise en charge.
Il faut prendre acte de la maturité atteinte par les équipes soignantes, par les citoyens, par les patients. Il s’agit d’œuvrer à une fraternité responsable et réfléchie qui s’engage auprès du patient et ni plus ni moins de tenter de contrer l’évolution industrielle de la médecine. La médecine industrielle fragmente les corps et les demandes, de fait elle œuvre à l’abandon de la personne au profit de ses organes. Dans cette médecine, le soignant est transformé en un producteur d’actes parcellaires, sans vue (ni responsabilité) d’ensemble. Les partisans actuels des aides actives à mourir sont très à l’aise avec la médecine industrielle (ils viennent d’ailleurs de ce monde néo-libéral[18]). Ce qu’ils souhaitent est la mise à disposition de produits de mort-dispensée assortie de règles automatiques d’usage prescrites par la loi et validées par un panel d’experts. Ce que nous proposons là va à contre-courant : replacer la personne en sa totalité dans la relation thérapeutique, faire confiance aux équipes et aux citoyens, les laisser ou les aider à parvenir à une intime conviction sur la meilleure prise en charge possible… serait-elle une mort donnée.
Revenons sur la forme juridique, organisationnelle de ce collège clinique.
Juridiquement, il faut se faire une raison que ses avis et décisions n’auront jamais la simplicité juridiquement inattaquable d’une mort-dispensée selon des critères d’éligibilité fournis par une liste officielle et une demande contractuellement signée (même si cette force juridique cache de terribles erreurs et abandons). C’est pourquoi il faut que la loi donne au collège clinique tout le pouvoir de décision.
On rappelle que les travaux du collège clinique sont supervisés. L’État nomme un ou des superviseurs qui entendent à nouveau les membres du collège, qui relisent les minutes de leurs débats, qui s’assurent que toutes les solutions ont été envisagées, que le travail du groupe a été sérieux et complet, qu’il est informé de toutes les options médicales, qu’il n’est pas soumis à influence, qu’il n’est pas sous la coupe d’une hiérarchie, de jeux de pouvoir, qu’il maitrise les émotions mises en jeu. Les superviseurs ne donnent pas d’avis sur la décision prise par le collège clinique mais, à la manière dont une cour de cassation ne juge que sur la forme et le sérieux des juges, sans présumer de leur intime conviction, ils ne valident que la qualité et la sincérité du travail du collège clinique, sans émettre d’opinion sur le fond. Fort du pouvoir que lui donne la loi et du contre-pouvoir de la supervision, le collège clinique émettra des avis juridiquement inattaquables. Bien sûr, l’État et la loi peuvent fortement encadrer ce travail par l’élaboration de procédures précises, de grilles d’aides à la décision, de modalités de recueil des avis.
Les personnes (et les soignants d’ailleurs) qui n’ont d’expérience de la médecine que cette usine à soins dispensés à la chaine où le rôle de chacun est millimétré, auront du mal à imaginer qu’une équipe, un patient, une famille puisse se réunir plusieurs fois, que chacun et chacune, quel que soit son rôle dans le soin, puisse parler et être entendu, qu’ils travaillent de concert à l’obtention d’un accord sur la meilleure prise en charge possible. Mais celles et ceux qui ont l’expérience des services de soins palliatifs, des bons Ehpad, des maisons ou centres de santé pluridisciplinaires savent que ce qui est proposé là est non seulement possible mais souhaitable et souvent même déjà ébauché voire pratiqué.
Le collège clinique vient humaniser les réponses aux demandes d’aides à mourir et leur donner la profondeur éthique dont elles sont privées. Ce travail de l’accueil des demandes d’aides à mourir pourra ainsi nous éloigner des compromis mous qu’on nous promet et au contraire œuvrer à une évolution de la médecine et de la république vers la compréhension essentielle du couple liberté-fraternité qui trône aux frontons de la République et que nous semblons parfois si mal comprendre.
Nos propositions
a) Concernant le suicide assisté sur simple demande de la personne :
Nous y sommes opposés.
Face au risque de suicide qui malheureusement se développe aujourd’hui, particulièrement chez les jeunes, nous avons besoin d’une grande politique de santé publique. Les effectifs de professionnels de santé dans le soin comme la prévention doivent être adaptés. La médecine scolaire, la médecine du travail, la médecine de PMI, comme celle des hôpitaux généraux et psychiatriques et des centres de santé doivent être une priorité nationale. Il faut recréer les secteurs psychiatriques à taille humaine et renoncer à la nouvelle orientation libérale qui consiste à réduire les soins spécialisés de psychiatrie aux seules urgences et à tout transférer au secteur privé « rentable » pour les investisseurs. Le comportementalisme ne peut être la seule philosophie sous-jacente. Les moyens financiers de l’Assurance maladie doivent être mis à la hauteur des besoins par la cotisation et la prise en charge de toutes ces situations doit se faire à 100%, sans reste à charge pour les patients. Il n’est pas question que cette politique soit encadrée par un taux directeur type ONDAM. Sans aborder cette question majeure toute proposition gouvernementale sera disqualifiée. Or nous pensons que le gouvernement de Macron ne proposera aucune politique nouvelle qui tournerait le dos à ce qu’il fait depuis le début de sa présidence.
b) Concernant l’euthanasie
Nous y sommes fermement opposés.
Donner la mort à quelqu’un en dehors de sa volonté ultime, même dans un cadre défini légalement (critères d’éligibilité, indications administratives, méthodes encadrées par la loi, comité d’experts) doit rester illégal. Le concept de décrépitude des personnes âgées est à bannir.
c) Concernant la fin de vie en soins palliatifs
Nous proposons deux types de mesures : le développement accéléré des soins palliatifs et la possibilité pour les équipes de soins palliatifs de prolonger la démarche d’accompagnement du patient jusqu’à l’aide à mourir
A) Le développement accéléré des soins palliatifs.
Ces mesures rejoignent celles que proposent la conférence citoyenne[19], le comité national d’éthique et le CESE tout en posant en plus la question des moyens financiers. Il y a là un rassemblement possible et la possibilité de déboucher sur un progrès général qui rassure et apaise. La traduction législative de ce développement ferait que, tout compte fait, le débat public et parlementaire aura été utile.
- Il est inadmissible que vingt départements en France n’aient aucun service de soins palliatifs. Les services existants sont bien souvent de taille inadaptée. L’hôpital public est en carence mais aussi les services ambulatoires. Sur les 660 000 décès par an en France, 300 000 pourraient relever de cette assistance. Nous avons 164 vraies unités de soins palliatifs avec 1880 lits et 901 établissements de santé avec 5618 lits identifiés en soins palliatifs soit un total de 7498 lits. On est bien loin de satisfaire la demande. C’est une politique de grande ampleur qu’il faut développer. L’inadaptation du financement à l’acte (T2A) pour les soins palliatifs doit être corrigée. En effet le principe même des soins palliatifs est de faire le minimum d’actes techniques pour se concentrer sur le confort physique et psychologique du malade. De même les mesures financières absurdes qui incitent à favoriser les séjours les plus courts possibles doivent être proscrites. Bien sûr, cela pose aussi le problème des effectifs médicaux.
- Dans une phase intermédiaire en attendant le plein développement des services de soins palliatifs nous demandons que soient créés très rapidement dans chaque hôpital des lits de repli dédiés à l’accompagnement des malades en fin de vie afin qu’ils ne restent pas abandonnés dans des couloirs ou chez eux. Ces lits réservés n’existent pas vraiment ; la crise hospitalière avec fermeture de lits et de services heurte frontalement cette proposition.
- Développer l’accompagnement à domicile est une piste à travailler. Mais cette proposition se heurte au problème des déserts médicaux : pénurie de médecins traitants, d’infirmières, de services médico-sociaux. Par ailleurs bien souvent les tout derniers jours ne peuvent se dérouler à la maison du fait d’une absence éventuelle de famille, de la fatigue des aidants, de l’inadaptation des locaux et de divers problèmes techniques.
- La formation initiale et continue concernant la fin de vie des professionnels de santé.
- Nous soutenons l’idée avancée par la conférence citoyenne de mettre en place des données chiffrées qui permettent une meilleure connaissance des besoins.
- Concernant les Ehpad, certains proposent qu’ils puissent être des lieux de soins palliatifs pour leurs résidents. C’est à discuter mais l’expérience des épisodes récents de Covid 19 incitent à la prudence car ils ne disposent ni de médecins permanents, ni d’infirmières formées aux soins palliatifs, ni d’outils techniques adaptés (salles équipées, matériels, médicaments spéciaux etc). Il faut alors leur donner les moyens techniques et humains pour ce faire. Ne doivent-ils pas rester des lieux de vie ? Enfin, quand on voit aussi les scandales récents concernant les Ehpad à but lucratif (ORPEA par exemple), on ne peut qu’être réservés sur leur participation.
- Seul, le service public peut assurer à tous une égalité de traitement hors inégalités financières, sociales ou territoriales. On ne peut confier à des sociétés à but lucratif cette activité.
- Toutes les mesures d’information du grand public proposées par la conférence citoyenne sont de bon sens.
B) La possibilité pour les équipes de soins palliatifs de prolonger la démarche d’accompagnement du patient jusqu’à l’aide à mourir doit être proposée dans le cadre suivant :
a) mise en place de « collèges cliniques » ayant pouvoir de décision dans les services avec une définition légale claire (mission, composition, organisation, modalités du débat, méthodes de travail), et l’obligation de superviseurs jugeant de la qualité de la prise de décision.
b) ces collèges cliniques apprécient la volonté du patient dans les dernières phases de la prise en charge ; c’est cet aspect de respect de la volonté de vivre ou de mourir du patient qui doit être le guide.
c) le cadrage législatif devra prévoir la protection juridique des professionnels pour éviter les excès de la judiciarisation toujours possible de cette activité.
d) des centres pilotes peuvent être envisagés pour évaluer cette méthode, être lieux de formation et permettre un retour d’expérience. La loi pourrait être soumise à une évaluation au bout de cinq ans.
C) Dans une interview au Figaro à la mi-décembre, la ministre Firmin Le Bodo chargée du dossier a proposé la création de maisons dites d’accompagnement hors hôpital public sans médecins et la mort programmée pourrait être réalisée 6 à 12 mois avant l’issue fatale prévisible.
L’idée de date prévisible de la mort n’a pas de sens sur le plan médical. Quant aux maisons dites d’accompagnement hors hôpital, elles rendraient impossible tout accompagnement médical du patient et tout soin de confort. Nous supposons que le secteur privé à but lucratif serait ravi de l’aubaine. Nous devons dire que l’accompagnement vers la mort doit rester hors marché et donc rester dans l’hôpital public ou participant au service public avec des professionnels de santé. Sinon, c’est un total abandon.
Au total, de nombreuses pistes de travail déjà connues sont avancées mais les moyens (financement de l’Assurance maladie, suppression de l’ONDAM, de la T2A et des politiques d’encadrement des dépenses, nouvelle gestion des services, service public, création de lits et de services sur tout le territoire, embauches etc) seront probablement ignorés par le projet gouvernemental. Cela rendra alors inopérant tout progrès. La proposition de la prolongation de la prise en charge ultime par l’équipe soignante avec la mise en place du collège clinique tel que nous le proposons sera le point nouveau de nature à répondre aux aspirations de la population. Le débat public à l’Assemblée nationale et au Sénat sera le moyen de mettre ces questions en avant dans toute leur ampleur. Et, partant des besoins concrets, ces propositions nouvelles constitueront un point d’appui puissant pour replacer au cœur du débat public la remise en cause de l’austérité des politiques publiques et les besoins de financement de notre santé.