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Que reste-t-il de la santé et de la protection sociale après les élections?

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L’auteur, au terme des élections de 2022 rappelle les attentes exprimées par la population en matière de santé et de protection sociale. Elle donne les positions des différents candidats et restitue le programme commun adopté par la gauche pour les élections législatives.

 Abstract : The author, at the end of the 2022 elections, recalls the expectations expressed by the population in terms of health and social protection. It gives the positions of the various candidates and restores the common program adopted by the left for the legislative elections.

Lors de la campagne pour les élections présidentielles, la Mutualité Française, dans le cadre de son « Grand Oral de la Mutualité » dédié aux propositions en matière de santé et de protection sociale des candidats et candidates, a sollicité l’institut de sondage Harris Interactive pour  connaître  les attentes des Français en matière de santé et de protection sociale. Voici quelques résultats du sondage de manière non exhaustive[1]:

  • 66% des Français estiment que les candidats ne parlent pas assez de santé. Les attentes principales résident comme en 2017 autour des enjeux de financement de la protection sociale et d’accès aux soins pour tous.
  • De manière générale, les Français sont très attachés à la Sécurité sociale et ne sont pas prêts à en remettre en cause les principes, même s’ils sont inquiets à l’égard du déficit perçu, jugé très conséquent, et pensent que les soins seront moins bien remboursés à l’avenir. 
  • 50% des Français ont déjà renoncé à des soins de santé pour des raisons financières. 42% par manque de professionnel de santé à proximité.
  • Pour améliorer l’accès aux soins pour tous, les mesures jugées les plus importantes sont la lutte contre les déserts médicaux et la limitation des coûts qui pèsent sur les patients (dépassements d’honoraires, prix de certains produits). Notons que plus de la moitié des Français déclarent avoir déjà dû renoncer à des soins pour l’une de ces raisons.
  • 76% des Français sont préoccupés par le risque de dépendance et de perte d’autonomie.

Sans surprise, la santé et la protection sociale reste l’une des préoccupations majeures de nos concitoyens.

Si 4 des 12 candidats, dont Fabien Roussel, sont venus présenter en personne leur programme le 1er mars 2022 lors de ce grand oral « Place de la Santé », les questions de santé et protection sociale portées par les 12 candidats ont fait l’objet d’un décryptage[2]. Quelles réponses pour l’avenir de l’hôpital, des déserts médicaux, de l’autonomie, du financement de la Sécurité Sociale, de la retraite ont été portées par les différents candidats? Suivant le comparateur[3], une large majorité des 12 candidats affichent dans leurs projets, la lutte contre les déserts médicaux, la revalorisation de l’hôpital public et la revalorisation des métiers de l’autonomie mais seulement 3 sur12 dont Fabien Roussel et Jean-Luc Mélenchon soutiennent l’idée d’un remboursement à 100 %  des soins prescrits par l’Assurance maladie avec quelques différences quant à l’avenir des mutuelles et des complémentaires santé.

Sans surprise, la promotion des centres de santé comme une des réponses aux déserts médicaux est mentionnée par les représentants  de la gauche à l’exception d’Anne Hidalgo et de Yannick Jadot (salariat au sein des maisons de santé), les autres familles politiques de la droite à l’extrême droite avançant la multiplication des maisons de santé libérales.

Pour l’hôpital public, E. Macron joue dans la continuité en proposant de poursuivre le sauvetage de l’hôpital public dans le prolongement du Ségur de la Santé et de recruter, sans toutefois mentionner un objectif chiffré d’embauches. V. Pécresse propose un plan d’urgence pour la santé en formant 20 000 médecins par an et en promouvant la coopération public/privé. Quant à Mme le Pen, son ambition de changement pour l’hôpital public, sera financé entre autre, par la diminution de 75 % des dépenses d’AME (aide médicale d’état) dans la perspective d’un programme santé fondé sur la priorité nationale.

Du côté de la gauche, il y a consensus sur la nécessité d’un plan d’urgence pour l’hôpital public, d’une reconstruction du service public hospitalier et d’un grand plan de développement de l’hôpital public. Tous sont favorables à l’arrêt des fermetures de services, à la suppression de la T2A (tarification à l’activité) à l’exception de Yannick Jadot qui entend la moduler, à des embauches et des formations massives et à la défense des hôpitaux de proximité.

Concernant la retraite, les candidats de droite et d’extrême droite sont pour un report de l’âge de départ à la retraite, hormis Mme le Pen qui défend le retour de l’âge de départ à 60 ans sans toutefois s’expliquer sur sa faisabilité. A gauche, il y a unanimité sur le maintien ou l’avance de l’âge de départ à 60 ans, Anne Hidalgo prônant le maintien à 62 ans.

Enfin sur l’autonomie, la revalorisation des métiers de l’autonomie, les taux d’encadrements dans les Ehpad et les mesures concernant les politiques du handicap sont portés par une majorité de candidats. Mais un seul candidat remet en cause le financement de l’autonomie par la 5ème branche ou 5ème risque de la Sécurité Sociale, c’est Fabien Roussel le candidat du PCF. Il est également le seul à porter la question du financement de la Sécurité Sociale et la prise en charge globale des risques entièrement financée par les cotisations, en ayant la volonté de construire une Sécurité Sociale du XXIe siècle[4].

Le 2ème tour de la présidentielle où se sont affrontés E. Macron et M. Le Pen n’a pas été marqué par de nouvelles propositions de la part des 2 candidats, alors que l’accès aux soins de premier recours est de plus en plus compliqué, que l’hôpital n’assure plus son rôle de service public d’accueil en  dernier recours. E. Macron a remporté cette présidentielle mais uniquement par la volonté majoritaire du pays de barrer la route à l’extrême droite. Et sans surprise, il perdure dans sa volonté de limiter les dépenses de santé et maintient l’hôpital public, la tête sous l’eau! On ne change rien!

Un espoir s’est levé néanmoins avec l’élection prochaine de nouveaux députés et le rassemblement  de la gauche ( LFI, PCF, PS, EELV) autour d’une coalition, la NUPES ( Nouvelle union populaire écologique et sociale). Espoir et attente du mouvement populaire d’avoir une majorité de députés issues de cette union porteuse au sein de la prochaine Assemblée Nationale, de réels changements dans la vie de tous les jours. Des objectifs communs ont pu être actés autour d’un programme partagé, d’autres resteront à débattre à l’Assemblée.

Les points qui ont rassemblés l’ensemble des forces de gauche de la Nupes afin de faire passer la santé d’abord et reconstruire les établissements de santé publics, notamment les hôpitaux[5] :

  • Reconstruire le service public hospitalier et instaurer le « 100 % Sécu » en remboursant à 100 % les soins de santé prescrits.
  • Ré-ouvrir des services d’urgences, de maternités et des EHPAD publics assurant un service de santé public de proximité à moins de trente minutes de chaque Français.
  • Sortir du tout T2A (tarification à l’activité).
  • Engager un plan pluriannuel de recrutement et de pré-recrutement des professionnels du soin et du médico-social (médecins, infirmiers, aides-soignants et personnels administratifs), revaloriser les métiers et les revenus et augmenter les capacités d’accueil des établissements de santé publics, notamment les hôpitaux.
  • Actionner tous les leviers pour combattre les déserts médicaux : création de centres de santé pluridisciplinaires publics et embauche de médecins salariés, augmentation des moyens des facultés de médecine, mobilisation de la médecine libérale et hospitalière, coopératives médicales, conventionnement sélectif, obligation temporaire d’installation, etc.
  • Faire de la santé mentale une grande cause du quinquennat : renforcer les moyens des centres médico-psychologiques (CMP) et des structures dédiées au handicap psychique, et augmenter le nombre de places en faculté de médecine dans la filière psychiatrique.
  • Construire un service public de la dépendance, développer un réseau public de maisons de retraite, former, qualifier et recruter en nombre suffisant le personnel nécessaire : au moins 210 000 personnels médico-sociaux et médicaux, revaloriser les métiers et revenus de l’ensemble des professionnels du grand âge à domicile comme en institution en refondant les grilles de rémunération et de qualifications.
  • Lever les obstacles à l’autonomie des personnes en situation de handicap
  • Assurer l’autonomie financière des personnes en situation de handicap, en revalorisant l’AAH au niveau du SMIC et en la rendant indépendante des revenus du conjoint.
  • Garantir une retraite digne : restaurer le droit à la retraite à 60 ans à taux plein pour toutes et tous après 40 annuités de cotisation ; financer l’équilibre des retraites en soumettant à cotisation patronale les dividendes, participation, épargne salariale, rachats d’action, heures supplémentaires.

Ces objectifs communs, sont pour certains mis à la sagesse de l’Assemblée, c’est à dire qu’ils resteront à débattre entre les groupes au sein de la prochaine Assemblée Nationale.

Deux exemples parmi d’autres:

Le Parti communiste français proposera de financer la garantie d’emploi par un redéploiement des aides publiques aux entreprises et de nouvelles cotisations sociales et d’intégrer les années d’études dans le calcul des annuités pour la retraite.

Le Parti communiste français proposera de remplacer la CSG par des cotisations sociales plutôt que de la rendre progressive.

OUI, les 12 et 19 juin prochains, un vent d’espoir peut se lever sur la France. OUI, il faut vite, une autre politique pour l’hôpital et la santé ! Il faut leur assurer un financement à hauteur des enjeux par la Sécurité Sociale et les cotisations. La nouvelle Assemblée Nationale devra d’urgence voter une loi rectificative à la loi de financement 2022 de la Sécurité Sociale pour donner enfin aux hôpitaux les moyens financiers nécessaires pour répondre aux besoins des populations, pour redonner espoir au personnel en des jours heureux et arrêter l’hémorragie des soignants. Cette loi rectificative devra s’accompagner de revalorisations salariales pour tous les personnels, de reconnaissance de la pénibilité du travail de nuit, d’un véritable plan de formation de soignants et d’un changement dans la gestion des hôpitaux, la tournant vers l’intérêt général et non la rentabilité.