Ce livre, écrit par un jeune enseignant, se situe délibérément sur deux plans différents, une différence qui en fournit le ressort dramatique, celle qui oppose la « grande histoire », celle de la recherche médicale sur l’identification du virus du Sida, et celle, intimiste et bouleversante, vouée à basculer dans l’oubli et l’anonymat, d’une famille qui l’a vécue au jour le jour. Deux histoires qui évoluent en sens contraire, l’une vers une victoire laborieusement acquise, l’autre vers la perte irréparable et la ruine de toute une vision du monde. Le seul point de rencontre entre ces deux histoires, c’est le courage, la ténacité et malgré tout l’optimisme des personnes confrontées à un mal inimaginable, et les regrets a posteriori de l’avoir sous-estimé, mal identifié, pas vu venir.
Le livre est organisé en brefs chapitres où les deux histoires alternent. On y trouvera une synthèse très claire des travaux de recherche et de leurs aléas. On y verra comment même une structure sociale et familiale aussi solide que celle qu’on peut trouver dans un petit village de l’arrière-pays niçois se disloque et finit par exploser, faute d’avoir su voir un malaise générationnel qui avança longtemps à bas bruit, jusqu’à ce que sa manifestation devienne irrécusable, réveillant, mais bien tard, les « enfants endormis ».
Un livre très sombre, mais aussi très informatif, dans lequel l’auteur s’acquitte sans complaisance mais toujours avec pudeur d’un devoir de mémoire.