L’image de l’Hôpital Public a évolué avec le Covid 19. Avant la pandémie, la grande Jean-François Rey est connu pour avoir conduit, avec Louis Calisti, l’expérience mutualiste de Marseille entre 1950 et 1989. Nous avons choisi de rééditer un choix des écrits les plus significatifs de Jean-François Rey, établi par Michel Limousin dans une première édition aujourd’hui épuisée du présent ouvrage parue en 2015.
Entre temps l’Union syndicale des médecins de centres de santé et la Fédération nationale des centres de santé ont choisi de donner le nom de Jean-François Rey à l’Institut de recherche qu’elles ont conjointement créé en 2016 afin de promouvoir la recherche en soins primaires et en organisation des soins. Cette réédition est réalisée par l’Institut Jean-François Rey avec le soutien de la Banque des Territoires.
Plusieurs des textes réunis ici éclairent les débats actuels autour de la nécessité d’abandonner le paiement à l’acte dans les centres de santé, au profit de forfaits à la capitation et d’une rémunération prenant en compte la qualité des soins délivrés, curatifs et préventifs, ainsi que l’accompagnement des patients et l’aller vers.
L’interview croisée de Jean-François Rey et de Jean Régnier, autre grande figure tutélaire des centres de santé, sur le volet municipal, est éclairante de ce point de vue. Jean-François Rey rapporte avoir abordé avec le patron de l’IGAS de l’époque, Michel Lucas, l’hypothèse d’un abandon de la tarification à l’acte au profit d’un budget global. Hypothèse rapidement abandonnée face au risque de créer un moyen d’étranglement de centres de santé, en butte à l’hostilité des libéraux. Les centres de santé sont ainsi resté durablement enfermés dans un conflit de valeurs, entre l’intérêt des patients exigeant de plus en plus de temps pour prendre en charge les pathologies chroniques et les multi-morbidités, et l’intérêt économique de l’établissement exigeant de facturer des actes pas trop coûteux à produire, et donc plutôt rapides.
Trente ans plus tard, dans le cadre des expérimentations article 51 PEPS et IPEP, le paiement des centres de santé au forfait en remplacement du paiement à l’acte, est actuellement testé dans plusieurs centres de santé participant au projet Epidaure. L’enjeu du moment, pour la bonne utilisation du bien commun que sont les ressources de notre sécurité sociale solidaire, est de connaître et s’assurer du contenu de ce qui est payé par l’assurance maladie à l’offreur de soins qu’est le centre de santé. Et de garantir que l’accès à bord du dispositif ne sera pas autorisé aux passagers clandestins, voire aux prédateurs. L’actualité de centres de santé dits déviants, voire parfois fraudeurs, nous invite à répondre clairement à ce défi partagé. Professionnels, gestionnaires, sécurité sociale.
Et si les professionnels de centres de santé, les gestionnaires de centres de santé et l’assurance maladie, se mettaient d’accord pour que cette dernière dispose en continu des informations cliniques nécessaires à la vérification de la qualité des soins délivrés dans le forfait ?
C’est l’hypothèse à laquelle travaillent au plan national les centres de santé en se dotant de leur propre système d’information commun, dont le cœur sera un entrepôt de données de santé. A côté de la garantie vérifiée du niveau de qualité des soins délivrés par les centres de santé, cet entrepôt de données de santé aura pour mission d’aider les équipes de centres de santé au pilotage interne de leurs activités : prévention et santé publique, pilotage clinique, gestion. Deux autres missions lui seront assignées : contribuer à la statistique publique en matière de santé, en alimentant le Health Data Hub et le Système national des données de santé, et développer la recherche en soins primaires et en organisation des soins.
Sur ce sujet, on lira avec le plus grand intérêt l’article rédigé avec Marc Andéol, paru en 1986 dans la revue Prévenir et reproduit dans ce volume. Intitulé « Nouvelles technologies et participation des hommes » il rapporte des travaux axés sur la mise en œuvre d’un système informatif capable de favoriser une nouvelle donnée dans le domaine sanitaire. Il met en garde contre le risque de médicaliser une grande partie de la population, promouvant ainsi au passage la pertinence des soins.
« On en a marre de se soigner, ce qu’on veut c’est ne plus être malade » disaient les ouvriers des aciéries selon les auteurs. On a envie de les suivre et de soutenir que plus que jamais l’avenir du soin est dans la prévention.