Brèves du cahier 54

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Relations avec les labos : un médecin sur deux a bénéficié d’avantages en 2024

Dans son nouveau rapport sur les relations entre les médecins et l’industrie en 2024, l’Ordre des médecins chiffre à 118 207 le nombre de médecins à avoir bénéficié directement ou indirectement d’avantages de la part de laboratoires. L’Ordre montre une augmentation des liens entre les professionnels de santé et les laboratoires. Ce travail est réalisé au sein d’une commission dédiée aux relations médecins/industrie, le Cnom devant examiner les recommandations (pour les conventions inférieures à 2 000 euros) et les autorisations (pour celles ayant des montants supérieurs à 2 000 euros). Les premières relèvent plutôt de l’avis ordinal, les secondes peuvent être autorisées ou refusées. Les règles sont strictes.

Les cas traités entrent dans deux catégories : le dossier d’hospitalité (le transport, l’hébergement, les frais de bouche ou l’inscription d’un médecin invité à un congrès médical) ; le dossier d’honoraires, qui renvoie à une rémunération par l’industriel pour des services assurés par le médecin. En 2024, l’Ordre a reçu 16 898 autorisations et 64 141 recommandations, des chiffres en légère augmentation par rapport à 2023 mais en très forte hausse sur cinq ans. Le nombre de dossiers « traités » par le Cnom a bondi entre 2020 et 2024 de 1 090 à 35 121 pour les autorisations et de 745 à 25 665 pour les recommandations. Concernant les demandes de validation pour chaque convention à plus de 2000 euros, l’Ordre a rejeté 1 726 demandes. En cause : des cas hors procédure, des frais d’hospitalité ou des honoraires « trop élevés », du temps libre jugé « excessif » par rapport à la durée du programme scientifique auquel le médecin s’est engagé ou encore l’absence d’autorisation de sa hiérarchie hospitalière ou universitaire. Reste que le nombre de médecins qui font l’objet de poursuites disciplinaires est très faible. Depuis 2018, six professionnels ont été repérés pour manquement à la déontologie médicale, à l’indépendance professionnelle et aux règles relatives au cumul d’activités.

L’Ordre s’engage à son tour contre la loi Duplomb

C’est un fait exceptionnel : après la mobilisation d’une trentaine de sociétés savantes contre la loi Duplomb, le Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom) déplore le décalage entre les connaissances scientifiques et les décisions politiques. Il s’engage à faire de la santé environnementale une priorité.

« Sur le plan médical, nous affirmons que le doute n’est pas raisonnable lorsqu’il s’agit de substances susceptibles d’exposer la population à des risques majeurs : troubles neuro-développementaux, cancers pédiatriques, maladies chroniques. Ces alertes ne peuvent être ignorées », a déclaré l’Ordre des médecins dans un communiqué diffusé le 30 juillet 2025. Sa voix rejoint ainsi celles des sociétés savantes qui s’élèvent contre la loi Duplomb au nom de la santé publique, en dénonçant la réintroduction de l’acétamipride, insecticide de la famille des néonicotinoïdes interdit en France depuis 2018.

« Nous déplorons l’écart persistant entre les connaissances scientifiques disponibles et les décisions réglementaires. Ce décalage compromet l’application effective du principe constitutionnel de précaution », inscrit dans la charte de l’environnement, écrit le Cnom.

La FDA approuve une première thérapie génique pour la myopathie de Duchenne

Des garçons américains âgés de 4 à 5 ans, porteurs d’une dystrophie musculaire de Duchenne… et disposant d’une bonne assurance santé sont en mesure désormais de bénéficier d’une thérapie génique développée sous le nom d’Elevidys®. C’est à ce jour le second traitement le plus cher aux États-Unis avec un coût de 3,2 millions de dollars par patient, juste après la thérapie génique de l’hémophilie B accessible au prix de 3,5 millions de dollars. Le laboratoire ne promet pas l’obtention d’une guérison définitive mais plutôt l’accès à une forme clinique moins agressive.

Maladie de Tay-Sachs : une nouvelle technique d’édition génétique pourrait atténuer les symptômes

Une équipe des National Institutes of Health (NIH)  est parvenue à réduire les symptômes de la maladie de Tay-Sachs tardive chez un modèle murin, en modifiant le gène HEXA grâce à une nouvelle technique d’édition de bases du génome. Une petite correction génétique pourrait se révéler cruciale pour réduire les symptômes de cette maladie de Tay-Sachs : c’est l’espoir exprimé par une équipe américaine  dans The Journal of Clinical Investigation.

La maladie de Tay-Sachs tardive est une forme rare de cette pathologie lysosomale autosomique récessive, qui se manifeste par une ataxie cérébrale, une faiblesse musculaire, une neuropathie périphérique, des spasmes, et parfois des symptômes psychotiques avec troubles de l’humeur. La maladie de Tay-Sachs est provoquée par des mutations sur le gène HEXA, qui ont pour conséquence une accumulation de gangliosides GM2 dans le système nerveux, due à un déficit en enzyme hexosaminidase A. Une augmentation de l’activité enzymatique d’environ 10 % suffirait à réduire les symptômes.

Les chercheurs ont commencé par travailler sur des cultures de cellules humaines (fibroblastes) dont ils ont modifié le gène HEXA grâce à un éditeur de base d’adénine (ABE) : celui-ci a corrigé la mutation 805 G>A en remplaçant la base guanine en adénine. Dans un deuxième temps, ils ont expérimenté cet éditeur sur un modèle murin, via un virus neurotrope, et ont observé une augmentation de l’activité de l’hexosaminidase A, une réduction de l’accumulation de gangliosides GM2 dans le cerveau, une diminution de l’expression cérébrale des marqueurs de neuro-inflammation, un délai dans l’apparition des symptômes et un allongement de la durée de vie de la souris par rapport aux souris témoins.

Dans cette maladie, « une légère correction peut faire beaucoup. Il semblerait qu’une augmentation de seulement 10 % de l’activité enzymatique, grâce à l’édition génétique, suffirait à empêcher l’aggravation des symptômes et permettrait d’améliorer la qualité de vie », commente Richard Proia, dernier auteur, membre de l’Institut national du diabète et des maladies digestives et rénales du NIH. « Nous avons compris qu’il était possible d’augmenter l’activité enzymatique, il nous faut maintenant réussir à le faire chez une personne. »

Après une attaque armée contre les CDC, des fonctionnaires dénoncent les positions anti-science de Robert Kennedy Jr

Plusieurs centaines d’employés, actuels et anciens, des Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) et d’autres agences sanitaires des États-Unis accusent le secrétaire américain à la Santé, le vaccino-sceptique Robert Kennedy Jr (RFK Jr), de mettre en danger leur vie et celle de la population. Dans une lettre ouverte adressée le 20 août au ministre et aux membres du Congrès, les professionnels de santé dénoncent les propos anti-scientifiques de RFK Jr et le démantèlement de la santé publique.

La missive est une réaction à l’attaque du 8 août au siège des CDC à Atlanta, où un homme a ouvert le feu sur quatre bâtiments de l’agence sanitaire, tirant des centaines de coups de feu et tuant un policier. Selon les autorités, le tireur avait imputé sa dépression et ses pensées suicidaires à la vaccination contre le Covid. « Cette attaque s’inscrit dans un contexte de défiance croissante envers les institutions publiques, alimentée par une rhétorique politisée qui a transformé les professionnels de la santé publique, auparavant experts de confiance, en cibles de diabolisation – et désormais de violence », lit-on dans la lettre. Cette lettre intervient au lendemain d’une prise de position de l’Académie américaine de pédiatrie contre le secrétariat à la Santé. Au moins 600 employés des centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies ont reçu des avis de licenciements ainsi que 10000 agents des agences sanitaires !

Suite des chiffres confirmés par l’ONU concernant Gaza au 16 septembre 2025 :

64 656 morts, 14 000 disparus, 163 503 blessés sans compter les disparus !

La malnutrition de l’enfant dans la bande de Gaza continue de s’aggraver à un rythme alarmant, comme en témoignent les dernières données des dépistages effectués en août, qui indiquent qu’une proportion sans précédent d’enfants sont atteints de malnutrition aiguë.

D’après les dépistages menés dans l’ensemble de l’enclave, le pourcentage d’enfants souffrant de malnutrition aiguë a encore augmenté, passant de 8,3 % en juillet à 13,5 % en août. Dans la ville de Gaza, où la famine est confirmée depuis Août, le pourcentage d’enfants pris en charge en raison de la malnutrition était encore plus élevé, atteignant 19 %, contre 16 % en juillet. À Gaza 12 800 enfants étaient atteints de malnutrition aiguë en août. Il convient de noter que les ordres d’évacuation et l’intensification des opérations militaires ont récemment contraint 12 centres de traitement ambulatoire de l’Unicef à fermer, ce qui signifie que moins d’enfants ont pu être examinés. En août, 23 % des enfants pris en charge souffraient de malnutrition sévère aiguë, contre 12 % six mois plus tôt.

« En août, dans la ville de Gaza, un enfant sur cinq souffrait de malnutrition aiguë et avait besoin d’un soutien nutritionnel et d’un traitement vital fourni par l’UNICEF », indique Catherine Russell, Directrice générale de l’UNICEF.  « Bien que nous ayons réussi à acheminer davantage de fournitures dans l’enclave, l’intensification de l’offensive militaire dans la ville de Gaza a contraint près d’une douzaine de centres de nutrition à fermer, aggravant la vulnérabilité des enfants… Aucun enfant ne devrait souffrir d’une maladie que nous pouvons éviter et traiter lorsque nous avons accès aux familles et les moyens d’agir en toute sécurité. »

À l’instar des enfants en bas âge, les femmes enceintes et allaitantes sont particulièrement touchées par l’insuffisance alimentaire. Alors que les professionnels de la santé sont contraints de réduire les services de nutrition qui leur sont destinés et ne peuvent leur offrir une prise en charge adaptée, les mères et les nourrissons font face à des risques majeurs. Actuellement, dans l’enclave, un bébé sur cinq naît déjà prématurément ou en état d’insuffisance pondérale. L’UNICEF insiste sur le besoin pressant d’accroître les volumes d’aide alimentaire, ainsi que d’améliorer considérablement leur acheminement, leur distribution et leur accessibilité, ce qui vaut également pour les produits nutritifs, les abris, le combustible, le gaz de cuisine et les ressources pour la production alimentaire. L’UNICEF appelle toutes les parties à rétablir le cessez-le-feu et à respecter leurs obligations en vertu du droit international. L’UNICEF appelle également le Hamas et les autres groupes armés à libérer immédiatement tous les otages encore détenus.

En France, la hausse de la mortalité néonatale se concentre dans les zones les plus défavorisées

Les inégalités socio-économiques participent à la hausse de la mortalité néonatale en France, selon des chercheurs qui ont mesuré la répartition des décès en fonction d’un indice de désavantage social.

La hausse de la mortalité des nouveau-nés, un phénomène spécifique à la France, semble se limiter aux communes les plus pauvres, révèle une étude parue le 15 septembre 2025 qui pointe le rôle des inégalités sociales. « Les inégalités socio-économiques ont contribué à l’aggravation récente des taux de mortalité néonatale en France », conclut cette étude de la revue BJM Medecine réalisée par des chercheurs de l’Inserm, l’Université Paris Cité, l’Inrae, l’Université Paris Nord et l’AP-HP.

La France connaît depuis plusieurs années un léger rebond de la mortalité infantile – passée de 3,5 décès pour 1 000 enfants nés vivants en 2011 à 4,1 en 2024 –. Ceci concerne essentiellement les décès de nouveau-nés dans leur premier mois de vie comme nous l’avons déjà signalé dans le numéro précédent des Cahiers. Les différentes études évoquent la hausse de l’âge des mères au moment de l’accouchement, ou l’accroissement des grossesses multiples, mais certaines avancent aussi des facteurs sociaux comme les situations de précarité. Cette nouvelle étude va dans ce sens. Les chercheurs ont séparé les communes françaises en cinq catégories, selon un indice qui mesure combien une zone est avantagée : parmi les critères retenus figurent le revenu médian des habitants, le taux de chômage ou la proportion de locataires, de familles monoparentales et d’immigrés. En croisant ces données avec les chiffres de la mortalité néonatale, l’équipe en conclut que celle-ci n’a augmenté que dans les deux catégories les moins favorisées, en particulier la plus désavantagée. Pour les trois autres, le niveau est resté stable. Plus les mères sont issues d’un territoire défavorisé, plus le risque de décès néonatal est important. « La hausse observée se concentre uniquement dans les territoires défavorisés », résume Jennifer Zeitlin, épidémiologiste et directrice de recherche à l’Inserm, auteur senior de l’étude.

Ces résultats pointent le rôle des inégalités sociales dans la hausse de la mortalité néonatale. Les auteurs émettent plusieurs hypothèses, en premier lieu les difficultés d’accéder à des soins de qualité pour les familles modestes. Les auteurs font d’autres hypothèses : l’obésité, le tabagisme ou l’exposition à la pollution, qui augmentent les risques de complications à la naissance, sont plus fréquents dans les milieux modestes. Il reste que l’organisation des soins et les conditions de prise en charge gagneraient à être améliorées dans les territoires les plus fragiles, via « un renforcement des effectifs, une meilleure formation des soignants et des infrastructures adaptées », liste Jennifer Zeitlin, rappelant que 57 % des événements indésirables graves liés aux soins chez les nouveau-nés, tels que les décès, auraient pu être évités, selon l’HAS.