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Stop: Sevrage Tabagique à l’aide des Outils dédiés selon la Préférence. Impact du choix et de la délivrance gratuite d’outils d’aide au sevrage tabagique chez des patients en situation de précarité : une étude mixte.

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Résumé :
Le tabagisme est la première cause de mortalité évitable en France. Sa prévalence est plus élevée dans les populations ayant un faible niveau socio-économique et ces dernières ont une probabilité plus faible de réussir leur tentative de sevrage que des fumeurs plus favorisés. L’étude « STOP » (Sevrage Tabagique à l’aide d’Outils dédiés selon la Préférence) est une étude pilote interventionnelle, menée dans le centre municipal de santé de Villejuif, s’intéressant au sevrage tabagique centrée sur le choix des outils d’aide à l’arrêt (substituts nicotiniques et/ou cigarette électronique) délivrés gratuitement à des personnes en situation de précarité. Nous avons mené une étude mixte, combinant une approche quantitative et qualitative entre mai 2018 et mai 2019. Notre étude montre des résultats encourageants en termes de taux de sevrage tabagique. Les participants avaient une perception positive tant de la cigarette électronique que des substituts nicotiniques, mais ils étaient plus convaincus de l’efficacité de la cigarette électronique dans le sevrage tabagique que des substituts nicotiniques. Cependant, ils émettaient quelques réserves sur l’innocuité de la cigarette électronique. L’intervention d’aide au sevrage tabagique initiée par les médecins généralistes a été appréciée par l’ensemble des patients inclus. Cette étude montre l’intérêt d’interventions ciblées pour lutter contre les inégalités sociales de santé.

Abstract :
Smoking is the leading cause of avoidable death in France. Its prevalence is higher in populations with a low socio-economic level, and these people are less likely to succeed in their attempts to quit smoking than smokers from more privileged backgrounds. The “STOP” study (Smoking Cessation using Dedicated Tools according to Preference) is a pilot interventional study conducted in the Villejuif Municipal Health Centre, focusing on smoking cessation and the choice of cessation aids (nicotine substitutes and/or electronic cigarettes) provided free of charge to people in precarious situations. We conducted a mixed-methods study, combining a quantitative and qualitative approach between May 2018 and May 2019. Our study shows encouraging results in terms of smoking cessation rates. The participants had a positive perception of both e-cigarettes and nicotine substitutes, but they were more convinced of the effectiveness of e-cigarettes in smoking cessation than nicotine substitutes. However, they did have some doubts about the safety of e-cigarettes. The smoking cessation intervention initiated by the GPs was appreciated by all the patients included. This study demonstrates the value of targeted interventions to combat social inequalities in health.

Le tabagisme est la première cause de mortalité évitable en France avec plus de 75000 décès en 2015 soit 13% de l’ensemble des décès enregistrés en France [1]. La prévalence du tabagisme est plus élevée dans les populations ayant un faible niveau socio-économique. En effet, la prévalence du tabagisme quotidien est deux fois plus importante parmi les personnes sans diplôme par rapport aux personnes qui ont un niveau de diplôme supérieur au Baccalauréat (35,8% vs 17,3%) [2].  

En 2018, 56,5 % des fumeurs quotidiens avaient envie d’arrêter de fumer et 24,9% avaient fait une tentative d’arrêt d’au moins une semaine au cours de la dernière année [3]. Parmi les fumeurs ayant fait une tentative d’arrêt au dernier trimestre 2016, environ la moitié (47,7%) ont déclaré avoir utilisé une aide pour arrêter de fumer. Les principales aides utilisées étaient la cigarette électronique (26,9%) et les substituts nicotiniques (18,3%) [4]. Les patients en situation de précarité sont tout aussi motivés pour faire une tentative d’arrêt du tabac que des patients plus aisés [5]. Cependant, ces patients ont une probabilité plus faible de réussir leur tentative de sevrage que des fumeurs plus favorisés en raison de différents facteurs : niveau de stress plus élevé, entourage familial ou amical fumeur [6].

Les substituts nicotiniques permettent de doubler le taux d’abstinence tabagique à six mois par rapport au placébo [7]. Cependant, le taux d’abstinence globale reste faible puisqu’à six mois 17% à 22% des fumeurs ayant été traités par des substituts nicotiniques sont abstinents [8-10]. Depuis le 26 mars 2018, plusieurs traitements nicotiniques de substitution sont remboursables à 65% par l’Assurance Maladie, mettant fin au forfait annuel de 150 euros [11]. Depuis 2010, un nouvel outil de sevrage tabagique a fait son apparition en France, la cigarette électronique. Plusieurs études ont étudié son intérêt dans le sevrage tabagique versus les substituts nicotiniques, elle semblerait aider à la réduction de la consommation tabagique [12-14]. Cependant, les données sur sa sécurité sont encore limitées [15]. A l’heure actuelle, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) invite à la vigilance sur la cigarette électronique. La Haute Autorité de Santé (HAS) ne recommande pas non plus la cigarette électronique comme outil de l’arrêt du tabac mais considère que son utilisation chez un fumeur qui a commencé à vapoter et qui veut s’arrêter de fumer ne doit pas être découragée [16]. L’HAS place le médecin généraliste au centre du dépistage du tabagisme, qui devrait en théorie “saisir l’opportunité de conseiller à tous les patients qui fument d’arrêter de fumer quand ils se rendent à une consultation” [17]. De simples conseils pour arrêter de fumer augmentent le taux de sevrage de 1 à 3% [18].

L’étude « STOP » (Sevrage Tabagique à l’aide d’Outils dédiés selon la Préférence) est une étude pilote interventionnelle multicentrique menée dans 6 centres de la région parisienne. Elle s’intéresse au sevrage tabagique centrée sur le choix des outils d’aide à l’arrêt (substituts nicotiniques et/ou cigarette électronique) délivrés gratuitement à des personnes en situation de précarité. Notre étude a pris place dans le cadre de l’étude pilote « STOP » menée dans le Centre Municipal de Santé (CMS) de Villejuif. Elle avait pour objectif principal d’analyser l’efficacité d’un accompagnent au sevrage tabagique par des professionnels de santé, avec le choix et la délivrance gratuite de substituts nicotiniques et/ou de la cigarette électronique chez des personnes en situation de précarité, vis-à-vis de l’arrêt du tabac.

Matériel et méthode

Type d’étude et protocole de l’étude

Nous avons mené une étude pilote, mixte, combinant une approche quantitative et qualitative au sein d’un centre municipal de santé d’Ile-de-France de mai 2018 à mai 2019. Chaque patient fumeur reçu en consultation de médecine générale était interrogé sur sa consommation tabagique et sur sa volonté d’arrêt. En cas de tabagisme actif quotidien (> 5 cigarettes/jour) et après vérification des critères d’inclusion, il leur était proposé de participer à l’étude.

L’intervention consistait en la remise, par le médecin traitant du patient, d’un kit complet de sevrage tabagique, comprenant la cigarette électronique (avec flacons et recharges), les substituts nicotiniques (patchs, gomme, inhaleur, spray, comprimés). Le suivi comprenait trois rendez-vous présentiels à Jour 0 (J0), Jour 10 (J10) et Mois 1 (M1). Le critère de jugement principal était le sevrage tabagique à 1 mois du rendez-vous avec le médecin traitant. Dans le cadre de cette étude pilote, la taille de l’échantillon fixée était évaluée à 60 patients au total, soit 10 patients environ par centre inclus.

L’étude qualitative consistait à rappeler à 2 ans tous les patients inclus, après leur accord initial de participation. L’enquêteur s’entretenait avec le patient inclus, à l’aide d’un guide d’entretien comprenant des thèmes liés à leur consommation de tabac, leur parcours dans le sevrage et enfin leur avis sur le sevrage tabagique proposé par leur médecin traitant.

Population étudiée

La population étudiée comprenait les patients âgés de plus de 18 ans, fumeurs quotidiens (> 5 cigarettes/jour), en situation de précarité et souhaitant arrêter de fumer. Par situation de précarité nous entendions les personnes sans emploi et/ou bénéficiaires d’un ou plusieurs dispositifs destinés aux personnes aux ressources limitées :

  • Couverture Maladie Universelle (CMU) ou la Couverture Maladie Universelle complémentaire (CMU-c) – ex : CSS (Complémentaire Santé Solidaire) avant le 1er novembre 2019
  • Aide Médicale de l’État (AME)
  • Allocation adulte handicapé (l’AAH)
  • Minima sociaux : Revenu de Solidarité Active, Allocation de Solidarité Spécifique (RSA, ASS)
  • Allocation de Soutien Familial (ASF)
  • Complément Familial (CF)

Les critères de non-inclusion étaient les patients non francophones, les patients faisant l’objet d’une mesure de protection, femmes enceintes ou allaitantes, les patients ayant des troubles cognitifs, les majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection.

Déroulement de l’étude

L’étude s’est déroulée en deux volets, l’approche quantitative par suivi à J0, J10 et M1 à l’aide de questionnaires s’intéressant à la consommation tabagique, à l’utilisation des outils d’aide au sevrage tabagique et aux perceptions vis-à-vis des outils d’aide au sevrage tabagique.

Et une approche qualitative consistant en un entretien individuel 2 ans après les inclusions, réalisé entre juillet 2020 et février 2021, à l’aide d’un guide d’entretien semi structuré puis analysé par codage ouvert puis axial et transversal. Une analyse thématique a été réalisée.

Dispositions éthiques

L’étude Tabac STOP a reçu l’avis favorable du Comité de Protection des Personnes (CPP) sous le numéro 2018-19-1 et l’accord de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

Résultats

Résultats quantitatifs

L’étude Tabac STOP a recruté 49 patients au sein des différents centre participants, dont 11 patients au CMS de Villejuif (figure 1). Les patients recrutés au CMS de Villejuif étaient majoritairement des hommes, avec un âge moyen de 43 ans, la majorité étaient au chômage. Ils fumaient en moyenne 23 cigarettes par jour et la majorité avaient déjà fait une tentative d’arrêt du tabac (tableau 1).

Figure 1 : Flow chart de l’étude Tabac STOP au CMS de Villejuif

Tableau 1 : Caractéristiques de l’échantillon à l’inclusion

VariablesN =n (%) ou moyenne (écart-type)
Sexe Hommes Femmes  11  6 (54,5) 5 (45,5)
Age des patients  1042,5 (9,3)
Travail Oui Non  9  2 (22,2) 7 (77,8)
Tentatives d’arrêt préalables Oui Non  10  8 (80) 2 (20)
Cigarettes par jour 0-10 11-20 21-30 Plus de 31  10  4 (40) 3 (30) 2 (20) 1 (10)
Score au test de Fagertröm 0-2 3-4 5-6 7-10   Score au test de Fagerström  10           10  1 (10) 1 (10) 4 (40) 4 (40)   5,6 (2,6)
Age de la 1ère cigarette  1117,9 (7,7)
Age de la consommation quotidienne  1120,1 (8)
Co-addictions Consommation excessive d’alcool* Consommation de cannabis  10  0 (0) 2 (20)
Comorbidités Maladies respiratoires Maladies cardiovasculaires Cancer Problèmes dentaires Autres97 (77,8) 2 (22,2) 1 (11,1) 1 (11,1) 1 (11,1) 3 (33,3)

* Plus de 10 verres par semaines

Choix et perception des différents outils d’aide au sevrage tabagique :

Dans notre étude, 36,4% des patients ont choisi les substituts nicotiniques, 36,4% d’entre eux la cigarette électronique et 27,3% d’entre eux les deux. Les patients avaient majoritairement des perceptions positives tant sur la cigarette électronique que sur les substituts nicotiniques (tableaux 2). Ils étaient cependant plus convaincus de l’efficacité des cigarettes électroniques, comparé à l’efficacité des substituts nicotiniques pour arrêter de fumer (81,9% pour la cigarette électronique contre 60% pour les substituts nicotiniques).

Tableau 2 : Perceptions des patients sur les substituts nicotiniques et la cigarette électronique

 Substituts nicotiniquesCigarette électronique
N =OuiNonN =OuiNon
Aussi bien pour la santé que la cigarette : n (%)105 (50)5 (50)116 (54,5)5 (45,5)
Acceptable pour les fumeurs : n (%)109 (90)1 (10)119 (81,8)2 (18,2)
Perception sociale plus positive : n (%)97 (77,8)2 (22,2)1110 (90,9)2 (9,1)
Efficace pour arrêter de fumer : n (%)106 (60)4 (40)119 (81,9)2 (18,1)

Évolution de la consommation de tabac :

Trois patients sur onze ont maintenu l’arrêt du tabac à deux ans de l’inclusion, sept patients ont diminué leur consommation et un patient a déclaré aucun changement de sa consommation (tableau 3). La consommation moyenne de cigarettes par jour a diminué de plus de moitié après l’inclusion. Sur les patients ayant arrêté de fumer, deux avaient utilisé la cigarette électronique et un avait utilisé les substituts nicotiniques. Les participants qui avaient diminué leur consommation sans arrêter complètement avaient utilisé la cigarette électronique et les substituts nicotiniques à part égale.

Tableau 3 : Objectifs primaires et secondaires de l’étude Tabac STOP, de l’inclusion jusqu’à 2 ans de suivi

Résultats qualitatifs

Lors de l’entretien qualitatif réalisé 2 ans après l’inclusion, nous avons pu interviewer 9 patients au total sur les 11 patients initiaux. Neuf entretiens d’une durée de 6 minutes à 44 minutes (durée moyenne 24 minutes) ont été réalisés sur les 11 initialement prévus (tableau 5), 2 patients ont refusé de participer.

Tableau 4 : Caractéristiques des patients interviewés à 2 ans de l’inclusion

 AgeTravailAide socialeAge de débutConsom-mationAlcoolDroguesProblème de santé
Patient 146 ansAgent d’entretienCMU-c20 ans10 cig/jNonNonNon
Patient 259 ansChômageRSA12 ans40 cig/jOui, sevréNonBPCO*
Patient 337 ansAide-soignanteCMU-c 10 cig/jNonNonAsthme
Patient 438 ansChômageAAH 20 cig/jNonOui, sevréRhumatologique
Patient 556 ansChômageRSA15 ans20 cig/jNonNonBPCO
Patient 658 ansChômageRSA15 ans20 cig/jOui sevréOuiNon
Patient 750 ansChômageAME14 ans60 cig/jOui sevréNonAsthme
Patient 844 ansChômageRSA30 ans5 cig/jNonNonNon
Patient 953 ansChômageAAH10 ans20 cig/jOui sevréOui sevréAsthme

* Bronchopneumopathie chronique obstructive

Nous avons pu mettre en avant un profil des participants marqué par un début précoce du tabac sous-tendu par des croyances vis-à-vis de l’objet « cigarette » et du fait de fumer, associées à un signe de virilité et maturité : « Au début quand on était petit, à l’âge de 15 ans, la cigarette c’était à la mode, on fumait pour devenir homme en quelque sorte c’est-à-dire si on fume on est homme » (P5)

Les participants avaient en grande majorité déjà essayé à plusieurs reprises d’arrêter de fumer. Au moment de l’étude, ils souhaitaient déjà arrêter de fumer. « Nan mais je vais m’arrêter, ça sérieusement je pense que je vais m’y mettre, c’est sûr et certain. » (P2)

Le rapport à la cigarette et donc au tabac était marqué par une certaine ambivalence, conscient pour la plupart des méfaits du tabac « Nous savons bien que fumer c’est dangereux pour la santé » (P7) mais leur accordant aussi des vertus bénéfiques notamment sur l’anxiété et le moral « Ça comble l’ennui et ça nous détresse, voilà ça enlève un petit peu le stress. » (P5)

La première des motivations à l’arrêt se trouve être l’aspect financier « La première chose c’est la poche, la poche ! » P7, puis la santé « Et la deuxième c’est pour la santé parce que j’ai beaucoup de toux » (P7) et enfin la famille « Moi y’en a 3 enfants, petits, petits, c’est pour ça moi attention. » (P8)

Parallèlement les facteurs de rechute identifié par les patients sont les difficultés de la vie quotidienne « pour des problèmes un peu familiaux j’ai repris la cigarette » P1, les symptômes de sevrage« Surtout psychiquement, je m’énerve, je suis excité, des fois je tremble même. » (P5). L’entourage personnel et professionnel a été identifié aussi comme facteur de rechute « c’est ma compagne qui avait arrêté avec moi, […] et en fait elle a acheté un paquet de cigarettes, elle a repris et quand elle est rentrée et bah j’ai repris avec. » (P4)

La gestuelle a été évoqué par plusieurs patients « C’est surtout l’habitude d’avoir la cigarette à la main ou au bec comme on dit. » (P5)

Concernant les aides à l’arrêt du tabac, nous avons retrouvé plusieurs notions :

Les participants avaient un avis mitigé sur les substituts nicotiniques, tant sur l’efficacité des substituts que sur la tolérance. Le manque du geste de fumer a été rapporté à plusieurs reprises. « je pense que c’est la gestuelle et tout ça, le fait de garder le geste, de de , d’avoir la même sensation que de mettre une cigarette à la bouche, garder ce geste la en fait. » (P4)

Les participants avaient majoritairement une perception plus positive de la cigarette électronique malgré quelques réserves sur son innocuité. « parce que moi pour l’instant, je sais pas si ça fait du bien ou pas de bien, c’est ça qui est chiant avec leur truc. On sait pas. » (P2)

L’intervention d’aide au sevrage tabagique initiée par les médecins généralistes a été très appréciée par l’ensemble des patients inclus. Les participants ontdressé un bilan globalement positif sur l’accompagnement proposé dans l’étude Tabac STOP bien qu’ils déplorent un suivi trop court. « Super : 20 sur 10. C’est magnifique. » (P7)

Discussion

 Notre étude pilote avait pour objectif d’étudier l’impact du choix des outils d’aide au sevrage tabagique ainsi que leur délivrance gratuite à des patients en situation de précarité par leur médecin traitant. Notre étude montre des résultats encourageants avec un taux de sevrage à 33 % sur les onze patients inclus durant un suivi prolongé de deux ans. Les participants avaient une perception globale positive tant de la cigarette électronique que des substituts nicotiniques, mais ils étaient plus convaincus de l’efficacité de la cigarette électronique dans le sevrage tabagique que des substituts nicotiniques. Cependant, ils émettaient quelques réserves sur l’innocuité de la cigarette électronique. L’intervention d’aide au sevrage tabagique initiée par les médecins généralistes a été appréciée par l’ensemble des patients inclus. 

Forces et limites de l’étude

Nous avons réalisé une étude mixte pour compléter les résultats bruts de l’étude quantitative par une description plus poussée des perceptions de patients. Des études suggèrent que les mesures de santé publique visant à améliorer l’état de santé des populations pourraient renforcer les inégalités sociales de santé [19]. Ainsi, des études ciblées comme Tabac STOP qui prennent en compte les difficultés au sevrage tabagique propres aux patients en situation de précarité sont nécessaires. Par exemple, le prix des substituts nicotiniques, bien que pris en charge à 65% par l’Assurance Maladie pourraient représenter un frein au sevrage tabagique pour les patients en situation de précarité [20]. De par son suivi prolongé de deux ans, notre étude permet de s’assurer que le sevrage tabagique se maintient à distance du suivi proposé dans l’étude. Un codage en double aveugle de la moitié des entretiens a été effectué pour augmenter la validité interne de l’étude et limiter le biais de subjectivité de l’enquêteur.

Le faible effectif de notre étude pilote ainsi que le taux important de patients perdus de vus entre le 2ème et le 3ème rendez-vous sont la limite majeure de notre étude. En effet, les résultats obtenus ne sont pas significatifs statistiquement du fait d’un faible échantillon. Des entretiens qualitatifs ont été réalisés avec les professionnels de santé ayant participé à l’étude Tabac STOP. Cette analyse qualitative fera l’objet d’un autre article. Cependant, les premiers résultats publiés dans l’article de Mégane Héron et Fabienne El Khoury [21], souligne la longueur des questionnaires, difficilement réalisables lors d’une consultation de médecine générale. Certains questionnaires ont donc été remplis que partiellement d’où des données manquantes.

Comparaison avec les travaux existants

Le taux de sevrage de 33% à la fin de notre étude est supérieur aux résultats retrouvés dans différentes études s’intéressant à l’efficacité des substituts nicotiniques sans délivrance gratuite, ce taux allait de 17 à 22% [8-10]. Des études similaires à la nôtre, s’intéressant à la gratuité des substituts nicotiniques dans le sevrage tabagique, notamment chez des patients en situation de précarité, retrouvent des résultats similaires [22- 23].

Comme nous l’avons évoqué précédemment, des études ciblées sont nécessaires pour diminuer les inégalités sociales de santé. Bien que les taux de réussite d’une tentative d’arrêt du tabac soient plus faibles chez les patients en situation de précarité, la littérature souligne l’importance du médecin généraliste pour contre balancer cette réalité. En effet, les médecins généralistes sont plus susceptibles d’interroger les patients en situation de précarité sur leur statut tabagique, de leur fournir des conseils pour arrêter de fumer et de leur prescrire des substituts nicotiniques [24].

Les perceptions des patients sur les différents outils d’aide au sevrage tabagique se sont confirmées à la fin notre étude. Bien qu’ayant une perception globale positive tant des substituts nicotiniques que de la cigarette électronique, les patients se disaient moins convaincu de l’efficacité des substituts nicotiniques, ce que confirme l’analyse qualitative. Parmi les patients ayant maintenu l’arrêt du tabac à deux ans, deux sur trois avaient utilisé la cigarette électronique, ce qui concorde avec les études récentes comparant la cigarette électronique et les substituts nicotiniques dans le sevrage tabagique [12-13].

Une partie des participants de l’étude a commencé la cigarette à un âge précoce sous l’influence de certaines croyances vis-à-vis de la cigarette. L’étude de Fabienne El Khoury qui s’intéresse aux inégalités sociales vis-à-vis du tabac à l’adolescence, montre que les adolescents scolarisés en filière technique en moins de perception négative concernant le tabac que les adolescents scolarisés en filière générale (ils craignent moins les conséquences du tabagisme et perçoivent une moindre discrimination des fumeurs) [25]. Deux de nos patients ont fait référence à la cigarette comme symbole de virilité. Cette association est aussi retrouvée dans la littérature [26].

Perspectives

Grâce aux résultats encourageants de l’étude pilote Tabac STOP, une étude à plus grande ampleur a été financée, elle est actuellement en cours. Il s’agit d’une étude interventionnelle contrôlée randomisée menée dans des centres de soins primaires, qui compare le taux de sevrage tabagique à 6 mois entre un groupe « intervention » qui reçoit gratuitement des outils d’aide au sevrage tabagique basés sur le choix du patient (cigarette électronique et/ou substituts nicotiniques) et un groupe « témoin » qui bénéficie d’un suivi classique comportant des entretiens motivationnels et la prescription de substituts nicotiniques et médicaments si nécessaire.

Notre hypothèse est que le rôle du médecin généraliste est essentiel dans la prévention et la promotion de la santé en particulier chez les personnes en situation de précarité.

Conclusion

Les inégalités sociales en matière de tabagisme persistent. Bien que conscient des méfaits du tabac, les personnes en situation de précarité ont moins de chance de réussir une tentative d’arrêt du tabac en raison de différents facteurs : difficultés de la vie quotidienne, entourage fumeur.

Notre étude a été unanimement appréciée par les participants. Elle montre l’efficacité d’interventions ciblées pour lutter contre les inégalités sociales de santé. La délivrance gratuite d’outils d’aide au sevrage tabagique basée sur le choix du patient ainsi que le suivi rapproché par le médecin généraliste semblent augmenter le taux de réussite du sevrage tabagique chez les patients en situation de précarité. Nous espérons que l’étude menée à plus grande échelle confortera les résultats de l’étude pilote ainsi que le rôle du médecin généraliste dans l’aide au sevrage tabagique.

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