La DREES présente dans cette note l’état de la situation de l’Aide sociale à l’enfance en 2023. C’est un document précieux pour ceux qui réfléchissent sur ce sujet médicosocial. Ce sont les services départementaux de l’aide sociale à l’enfance (ASE) qui mettent en œuvre diverses actions dans le cadre de la politique de protection de l’enfance, à des fins de prévention, de repérage des situations de danger ou de risque de danger, et de protection.
Une part légèrement majoritaire d’accueils parmi les mesures d’ASE
En 2021, les départements ont consacré 9,1 milliards d’euros à la protection de l’enfance. Ce montant, utilisé à 81 % pour des mesures d’accueil à l’ASE, finance également le versement d’allocations ou encore la mise en œuvre d’actions éducatives et de la prévention spécialisée. Au 31 décembre 2021, les mineurs et majeurs de moins de 21 ans ont bénéficié de 377 000 mesures d’aide sociale à l’enfance, composées pour 54 % de mesures d’accueil à l’ASE et pour 46 % d’actions éducatives. Les mesures relèvent majoritairement de décisions judiciaires. C’est le cas de 70 % de mesures d’actions éducatives et de 77 % des mesures d’accueil à l’ASE.
Le profil démographique des bénéficiaires diffère de celui de l’ensemble des jeunes de moins de 21 ans. Les enfants et les jeunes majeurs accompagnés par l’aide sociale à l’enfance ou qui lui sont confiés sont plus souvent des garçons : 55 % des bénéficiaires d’une action éducative et 61 % des jeunes confiés, contre 51 % au sein de la population générale du même âge. Par ailleurs, les jeunes âgés de 11 à 17 ans sont surreprésentés à l’ASE : 57 % bénéficiaires d’une action éducative et près de la moitié des jeunes confiés, contre un tiers de la population générale des moins de 21 ans. Les bénéficiaires d’une action éducative sont plus jeunes en moyenne que ceux accueillis à l’ASE (10,4 ans pour les premiers, contre 12,4 ans pour les seconds).
Une croissance continue du nombre de mesures d’ASE
Entre 1998 et 2021, les dépenses totales d’ASE ont été multipliées par 2,1 en euros courants, soit une augmentation de 56 % en euros constants, c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation. Cette hausse est essentiellement portée par celle des dépenses d’accueil à l’ASE (+88 %), alors que les dépenses consacrées aux allocations et à la prévention spécialisée ont tendance à décroître depuis 2010. Entre fin 1998 et fin 2021, le nombre de mesures d’ASE a été multiplié par 1,4. Ce nombre rapporté à celui des enfants et jeunes de moins de 21 ans augmente régulièrement au cours de cette période. Alors qu’il était de 16,6 pour 1 000 jeunes fin 1998, le taux de mesures est de 22,5 ‰ fin 2021. Entre fin 2019 et fin 2020, pour la première fois, le nombre d’actions éducatives en cours au 31 décembre avait légèrement reculé (-0,3 %), illustrant probablement les conséquences de la crise sanitaire sur le fonctionnement des services. En 2021, le nombre d’actions éducatives augmente à nouveau, de 1,2 %.
Le nombre d’accueils à l’ASE progresse de 2,4 % en 2021, après +1,4 % en 2020 et une hausse annuelle moyenne de 4,7 % entre fin 2015 et fin 2019. L’ampleur de la progression du nombre d’accueil à l’ASE entre fin 2015 et 2019 s’explique en grande partie par l’importante augmentation du nombre de mineurs non accompagnés (MNA) au cours de cette période (près de +30 % par an en moyenne), le nombre d’accueils hors MNA (mineur non accompagné) progressant aussi. La crise sanitaire survenue en 2020 et la forte chute des flux migratoires qui en a découlé, combinées aux difficultés rencontrées par les départements pour la prise en charge des MNA au cours de cette même année, expliquent la légère diminution observée, en 2020, du nombre de ces jeunes pris en charge par les services de l’ASE (-1 %). En 2021, les effectifs et la part des jeunes mineurs non accompagnés, y compris ceux devenus majeurs, diminuent à nouveau (-6 %). Fin 2021, les MNA et anciens MNA représentent 19 % des jeunes accueillis.
La part des jeunes majeurs pris en charge augmente parmi les MNA comme parmi l’ensemble des jeunes accueillis à l’ASE. Amorcée en 2019 par le biais des mesures prises dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté, cette tendance s’est accélérée dans le contexte de la crise sanitaire et des lois d’urgence sanitaire successives entérinant le maintien systématique de leur prise en charge par les services de l’ASE. Ainsi, fin 2021, 19 % des jeunes confiés sont majeurs, contre 14 % deux ans plus tôt. Le fort accroissement du nombre de MNA accueillis, puis du nombre de jeunes majeurs, anciens MNA ou non, s’est traduit par des évolutions dans la répartition des mesures d’ASE par type de décision et dans la répartition par âge des enfants confiés à l’ASE. De la même manière, l’augmentation du nombre d’adolescents et de jeunes majeurs accueillis contribue à expliquer le développement des modalités d’accueil dans des hébergements éclatés ou autonomes.
Une diminution de la part des enfants confiés à l’ASE accueillis par un assistant familial
Parmi les bénéficiaires de mesures d’accueil de l’ASE, la part de ceux qui sont accueillis chez des assistants familiaux, qui était encore de 50 % en 2015, s’établit, fin 2021, à 40 %. Les établissements habilités constituent la deuxième modalité d’accueil de ces jeunes (39 %). Cette répartition selon les modes d’accueil principal varie néanmoins selon l’âge. À son maximum (67 %) parmi les 3-5 ans, l’accueil chez un assistant familial ne concerne plus que 20 % des 16-17 ans au profit de l’accueil en établissement (51 %), des modalités d’accueil pour adolescents autonomes (16 %) et des autres types d’accueil (13 %).
Fin 2017, selon l’enquête auprès des établissements et services de la protection de l’enfance (ES-PE), 1963 établissements accueillent des mineurs et jeunes majeurs au titre de l’ASE et disposent de 64 700 places. Le taux d’occupation de ces places s’élève à 95 %, soit 3 points de plus qu’en 2012, malgré une hausse des capacités de 7 % durant cette période. Le taux d’encadrement en personnels dans ces structures s’élève à 85 emplois, en équivalent temps plein (ETP), pour 100 places. En moyenne, les jeunes accueillis ont 13 ans et séjournent douze mois dans l’établissement, mais leur profil et la durée d’hébergement varient sensiblement selon les missions des établissements.
Des disparités géographiques marquées
Au niveau national, le taux de mesures d’ASE est de 22,5 mesures pour 1 000 jeunes de moins de 21 ans fin 2021, mais varie fortement selon les départements. Un peu plus de la moitié des collectivités présentent un taux qui fluctue entre 19,4 ‰ et moins de 29,2 ‰. Un département sur cinq a un taux inférieur à cette fourchette. À l’opposé, un quart des collectivités ont un taux supérieur, dont six se distinguent par un taux particulièrement élevé, égal ou supérieur à 36,8 ‰. Les départements aux taux de mesures les plus faibles sont plus nombreux en Île-de-France, en Bretagne, dans les Pays de la Loire et le quart Sud-Est.
Les départements se distinguent également par des recours variables aux différentes modalités d’accueil à l’ASE. Dans la moitié des territoires étudiés, la proportion des accueils réalisés par des assistants familiaux varie de 32 % à moins de 53 %. Dans 22 collectivités, cette part est inférieure. À l’inverse, un quart des départements recourent davantage, en proportion, à des assistants familiaux. En particulier, dans 15 collectivités, au moins 63 % des jeunes confiés à l’ASE sont en famille d’accueil. Les départements recourant le moins à des accueils familiaux sont plus nombreux dans l’est de la France, en particulier dans le Sud-Est, et en Île-de-France.
La proportion de mesures d’ASE faisant suite à une décision judiciaire varie sur le territoire, révélant des pratiques diverses. C’est cependant surtout parmi les actions éducatives que la répartition entre décision administrative et décision judiciaire est vraiment hétérogène. La part d’action éducative à domicile (AED, relevant d’une décision administrative) dans l’ensemble des actions éducatives varie de moins de 10 % à plus de 60 %. Cette proportion est inférieure au taux national (30 %) dans 44 départements, dont 17 dans lesquels elle est inférieure à 20 %. À l’inverse, la part d’AED oscille entre 30 % et moins de 40 % dans 33 départements ; elle est encore plus élevée dans 23 autres collectivités.
Enfin, du fait des disparités de taux de bénéficiaires et de dépenses moyennes par bénéficiaire, les dépenses moyennes d’ASE par habitant sont hétérogènes. En 2021, la dépense annuelle d’accueil par bénéficiaire est de 36 500 euros au niveau national. Dans trois quarts des départements, les montants moyens sont compris dans un intervalle allant de 28 200 à 42 300 euros, mais plus variables dans les autres collectivités. Les disparités de dépenses départementales peuvent en partie s’expliquer par le poids variable du recours aux différents modes de prise en charge (accueil familial ou en établissement notamment) et par les écarts de coûts de ces derniers. Les dépenses d’accueil par bénéficiaire ont ainsi tendance à être plus élevées dans les départements où les accueils en établissement et les autres modes de prise en charge hors famille d’accueil sont proportionnellement plus importants. La rédaction note que les chiffres annoncés par les médias dans le cadre du débat de la loi sur l’immigration sont faux puisque le chiffre de 50 000 € par jeune MNA est nettement plus élevé que dans la réalité.