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Qu’est-ce que le mouvement Min-Iren au Japon ?

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Résumé :
L’auteur présente ici la Fédération Japonaise des Institutions Médicales et Démocratiques Min-Iren. Cette Fédération gère aujourd’hui des associations. Les établissements membres comptent en juin 2023 142 hôpitaux, 479 « clinics » soit un total de 1742 établissements avec les centres dentaires et les pharmacies déployés dans toutes les préfectures du pays, des établissements médicosociaux et de formation professionnelle. Fortes de leurs 90 000 salariés dont 10 000 médecins et de 3 600 000 membres des coopératives, les organisations sont déterminées à rester à la hauteur des attentes en faisant valoir la Constitution du Japon pour établir une protection sociale en tant que le droit pour tous. La fédération Min-Iren est à but non lucratif. Elle porte avec ses équipes des valeurs de solidarité et milite pour un système social et sanitaire qui assure l’accès à la santé et aux soins de qualité pour tous les japonais. Ses valeurs font qu’elle est proche de ce que portent les centres de santé français. Nous allons publier dans ce numéro et les suivants des textes écrits par des collègues de Min-Iren.

Abstract :
The author presents here the Japanese Federation of Medical and Democratic Institutions Min-Iren. This Federation today manages associations. In June 2023, member establishments included 142 hospitals, 479 clinics, for a total of 1742 establishments with dental centers and pharmacies deployed in all prefectures of the country, medico-social and professional training establishments. With their 90 000 employees including 10 000 doctors and 3 600 000 cooperative members, the organizations are determined to live up to expectations by asserting the Constitution of Japan to establish social protection as a right for all. The Min-Iren federation is non-profit. With her teams, she carries values of solidarity and campaigns for a social and health system that ensures access to health and quality care for all Japanese. Its values make it close to what French health centers offer. We will publish in this issue and the following ones texts written by Min-Iren’s colleagues.

まとめ
著者はここで全日本民主医療機関連合会の運動を紹介する。同連合会は2023年6月時点で、加盟施設には142の病院、479の「診療所」があり、全国のすべての都道府県に、歯科センターと薬局、医療社会施設、専門研修施設を含む合計1,742の施設を展開している。 10,000 人の医師を含む 90,000 人の従業員と 360 万人の組合員を擁するこの組織は、日本国憲法を擁護し、社会的保護をすべての人の権利として確立することで国民の期待に応える決意をしている。民医連は非営利で、職員はチームとして連帯の価値観を担い、すべての日本人が健康と質の高いケアを受けられるようにする社会制度と医療制度を求めて活動している。その価値観によって、全日本民医連はフランスの保健センターに近い運動を展開している。今号と以下に民医連の仲間たちが執筆した文章を掲載する。

Traduction assurée par Fumiko KataoKa

La Fédération Japonaise des Institutions Médicales et Démocratiques (Min-Iren) a fêté son 70ème anniversaire le 19 août dernier à Tokyo. A cette occasion, ses dirigeants ont invité des représentants d’autres organisations médicales internationales dont la Fédération Nationale de Formation des Centres de Santé (FNFCdS).  

Quelques éléments sur l’assurance maladie au Japon

Au Japon, il existe depuis 1961 un système d’assurance maladie universelle. Toute personne résidant au Japon a obligation de s’affilier à un des trois régimes d’assurance maladie qui le composent en fonction de sa situation :

• Le régime d’assurance maladie des salariés financé par des cotisations partagées à parts égales entre les employeurs et les salariés. Il concerne  56% de la population. Il est géré par l’État pour les entreprises de 5 à 700 employés et par des sociétés d’assurance maladie privée (plus de 700 employés). 

• Le régime public d’assurance maladie pour les  personnes de moins de 75 ans ne relevant pas d’un régime de salarié. Géré dans la majorité des cas (90% des assurés relevant de ce régime) par les municipalités, il est financé par les cotisations prélevées sur les revenus de l’assuré ou par l’impôt (90 % des autorités municipales ont opté pour la solution de l’impôt affecté)

• Le régime d’assurance maladie pour personnes âgées de plus de 75 ans (65 ans si l’intéressé présente un certain degré d’incapacité). Ce système est géré par les municipalités et a été mis en place en 2000. Toute personne résidant au Japon pendant au minimum 1 an, âgée de 40 ans ou plus, doit verser des cotisations en faveur du système d’assurance des soins de longue durée. Une partie du système est financée par ces cotisations. L’autre partie est financée par la fiscalité (nationale ou locale).

Les japonais doivent régler pour chaque acte médical, chaque soin, chaque prestation un reste à charge de 1 à 30% selon le type de la prestation, l’âge et les revenus (pour les patients de plus de 70 ans). Il est en moyenne de 20 à 30%. Une augmentation de ce reste à charge est programmée par le gouvernement néolibéral japonais. 

Le système de soins japonais

Il repose sur la coexistence de 3 formes d’exercice médical :

• La pratique ambulatoire solo en cabinet (environ 30% des médecins) : avec des particularités puisque le médecin est aussi propharmacien et en tire une part non négligeable de ses revenus (15%). Les médecins ont une formation commune de type interniste qu’ils complètent par une ou plusieurs spécialités.

• L’hôpital (62% des médecins) : seulement 30% des lits sont en hôpital public. Il est à noter la place particulière, au regard d’autres pays développés, que tient l’hospitalisation au sein du système de soins japonais qui contrairement aux autres pays de l’OCDE, continue de s’élever au Japon.

• Les « clinics » : forme intermédiaire entre hôpital et structure ambulatoire, elles sont gérées par des médecins ou des associations. Présentes sur tout le territoire, constituant quantitativement 85% des établissements de santé, elles ne représentant que 13% de l’offre d’hospitalisation au Japon. Les « clinics » peuvent s’apparenter à nos centres de santé.

Histoire de Min-Iren

Au lendemain de la seconde guerre mondiale après Hiroshima et Nagasaki, le Japon  traverse une période de crise économique, sociale et sanitaire qui touche une majorité de la population : pauvreté, famine, chômage. Les conditions sanitaires se dégradent avec pour conséquence une augmentation considérable des maladies épidémiques. 

C’est dans ce contexte que  s’est organisé un mouvement qui rassembla des médecins communistes, des infirmières et des citoyens. Fondé sur les valeurs de la solidarité et de la démocratie, il se donna pour objectif le développement d’une médecine sociale pour les travailleurs, les agriculteurs et tous les citoyens japonais. Min-Iren était ainsi créé officiellement en 1953, réunissant 117 hôpitaux et structures médico-sociales dans un regroupement fédératif à but non lucratif qui s’apparente par ses statuts à une association de type coopérative ou aux mutuelles à leur origine (voir le manifeste de 1961ci-après).   

Program of the Japan Federation of Democratic Medical Institutions (MIN-IREN)

(October 29, 1961)

Our hospitals and clinics are medical institutions for working people.

1. We provide medical care characterized by its quality and the kindness with which we treat our patients, and we participate in efforts to protect the lives and health of working people.

2. We always respect academic freedom, study the latest achievements of medicine, promote international exchanges, and endeavor constantly to improve and develop medical care.

3. We defend the livelihood and rights of the staff, work to democratize management, strengthen cooperation with the people of the community and in the workplace, and push ahead with the movement to protect health.

4. We struggle for the establishment of a comprehensive social security system with the State and capitalists bearing all costs, and to democratize the whole medical system.

5. We oppose war, which destroys lives and the health of humankind. In order to realize these goals, we build solidarity, work for a united medical front, and carry on activities in cooperation with all democratic forces which aim at independence, democracy, peace, neutrality and the improvement of living.

Min-Iren connut depuis 1953 un développement qui l’amena à intervenir sur une grande partie du territoire japonais avec une implantation importante dans les régions de Tokyo, Kyoto, Kobe, Osaka. Au fil de l’histoire de la deuxième moitié du 20e siècle et de ce début de 21e siècle, les équipes médicosociales de Min Iren sont intervenues lors des nombreuses catastrophes sanitaires qu’a connues le Japon :

  • prise en charge des victimes des frappes nucléaires bien souvent abandonnées.
  • 1956, elles participèrent à l’identification de l’origine industrielle de l’intoxication mercurielle, cause de la maladie dite de Minamata qui a touché la population de la Baie du même nom. Min-Iren participa à la prise en charge des victimes et à leur combat pour leur reconnaissance par l’État.
  • En 1995, Min-Iren est avec ses équipes auprès des populations touchées par le tremblement de terre de Kobe (près de 6 500 morts, des dizaines de milliers de blessés).
  • En mars 2011, les équipes de Min-Iren sont à pied d’œuvre pour secourir les populations touchées par le séisme et le tsunami à l’origine de 18 000 morts et disparus et de l’accident nucléaire de Fukushima (près de 200 000 personnes évacuées).
  • En 2020 et jusqu’à ce jour, les établissements de santé de Min-Iren et leurs professionnels participent à prise en charge des patients Covid et à la campagne de vaccination.

Min Iren en 2023  

La Fédération Min-Iren gère aujourd’hui des associations. Les établissements membres qui étaient au nombre de 117 dans 22 préfectures comptent en juin 2023 142 hôpitaux, 479 « clinics » soit un total de 1742 établissements avec les centres dentaires et les pharmacies déployés dans toutes les préfectures du pays, des établissements médicosociaux et de formation professionnelle. Fortes de leurs 90 000 salariés dont 10 000 médecins et de 3 600 000 membres des coopératives, les organisations sont déterminées à rester à la hauteur des attentes en faisant valoir la Constitution du Japon pour établir une protection sociale en tant que le droit pour tous. Min-Iren recrute 3500 personnes par an et accorde une grande attention à leur formation.

Le modèle économique de Min-Iren est original puisqu’il repose sur la mise en commun des recettes de toutes les activités du groupe auxquelles s’ajoute la contribution des 3 millions de « supporters ». Ainsi, si beaucoup des  activités d’hospitalisation et surtout médicosociales sont déficitaires, le réseau des pharmacies de Min-Iren, excédentaire, participe efficacement à l’équilibre de la fédération.

Min Iren, c’est 3 millions de « supporters », membres de la fédération, contribuant à ses activités, soit en participation directe dans un cadre coopératif soit en les finançant par leurs dons.

Des valeurs, un modèle de démocratie sanitaire, de formation, d’éducation populaire,  et de médecine sociale :

La fédération Min-Iren est à but non lucratif. Elle porte avec ses équipes des valeurs de solidarité et milite pour un système social et sanitaire qui assure l’accès à la santé et aux soins de qualité pour tous les japonais. Dans un pays où le secteur privé lucratif est en pleine expansion y compris dans les hôpitaux publics et où l’assurance maladie laisse un reste à charge considérable aux usagers,  Min-Iren  a mis en place à travers les œuvres sociales qu’elle gère, les conditions d’une accessibilité sociale aux soins de qualité pour tous en contribuant par exemple à réduire parfois totalement la part du ticket modérateur à la charge des patients. 

Elle a mis en œuvre un modèle sans doute unique dans les pays de l’OCDE de fonctionnement démocratique de ses institutions et de ses structures. Cela débute par la réalisation des structures sur des territoires, des quartiers, qui ne se fait que par la contribution directe et initiale des citoyens en réponse à leurs demandes et à leurs besoins. Cela se poursuit par la place donnée aux militants supporters présents à tous les niveaux de gouvernance de l’organisation et des structures. 

Il faut souligner la place de la formation et de l’éducation populaire dans les missions de Min-Iren : politique active de formation médicale initiale par l’attribution de bourses d’études aux étudiants, internes en médecine, élèves infirmières qui font leur cursus dans leurs hôpitaux et écoles. En contrepartie, ces étudiants exercent dans les établissements de Min-Iren l’équivalent du nombre d’années d’études financées. Min-Iren accueille aussi les étudiants étrangers.

L’éducation populaire sanitaire et sociale est organisée par toutes les associations de quartiers affiliées à Min-Iren. Elle est une des traductions les plus significatives du modèle de démocratie sanitaire prôné par Min-Iren : il n’y pas d’exercice démocratique possible dans le champ sanitaire sans savoirs…

Enfin, le modèle démocratique et les valeurs portées par Min-Iren se traduisent par la promotion et la pratique d’une médecine sociale et globale centrée sur le patients et fondée sur l’échange coopératif soignant –usager. 

Les pratiques  médicales  de Min-Iren : qualité, objectif « bien être »

La qualité du service à l’usager est une exigence pour toutes les équipes de Min-Iren. Elle est obtenue par un niveau de formation des soignants qui n’a rien à envier à celui des médecins et soignants français. Le niveau des équipements des établissements de Min-Iren est impressionnant. L’exercice médical salarié à la fonction des équipes de Min-Iren est garante de cette qualité. Il est fondé sur les pratiques d’équipe, coordonnée, dans un rapport non hiérarchisé avec le patient. Il est guidé par une exigence, permanente, celle du consentement éclairé et de l’alliance thérapeutique : les équipes de Min-Iren ont fait leur, le principe du  « patient  acteur de sa santé ».

Toutes les pratiques et l’organisation de la prise en charge des usagers des services de  Min-Iren sont sous-tendues par un seul objectif : la recherche du « bien être » des usagers, des patients en prenant en compte toutes les composantes qui impactent leur santé, sociales, professionnelles, familiales, environnementales… Un objectif décliné de façon originale mais tout à fait comparable aux objectifs portés par le mouvement des centres de santé français.

Les « clinics » de Min-Iren et les centres de santé français : d’évidentes convergences 

Min-Iren s’est approprié le modèle des « clinics » japonaises pour mieux les transformer en structures innovantes s’articulant, dans le cadre d’un service social et solidaire que l’on qualifierait de service public en France, entre l’hôpital et l’offre ambulatoire japonaise traditionnelle. Ces clinics ne diffèrent pas dans leur champ d’action ambulatoire du modèle des centres de santé français polyvalents. Elles en partagent les valeurs, les pratiques, les missions et les objectifs. Confrontées aux mêmes enjeux de santé publique que les centres de santé français (crise économique et sociale, vieillissement de la population, démographie médicale en baisse), elles ont adopté les mêmes modes d’organisation pour offrir l’accès aux soins de qualité pour tous.

Min-Iren, une organisation militante à l’action politique nationale et internationale :

C’est aussi un acteur qui intervient dans la vie politique japonaise et promeut un système de sécurité sociale plus solidaire dont la référence clairement affichée est la Sécurité sociale française de 1945. Mais l’action de Min-Iren ne se limite pas au seul champ sanitaire et social. Elle inscrit son action dans le mouvement japonais et international pour la paix dans le monde et contre le nucléaire et le réarmement.

Voici donc quelques éléments d’information qui permettent de comprendre pourquoi les Cahiers de santé publique et de protection sociale s’intéressent à ce mouvement. Il est à noter que Min-Iren avait participé à Paris au colloque que nous avions organisé sur le thème d’une protection sociale pour tous les peuples. Nous allons donc donner ici et dans les prochains numéros des articles d’auteurs japonais liés à Min-Iren.