Première analyse du rapport Vachey
Laurent Vachey, ancien directeur de la CNSA, a remis son rapport au gouvernement: il était chargé de faire des propositions de mise en œuvre de la nouvelle cinquième branche de Sécurité sociale concernant l’autonomie votée le 7 août 2020 en catimini par le parlement. Il a travaillé sur «sur les principes, l’architecture, la gouvernance et le financement de la nouvelle branche autonomie».
Au-delà des propositions organisationnelles, l’essentiel est constitué par des propositions financières comme on pouvait le penser: le gouvernement s’est montré satisfait, on s’en doute.
Laurent Vachey préconise donc «le transfert de certaines prestations aujourd’hui dans le périmètre d’autres branches de la sécurité sociale», citant l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, la composante «aide humaine» de l’invalidité, l’allocation supplémentaire d’invalidité, les unités de soins de longue durée ou encore la part de l’action sociale de la CNAV (Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse) consacrée aux aides à l’investissement et à l’aménagement du domicile. Ces transferts entre branches, couplés à d’autres mouvements au niveau du budget de l’État (allocation aux adultes handicapés, aide au poste des travailleurs en ESAT…), permettraient ainsi de constituer un périmètre élargi doté d’une enveloppe de 42 milliards d’euros (contre 27 milliards actuellement pour la seule CNSA). En fait il sort de l’Assurance maladie beaucoup de dépenses actuellement financées par la cotisation sociale. Et finalement il y aura moins d’argent disponible qu’aujourd’hui.
Il ne propose aucun changement dans l’architecture de gouvernance Département / Agence Régionale de Santé créée depuis longtemps dans cette perspective par les divers gouvernements mais il veut associer les communes. Diverses structures (associations par exemple) seront associées à cette «gouvernance» mais la contrainte financière, point nodal de la réforme leur échappera. La CNSA conservera son conseil mais se verra attribuer des missions complémentaires avec des moyens statistiques et d’étude renforcés.
«Cinq sources potentielles» de financement
La mission Vachey détaille «cinq sources potentielles»: des transferts, des mesures d’économies, une réduction de certaines niches sociales et fiscales, des financements privés ainsi que d’éventuels prélèvements obligatoires. Concernant les transferts, le rapport fait état de la «possibilité d’anticiper le transfert d’une part de CSG [Contribution Sociale Généralisée] de la CADES [Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale] vers la branche autonomie»: c’est un impôt prélevé sur les salaires qui est ici mobilisé. Est proposée la mobilisation du FRR (Fond de Réserve pour les Retraites) «pour financer les aides à l’investissement consacrées à la rénovation des EHPAD»: c’est de fait un prélèvement sur les retraites. Autres transferts évoqués par la mission: la réaffectation d’une partie des taxes perçues par Action Logement, ainsi que celle de l’excédent de la branche famille de la Sécurité Sociale alors que les allocations familiales destinées aux enfants ont été réduites sous le gouvernement précédent.
Poursuivant sur cette logique austéritaire et antisociale, le rapport indique que ces mesures pourraient être complétées par des mesures d’économies sur l’Allocation aux Adultes Handicapés (400 millions d’euros d’ici à 2024) et sur l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (44 millions d’euros au bénéfice des Départements). Au-delà de ces possibilités, Laurent Vachey propose comme par hasard l’exonération totale des cotisations patronales pour le recours aux services d’aide à domicile pour les personnes de plus de 70 ans, l’abaissement du plafond de droit commun au crédit d’impôts au titre de l’emploi d’une personne à domicile, ou encore la révision de la réduction d’impôts au titre des frais de dépendance et d’hébergement.
Enfin le recours au financement privé via «la mobilisation du patrimoine immobilier» ou «un dispositif d’assurance complémentaire généralisé pour la prise en charge de la perte d’autonomie» est avancé. On prendra ainsi aux familles modestes les maigres héritages qu’elles peuvent transmettre.
Dernière mesure: pour la cinquième source potentielle de financement, le rapport dresse une liste de huit «éventuels prélèvements obligatoires» comme la création d’une 2e journée de solidarité, l’alignement de la CSG des retraités sur celle des actifs (donc diminution des retraites en cours de versement) ou encore la suspension de l’abattement de 10% sur l’impôt pour le revenu concernant les pensions et les retraites.
On ne s’étonnera pas que le gouvernement ait souligné son «plein accord avec la mission sur le sens que doit prendre la création de cette branche pour les personnes accompagnées dans leur autonomie». Un certain nombre de recommandations sera mis en œuvre dès le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Tout ce que nous pouvions craindre est au rendez-vous: augmentation des cotisations salariées, baisse des versements sociaux, prélèvements familiaux augmentés, et baisse des cotisations sociales patronales.