© Dominik Lange (Unsplash)

Vivre et vieillir dans la dignité et le respect des personnes: Une urgence sociale

Télécharger l'article

Pour Dominique Watrin, la création d’un service public de l’autonomie est une urgence sociale. Le financement doit être assuré par la Sécurité sociale. Il faut revaloriser les salaires, assurer une formation pour tous les salariés du secteur et créer un statut commun. Les établissements privés doivent être encadrés.

Abstract:

For the author, the creation of a public autonomy service is a social emergency. Funding must be provided by Social Security. We must revalue salaries, provide training for all employees in the sector and create a common statute. Private establishments must be supervised.

Le maintien de l’autonomie est un élément essentiel de dignité pour les personnes âgées. Mais aujourd’hui, qu’elles soient en EHPAD, en résidence autonomie ou à domicile, celles-ci souffrent de l’absence d’un vrai service public de l’autonomie fondé sur la solidarité nationale.

En EHPAD, les restes à charge sont exorbitants par rapport aux revenus alors que le service rendu est trop souvent insuffisant par manque de personnel, de médicalisation, de respect du rythme et des besoins de chacun. Ce secteur est de plus en plus dominé par de grands groupes capitalistes privés (Korian, Orpéa, Domus Vi…) mais aussi de fausses structures associatives dont les dirigeants s’engraissent avec l’argent des Départements, des personnes âgées et des familles. Nombre de services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) sont au bord de l’asphyxie financière et les usagers en subissent directement les conséquences : désorganisation liée aux manques d’effectifs, de qualification des personnels et d’attractivité du métier, interventions fractionnées et standardisées, restes à charge élevés (jusqu’à payer à 100% une partie des heures des plans APA !).

Partout, que ce soit en EHPAD ou à domicile, les personnels du médico-social sont à 90% des femmes comme les aidants et même majoritairement les résidents des EHPAD. En première ligne, elles sont au cœur des discriminations, victimes d’un système patriarcal et de moindre coût du travail qui les enferment dans la précarité voire la pauvreté. Les temps partiels imposés, conjugués à des minima salariaux de conventions collectives largement inférieurs au SMIC, aboutissent à des feuilles de paies aux nets à payer outrageusement bas.

Les candidates et les candidats présentés par le PCF aux élections départementales estiment que cette situation ne peut plus durer ! Ils formulent de nombreuses propositions et rappellent plusieurs principes:

  1. L’autonomie doit être couverte à 100% par la Sécurité sociale.

Pour l’essentiel, c’est le travail qui abîme les travailleurs. Mauvaises postures, conditions de travail dégradées, course à la productivité sont responsables tant de troubles musculo-squelettiques que de risques psycho-sociaux. Le manque de prévention est encore aggravé avec les reculs constatés en matière de santé au travail (suppression des CHSCT, destruction de la médecine du travail…) et le manque criant de moyens des conférences départementales des financeurs de la perte d’autonomie. Une aide à domicile voit dans le meilleur des cas la médecine du travail tous les deux ans ! Quid de la prévention pour cette profession quand on sait que ce secteur bat même tous les records de maladies professionnelles et d’accidents du travail. C’est pourquoi le financement du maintien de l’autonomie doit être pris en charge à 100% par l’Assurance Maladie.

  1. Toutes les générations sont concernées par une réponse digne et à la hauteur des besoins de l’autonomie des personnes âgées.

Comme le demande la Fédération Internationale des Associations des Personnes Âgées (FIAPA) dans son Manifeste de la Havane, nous affirmons que les droits ne changent pas et ne soient pas limités par l’avancée en âge. L’âgisme, qui est la plus répandue et la mieux ancrée de toutes les discriminations, doit être combattu par des législations anti-discriminations. Ainsi, nous demandons le vote d’une loi pour que les personnes reconnues handicapées après 60 ans ne soient plus exclues de la Prestation de Compensation du Handicap (PCH, plus favorable que l’APA). Au lieu d’opposer entre eux jeunes et moins jeunes, il faut au contraire peser tous ensemble pour le développement de la recherche dans tous les domaines (santé, domotique). Il faut lutter contre l’isolement, la solitude par une révision de la politique du logement accessible, intégré dans la cité avec un développement des services publics, rendre effectif le droit à la mobilité, l’accès à la culture et aux loisirs, l’accès aux centres de santé, aux hôpitaux de proximité, aux services de soins médicaux. Autant de progrès qui sont sources de créations massives d’emplois, y compris qualifiés, pour les jeunes et aussi en seconde partie de vie professionnelle.

  1. Il faut aussi rétablir l’égalité républicaine devant la loi.

Ce n’est pas le cas aujourd’hui quand les efforts des départements varient parfois… du simple au double !

  1. Il faut bien-sûr une revalorisation massive des salaires.

Au moins 15% d’augmentation des salaires effectifs sur les fiches de paie immédiatement pour toutes et tous et un plan ambitieux de professionnalisation, de formations et de reconnaissance salariale des qualifications actuelles et à venir. C’est la demande de toutes les organisations syndicales.

  1. Il faut créer des emplois qualifiés.

Sans tarder 200 000 emplois qualifiés, stables et le plus possible à temps plein avec un plan de  formation (infirmières, aides-soignants, Aide Médico-Psychologique, kinésithérapeutes) dans les EHPAD et 100 000 dans le secteur services d’aide et d’accompagnement à domicile ( SAAD). Ces besoins satisfaits permettraient de porter le ratio en personnel à 1 pour 1 résident en EHPAD et de répondre à la poussée démographique des plus de 85 ans (dont le nombre va être multiplié par 3 d’ici 2050).

Qui doit financer les besoins du grand-âge et payer les réponses nouvelles à apporter?

Le gouvernement, à l’instar des gouvernements précédents, est d’abord dans la communication. Une grande réforme de l’autonomie est annoncée depuis 2008 et Macron lui aussi (comme Sarkozy puis Hollande) ne fait que la reporter, maintenant sous prétexte de pandémie. Cela est inacceptable. Il faut au plus vite, compte-tenu de l’urgence des solutions à apporter, une nouvelle grande loi sur l’accompagnement de l’autonomie.

Cependant, ce Président a tout de même profité de la crise sanitaire pour décider cet été du prolongement (de 2024 à 2033) du prélèvement de 0,5% (Contribution au Remboursement de la Dette Sociale) sur les salariés et retraités sans quasiment aucune mesure nouvelle dans le secteur médico-social. Pourtant, un rapport officiel (le rapport Libault de mars 2019) mettait en garde : « nous n’avons pas le temps d’attendre, c’est un luxe qui ne nous est pas donné » et d’évaluait (en les sous-estimant pourtant) les besoins nouveaux de financements publics à 9,2 milliards d’€/an en 2030 dont 6,2 milliards/an dès 2024. Malgré ces avertissements, le gouvernement vient de créer une 5ème branche de la Sécurité sociale « pour le soutien à l’autonomie », mais c’est une coquille vide quasiment sans aucunes ressources nouvelles autre que les recettes déjà apportées à 90% par les retraités et les salariés. Pis, en s’appuyant sur un autre rapport qu’il a commandé (le rapport Vachey), il conforte l’option d’aller chercher toujours plus l’argent nécessaire dans les poches des retraités eux-mêmes (augmentation de la CSG, réduction d’abattements fiscaux, plus grande participation financière des usagers à l’APA …) et des salariés (deuxième journée de solidarité).

À l’opposé de cette logique d’austérité et d’impréparation de l’avenir qui nuit à toutes les composantes de la société et fait le lit des assurances privées et du monde de la finance, les candidates et candidats présentés aux élections départementales par le PCF continueront d’exiger, avec plus de force s’ils sont élus :

Un grand service public de l’autonomie

Celui-ci serait financé dans le cadre de la Sécurité sociale sans augmentation des cotisations sociales salariales. La Sécurité Sociale a en effet les moyens de faire face à ces dépenses nouvelles par trois mesures de justice :

  1. En recentrant immédiatement les exonérations massives de cotisations sociales patronales sur les seules TPE et PME (recette de plusieurs dizaines de milliards d’€).
  2. En mettant le taux des cotisations sociales des revenus financiers des entreprises, des Banques et Assurances et des gros patrimoines (dividendes, intérêts) au même niveau que celui pesant sur les salaires (recette estimée à 40 milliards d’€ pour l’ensemble de la Branche Maladie dont une part pourrait être affectée à l’autonomie).
  3. Cette avancée permettrait, pourquoi pas dans le cadre de la Fonction Publique Hospitalière, de créer un statut unique des personnels de l’autonomie. Que ce soit en EHPAD ou à domicile, cette unification du statut aurait pour avantage de faciliter l’alternance dans ces deux secteurs, les changements de services, d’ouvrir des perspectives de formations et de carrières ; les conditions de travail intègreraient les contraintes du travail à domicile avec les déplacements pris en charge totalement et sur le temps de travail, avec un accès à la formation professionnelle initiale et continue… Un grand Service public de l’autonomie mettrait fin à l’émiettement des structures d’accompagnement à domicile, préjudiciable à une bonne gestion et aux droits des salariés.

Ce nouveau service public sera démocratique

Nous accordons la plus grande importance à la démocratisation du secteur de l’autonomie. L’élection des administrateurs de la Sécurité Sociale doit être rétablie. Le service public unifié de l’autonomie associera, dans toutes les instances décisionnelles des représentants de la Sécurité sociale, de l’État et des Départements mais aussi usagers, élus, représentants des organisations syndicales de salariés et de retraités, les acteurs du secteur, des personnalités qualifiées…

Des Pôles publics départementaux, dans le respect des règles nationales, mettront en œuvre les politiques départementales de la manière la plus adaptée aux territoires et coordonneront les différents acteurs avec les mêmes règles démocratiques.

Au niveau départemental, nous demandons que les candidates et candidats procèdent à un état des lieux départemental et à une rencontre avec les organisations syndicales concernées. Forts de cette démarche, ils pourront formuler des propositions parmi lesquelles à titre d’exemples :

  • Que le Conseil départemental porte la rémunération horaire des services d’aide à domicile à un tarif horaire négocié (actuellement celle-ci varie entre 17€ et 30€ suivant les départements avec une moyenne nationale autour de 21,5€/h). Nous exigeons pour cela que l’État rétablisse son engagement financier au moins à ce qui était prévu par la loi, soit 50% de la dépense contre environ 30% actuellement.
  • Que le Conseil départemental mette fin à la liberté tarifaire qui autorise des structures à facturer au-delà du tarif défini par le Département ce qui aboutit à faire payer à 100% une partie des heures APA par les usagers et/ou à leur faire abandonner des heures d’accompagnement.
  • Qu’un suivi soit effectué pour le respect par les différentes structures du Droit du Travail et des Conventions Collectives.
  • Que le Département soit à l’initiative d’un appel à projets en vue de la construction d’EHPAD publics ou à but non lucratif prioritairement dans les territoires les plus déficitaires.
  • Que le Département mette fin immédiatement à la participation financière des petits-enfants dans le cadre de l’aide sociale départementale à l’hébergement.

La France a largement les moyens de mener une politique de protection sociale plus ambitieuse : cela est vrai aussi des réponses à apporter aux défis du vieillissement dans tous les domaines, en permettant en premier lieu de vivre et vieillir dans la dignité et d’apporter la juste reconnaissance aux personnels de ce secteur. Il s’agit là d’un projet de société, une société pour tous les âges qui fait le choix de l’Humain d’abord; à nous tous de nous rassembler et de peser pour des réponses publiques et à la hauteur des besoins de l’autonomie, inséparables d’une politique de justice sociale. C’est l’intérêt de toutes les générations.