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Tribune de Pierre Dharréville, député PCF-NUPES des Bouches-du-Rhône et Claire Fourcade, médecin et présidente de la société française d’accompagnement des soins palliatifs (SFAP).

Publiée dans le Journal du Dimanche du 19 mars 2023.

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Résumé :

Les auteurs expriment ici leur attachement à la loi Claeys-Leonetti, qui légifère sur la fin de la vie en France. Ils la qualifient de trésor national.

Abstract :

The authors express here their attachment to the Claeys-Leonetti law, which legislates on the end of life in France. They call it a national treasure.

 La loi Leonetti trace une voie française de l’accompagnement. C’est un trésor national dont nous pouvons et devons être fiers. En 2002, Vincent ­Humbert, tétraplégique et aveugle, demande au président de la République le droit de mourir. Sa détresse émeut tous les Français. Alors que depuis 2002 la Belgique a rendu possible l’euthanasie de ceux qui n’en peuvent plus de vivre, Jean Leonetti, député et cardiologue, sans expérience des soins palliatifs, se voit confier une mission parlementaire sur la fin de vie. Toutes les conditions semblent réunies pour que la France autorise, comme le Benelux, l’euthanasie et le suicide assisté.

Une loi qui trace une voie française de l’accompagnement est pourtant votée à l’unanimité en 2005. Une loi que personne n’attendait. Une loi qui a fait l’objet d’une construction collective et précautionneuse. Une loi qui fait le choix de ne pas chercher d’abord une solution à des situations exceptionnelles par leur complexité comme par leur rareté, mais qui promet aux milliers de personnes qui meurent tous les jours d’être soulagées et accompagnées parce que c’est l’honneur d’une nation de veiller sur les plus fragiles et les plus vulnérables. Une loi qui dit en actes : « Je ne t’abandonnerai pas, je ne te laisserai pas souffrir, je ne prolongerai pas anormalement ta vie. »

Un chemin de crête

La loi dite « Leonetti » est une loi du quotidien dans le monde du soin : un patient peut décider d’interrompre un traitement après avoir été clairement informé des conséquences de son choix. Il est interdit de s’acharner. Tout doit être mis en œuvre pour soulager. Quoi qu’il en coûte. La parole du patient doit guider les choix des soignants. Quand cette parole ne peut s’exprimer, elle peut s’écrire par des directives anticipées ou se dire par la parole d’une personne de confiance désignée par le patient, qui seront autant de guides pour les soignants pour un plus juste accompagnement.

La loi Leonetti, renforcée en 2016 par la loi Claeys-Leonetti, est un chemin de crête : nous voulons accompagner et soulager toujours, nous acceptons collectivement la mort de l’autre mais nous nous refusons à le faire mourir. Ces lois ont dessiné un chemin français, fondé sur la liberté du patient de choisir l’intensité des soins souhaités en refusant l’acharnement, l’égalité des conditions d’accès aux soins palliatifs et la fraternité entre le malade, ses proches et les soignants. Pour que les conditions de la fin de vie en France ne nous contraignent pas à choisir de donner la mort faute de mieux, pour que son ambition et sa portée n’en soient pas affaiblies et pour éviter qu’elle ne soit marquée par des inégalités, nous appelons à appliquer cette loi en lui donnant les moyens humains et financiers nécessaires.

Valoriser l’être humain

Pour un médecin travaillant depuis plus de vingt ans dans une équipe de soins palliatifs qui a accompagné plus de 10 000 patients dans un département rural et pauvre, il est possible de dire que les soins palliatifs et la loi actuelle, quand elle est connue et appliquée, permettent d’avoir une fin de vie apaisée et qu’ils sont bien peu nombreux à souhaiter regarder la mort en face et en fixer l’heure. Trois au cours de ces vingt années, avec qui l’on a néanmoins trouvé un chemin d’accompagnement.

La loi Leonetti est la loi d’une société de l’alliance entre les personnes malades et ceux qui les soignent pour chercher la voie du meilleur possible.

La loi Leonetti, à rebours de la médecine paternaliste, est un nouveau modèle du soin, une nouvelle façon d’envisager, de regarder et de valoriser l’être humain : soigner ensemble pour permettre de vivre dignement jusqu’à la mort.

La loi Leonetti est une incitation à parier sur le « nous », la fraternité et la solidarité. Elle est celle d’une société qui prend soin.

La loi Leonetti est un message d’espoir de toute la société dont les soignants sont les porteurs : « Nous n’abandonnerons pas, nous ne vous abandonnerons pas. » Nous comptons les uns sur les autres et les uns pour les autres. Ensemble.

 

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Pierre Dharréville et Claire Fourcade, « Tribune de Pierre Dharréville, député PCF-NUPES des Bouches-du-Rhône et Claire Fourcade, médecin et présidente de la société française d’accompagnement des soins palliatifs (SFAP) », Les Cahiers de santé publique et de protection sociale, N° 45, Juin 2023.