Note sur le PLFSS 2025

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Résumé :
Le groupe
Gauche Démocrate et Républicaine (GRD) de l’Assemblée nationale présente les différents articles du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2025 (PLFSS 2025). Il y apporte ses analyses et critiques de façon détaillée.

Abstract :
The GRD group of the National Assembly presents the various articles of the PLFSS 2025. It provides its analyzes and critiques in detail.

Le PLFSS proposé par le gouvernement Barnier est constitué de 32 articles. 1572 amendements ont été déposés pour l’examen en commission dont 108 par le groupe GDR.

Le dossier de presse relatif à la présentation des budgets indique qu’en l’absence de mesures, le déficit public atteindrait 7% en 2025. Les 60 milliards d’euros d’économies visées seront constituées de hausses de recettes à hauteur de 32%, et de « moindres dépenses » à hauteur de 68%.

Dans ce cadre, les différentes mesures d’économie portées par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) doivent permettre un effort global d’un peu plus de 10 milliards d’euros en 2025 pour les comptes de la Sécurité sociale, dont 4,9 milliards d’euros d’économies pour l’Assurance maladie, ou encore 4 milliards d’euros sur les retraites. L’objectif est, dans l’immédiat, de contenir le déficit à 16 milliards d’euros l’année prochaine. À plus long terme, la ministre de la Santé a d’ores et déjà indiqué la nécessité de « réfléchir à l’avenir » et de « restructurer notre système et son financement ». Ce PLFSS se caractérise également par son aspect indigent : moins volumineux que les précédents, il est principalement axé sur la mise en œuvre de mesures précédemment actées. De nombreuses thématiques lui font défaut telles que la lutte contre la désertification médicale, la prévention, des mesures de soutien à la perte d’autonomie, au handicap ou à la famille.

En revanche, de  nombreuses mesures réduisent l’accès aux soins et certaines d’entre elles, relevant du réglementaire, sont hors de portée du législateur dans le cadre de l’examen de ce budget (moindre remboursement des consultations médicales, baisse du plafond des indemnités journalières en cas d’arrêt de travail pour raison de maladie, notamment). Enfin, s’agissant des recettes, la mesure visant à « réformer les allègements généraux de cotisations patronales » demeure bien timide au regard de  la masse des exonérations compensées et non compensées. Le levier de conditionnement des exonérations n’est pas davantage à l’ordre du jour.

  • Article liminaire

L’article liminaire présente les prévisions de recettes, de dépenses et de solde des administrations de Sécurité sociale (ASSO) pour 2024 et 2025, en pourcentages de PIB. Les administrations de Sécurité sociale comprennent les régimes  d’assurance sociale qui regroupent les régimes obligatoires de Sécurité sociale, de base et complémentaires, l’assurance chômage, la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) et le Fond de réserve des retraites (FRR), les organismes dépendant des assurances sociales (ODASS), qui comprennent notamment les hôpitaux.

Cet article liminaire met en exergue la « capacité de financement » des ASSO, qui est l’opposée du « besoin de financement », et qui est la différence entre leurs recettes et leurs dépenses sur une période donnée. Les recettes des ASSO sont principalement constituées des cotisations sociales et des impôts affectés. Les dépenses des ASSO sont principalement constituées de prestations sociales mais comprennent également des « consommations intermédiaires » (achats courants de biens et services), les rémunérations des agents (notamment des personnels hospitaliers), des charges d’intérêts et la « formation brute de capital fixe » (investissements).

Pour 2024, le solde des ASSO est nul, donc à l’équilibre. C’est toutefois un solde « dégradé » au regard des prévisions de la LFSS de 2023 pour 2024 qui prévoyaient un solde à excédentaire à hauteur de 0,6% du PIB. Deux explications à cette dégradation sont mises en avant : un changement de méthodologie ; une moindre progression des recettes et une hausse des dépenses par rapport au prévisionnel. Pour 2025, le solde serait excédentaire à 0,2% du PIB, soit environ 5 milliards d’euros. Entre 2024 et 2025, on peut observer des recettes quasi constantes (26,6% de PIB en 2024 et 26,7% du PIB en 2025) et une baisse des dépenses (26,6% du PIB en 2024 et 26,4% en 2025). Cet  article  liminaire  montre  ainsi  des  recettes  « à  l’arrêt »  pour  la  Sécurité  sociale  et  des dépenses  toujours davantage  contraintes.

PREMIERE PARTIE : DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET A L’EQUILIBRE GENERAL DE LA SECURITE SOCIALE POUR L’EXERCICE 2024

  • Article 1er

L’article 1er rectifie le tableau d’équilibre par branche de la Sécurité sociale et le tableau d’équilibre du Fonds de solidarité́ vieillesse (FSV) pour 2024. Il fixe également l’objectif d’amortissement de la dette sociale par la Cades (15,99 milliards d’euros pour 2024).

Avant l’été, le Gouvernement misait encore sur un déficit de la Sécurité sociale à -16,6 milliards d’euros pour 2024. Il est finalement fixé à -18 milliards d’euros. Le déficit 2024 est donc finalement augmenté de 1,4 milliard sur les prévisions de mai 2024, et de 7,6 milliards d’euros par rapport aux prévisions de la LFSS 2023 pour 2024 qui fixait alors le déficit à -10,4 milliards d’euros. La Cour des comptes avait également prévu un déficit pour 2024 à hauteur de -16,6 milliards d’euros et avait alerté sur le fait qu’un tel déficit était supérieur à la capacité d’amortissement de la dette par la Cades, fixé à 15,99 milliards d’euros, ce qui entraînerait une dégradation de la situation patrimoniale de la Sécurité sociale. La présidente de la 6e chambre de la Cour des comptes avait alors qualifié cette situation « d’impasse de financement ». A tout le moins, puisqu’il semble improbable de constater un dérapage des dépenses, au regard de la situation catastrophique du système de soins, ces écarts entre les prévisions et le résultat accréditent nos contestations visant l’insincérité du gouvernement dans sa présentation du budget, et l’indigence des LFSS.

La branche « Maladie » est la plus déficitaire, à – 14,6 milliards d’euros en 2024. Loin devant la branche « vieillesse » dont le déficit pour 2025 est prévu à -3,1 milliards d’euros, après avoir atteint – 6,3 milliards d’euros en 2024.

La branche « AT/MP » serait très légèrement excédentaire à 0,7 milliard d’euros, ainsi que la branche « Autonomie » à 0,9 milliard d’euros et la branche « Famille » à 0,4 milliard d’euros. Les soldes excédentaires de ces deux dernières branches sont pour le moins questionnant au regard des besoins non couverts.

Pour la branche « Famille », nous pouvons citer : les besoins en accueil de la petite enfance, le besoin de mesures ciblées pour la lutte contre la pauvreté des familles et des enfants, le besoin urgent d’une revalorisation du congé parental dont le forfait extrêmement bas est un des obstacles au recours (le non-recours génère une économie (ou plutôt une non dépense) de près d’un milliard à la CNAF, la revalorisation des salaires dans le secteur de la petite enfance. S’agissant de la branche « autonomie » : de nombreux besoins ne sont pas suffisamment couverts comme la lutte contre l’isolement, le maintien à domicile, les restes à charge, l’accompagnement des aidants.

Concernant la dette amortie par la Cades, elle est contestable à plusieurs niveaux. La CADES a été créée en 1996 par une ordonnance du gouvernement d’Alain Juppé. Jusqu’alors, lorsque la Sécurité sociale connaissait des déficits, deux principales stratégies pouvaient être mises en place : la hausse des taux de cotisation ou l’emprunt auprès de la Caisse des dépôts et consignations (un crédit public assuré par l’Etat). La Cades constitue donc une financiarisation de la Sécurité sociale puisque celle-ci est contrainte de passer par les marchés financiers pour refinancer sa dette. Cette méthode non seulement assèche les ressources de la Sécurité sociale mais, de surcroît, lui coûte cher. En juin 2020, l’économiste Michael Zemmour avait estimé que la dette générée pendant la période covid, injustement transférée à la CADES, coûterait chaque année une dizaine de milliards d’euros à la CADES contre environ un milliard à l’Etat si celui-ci avait assumé les dépenses exceptionnelles liées au Covid. L’économiste Ana Carolina Cordilha a, quant à elle, estimé que les divers frais – intérêts et commissions bancaires – dont la Cades doit s’acquitter s’élève, sur trente ans, à 91 milliards d’euros. Or, tout ce qui est mis dans le remboursement de la dette ne peut pas l’être dans le financement des soins.

  • Article 2

L’article 2 rectifie pour 2024 les dépenses de l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie (Ondam) à 256,1 milliards d’euros contre 254,9 milliards d’euros dans la LFSS de 2023 pour 2024. L’Ondam est donc revalorisé de 1,2 milliard d’euros. L’exposé des motifs justifie cette correction à la hausse par une augmentation des soins de ville (indemnités journalières et honoraires des médecins spécialistes), ainsi qu’une prévision des dépenses relatives au Covid insuffisantes (0,2 milliard d’euros budgétés dans la dernière LFSS pour, au final, une dépense de 0,5 milliard d’euros). S’agissant de l’augmentation des soins de ville, si le Gouvernement a décidé de s’attaquer aux indemnités journalières, on peut s’étonner qu’il ne décide pas de s’attaquer tout autant aux honoraires des médecins spécialistes dont les dépassements sont encore trop peu contrôlés.

DEUXIEME PARTIE : DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET A L’EQUILIBRE GENERAL DE LA SECURITE SOCIALE POUR L’EXERCICE 2025

TITRE 1er : DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET A LA TRESORERIE

  • Article 3

Réforme du mode de calcul de la pension de retraite de base des non-salariés agricoles En février 2023, le Sénat a définitivement adopté une proposition de loi visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq meilleures années de revenu (1). L’objectif est de faire converger le calcul des retraites des agriculteurs avec ceux des salariés et des indépendants à compter du 1er janvier 2026. Sur la base d’un rapport remis par l’IGAS-CGAAER, le PLFSS prévoit d’appliquer un alignement des cotisations des non-salariés agricoles sur celles des travailleurs indépendants en contrepartie de la réforme des 25 meilleures années (article 22 du PLFSS).

La mission a ainsi recommandé d’instituer une assiette minimale annuelle de 600 SMIC horaires (correspondant à 4 fois 150 SMIC horaires, soit le niveau permettant de valider 4 trimestres par an), quelle que soit la catégorie de non-salarié agricole (NSA) concernée (activité à titre principal, exclusif ou secondaire). Cet alignement des taux de cotisations sur celui des travailleurs indépendants induirait une recette supplémentaire à terme de 38 M€ et conduirait à une hausse de cotisations pour 69 % des chefs d’exploitation avec une augmentation annuelle moyenne de 190 € (soit environ 15 € en moyenne mensuelle).

Le relèvement des prélèvements de 38 M€ serait supporté pour moitié par les NSA à titre secondaire, alors qu’ils ne représentent que 12 % des effectifs (mais avec un effet de rattrapage plus important, car ils partent d’un niveau de cotisations actuel plus bas). En contrepartie, ils devraient logiquement bénéficier des mêmes droits à pension que les NSA à titre exclusif ou principal (ouverture du bénéfice de la pension majorée de référence – PMR – et du complément différentiel de retraite complémentaire obligatoire).

  • Article 4

Pérennisation du TO-DE : dispositif d’exonération de cotisations patronales dans le secteur agricole pour l’emploi des travailleurs saisonniers et demandeurs d’emploi. L’article pérennise définitivement le TO-DE dont la fin était fixée au 31 décembre 2025, et il porte le seuil de dégressivité de l’exonération à 1,25 SMIC au lieu de 1,20 SMIC, à compter du 1er mai 2024. Le TO-DE représente une moindre recette de 14 millions d’euros en 2024, 18 millions en 2025 et 624 millions d’euros en 2026. Le groupe GRD a coutume de soutenir la prolongation du TO-DE. Il convient toutefois, dans le cadre du débat, de relever les conditions de travail des saisonniers agricoles et le manque de contrôle en la  matière (cf. PPL d’A. Chassaigne « visant à  garantir aux travailleurs saisonniers agricoles des conditions de travail et d’accueil dignes ») d’autant que l’étude d’impact précise que « les dispositifs d’exonération ne conduisent pas à obérer les droits sociaux des personnes bénéficiaires » (p.18, annexe 9).

  • Article 5

Autoriser le cumul entre l’exonération dont bénéficient les jeunes agriculteurs et les dispositifs de réduction de taux des cotisations de maladie et d’allocations familiales. Conformément aux « 70 engagements » pris par le Gouvernement en faveur des agriculteurs, l’article 5 vise à permettre aux jeunes agriculteurs de cumuler l’exonération dégressive partielle des cotisations sociales dont ils bénéficient les cinq premières années d’activité avec les dispositifs de réduction des taux des cotisations maladie, invalidité et maternité et d’allocations familiales applicables à l’ensemble des travailleurs indépendants. L’impact financier global de cette mesure s’élève à 25 millions d’euros par an (environ 14 millions pour la branche « maladie » et 11 millions pour la branche « famille »), compensé par l’État à la Sécurité sociale.

  • Article 6

Réforme des allègements généraux de cotisations patronales : Constatant « une hausse sans précédent du coût des allègements généraux de 2022 à 2024 qui atteignent un peu moins de 80 Md€ en 2023, soit près de 20 Md€ de plus que le montant constaté en 2021 », le gouvernement envisage de mettre un terme au système actuel.

Pour mémoire, actuellement, il existe trois seuils en matière d’exonérations de cotisations patronales. Un premier, fixé à 1,6 Smic, concerne les bas salaires (près de 40% d’allègements au niveau du Smic puis un taux dégressif jusqu’à 1,6 Smic) ; un deuxième est établi à 2,5 Smic (baisse de 6 points de la cotisation d’Assurance maladie, désignée sous l’appellation «bandeau maladie») ; un dernier à 3,5 Smic (réduction de 1,8 point de la cotisation d’allocations familiales, désignée par l’appellation «bandeau famille»).

2025 serait une « année transitoire » : au 1er janvier prochain, le Gouvernement procèderait à une baisse de deux points de pourcentage des exonérations au niveau du Smic. A la même date, le point de sortie du «bandeau maladie» serait abaissé de 2,5 à 2,2 Smic et celui du «bandeau famille» de 3,5 à 3,2 Smic. Cela signifie que les cotisations patronales sur les salaires supérieurs à 2,2 Smic puis à 3,2 Smic seront plus importantes qu’aujourd’hui. A compter du 1er janvier 2026, l’idée est d’aboutir à un dispositif unique qui « continuera de réduire les cotisations patronales pour des rémunérations allant jusqu’à  3 Smic tout en diminuant le taux maximal d’exonération au niveau du Smic ». S’il n’y aura plus d’allègements généraux de cotisations pour les employeurs sur les salaires supérieurs à 3 Smic, en revanche, les exonérations seraient intensifiées entre 1,3 et 1,8 Smic, pour inciter les employeurs à augmenter leurs salariés à ce niveau de salaires.

Cette réforme doit rapporter 5,1 milliards d’euros à la Sécurité sociale dès 2025 : 2,2 milliards pour la branche « maladie », 300 millions pour la branche « famille » et 2,7 milliards pour la branche « vieillesse ».

Parmi les nombreuses niches sociales, évaluées à plus de 90 milliards d’euros par la Cour des comptes, les exonérations de cotisations sur les revenus supérieurs à 2 SMIC (plus de 2700 euros net) font partie des plus inutiles et coûtent près de 8 milliards d’euros. L’article 6 conserve les bandeaux « famille » et « maladie » à un haut niveau en 2025 : jusqu’à 2,2 SMIC pour le bandeau « maladie » et 3,2 pour le bandeau « famille ». L’article 6 prévoit également de conserver des exonérations de cotisations jusqu’à 3 SMIC en étendant le mécanisme  d’allégement général de cotisations qui a cours aujourd’hui seulement dans la limite d’1,6 SMIC. Autrement dit, il remplace les bandeaux « famille » et « maladie » par d’autres exonérations.

  • Article 7

Rationalisation des exonérations sociales pour les contrats d’apprentissage, les entreprises d’armement maritime, les jeunes entreprises innovantes (JEI) et les jeunes entreprises de croissance (JEC).

S’agissant de l’apprentissage, l’objectif de l’article 7 est d’abaisser par décret le seuil d’exonérations de cotisations sociales à 50% du SMIC (au lieu de 79% actuellement) ; selon une mission IGAS-IGF, seuls 5 % de la masse salariale des apprentis excèdent le seuil de 0,79 SMIC. Et d’assujettir à la CSG et à la CRDS les rémunérations des apprentis au-delà de 50% du SMIC dès le 1er  janvier 2025. L’article 7 vise également à limiter le dispositif d’exonérations de cotisations patronales aux seuls navires de transport de passagers, qui s’avère être le secteur le plus intensif en emplois les moins qualifiés. Enfin, l’article 7 supprime l’exonération de cotisations sociales JEI et JEC.

Ces trois mesures permettraient de générer 1 milliard d’euros de recettes par an à compter de 2025  dont la  plus  grande part  (640 millions)  revient  à  l’Etat, et 160 millions à la branche

« Maladie ». L’étude d’impact indique (annexe 9, p. 45) que « L’impact pour les finances publiques de l’assujettissement des rémunérations des apprentis à la CSG/CRDS au-delà de 50 % du SMIC est estimé à +360 M€ par an. L’abaissement du seuil d’assujettissement aux cotisations sociales par voie règlementaire engendrerait quant à lui une économie de 300 M€ sur le budget de l’Etat ».

Les dispositions de cet article 7 n’envisagent le « coût » de l’apprentissage que par un tout petit bout qui en occultent les difficultés majeures. Pour mémoire, E. Macron s’est fixé comme objectif d’atteindre 1 million d’apprentis d’ici à 2027 – mais sans jamais envisager une réflexion sur le statut d’apprenti. En décembre 2022, d’après la Dares, le nombre d’apprentis s’élevait à 980 000, soit deux fois plus qu’en 2018. Pour y parvenir, la réforme de 2018 a simplifié le système et en 2020, une aide exceptionnelle a été initiée dans le cadre du dispositif « un jeune, une solution ». Selon l’économiste Bruno Coquet, la dépense publique pour l’apprentissage a atteint 21 milliards d’euros pour l’année 2022, en hausse de 270% depuis 2018. B. Coquet note ainsi : « Jamais une aide à l’emploi n’a atteint un tel niveau en France : même réduite de 8 000 à 6 000 euros depuis le  début 2023, elle  annule le  coût du travail pour un très grand nombre d’apprentis, et le réduit fortement pour les autres, alors que les contrats d’apprentissage bénéficient déjà des allégements généraux de cotisations sociales patronales, tout en étant exonérés de cotisations sociales salariales et d’impôt sur le revenu » (2). De plus, cette aide n’étant pas « ciblée », c’est-à-dire accessible à la plupart des profils d’apprentis et d’employeurs, l’attractivité de l’apprentissage est demeurée à peu près inchangée pour la cible prioritaire des jeunes sortis sans diplôme ni qualification du système scolaire ; en revanche, elle s’est très fortement accrue pour les étudiants du supérieur car leurs études sont alors en partie financées par France Compétences en plus du salaire qu’ils perçoivent et des droits sociaux dont ils bénéficient au même titre que les autres salariés. De fait, les apprentis préparant un diplôme du supérieur sont plus de quatre fois plus nombreux en 2022 qu’en 2018 (38,3% du stock de bénéficiaires en 2018, 62,5% en 2022).

Le coût quasiment nul de l’apprentissage pour les entreprises crée par ailleurs un « effet d’aubaine » : des économistes, dont B. Coquet estiment ainsi que sur un total de 460 000 emplois créés grâce à l’aide exceptionnelle, 210 000 se seraient substitués à des emplois qui se seraient créés de toute façon. Ils redoutent également des effets d’aubaine par anticipation : des apprentis du supérieur embauchés à prix réduit auraient de toute façon été recrutés sans aide. Ils soulignent enfin le risque d’effets d’opportunité  avec  des  apprentis  recrutés  sans  réel  besoin  et  qui  ne  seront  pas remplacés, ni embauchés à la fin de leur contrat. C’est ce qui fait dire à B. Coquet qu’il est essentiel « qu’une part significative du coût du travail doit rester à la charge de l’employeur, a fortiori lorsqu’il s’agit d’aides à l’emploi marchand et qu’elles s’ajoutent à un coût du travail déjà très réduit, ces contrats aidés sont sujets à d’importants effets d’aubaine et de substitution, notamment en l’absence de ciblage du profil des apprentis recrutés ». Le Gouvernement le sait bien puisqu’il note dans l’étude d’impact : « Une hausse du coût de l’embauche des apprentis pourrait se traduire par une baisse de l’incitation à recruter sous ce statut, ce qui affecterait le rendement de la mesure. Une partie de cet effet de comportement correspondrait toutefois à la fin de certains effets d’aubaine et se traduirait par un recours accru à l’emploi salarié, ce qui génèrerait des recettes par ailleurs ».

  • Article 8

Transferts financiers au sein des administrations de la Sécurité sociale

  • Article 9

Clarifier les modalités d’appel et de calcul des clauses de sauvegarde M et Z :

Cet article met en œuvre une disposition adoptée dans la dernière LFSS et qui rapproche les modalités de calcul des montants M et Z. L’article 28 de la LFSS pour 2024 prévoyait en effet d’asseoir le calcul de la  clause de sauvegarde (montant “M” au-delà duquel l’entreprise pharmaceutique doit reverser une contribution à l’assurance maladie) sur les dépenses effectivement remboursées par l’assurance maladie, et non plus sur le chiffre d’affaires déclaré par les industriels. Jusqu’à présent, ce montant « M » est, chaque année, revu à la hausse, laissant ainsi plus de marges aux entreprises pharmaceutiques. Pour 2024, le montant « M» avait été fixé à 26,4 milliards. Pour 2025, il est abaissé à 23,3 milliards d’euros, ce qui est donc à priori positif. Mais l’étude d’impact précise que ce montant “M” aurait été, selon l’ancien mode de calcul, de 27,89 milliards d’euros en chiffre d’affaires (annexe 9, p.66) donc en réalité, il est encore en augmentation. Dit autrement, l’abaissement du montant “M” pour 2025 est factice : la nouvelle assiette, basée sur les montants remboursés, entraîne une baisse du montant mais correspond toujours à la même logique : donner de la marge aux entreprises pharmaceutiques.

Le Montant « Z », quant à lui, détermine la contribution des entreprises exploitant des produits de santé autres que des médicaments, c’est-à-dire des dispositifs médicaux, au-delà d’un certain montant dit « Z ». Le montant Z concerne le montant remboursé par l’assurance maladie : l’exploitant d’un produit ou d’une prestation de santé devient redevable de la contribution lorsque le montant global remboursé par l’assurance maladie au cours de l’année civile au titre des dispositifs médicaux « en sus » est supérieur à un montant Z, déterminé par la LFSS chaque année. Ce dernier, généralement en augmentation d’une année sur l’autre, est réellement en baisse pour 2025 : il passe de 2,31 milliards en 2024 à 2,27 milliards pour 2025 – ce qui est positif.

Toutefois, le montant de la contribution due par chaque entreprise redevable ne pourra excéder 12% du montant total remboursé par l’assurance maladie au titre des médicaments que cette entreprise exploite, importe ou distribue. Ce faisant, le Gouvernement semble donner satisfaction au Leem (organisation professionnelle des entreprises du médicament) qui demandait fin septembre le plafonnement de la clause de sauvegarde à 1,6 milliard d’euros.

Enfin, le plus étonnant est qu’aucun impact financier n’est constaté par l’étude d’impact.

TITRE II : CONDITIONS GENERALES DE L’EQUILIBRE FINANCIER DE LA SECURITE SOCIALE

  • Article 10

Cet article fixe à 6,45 milliards d’euros la compensation des exonérations pour 2025 (annexe 4, p.57), contre 7,1 milliards en 2024. Il s’agit du champ des exonérations ciblées sur certains publics, certains territoires ou encore certains secteurs d’activité. Parallèlement, il faut toutefois noter que depuis 2021, le montant des exonérations ciblées non compensées est en augmentation : Il s’est élevé à 2,3 Md€ en 2021, en hausse de 19 % par rapport à 2020 ; à 2,6 Md€ en 2022, à 2,7 Md€ en 2023, et ce montant devrait continuer à augmenter en 2024 et 2025 pour atteindre 2,9 Md€ (annexe 4, p.27-8).

  • Article 11

Le Gouvernement prévoit un déficit à -16 milliards d’euros en 2025, après -18 milliards en 2024. L’exposé des motifs précise que cette amélioration du solde entre 2024 et 2025 « repose sur une progression des dépenses moindre que celle des recettes (2,8% contre 3,2%) ».

La branche « Maladie » est la plus déficitaire, à – 13,4 milliards d’euros en 2025. Loin devant la branche « vieillesse » dont le déficit pour 2025 est prévu à -3,1 milliards d’euros, après avoir atteint – 6,3 milliards d’euros en 2024, et la branche « Autonomie » dont le déficit est prévu à -0,4 milliard d’euros en 2025 après un excédent à 0,9 milliard d’euros en 2024. Même si le déficit de la branche « vieillesse » est bien moindre que celles de la branche « Maladie », il faut souligner l’ambition du PLFSS pour 2025 d’en diviser par deux le déficit, ce qui laisse supposer pour cette branche, à défaut de recettes nouvelles, des réductions drastiques de dépenses (comme le décalage de la revalorisation des pensions) alors que les besoins sont croissants. Le solde de la branche autonomie redeviendrait négatif en 2025, à -0,4 milliards d’euros. L’objectif de dépenses de la branche est ainsi fixé à 42,4 milliards d’euros, soit +2,4 milliards d’euros au regard de 2024 avec une hausse de recettes à +1,1 milliard d’euros. Aucune mesure nouvelle n’est vraisemblablement prévue pour la branche « Autonomie » : la trajectoire financière de la branche intègre la montée en charge des mesures des LFSS pour 2022 et 2023, portant notamment sur les effets de la création de 50 000 postes en Ehpad à l’horizon 2030, de la mise en place, à ce même horizon, de « 50 000 solutions nouvelles » pour les personnes en situation de handicap la création et l’indexation d’un tarif plancher pour l’aide à domicile, la mise en place d’une dotation qualité, ainsi que de temps dédiés au lien social auprès des aînés bénéficiant d’un plan d’aide à domicile. Elle intègre également le déploiement du soutien financier, à hauteur de 100 millions d’euros, à la mobilité des aides à domicile prévu dans la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie. La branche assurera par ailleurs le financement de la mesure adoptée dans le cadre de la réforme des retraites visant à une meilleure prise en compte, dans la durée cotisée, des périodes de congés de proche aidant.

La branche « Famille » serait à l’équilibre en 2025 après un excédent à 400 millions en 2024. Au regard de 2024, les recettes de la branche augmenteraient de 1,4 milliard et les dépenses de 1,8 milliard, ramenant le solde de la branche à 0 pour 2025. Il n’y a donc aucune mesure nouvelle prévue pour la branche « famille » en 2025, mais seulement la poursuite de mesures prévues précédemment : mise en place du « service public de la petite enfance », en réalité porté par les communes. À partir de 2025, la branche famille est également censée financer l’entrée en vigueur d’une réforme du complément de libre choix du mode de garde qui permettra aux familles monoparentales d’en bénéficier jusqu’aux 12 ans de l’enfant, contre six ans actuellement, prévue par la LFSS 2023. Ainsi que la réforme du mode de calcul du CMG « emploi direct » afin de rendre l’accueil par un assistant maternel aussi accessible financièrement que la crèche et d’harmoniser les restes à charge entre ces deux modes d’accueil.

La branche « AT/MP » serait très légèrement excédentaire à 0,2 milliard d’euros. Les dépenses s’élèveraient à 17 milliards d’euros  (contre  16 milliards  d’euros  2024  et 15,4 milliards d’euros en 2023), tandis qu’en face, les recettes sont évaluées à 17,1 milliards d’euros en 2025 (16,7 milliards d’euros en 2024 et 16,8 milliards d’euros en 2023). Son excédent, au regard de 2024, baisse ainsi de 500 millions d’euros. Une première explication de ce nouvel équilibre de la branche provient d’une réévaluation à la hausse du coût de la sous-déclaration. La commission d’évaluation de la sous-déclaration des AT-MP s’est en effet tenue au premier semestre 2024 et a évalué le montant de la sous-déclaration des AT-MP dans  une  fourchette  comprise entre 2 milliards d’euros et 3,7 milliards d’euros. Le montant est ainsi revu à la hausse par rapport à l’estimation à laquelle avait procédé la précédente commission en 2021 (entre 1,2 milliard d’euros et 2,1 milliards d’euros), « compte tenu de l’actualisation des études scientifiques sur la prévalence des différentes pathologies et leur lien avec l’activité professionnelle notamment celles relatives aux troubles musculo-squelettiques et aux cancers, ainsi que la hausse des coûts de prise en charge, et dans  une  moindre  mesure  par  l’évolution  de la population du régime général ». Aussi, le Gouvernement prévoit de relever graduellement le montant du versement annuel de la branche AT-MP au titre de la sous-déclaration et de le fixer à 1,6 milliard d’euros pour 2025. Le montant du transfert vers la branche maladie augmentera par la suite progressivement pour atteindre la fourchette  basse  de  l’estimation  de  la  commission, soit 2 milliards d’euros. De plus, la branche prendrait en charge de nouvelles dépenses liées à la meilleure prise en compte, à l’issue de la réforme des retraites, de la pénibilité et de l’usure professionnelle, ainsi que le coût lié à l’amélioration de l’indemnisation de l’incapacité permanente en cas de faute inexcusable de l’employeur, précise le texte. En effet, le PLFSS transpose l’accord national interprofessionnel du 15 mai 2023 sur les AT-MP (article 24).

  • Article 12

Cades : L’objectif d’amortissement de la Cades est fixé à 16,28 milliards d’euros pour 2025.

  • Article 13

Une plus grande financiarisation de la Sécurité sociale :

Les déficits cumulés de la branche maladie et de la branche vieillesse sont estimés à respectivement – 32,5 Md€ et – 20,3 Md€ à la fin de 2025, ce qui « pourrait poser à terme des difficultés à l’Acoss qui n’est autorisée à emprunter qu’à court terme », note l’avant-projet de loi. D’où la nécessité́ de prendre des « mesures temporaires », même si « un redressement à moyen terme de la trajectoire de la Sécurité sociale est la seule mesure de nature à garantir la pérennité globale du système de financement ». Il est donc proposé de faire évoluer le cadre juridique du recours à l’emprunt de l’Acoss. Si cette dernière n’a pas vocation à modifier sa position d’émetteur de court terme, le Gouvernement veut lui permettre « d’opérer sur des marchés plus profonds et plus diversifiés », en l’autorisant à contracter des emprunts pouvant aller jusqu’à 24 mois (contre 12 mois actuellement), sans que la durée moyenne puisse excéder 12 mois.

L’impact financier d’une telle disposition est par nature incertain, ainsi que le note l’étude d’impact (annexe 9, p. 81) : « L’impact financier pour 2025 et les années suivantes dépendra de l’évolution de ces paramètres, fortement dépendants des variations des taux directeurs ainsi que des soldes journaliers des branches ».

  • Article 14

Approbation de l’annexe A qui dresse la trajectoire pluriannuelle des régimes de la Sécurité sociale. : On peut notamment y lire que le déficit de la Sécurité sociale devrait atteindre 19,9 milliards en 2028 et que « deux branches concentreraient l’essentiel du déficit à moyen terme », à savoir « la branche Maladie, du fait notamment des dépenses pérennes nées de la crise sanitaire et la branche Vieillesse malgré une montée en charge graduelle des mesures paramétriques de la réforme des retraites ». L’Ondam est projeté à 2,9% pour les années 2026, 2027 et 2028. S’agissant de l’Ondam 2025 à 2,8%, qui repose sur 4,9 milliards d’euros d’économies, le Haut conseil des finances publiques (HCFP) a souligné la « difficulté à générer des économies de cette ampleur » (alinéa 13). C’est également dans cette annexe (alinéa 3) qu’est inscrite la nouvelle hausse du taux des cotisations dues par les employeurs à la CNRACL.

TROISIEME PARTIE : DISPOSITIONS RELATIVES AUX DEPENSES POUR L’EXERCICE 2025

Titre 1er : dispositions relatives aux dépenses

  • Article 15

Régulation des dépenses dans les secteurs de la biologie et de l’imagerie médicales :

L’article vise à réintroduire dans le code de la sécurité́ sociale un titre relatif aux « Accords de pertinence et de maîtrise des dépenses, accords de bon usage et contrats de bonnes pratiques des soins ». Il s’agit d’inscrire dans le code les attendus des négociations conventionnelles entre la CNAM et les secteurs de la biologie et l’imagerie médicales dont les dépenses sont exponentielles (respectivement, +6,5% et +8,5%). L’article encadre fermement ces négociations puisqu’il prévoit qu’en cas de non-respect de l’objectif de maîtrise des dépenses, la CNAM pourra, unilatéralement, adopter des baisses de tarifs. Il prévoit également que le ministre de la santé peut provoquer ces négociations et que les parties auront 4 mois à compter de la saisine ministérielle pour répondre favorablement. En outre, en ce qui concerne l’imagerie médicale, en l’absence de protocole d’accord signé avant le 31 mars 2025 et garantissant de « réaliser au moins 300 millions d’euros d’économies sur trois ans, le directeur général de la CNAM peut procéder jusqu’au 30 juin 2025 à des baisses unilatérales de tarifs d’imagerie jusqu’à 300 millions d’euros ».

La méthode employée par le Gouvernement fait songer à celle mise en place pour l’assurance chômage par le biais d’une lettre de cadrage et d’un décret de carence. Au- delà de l’avis sur l’encadrement des dépenses en biologie et imageries médicales, cet article 15 contrevient à la négociation conventionnelle.

  • Article 16

Lutte contre le « mésusage » de certaines prescriptions :

L’article 73 de la LFSS pour 2024 a prévu un dispositif d’accompagnement à la prescription pour les produits de santé. Cet article 16 étend cette disposition au transport de patients et à certains examens de biologie ou d’imagerie médicale. A cette fin, il est créé un nouveau formulaire que devra renseigner le prescripteur. Pour bénéficier de la prise en charge, le patient devra fournir ce formulaire au professionnel en charge de lui délivrer le soin ou l’acte médical prescrit. Si ce dernier récuse la prescription, le patient ne sera pas pris en charge par l’assurance maladie. C’est là toute la difficulté de cet article 16 qui, en bout de chaîne, fait peser la responsabilité de la mesure d’économie sur le patient. L’économie visée est de 66 millions d’euros en 2025 (47 millions pour la biologie et 19 millions pour les transports), puis de manière croissante en pesant essentiellement sur la prise en charge des transports : 123 millions en 2026 (dont 76 millions pour les transports), 161 millions en 2027 (dont 114 millions pour les transports).

  • Article 17

Améliorer l’efficience des dépenses de transports de patients :

En 2023, les trajets en taxi représentaient 45,8 % de la dépense des transports sanitaires, soit près  de  3  milliards  d’euros,  devant  les  ambulances  (37,2  %)  et  les  VSL  (14,8  %). Si les syndicats de taxi font valoir une conséquence directe des fermetures de lits et de la désertification médicale, notamment en milieu rural, la CNAM, elle, considère que la dynamique de dépenses serait également « directement liée à la prise en charge élevée » de l’État. La Cour des comptes, dans un rapport de 2019, considérait que « La dynamique des dépenses de transport de malades a été subie comme si elle était la conséquence de l’évolution des pathologies et de l’organisation des soins, alors qu’elle résulte en grande partie d’une régulation insuffisante. » La Cour des comptes estimait les abus à 220 millions d’euros en 2018. Toutefois, la fraude détectée ne s’est élevée qu’à 18,9 millions d’euros en 2018 et à 34 millions en 2023. C’est dans ce cadre que l’article 17 propose de mettre en place un conventionnement entre les entreprises de taxi  et  les  caisses  locales  d’assurance  maladie pour une durée de 5 ans maximum. Cette convention, sans laquelle le remboursement par la Sécurité sociale ne pourra avoir lieu, définira aussi bien les montants facturables, que les modalités de prises en charge. L’économie visée est de 45 millions d’euros en 2025, de 95 millions en 2026 et de 132 millions d’euros en 2027.

  • Article 18

Régulation de l’intérim des personnels non médicaux :

L’étude d’impact souligne la constante augmentation des dépenses d’intérim depuis 10 ans dans les établissements publics de santé et les établissements publics sociaux et médico- sociaux. Ainsi, dans les établissements publics de santé, entre 2014 et 2023, les dépenses en intérim ont plus que doublé pour le personnel médical (+160 %) et ont été multipliées par six pour le personnel paramédical (+547 %). Les dépenses en intérim pour le personnel médical et paramédical dans les établissements publics sociaux et médico-sociaux ont triplé entre 2014 et 2023 (+254 %). Au global, sur cette période, les dépenses d’intérim ont quadruplé dans les établissements publics de santé et les établissements publics sociaux et médico-sociaux (+300 %). Cet article 18 vise à plafonner le montant des rémunérations des professionnels intérimaires non-médicaux et de maïeutique dans les établissements publics de santé et les établissements publics sociaux et médico-sociaux dès lors qu’il existe un écart significatif entre le coût de la prestation en intérim et la rémunération des personnels statutaires. L’économie visée est de 11,25 millions d’euros en 2025 et en 2026. Toutefois, la mesure n’interroge pas le recours à l’intérim et la définition précise des modalités de mise en œuvre feront l’objet d’un décret.

  • Article 19

Lutte contre les pénuries de médicaments :

Dans la dernière LFSS, deux dispositions avaient été actées : en cas de rupture d’approvisionnement, généraliser la dispensation à l’unité (DAU) pour les médicaments antibiotiques et rendre obligatoires les ordonnances conditionnelles pour les médicaments antibiotiques. Cet article 19 étend ces deux dispositifs aux médicaments soumis à  forte saisonnalité (par exemple les antibiotiques en hiver, les antihistaminiques au printemps). De plus, en complément du « Plan de sécurisation de la couverture des besoins en produits de santé au cours des pathologies hivernales » porté par l’ANSM, le ministre pourra activer la DAU et rendre obligatoire les ordonnances conditionnelles pour les médicaments identifiés à risque par l’ANSM. L’article 19 étend également les dispositions du V de l’article L. 5125-23 du code de la santé publique qui prévoit qu’un pharmacien peut remplacer un médicament par un autre, sur la base d’une recommandation de l’ANSM en cas de rupture. Il serait désormais possible d’activer aussi cette disposition en cas d’un simple risque de rupture.

Enfin, le plafond des sanctions à l’encontre de l’entreprise responsable d’une défaillance des stocks de Sécurité est poussé à 50% au lieu de 30% actuellement du chiffre d’affaires journalier moyen réalisé. Il s’agit d’une mesure que nous avions portée par le passé. Toutefois, cette sanction n’est toujours pas systématique : le gouvernement n’agit pas sur la partie du code qui prévoit seulement que l’ANSM « peut » sanctionner les entreprises défaillantes. Or, selon la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments conduite au Sénat à la demande du groupe CRCE, il s’avère que les sanctions prononcées par l’ANSM ces cinq dernières années sont particulièrement faibles en montant mais également en nombre. L’Agence n’a, en effet, pris que huit décisions de sanctions financières entre 2018 et 2022, pour un montant total d’environ 922 000 euros. Il paraît donc nécessaire pour que la sanction financière ait un sens réellement dissuasif de la rendre obligatoire. L’économie visée par cet article 19 est de 11 millions d’euros. L’ensemble des dispositions prévues apparaît très loin des sources du problème de rupture d’approvisionnement de certains médicaments.

  • Article 20

Régulation de la prise en charge de dispositifs médicaux à composante numérique :

L’article 20 vise à permettre une transmission de données afin de s’assurer de l’utilisation effective du dispositif. La principale difficulté soulevée par cet article est que ces données pourraient être transmises à l’assurance maladie afin de permettre à cette dernière d’évaluer directement l’ « efficience » du dispositif médical. Or, il appartient au prescripteur, en lien avec son patient, d’évaluer la pertinence du dispositif mis en place. L’économie visée est de 20 millions d’euros par an en 2025 et en 2026, puis 10 millions d’euros par an les années suivantes.

  • Article 21

Réforme du modèle de financement des EHPAD :

Il s’agit en fait d’un simple ajustement de l’expérimentation visant à simplifier le financement des Ehpad inscrit dans la LFSS pour 2024. L’article 74 de la LFSS pour 2024 permettait d’expérimenter, pour quatre ans à partir de 2025, la fusion entre les sections « soins » et « dépendance » des Ehpad – ainsi que des USLD – dans quelques départements volontaires. L’article 26 suit mollement les préconisations du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), qui avait rendu un avis globalement positif en juillet 2024, soulignant que la nouvelle tarification permettra « une simplification des modalités de financement » et apportera « plus d’équité » dans les financements, « tant pour les établissements d’un même département (mais pas forcément d’une même région) que pour les résidents assurés sociaux (participation forfaitaire fixée au niveau national) ». Toutefois, le Haut conseil s’interrogeait sur « le rythme très lent de montée en charge de la réforme » et suggérait que le PLFSS pour 2025 augmente le nombre de départements expérimentateurs pour atteindre au moins la moitié des départements. L’article 21 passe de 20 départements en 2025 à 23 (alors même que l’étude d’impact indique 27 départements candidats, annexe 9, p.128), et repousse au 31 octobre 2024 la date limite de candidature (au lieu du 30 avril 2024).

  • Article 22 (en lien direct avec l’article 3)

Réforme du mode de calcul de la pension des non salariés agricoles

  • Article 23

Décalage de la revalorisation des pensions de retraite au 1er juillet :

Ce décalage permettra une économie nette de près de 4 milliards d’euros (2 870 millions d’euros pour la branche vieillesse et 1 030 millions d’euros pour l’Etat en 2025). Ce décalage n’inclut pas le minimum vieillesse (ASPA et ASV). Ce décalage de janvier à juillet n’est pas provisoire : l’article 23 l’inscrit dans le code et en fait donc la règle. Le manque à gagner pour les retraités, en partant de l’hypothèse d’une revalorisation de 1,8 % évoquée par Bercy, s’élèverait aux alentours de 17 euros/mois, soit un peu plus de 100 euros sur les six mois pour une pension de base de 980 euros/mois. De plus, c’est une décision qui rompt avec l’engagement d’E. Macron, celui de ne pas faire des pensions “une variable d’ajustement”. En effet, le 12 juin dernier, lors d’une conférence de presse, E. Macron avait rassuré les pensionnés en affirmant : « Je vais être très clair : les retraites seront bien indexées sur l’inflation, le pouvoir d’achat des retraités, ce n’est pas une variable d’ajustement ».

Enfin, le Gouvernement ne cesse de rappeler qu’il a fait un effort conséquent dans la revalorisation des retraites à hauteur de 5,3% au 1er janvier 2024, pour un coût global de 14 milliards d’euros. Mais, ce  que le Gouvernement omet de dire c’est que  cette dernière revalorisation constituait à peine un rattrapage des précédentes années. En effet, si la loi prévoit depuis 2003 (article L.161-23-1) de revaloriser les pensions des régimes de base chaque année et, depuis 2016, de les revaloriser à partir de l’évolution de l’indice moyen des prix à la consommation (hors tabac) des douze derniers mois connus, le Gouvernement peut en réalité décider de sous-revaloriser, voire de geler la revalorisation. Entre 2013 et 2018, en euros constants, le régime de base a évolué de -1,6% (Drees). En 2019, alors que la hausse des pensions aurait dû être de 1,6%, le PLFSS l’avait limitée à 0,3%. En 2020, les pensions avaient été́ revalorisées différemment selon leur montant : les retraités touchant moins de 2000 euros bruts par mois avaient bénéficié́ d’une augmentation de 1%, et les autres d’une augmentation de 0,3%. En 2022, les pensions ont été revalorisées deux fois, de 1,1% en janvier et de 4% en juillet. Le 1er janvier 2023, les retraites de base n’avaient été revalorisées que de 0,8%, au prétexte qu’elles l’avaient déjà été en août dans le cadre de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

  • Article 24

Améliorer l’indemnisation en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle et mieux prendre en compte le préjudice personnel :

Cet article 24 transpose l’accord national interprofessionnel du 15 mai 2023 sur les AT-MP, et réaffirme le principe d’une réparation forfaitaire pour les victimes. Pour mémoire, l’article 39 du PLFSS pour 2024 avait créé des tensions entre les organisations syndicales, les associations de victimes et l’ancien gouvernement. La disposition introduite à l’époque réaffirmait le caractère dual de la rente et mettait fin à la jurisprudence des arrêts d’Assemblée plénière de la Cour de cassation en la matière, qui considèrent que la rente versée à la victime d’un AT-MP ne répare plus le déficit fonctionnel permanent, c’est-à-dire les séquelles de long terme. La disposition avait été retirée du texte et le gouvernement avait redonné la main aux organisations syndicales et patronales qui, le 25 juin dernier, ont abouti à un accord. Selon l’exposé des motifs, l’article 24 respecte le résultat des négociations « en garantissant la nature duale de la rente AT-MP, qui doit couvrir à la fois le préjudice économique et une part des préjudices extra-professionnels de la victime ».

Toutefois, le texte évoque encore la mise en place de « barèmes » fixés par décret pour définir le montant des indemnisations ; il s’agit d’un point qu’il faudra éclaircir durant les débats car cette « barémisation » avait heurté des organisations syndicales. L’article 24 prévoit certes la mise en place d’une « commission des garanties » qui sera consultée sur les textes d’application et leur mise en œuvre, mais les associations de victimes du travail n’en font pas partie.

TITRE II : DOTATIONS ET OBJECTIFS DE DEPENSES DES BRANCHES ET DES ORGANISMES CONCOURANT AU FINANCEMENT DES REGIMES OBLIGATOIRES

  • Article 25

Dotation au FMIS, aux ARS et à l’Oniam :

Pour 2025, le FMIS sera abondé par la branche « autonomie » à hauteur de 86 millions d’euros et par la branche « maladie » à hauteur de 633 millions d’euros. La branche « autonomie » contribuera à hauteur de 190 millions d’euros auprès des ARS dans le cadre de la mise en œuvre de mesures de soutien à la perte d’autonomie. La Sécurité sociale financera l’ONIAM à hauteur de 181,2 millions d’euros. La branche AT/MP financera le FIVA à hauteur de 465 millions d’euros et le FCAATA à hauteur de 453 millions d’euros.

La branche AT/MP versera également 1,6 milliard d’euros au titre de la sous-déclaration AT/MP.

  • Article 26

Objectif de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès :

L’Ondam 2025 est fixé à 260,8 milliards d’euros, soit + 2,8%. Cet Ondam est inférieur à celui de 2024 (3,2%) et à celui prévu pour 2025 par la dernière LFSS (3%). L’exposé des motifs précise que « Le taux de progression tenant compte des mesures nouvelles et avant  mesures  d’économies, atteindrait 4,7%  en 2025 (…) ce taux de progression serait ramené à 2,8% par des mesures d’économies, portant à la fois sur les soins de ville, les produits de santé et les établissements sanitaires et médico-sociaux, d’un montant total de 4,9 milliards d’euros, auxquelles s’ajoutent les actions de maîtrise médicalisée et de lutte contre la fraude (… )». Le dossier de presse précise que « Cette modération des dépenses sera notamment obtenue grâce à plusieurs mesures parmi lesquelles le relèvement du ticket modérateur sur les médecins et sages-femmes (1,1 Md€), la baisse du plafond de prise en charge des indemnités journalières (0,6 Md€), les plans de maîtrise du prix des produits de santé (1,2 Md€) et de sobriété́ des usages (0,4 Md€) , mais aussi des mesures d’efficience du système de santé et de la lutte contre la fraude : 0,7 Md€ au titre de l’optimisation des achats à l’hôpital et dans les établissements médico-sociaux, 0,3 Md€ dans le champ de la biologie, de la radiologie et de l’imagerie médicale, 0,3 Md€ dans le champ de la régulation des soins de ville et des dépenses liées au covid et 0,9 Md€ au titre de la maîtrise médicalisée et de la lutte contre la fraude.

Par ailleurs, le relèvement des franchises et participations forfaitaires, qui était entré en vigueur en cours d’année 2024(3), continuera à monter en charge (0,3 Md€ supplémentaires) ». Le relèvement du ticket modérateur et la baisse du plafond de prise en charge des indemnités journalières ne sont pas inscrites dans le PLFSS, car ils relèvent du réglementaire.

  • Article 27

Ondam et sous-ondam 2025 :

  • Dépenses de soins de ville : 111,6 milliards (contre 109,5 en 2024), soit +2%. Les « soins de ville » bénéficient d’une progression de leur Ondam de 2%, soit +2,1 milliards d’euros (111,6 milliards en 2025, contre 109,5 milliards en 2024). Cette progression viserait notamment à compenser les dépenses nouvelles issues des négociations conventionnelles (notamment les effets de la nouvelle convention médicale signée en juin 2024, pour un impact financier de 1 milliard d’euros en 2025 ; 2,3 milliards d’euros en tenant compte des revalorisations consécutives au règlement arbitral de 2023).
  • Dépenses établissements de santé : 108,8 milliards (contre 105,5 en 2024), soit +3,1% Les établissements de santé se voient assigner un objectif de dépenses fixé à 108,8 milliards d’euros pour 2025, soit une augmentation de 3,3 milliards d’euros au regard  de 2024. Mais la FHF a d’ores et déjà pointé un « besoin de financement complémentaire estimé à 2,4 milliards d’euros en 2024 soit +2,3 % par rapport au niveau initial de l’Ondam pour les établissements de santé pour 2024 », ce qui représente un Ondam pour les établissements de santé corrigé à 108 milliards d’euros pour 2024, contre 105,5 milliards d’euros initialement votés. Autrement dit, l’Ondam assigné aux hôpitaux pour 2025 représente une progression de 800 millions, une fois absorbé le rattrapage sur 2024     estimé par la FHF. En conséquence, pour le budget 2025, la FHF chiffre le besoin d’augmentation des financements à 3,9 milliards d’euros pour un Ondam total qui s’élèverait en 2025 à 111,9 milliards d’euros. Cette augmentation contient un taux d’évolution de reconduction des moyens (y compris l’inflation) de +2,6 %, la compensation du CICE de 1,2 milliard en année pleine, ainsi que 500 millions d’euros de mesures RH (revalorisation des astreintes, revalorisations catégorielles…). Soit une augmentation de +6 % de l’Ondam par rapport à l’Ondam des établissements de santé 2024 sans rectification, ou de 3,6 % par rapport à l’Ondam des établissements de santé 2024 s’il était rectifié. Le sous-Ondam prévu pour les établissements de santé, aux environs de +3,1%, est donc moitié moindre que nécessaire sur la base des estimations de la FHF. Davantage, la décision du Gouvernement d’augmenter de nouveau le taux de cotisation patronale à la CNRACL (4), en cas de non-compensation par l’Etat, se traduirait par une dépense supplémentaire pour les hôpitaux évaluée à 1,2 milliard d’euros par la FHF. C’est pourquoi la FHF a également indiqué que l’augmentation de l’Ondam des établissements de santé à 3,1% correspondrait à un taux réel net de 2 % si cette hausse de 4% des cotisations retraite pour 2025 était confirmée.
  • Sous-Ondam«Ehpad»: Les établissements et services pour personnes âgées se voient fixer un Ondam à 17,7 milliards d’euros, soit une augmentation de 1,6 milliard d’euros au regard de 2024. Ce qui équivaut à une progression du sous-Ondam prévu pour les EHPAD de 6%. Pour 2025, la FHF estime nécessaire une progression de 8% pour ce sous-objectif afin « d’engager réellement le redressement des ESMS et de tenir les engagements en termes de créations de places et d’emploi dans les Ehpad ». Pour 2025, la FHF considère que la progression du sous-Ondam « personnes handicapées » devrait être de 4%. Le PLFSS le fixe à 3,3% : 15,7 milliards d’euros de dépenses contre 15,2 milliards en 2024.
  • Article 28

Objectif de dépenses de la branche AT-MP : 17 milliards

  • Article 29

Objectif de dépenses de la branche vieillesse : 300,2 milliards

  • Article 30

Objectif de dépenses de la branche famille : 59,7 milliards

  • Article 31

Objectif de dépenses de la branche autonomie : 42,4 milliards

  • Article 32

Objectif de dépenses du fonds de solidarité vieillesse : 21,3 milliards

1 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/dossiers/calculer_retraite_base_nonsalaries _agricoles?etape= 16- AN1-DEPOT Nous avions voté pour cette PPL.

2 « Et pour quelques milliards de plus…1 million d’apprentis », OFCE le blog, 16 octobre 2023

3 Pour mémoire, les franchises médicales ont augmenté́ le 31 mars dernier. Leurs montants sont désormais de : 1€ par boîte de médicament (contre 0,50 € avant) même en cas de dispensation à l’unité́ ; 1 € par acte paramédical (contre 0,50 € avant) ; 4 € par transport sanitaire (contre 2 € avant).

4 Cette mesure est indiquée dans l’annexe A rattachée au PLFSS et suit les préconisations d’un rapport des trois inspections générales (Igas, IGF et IGA) sur la situation financière de la CNRACL. Cette caisse, qui concerne 3,7 millions d’agents cotisants et retraités, continue de se détériorer et affichait, fin 2023, des ratios financiers « très dégradés ». « Le résultat est déficitaire de 2,5 Md€, les capitaux propres sont très largement négatifs (-4,9 Md€) et le besoin de trésorerie journalier dépasse certains jours les 10 Md€. À horizon 2030, le déficit annuel est estimé à plus de 10 Md€ à droits constants » indiquait le rapport. Cette hausse du taux de cotisation devrait rapporter 2,3 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour la branche vieillesse. Sous-Ondam «Handicap»

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Groupe GRD, « Note sur le PLFSS 2025 », Les Cahiers de santé publique et de protection sociale, N° 51 décembre 2024.