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L’impact du Covid 19 sur les femmes en République de Djibouti

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L’auteur examine l’impact de la première vague de l’épidémie de Covid 19 sur la situation des femmes à Djibouti. En effet, si ces dernières années cette situation s’était légèrement améliorée, l’épidémie a provoqué un recul de la situation sanitaire, sociale et économique des femmes. Les violences sociales et dans les familles se sont accentuées.

Abstract :

The author examines the impact of the first wave of the Covid 19 epidemic on the situation of women in Djibouti. In fact, while this situation has improved slightly in recent years, the epidemic has caused a decline in the health, social and economic situation of women. Social and family violence has increased.

Comme partout ailleurs dans le monde, la République de Djibouti est confrontée à une propagation rapide du covid-19 qui éprouve largement sa population, son système de santé et son économie.

Le bilan actuel de l’épidémie le 5 mai 2020) était le suivant :
– 14 378 tests réalisés ;
– 1120 cas positifs au Covid-19 ;
– 745 personnes guéries ;
– 2 décès.

Ce bilan, qui fait de Djibouti le pays africain recensant le plus de cas positifs proportionnellement à sa population, interroge. Il semble particulièrement élevé à cause de la stratégie de lutte contre la pandémie retenue qui consiste à tester toute personne suspecte ou toute personne ayant été en contact avec une personne infectée. C’est de cette façon que Djibouti « a le plus haut taux de test par population de toute l’Afrique ». Heureusement, le covid-19 est peu létal à Djibouti mais, il a d’autres effets qu’il convient d’étudier de plus près.

A titre d’exemple, les dimensions genrées de son impact restent à considérer. La place qui leur est accordée dans les discours officiels, les comptes rendus sur l’évolution de la pandémie publiés par la presse tout comme les documents stratégiques mis au point pour la contrer (Pacte National Solidaire et Rapport pays de la Banque Mondiale) paraît insuffisante. Pourtant, il est communément admis que les crises, quelles qu’elles soient, n’ont pas les mêmes répercussions sur les deux sexes, “les femmes étant plus durement touchées, en particulier les femmes démunies, les migrantes et les femmes appartenant à des minorités » (Commission de la condition de la femme de l’ONU, 2009: 2-3).

Depuis la ratification en décembre 1998 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la République de Djibouti mène une politique volontariste de promotion du genre féminin qui a abouti à l’amélioration de la situation de la femme d’un point de vue politique, économique, éducatif et sanitaire. Malgré ces avancées, les inégalités liées au genre persistent encore dans un certain nombre de secteurs. Et la crise socio-économique occasionnée par la pandémie du Covid-19 a bien des conséquences sexo-spécifiques qu’il convient de considérer. L’objectif de cet article est de prêter une attention particulière à son impact sur la situation des Djiboutiennes afin que celles-ci ne deviennent pas des victimes invisibles. Comme partout dans le monde, le covid-19 a accentué la vulnérabilité des Djiboutiennes qui étaient déjà handicapées par leur genre, auquel il fallait parfois ajouter la classe sociale, l’âge, etc.

Pour atteindre les objectifs visés, une première partie est consacrée aux inégalités de genre qui touchent les Djiboutiennes. Les éléments ainsi obtenus fourniront les clés de la compréhension des effets sexo-spécifiques du Covid-19. La seconde partie se penche sur les conséquences à proprement parler de la pandémie sur le genre féminin sur les plans sanitaire et socio-économique.

Pour appréhender les dimensions genrées de la crise actuelle, la démonstration s’appuie sur l’analyse rapide de genre (AGR), un outil utilisé avant, pendant et après une crise pour identifier et répondre aux différents besoins, et analyser les capacités et les stratégies d’adaptation des femmes, des hommes, des garçons et des filles. Elle se basera également sur une analyse de la documentation disponible et des indicateurs statistiques publiés par les départements sectoriels concernés.

Cadre général des relations de genre à Djibouti

Conformément à l’approche retenue (AGR), cette première partie est consacrée à la compréhension des relations de genre avant la crise. Les éléments ainsi obtenus permettront de saisir les raisons pour lesquelles les Djiboutiennes sont plus lourdement impactées par les conséquences du Covid-19. La République de Djibouti compte actuellement 921804 habitants (estimation 2020). D’après la structure par âge qui suit, sa population est relativement jeune et féminine :
– Les 0-15 ans représentent 33% (dont 32 % de femmes).
– Les 15-65 ans représentent 64% (dont 65% de femmes).
– Les plus de 65 ans représentent 2% (dont 52% de femmes).

Jusqu’à la fin des années 1980, la population djiboutienne était majoritairement pastorale nomade et pratiquait une transhumance limitée entre les rivages de la mer Rouge et les montagnes de l’intérieur. Dans ce contexte particulier, les tâches étaient strictement réparties entre les sexes. Aux femmes, revenaient les soins aux enfants et leur éducation ainsi que toutes les tâches ménagères. Elles devaient également se charger de l’éducation des filles pour les initier dès leur plus jeune âge à leur futur rôle d’épouse et de mère. Les hommes devaient, quant à eux, s’occuper du gros œuvre ainsi que de l’éducation des jeunes garçons afin de les préparer à leur futur rôle d’époux et de père. Dans ce contexte particulier, le statut social variait suivant la nature des responsabilités assumées et la femme avait un statut inférieur à celui de l’homme. Chez les Somalis-Issas par exemple, le xeer (droit coutumier toujours de rigueur en milieu rural) part du principe que la femme n’est pas l’égale de l’homme, parce qu’elle a des responsabilités moindres. Dans ces conditions, elle ne peut prétendre aux mêmes droits et à l’égalité de traitement. Le prix de son sang est ainsi de moitié inférieur à celui du sang de l’homme qui est de 100 chamelles. Chez les Afars du Sultanat de Tadjourah, le prix du sang féminin qui est de 35 chamelles est également de moitié inférieur à celui de l’homme. D’un point de vue juridique, le xeer va même plus loin en considérant la femme comme une mineure devant éternellement demeurer sous la tutelle d’un homme. Ce statut social inférieur a interdit la participation de la femme à la gestion des affaires de la communauté comme il lui a interdit toute indépendance économique.

Cette marginalisation sociale, économique et politique était fondée sur une idéologie patriarcale dont la République de Djibouti ne s’est pas encore totalement débarrassée comme nous allons le voir dans les sections qui suivent. Ce contexte culturel a connu un changement social notable et une évolution des relations de genre à partir de la colonisation de la région par des puissances européennes à la fin du XIXème siècle. La domination étrangère et l’introduction de normes sociales étrangères ont ouvert la voie à une redéfinition de la place de la femme dans la société. Les mutations sociales les plus importantes ont surtout été favorisées par l’introduction de modes de vie urbains. En effet, à la fin des années 1980, à la faveur d’un déclin du mode de vie nomade et d’une sédentarisation massive des populations concernées, la condition féminine a évolué favorablement. En milieu urbain, les femmes ont acquis des libertés et des droits qu’elles n’avaient pas en milieu nomade comme celle d’entreprendre ou de travailler et de jouir du pouvoir économique qui en découle. Ce pouvoir économique leur a permis de renégocier les rapports sociaux avec le sexe opposé. Elles y ont également acquis les mêmes droits que leurs compatriotes du sexe masculin. La constitution, par le biais de son article premier, assure ainsi « l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de langue, d’origine, de race, de sexe ou de religion ».

L’éducation et le travail ont porté en germe les changements sociaux les plus profonds. Cependant, jusqu’à la fin des années 1990, les Djiboutiennes ont peu profité des opportunités qui leur étaient offertes : pas de parlementaires à l’assemblée nationale et encore moins de ministres dans le gouvernement, peu de femmes actives sur le marché de l’emploi en raison de contraintes culturelles et situationnelles persistantes. La société étant encore très patriarcale, les femmes étaient majoritairement confinées dans la sphère privée et peu alphabétisées, ce qui a nuit à leur intégration politique et économique. Qui plus est, la religion musulmane qui est pratiquée par la majorité, recommande à la femme de s’occuper prioritairement de sa famille et à l’homme de subvenir aux besoins de celle-ci.

En 1999, à l’occasion de l’élection d’un nouveau président, la République de Djibouti a mis en place une politique de promotion du genre féminin pour intégrer la femme d’un point de vue politique et économique et améliorer son éducation et sa santé. Si les objectifs fixés ont été majoritairement atteints en matière d’éducation et de santé, son intégration politique et son autonomisation économique ont rencontré davantage de difficultés.

Pour favoriser l’intégration politique des Djiboutiennes, deux instruments juridiques ont été adoptés : une politique de quota de représentation minimum dans les postes décisionnels et dans les instances élues et la nomination de ministres du sexe féminin dans les différents gouvernements. Le système de quota de représentation minimum des femmes dans les instances élues et les postes décisionnels a été adopté en 2002. Fixé au départ à 10%, ce quota a été revu à la hausse à deux reprises, en 2008 et en 2018 pour être porté respectivement à 20% et à 25%. Ce système de quota a été bénéfique à l’intégration politique des Djiboutiennes puisqu’il a permis leur entrée dans les assemblées élues et dans les hautes sphères des institutions publiques, des milieux très masculins. Mais sa portée a été limitée par des forces culturelles tel un manque d’appropriation par les lignages. La démocratie djiboutienne est basée sur une répartition des sièges parlementaires et des postes à responsabilité entre les différents groupes lignagers, chaque groupe de lignages étant représenté à l’assemblée nationale par un député. Les candidats à la députation doivent ainsi obtenir le soutien des membres de leur groupe lignager afin de pouvoir figurer sur une liste électorale et d’être, dans le meilleur des cas, élus. Lorsque le candidat est une femme, les lignages ont davantage de réticence à lui accorder leur caution.

Les bénéfices que les Djiboutiennes auraient pu tirer de cette politique de quota ont également été annihilés par deux autres éléments importants : le fait qu’il s’agisse d’une politique descendante et le profil élitiste des candidates retenues pour exercer les différentes fonctions susmentionnées. Les Djiboutiennes ne se sont pas battues pour leurs droits, sans doute parce qu’elles n’étaient pas prêtes. Les hommes qui leur ont concédé un certain nombre de droits et d’opportunités n’ont par conséquent coopté que des membres de l’élite féminine, une élite qui ne partage pas forcément les préoccupations de la majorité des Djiboutiennes qui est d’origine modeste. Pour toutes ces raisons, le leadership politique féminin reste faible à Djibouti (3 ministres et 17 députées) bien que l’intégration politique de la femme ait définitivement inscrit sa présence dans le paysage politique et permis le développement d’une conscience genre.

Concernant l’autonomisation économique des Djiboutiennes, plusieurs mesures, dont le micro-crédit reste la plus emblématique, ont été prises. Des micro-crédits ont été distribués aux femmes les moins outillées pour trouver un travail sur le marché de l’emploi afin de leur permettre de démarrer une petite activité économique. Cette initiative, bien qu’elle ait assuré la survie des femmes concernées, a surtout permis la création d’activités de petite échelle et de faible croissance alors que les femmes avaient besoin d’un soutien financier important pour sortir de la précarité, d’où la faiblesse actuelle du leadership économique des Djiboutiennes. Malgré les efforts consentis pour améliorer les conditions de vie de ses citoyens, la République de Djibouti continue donc d’afficher de nombreuses inégalités dans l’accès aux opportunités entre les hommes et les femmes. Pour ce qui concerne l’accès à l’emploi par exemple, le taux d’emploi varie suivant le sexe. Le taux actuel d’emploi des hommes est de 58,5% alors que celui des femmes est de 31,6%. A Djibouti, le taux d’emploi féminin est particulièrement faible, car très inférieur à la moyenne de l’Afrique subsaharienne qui est de 63%. Sa faiblesse semble liée entre autres au manque de qualification et à la faible alphabétisation des femmes (taux d’alphabétisation des femmes de 43% contre 63% pour les hommes).

Pour ces raisons, les Djiboutiennes sont surreprésentées dans le secteur informel où elles constituent ¾ des actifs au niveau national avec des disparités cependant entre les espaces et les secteurs d’activité. Cette situation est bien sûr loin de leur offrir des conditions de vie décentes, une vie en bonne santé, l’accès à une éducation de qualité pour leurs enfants, etc. Elle met également en germe la transmission intergénérationnelle des inégalités d’accès à la ressource économique.

C’est à la lumière de ces inégalités de genre qu’il convient d’appréhender les effets secondaires de la pandémie du Covid-19 sur les Djiboutiennes.

L’impact du covid-19 sur les conditions de vie et la santé des femmes à Djibouti

 1) L’impact sur les conditions de vie des femmes

Les disparités sus-mentionnées entre citadins et ruraux d’une part et entre hommes et femmes de l’autre expliquent aujourd’hui les conséquences socio-économiques du covid-19 sur les Djiboutiennes. “Toutes les épidémies ont des effets sexospécifiques” comme l’a déclaré Clare Wenham, professeur associé de politique de santé mondiale à la London School of Economics and Political Science, avant d’ajouter “Le problème, c’est que personne n’en avait parlé, et les décideurs politiques n’en étaient pas conscients“. Pour comprendre l’ampleur de l’impact socio-économique du Covid-19, reprenons les chiffres avancés par le Gouvernement Djiboutien dans le Pacte National Solidaire d’avril 2020. Selon ce document, le Covid-19 a détruit au moins 33 754 emplois répartis comme suit :

  • 20 000 dans le secteur formel sur 84036 emplois recensés,
  • 13 754 dans le secteur informel sur 67508 emplois recensés.

La crise économique consécutive à la propagation du covid-19 a ainsi impacté au moins 168 778 personnes. Les secteurs les plus touchés sont ceux qui sont les plus affectés par la fermeture des frontières et le confinement, à savoir l’hôtellerie et la restauration, les transports aérien et urbain, le tourisme (agence de voyage…), le BTP (Bâtiment et travaux publics), le commerce de détail, et plus généralement les TPE (Très Petites Entreprises) et les PME (Petites et Moyennes Entreprises).

En mettant à l’arrêt l’appareil économique national via les mesures de lutte contre sa propagation, le covid-19 a non seulement privé de revenus la majorité des Djiboutiennes qui étaient engagées dans les circuits économiques de subsistance du secteur informel (75% des 67508 emplois recensés), mais il les a également placées dans une situation délicate. En effet, ces femmes gagnaient leur vie au jour le jour et n’avaient pas d’épargne. Parfois, elles étaient également l’unique soutien de leur famille. Les ménages de ces femmes, entre autres, sont aujourd’hui dans une situation socio-économique si délicate que les autorités nationales ont été obligées d’intervenir en leur distribuant des colis alimentaires afin de mettre un terme à leur situation de malnutrition et de sous-alimentation.

Le registre social qui recense les ménages les plus vulnérables regroupe désormais 62752 ménages contre 44000 en 2018. En se basant sur ces données, fin mars 2020, le gouvernement a apporté un soutien ponctuel sous la forme de bons alimentaires à 37657 ménages répartis sur l’ensemble du territoire comme suit :

  • 18198 ménages dans les différents quartiers de la commune de Balbala,
  • 13959 ménages dans les quartiers de la commune de Boulaos,
  • 5500 ménages dans les 5 régions de l’intérieur.

Selon le Ministère des Affaires Sociales, les efforts sont amenés à se poursuivre, mais il est d’ores et déjà possible d’affirmer qu’ils sont insuffisants tant les besoins sont importants. A moyen terme, si les efforts engagés pour réduire la vulnérabilité des ménages les plus modestes ne sont pas soutenus dans le temps et élargis, et à plus long terme si des réformes structurelles ne sont pas entrepris pour accroître leur résilience, de nombreux citoyens vont basculer dans la misère, souffrir de faim, de se retrouver sans abri, etc. Et parmi ces citoyens en situation délicate, les Djiboutiennes sont en première ligne. Une attention particulière doit donc être portée à la dimension genrée et intersectionnelle de l’impact de la pandémie liée au covid-19.

2) L’impact sur la santé des femmes et sur leur intégrité physique et morale

La crise consécutive à la propagation du covid-19 a également durement impacté la santé des femmes et plus particulièrement leur santé sexuelle et reproductive. Depuis le début de l’épidémie, les services de santé sont mobilisés pour donner la priorité à la détection et à la prise en charge des patients atteints du covid-19. Qui plus est, ils sont surchargés. Les capacités hospitalières de Djibouti sont limitées, puisque le pays ne compte 1498 lits d’hôpital dont une majorité est aujourd’hui consacrée à la prise en charge des malades du Covid-19. Dans ces conditions, l’accès des femmes aux soins de santé pré et post-natals ainsi qu’aux contraceptifs pour planifier leurs grossesses est contrarié. Cette situation est d’autant plus préoccupante que la République de Djibouti affiche déjà des taux de mortalité maternelle et infantile élevés. Le taux de mortalité maternelle est de 248 décès pour 100000 naissances vivantes (estimation 2017), le taux de mortalité infantile de 41,6 décès pour 1000 naissances vivantes et le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans (TMM5) de 85 pour 1000 naissances vivantes.

La nouvelle situation liée à la propagation du covid-19 est en mesure de mettre en danger la vie de nombreux enfants et femmes, si des mesures ne sont pas prises rapidement pour sécuriser leur accès aux soins de santé sexuelle et reproductive. La pandémie du Covid-19 a également fait remonter à la surface les violences basées sur le genre qui avaient commencé à marquer le pas en République de Djibouti depuis la mise en place en 2007 d’une cellule d’écoute au sein de l’Union Nationale des Femmes Djiboutiennes (UNFD). Les violences basées sur le genre sont considérées comme fréquentes dans le pays, même s’il existe peu de données officielles en la matière. En 2019, 1129 cas de violences sexistes ont été relevés. Ces violences comprennent les violences conjugales, les mutilations génitales féminines et dans une moindre mesure, les violences sexuelles. Les mutilations génitales féminines sont encore très pratiquées malgré tous les efforts consentis depuis 20 ans pour les endiguer. Leur taux de prévalence globale est estimé à 78,4% chez les femmes âgées de 15 à 49 ans. Egalement considérés comme des violences basées sur le genre et interdits par la loi, les mariages précoces sont aussi pratiqués surtout en milieu rural. Selon le FNUAP, 5% des femmes sont mariées avant l’âge de 18 ans et 2% avant l’âge de 15 ans.

Les autres types de violence sexiste relevés sont les violences conjugales et les violences sexuelles. En dehors des violences sexuelles, ces types de violence sont les plus difficiles à recenser, car les victimes n’osent pas toujours porter plainte. Ces violences sont enregistrées et recueillies par les centres locaux de lutte contre la violence sexiste. Mais leur règlement reste majoritairement familial (50%) et coutumier (40%). Seuls 10% des cas arrivent devant les tribunaux. Dans les cadres familial et coutumier, certains jugements peuvent infliger une double peine à la femme victime (exemple : le mariage de la victime avec son violeur).

Dans ce contexte favorable à la violence sexiste, la pandémie du Covid-19 est en train d’occasionner une hausse des violences à l’égard des femmes qu’il faudra documenter. En effet, avec le confinement dans des logements étriqués et surpeuplés, le chômage et la dépendance à certaines drogues telles que le khat devenues inabordables en l’absence de revenus, toutes les conditions sont réunies pour que les violences à l’égard des femmes repartent à la hausse. Qui plus est, les victimes ne pourront pas toujours compter sur les forces de l’ordre mobilisées pour faire respecter les mesures de lutte contre la propagation du covid-19 comme elles ne pourront pas espérer une mise à l’abri en l’absence de structure dédiée à leur hébergement. Elles seront donc contraintes de souffrir en silence

Pour toutes ces raisons, la pandémie liée au covid-19 est source d’inquiétude pour l’intégrité physique et morale des Djiboutiennes.

Conclusion

L’objectif de cette contribution a été de comprendre les conséquences sexo-spécifiques de la crise consécutive à la pandémie du Covid-19 en République de Djibouti. L’étude des relations de genre avant la crise actuelle et l’analyse de la dimension genrée de celle-ci ont permis d’atteindre cet objectif. La pandémie a accentué la vulnérabilité des Djiboutiennes à travers la disparition de leurs sources de revenus, la réduction de leur accès aux services de soins en général et aux soins de santé sexuelle et reproductive en particulier et l’augmentation des violences à leur encontre. L’originalité du propos réside dans le constat qu’il fait de l’insuffisante prise en compte des besoins spécifiques des femmes dans les réponses apportées à la crise sanitaire et de la nécessité d’y remédier dans les meilleurs délais afin de ne pas faire des Djiboutiennes des victimes invisibles.

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https://human-village.org/spip.php?article674

https://sociales.gouv.dj/