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Les dangers d’une réforme systémique ultra-libérale des retraites par points

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Résumé :
L’auteur présente ici les fondements de la retraite à point. Elle constitue une main mise de la finance sur les retraites et à terme une baisse des retraites.

Abstract :
The author presents here the foundations of the points-based pension. It constitutes a financial takeover of pensions and ultimately a reduction in pensions.

Le projet de réforme systémique par points de Macron en 2019 visait des choix définitifs et automatiques, il désenchantement. Il constituait une étape radicale de démantèlement du système fondé en 1945 en lui substituant un système ultra-libéral. C’est une « refondation » qui monte la capitalisation contre la répartition, avec le principe du « chacun pour soi », construisant une société d’assurance individuelle qui sape la solidarité à la base de notre système de retraite. Cette « réforme » ne prétend plus seulement justifier par les déséquilibres financiers une réduction de la prise en charge collective des retraites. Elle agite la menace de non viabilité du système actuel à terme et instrumentalise les prévisions démographiques la part des retraites dans le PIB atteindrait Les pensions sont condamnées à diminuer au profit de la finance. Ce régime de retraite unique universel par points fusionnait le régime général de retraites, les retraites complémentaires obligatoires AGIRC-ARRCO, les retraites de la Fonction publique, les régimes spéciaux. Cette « simplification » supprimait ces régimes et les droits des salariés conquis par leurs luttes, partie intégrante de leur statut.

La réforme par points rompt avec le financement des retraites par répartition à prestations définies.

Alors que les régimes par capitalisation, depuis la crise financière de 2008, ne sont pas « bankable ». Pour notre part, nous voulons promouvoir le système par répartition à prestations définies comme en 1945, où le niveau de la pension est établi au départ en retraite et n’est pas une variable d’ajustement ; ce sont les cotisations qui évoluent si nécessaire. Les comptes notionnels en Suède bloquent le niveau des cotisations, ce sont les pensions qui sont une variable d’ajustement à la baisse. Le monde financier veut promouvoir des compléments assurantiels de retraites, source de profit pour les assurances et les banques. En France, le projet de retraite par points de 2019 affichait maintenir l’âge ouvrant droit au départ en retraite porté à 62 ans en 2010, et poursuivait de façon automatique, l’allongement de la durée de cotisation présenté comme indispensable. Cela conduit au recul de l’âge effectif de départ en retraite, nommé l’âge pivot. Ceux qui partiraient à la retraite avant cet âge se verraient appliquer une forte décote, diminuant le montant de la pension possible à cet âge. L’augmentation automatique de la durée de cotisation pour une retraite à taux plein et de l’âge effectif de départ en retraite tend à faire baisser les pensions. La génération 1974 a validé 30 trimestres à 30 ans, ainsi pour une durée de 44 ans de cotisations soit 176 trimestres, il resterait pour cette génération à valider 146 trimestres, soit 36,5 ans. En supposant que l’on puisse travailler jusqu’à cet âge, pas de retraite convenable avant 66,5 ans. Mais la cessation d’activité intervient bien avant cet âge. La réforme à points de 2019 avançait un objectif pour le financement: «Pour un euro cotisé, un euro versé». Le taux de cotisation dédié au financement des retraites serait définitivement bloqué et le montant des pensions condamné à baisser avec l’augmentation du nombre de retraités et de l’ espérance de vie. Avec le principe des cotisations définies, bloquées, chacun cotise à l’aveugle, sans avoir de garantie sur le niveau de sa pension. Sous couvert de « mieux financer l’économie française en développant le financement en fonds propres des entreprises », on ouvrirait des débouchés aux fonds de pension, notamment anglo-saxons, déstabilisés par des rendements à long terme bas, voire négatifs. On vise à accroître l’attractivité du marché de l’épargne-retraite individuelle et collective, alors que les entreprises reprises par des fonds de pension connaissent dépeçages et licenciements en nombre. Ces Fonds gérés par des institutions financières, banques, assurances, sont dépendants de la rentabilité des marchés financiers et soumis à leurs aléas (inflation, crises boursières), ce sont des acteurs de la spéculation et des effondrements financiers dans le monde. La réforme à points tend à la liquidation de la répartition et au déploiement de la capitalisation. Elle institue une « règle d’or » : le plafonnement des dépenses de retraite à 14 % du PIB, une règle en or pour les seuls marchés financiers. La part du PIB consacrée au financement des retraites serait bloquée définitivement, alors que la population des plus de 60 ans augmenterait de 37 % d’ici 2042 et de 57 % d’ici 2070. Cela intensifiera la baisse des pensions dont le montant nominal devient une variable d’ajustement, susceptible de baisser du jour au lendemain, en fonction de la conjoncture. La réforme par points ouvre la voie aux marchands d’épargne retraite. Loin de débarrasser de l’incertitude du lendemain, elle érige l’épargne retraite en principe camouflé derrière des déclarations d’intention trompeuses. L’augmentation de la population « retraitable » et le blocage des ressources, aboutissent à la baisse relative et l’insécurisation des pensions. Le pouvoir avançait un pseudo engagement pour que la valeur du point ne baisse pas, cet « engagement » ne peut être tenu car le rendement est fixé au moment de la liquidation, en fonction de l’âge du liquidant. Le rendement de 5,5 % affiché correspond à l’âge de 64 ans pour la génération 1963, qui serait relevé en cas de besoin, génération après génération. La phrase de Macron « un euro cotisé un euro versé »serait mise en oeuvre. de vie diminue, plus la rente augmente. Plus on reporte son départ en retraite, plus la rente augmente, plus on anticipe son départ, plus la rente diminue. La « liberté » de choix des citoyen-ne-s se réduit à arbitrer entre le montant de sa retraite et l’âge de départ. Partir tard ou plus tôt avec trois fois rien Ce projet reproduit le fonctionnement d’un système d’épargne retraite. Le salarié cotise à l’aveugle, sans savoir ce que sera son taux de remplacement. . Des pensions mal revalorisées, impactent les droits futurs des actifs. On parie sur le manque de solidarité des actifs vis-à-vis de leurs parents retraités.

Capitalisation/répartition.

La capitalisation même par « petites doses » ne fournit pas un complément solide à la retraite par répartition, car les fonds épargnés pour développer les fonds de pension feront défaut au système par répartition. Cela fragilise les pensions en les rendant dépendantes des marchés financiers et renforce les risques de crises financières. En captant l’épargne des couches moyennes, au profit de la constitution de réserves financières considérables (trois fois plus que pour un système de retraite par répartition), elle sape le financement de la Sécurité sociale. Elle «cannibalise » la répartition au lieu de la sauver et n’offre que des prestations limitées. Elle s’inscrit dans la volonté de baisser les dépenses publiques et sociales. Cette réduction du financement de la retraite solidaire s’effectue contre la croissance réelle et durable en minant le développement de l’emploi, des salaires et des dépenses sociales. En poussant au développement des assurances privées complémentaires, on renforce les inégalités entre salariés selon le secteur d’activité ou l’entreprise, et entre ceux qui ont eu des carrières complètes, des revenus élevés, et les autres, victimes de la précarisation de l’emploi ou de discriminations et d’inégalités salariales importantes, notamment les femmes. Les inégalités de revenus de la période active s’amplifieront dans les retraites.

Le système par répartition est plus sûr que les systèmes par capitalisation, il ne fait pas dépendre les montants des retraites des cours de bourse. Il est directement branché sur la croissance réelle, les cotisations collectées dans l’année étant immédiatement reversées aux retraités. Ces pensions soutiennent la consommation et les débouchés des entreprises, incitant les investissements productifs et les embauches. La répartition stimule donc la croissance réelle, appelle à un autre type de production des richesses, source de rentrées de cotisations pour financer les retraites par répartition. Celles-ci loin de constituer un « boulet » pour l’économie, contribuent au renouvellement de la force de travail, au développement d’un autre type de progression de la productivité du travail, en relation avec la politique familiale, la formation, et la création d’emplois qualifiés et bien rémunérés.

Le dogme de la catastrophe démographique.

On assène qu’il y aurait une situation démographique insoutenable. Pourtant, en France, le taux de fécondité s’élevait à 2,1 enfants par femme à la fin des années 2000. Certes les réformes libérales contre les fondements de notre politique familiale l’ont ramené à 1,87 enfant par femme. Cependant l’augmentation du nombre de retraités restait encore compensée par l’arrivée d’actifs. Il nous faut combattre l’idée martelée selon laquelle, comme on vit plus longtemps, on doit travailler plus longtemps. En effet, le recul de l’âge de départ à la retraite, la dégradation des conditions de travail, l’intensification du travail et l’augmentation de la précarité auront un impact négatif. Les espérances de vie annoncées aujourd’hui servent à justifier de nouveaux allongements de la durée d’activité sans garantir la durée de vie pour les générations qui atteignent l’âge de la retraite. Historiquement, la durée d’activité sur une vie tend à diminuer, les salariés travaillent en moyenne 35 années sur une vie, l’allongement de la durée de travail sur toute une vie exigé par les réformes libérales pour une retraite à taux plein est tel que de moins en moins de salariés réuniront les conditions de durée. Ces réformes vont à l’encontre du progrès social et de l’histoire. Cet allongement programmé est contradictoire avec la situation de l’emploi, d’autant que le recul de l’âge de la retraite fait croître le chômage des « seniors ». En réalité, il s’agit de travailler plus, plus longtemps, avec une baisse des pensions.

Les écarts de pensions (droits directs ) sont de 40 % entre les femmes et les hommes . La Cnav (Caisse nationale d’assurance vieillesse) a chiffré les conséquences pour ses comptes de l’objectif d’égalité qui pourrait être atteint une meilleure égalité hommes-femmes rapporterait 6 milliards € par an à la CNAV pour financer de meilleures retraites pour les femmes.

Le projet d’une retraite par points irait bien au-delà des effets des précédentes réformes « paramétiques » qui ont conduit à un allongement de la durée de cotisation, une perte de pouvoir d’achat des pensions et des difficultés Cette réforme « systémique » s’appuyait sur le dogme d’un maximum de 14 % du PIB affecté au financement des pensions, en prétendant que chacun bénéficierait du même niveau de pension et de droits. Chaque euro cotisé donnerait droit à un certain nombre de points, dont la valeur serait ajustée automatiquement pour maintenir le niveau de pensions bloqué. Cette règle serait valable pour tous les régimes de retraite au nom du principe d’égalité contributive pour tous. Au système actuel à « prestations définies », où chaque cotisant sait ce qu’il recevra une fois à la retraite, cette réforme d’arrière-garde propose un système à « cotisations définies » c’est-à-dire bloquées, où chaque cotisant sait ce qu’il a cotisé mais ne sait pas combien il percevra de pension une fois à la retraite et tout au long de sa vie de retraité. C’est un changement de paradigme du système. Cette « réforme » insécurise l’espoir d’une retraite à taux plein, elle rompt avec les principes de solidarité et de répartition propres au système de retraite français construit en 1945, pour lui substituer un principe d’équivalence marchand. Un système de retraite par répartition, c’est lorsque les richesses créées par les actifs dans l’année servent instantanément à financer les pensions. Or en imposant pour chaque euro cotisé le même droit à pension pour tous, on supprimerait le principe de solidarité intergénérationnelle et interprofessionnelle au fondement de notre système de retraite. Ce principe original propre à notre Sécurité sociale, revendique en matière de retraite que l’on bénéficie d’un droit à pension selon ses besoins et qu’on le finance selon ses moyens. Il n’y a pas d’équivalence entre ce qui est cotisé et ce qui est perçu. Ce sont les conditions historiques, sociales et professionnelles qui conditionnent le droit à pension. Les spécificités des différents régimes qui fondaient les droits différenciés à la retraite (départ avant l’âge légal) ne sont plus reconnues. Les inégalités sociales de la vie active ne seront plus compensées durant la retraite. Le système par répartition a un caractère collectif et non marchand, il le droit à la pension. Il s’oppose à la capitalisation qui consiste à épargner individuellement pour en dégager une rente servant de revenu d’inactivité, renvoyant au mécanisme assurantiel et à ses incertitudes. Or, avec l’institution de la « règle d’or » des pensions (14 % du PIB maximum), les retraités devront se partager une part plafonnée de la richesse produite. En conséquence, la hausse du nombre de retraités se traduira par une réduction du niveau des pensions par tête. De sorte qu’au fur et à mesure de la progression du nombre de retraités, les actifs financeront en proportion de moins en moins les pensions des inactifs. Et pour maintenir une retraite digne, ceux-ci seront contraints d’allonger leur durée d’activité, ou de liquider leur retraite mais en continuant de travailler après. Ils seraient aussi, pour ceux qui le peuvent, incités à capitaliser durant leur vie active pour obtenir les moyens de vivre à la retraite. Non seulement l’objectif de « sortir nos vieux de la misère » du Conseil national de la Résistance sera mis à bas, mais aussi le principe solidaire qui affirme que ce sont les cotisations des actifs qui assurent les retraites des inactifs. En réalité, la réforme systémique par points impose de changer le paradigme de notre système de retraite. Le l’équilibre comptable de la branche vieillesse de la Sécurité sociale, compte tenu de la démographie et du vieillissement de la population, afin de« viabiliser» le système. et la solidarité. Il ne s’agit plus d’assurer la “survie” du système, mais de lui substituer une nouvelle logique où la part socialisée des pensions, et des prélèvements sociaux qui la conditionnent, serait réduite à la portion congrue afin de limiter au maximum les contraintes sur la croissance des profits. Les cotisations sociales sources du financement du système de retraite par répartition, sont aussi un prélèvement sur les profits. Plus de 3/4 du financement des pensions reposaient sur la cotisation sociale, aussi toute croissance du nombre de retraités accroît mécaniquement les besoins de financement mutualisé des retraites et donc la pression sur les profits. Pour limiter ces besoins, la réforme à points impose la « règle d’or » du plafond indépassable de 14 % de PIB consacrés aux retraites. Ainsi, la limitation de la part socialisée du financement des retraites va obliger à compenser le plafonnement des pensions collectives par un recours au financement individuel. Cette réforme en limitant drastiquement les pensions versées va ouvrir en grand la porte aux compléments de retraite par capitalisation et développer le cadre d’un système marchand des retraites. Ceux qui le peuvent épargneront pour les vieux jours afin de maintenir leur niveau de vie autant que possible et recevront en fonction de leur épargne. L’enjeu est d’envergure car les besoins de financement d’ici à 2050 pourraient être de 150 à 200 milliards d’euros. En revanche, les capacités potentielles d’épargne financière des salariés dépassent de loin le niveau du PIB, aussi les fonds de pensions sont en embuscade. Le pouvoir souhaitait l’intégration des travailleurs à son projet de réforme des retraites, tout en visant à plafonner la part des richesses produites consacrées au financement des pensions. Pour ce faire, il s’appuyait sur le principe d’une réforme des retraites par points portée aussi par certains syndicats. accélérer la mise en œuvre de sa réforme en tentant de diviser le front Le Medef, pour sa part, tançait le gouvernement pour qu’il accélère la concrétisation de la réforme, sans attendre les 10 à 15 prochaines années. Utilisant COR d’un déséquilibre financier en 2025 de la branche vieillesse, le président du Medef déclarait que « l’équité c’est bien, mais cela ne peut faire l’économie de l’ « équilibre ». En complément de la réforme systémique, il exigeait des mesures paramétriques reculant l’âge de départ à la retraite et baissant le niveau des pensions servies. Il cherchait à écarter relèvement des prélèvements sociaux sur les entreprises limitant la rémunération du et à assurer l’ouverture en grand du système aux marchés financiers. Le rien coûter aux profits.

Cette réforme systémique par points des retraites n’est pas une réforme régressive parmi d’ autres. Elle veut se doter des moyens d’en finir avec le modèle solidaire par répartition à prestations garanties de notre système de retraite et tend à un passerait Les assurés sociaux contribueraient sans savoir ce qu’ils percevront à la retraite, condamnant les retraités à l’insécurité perpétuelle sur la pension de base et à des retraites complémentaires par capitalisation..

La marche vers un « modèle social » ultra-libéral . 

La déconstruction des acquis de notre système de Sécurité sociale de 1945-1946, engagée par la droite depuis 2002, accélérée par la présidence Sarkozy en 2007, débouche sur la construction du « nouveau modèle social » ultra-libéral de Macron, proche du texte du Medef La réforme des retraites par points cohérente avec les autres réformes libérales d’austérité, aggraverait les difficultés. La responsabilité des forces politiques et syndicales qui n’ont pas renoncé à la transformation sociale est immense. Elles ont mobilisé des couches énormes de la population, des salariés de la fonction publique et des entreprises publiques, aux avocats, etc. Mais elles doivent travailler à l’alternative pour une construction sociale progressiste de grande ampleur.