Résumé :
À peine investi le 20 janvier 2025, le Président Donald Trump a pris une série de décrets et pas des moindres. Le décret visant le retrait des Etats Unis de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), institution spécialisée onusienne, dont ils sont pourtant l’un des membres fondateurs, et ordonné un gel de 90 jours des fonds alloués par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID)
Abstract :
Barely inaugurated on January 20, 2025, President Donald Trump issued a series of decrees and not the least. The decree aimed at withdrawing the United States from the World Health Organization (WHO), a specialized UN institution, of which it is one of the founding members, and ordered a 90-day freeze of funds allocated by the United States Agency for International Development (USAID)
Ces deux mesures vont peser lourdement sur les initiatives africaines en matière de santé, affecteront les programmes destinés à améliorer l’accès à des services de santé essentiels de qualité, les services de soins de santé primaires, les services de santé maternelle et infantile. Actuellement, 27 % des fonds américains transitant par l’OMS pour l’Afrique sont destinés à l’éradication de la poliomyélite, 20 % au renforcement de l’accès aux services de santé essentiels, et une grande partie du reste à la préparation et à l’intervention en cas de pandémie, d’où les inquiétudes soulevées par les principaux responsables de la santé publique en Afrique. Ngashi Ngongo, haut responsable de l’Agence Africaine pour la Santé de l’Union Africaine, a déclaré que de nombreux pays du continent comptaient sur les investissements américains via l’OMS pour financer leurs campagnes de santé publique, améliorer la mise en œuvre de leurs programmes de santé ; malheureusement, dit-il, « la réduction ou la suppression du financement américain va affecter les différentes réponses africaines ». Un autre responsable de l’Agence Africaine pour la Sante le professeur Yap Boum II, en charge de la réponse à l’épidémie de mpox déclarait au lendemain de la décision américaine, que sur un montant de financement attendu d’un milliard de dollars contre le mpox, les États-Unis contribuent à hauteur de 500 millions, donc la moitié. Pour lui, le retrait des États-Unis peut avoir un poids important.
Les acteurs de la lutte contre le SIDA sont beaucoup plus inquiets. Parce que des centaines de programmes de lutte contre cette maladie sont menacés, notamment, : le Pepfar (Plan d’Urgence Présidentiel de lutte contre le SIDA), un plan d’urgence créé en 2003 sous la présidence de George W. Bush qui a permis de sauver des millions de vie en Afrique en 20 ans. Dans ce contexte son interruption pourrait menacer davantage la santé de millions de personnes ; comme le confirme Catherine Kyobutungi Directrice exécutive du Centre de recherche sur la population et la santé en Afrique en ces termes : « Si des fonds ne sont pas rapidement mobilisés pour combler le vide laissé par le retrait des États-Unis dit-elle, la santé de millions d’Africains sera menacée », et de poursuivre, « l’incapacité à prévenir de nouvelles infections et la menace de développement d’une résistance aux médicaments en raison de l’interruption des traitements auront des conséquences considérables »
Quand l’aide au développement dans le domaine de la santé évince les ressources de l’État.
La perte du financement américain est révélatrice de l’incapacité des Etats africains à financer eux-mêmes leurs programmes et services de santé. Pour reprendre le Dr Nkechi Olalere directrice exécutive du Strategic Purchasing Africa, Resource Center (SPARC) et Mme Agnès Gatome-Munyua chargéé de programme senior chez Resuults for Development, « l’aide au développement dans le domaine de la santé a évincé les ressources gouvernementales africaines et créé une dépendance à l’égard des donateurs », ajoutez en cela, la faiblesse de l’exécution budgétaire et le gaspillage qui réduisent encore les ressources disponibles pour la santé. Le caractère exogène du financement de la santé en Afrique est qualifié par de nombreux spécialistes comme alarmant, le continent est trop dépendant de l’aide extérieure pour financer son système de santé. Une absence de souveraineté actuellement très décriée.Pourtant, l’Union Africaine appuyée par la Fondation des Nations Unies et le Fonds mondial a préparé un tableau dénommé, « tableau de l’Afrique sur les financements nationaux de santé », qui est en sorte un instrument de sensibilisation des Etats.
Pour l’instant, il est illusoire de penser que le vide laissé par la perte du financement des USA serait comblé par des ressources propres provenant de la contribution des Etats. Ils n’en n’ont pas les moyens. Ils peuvent avoir la volonté politique de le proclamer, mais concrètement ne s’engageront pas sur cette voie, même s’ils s’engagent, ne vont jamais respecter leur engagement.
Il faut se rappeler que les États membres de l’Union africaine se sont réunis à Abuja, au Nigeria, en avril 2001 ils se sont engagés à allouer 15 % de leur budget gouvernemental à la santé. Cet engagement est appelé “Déclaration d’Abuja”. La déclaration d’Abuja est devenue un appel à la mobilisation de plus de ressources des caisses publiques pour le secteur de la santé. En 2018, seuls deux pays sur 54 ont atteint l’objectif.
Que faire ?
Face à cette nouvelle donne les réponses idoines n’existent pas dans l’immédiat ; en attendant, l’on peut conseiller aux Etats de réduire les dépenses consacrées à des programmes publics inefficaces ou inéquitables, tels que les subventions aux carburants qui profitent de manière disproportionnée aux personnes aisées, qui peuvent être réaffectées à l’augmentation des recettes publiques et, éventuellement, à l’augmentation des allocations destinées aux secteurs de la santé et du social.
Déjà il y a des meilleures pratiques sur le continent dont on peut s’en inspirer et les généraliser. L’Algérie, le Botswana, le Lesotho, le Kenya, le Maroc, le Sénégal et l’Afrique du Sud ont accru leur espace fiscal en améliorant leur capacité de recouvrement des impôts. Le Gabon, le Ghana et le Nigeria ont affecté des crédits au secteur de la santé à partir des recettes publiques. La Tanzanie et l’Ouganda ont mis en œuvre des réformes pour améliorer les flux de ressources vers les établissements de santé et ont également amélioré l’utilisation des ressources. L’Éthiopie et le Rwanda ont atteint des niveaux élevés de couverture de la population grâce à des systèmes de protection sociale qui garantissent l’accès aux services de santé.