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La continuité des soins en psychiatrie

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Résumé : L’auteur présente ici le rapport introductif présenté lors de la rencontre des députés NFP et Le Printemps de la psychiatrie. Il expose les principes de la prise en charge des patients qui permettraient d’assurer la continuité des soins.

Abstract :
The author presents here the introductory report presented at the meeting of NFP deputies and Le Printemps de la psychiatrie. It sets out the principles of patient care that would ensure continuity of care.

NDLR : nous donnons ici l’intervention introductive de la rencontre à l’Assemblée nationale entre les députés du Nouveau Front Populaire et le rassemblement Printemps de la psychiatrie qui s’est tenue le 16 janvier 2025. Cette réunion portait la continuité des soins en psychiatrie.

La précédente réunion de travail consacrée au rapport sur les Urgences psychiatriques et ses préconisations a révélé des divergences avec ce que défend le Printemps et qui pourraient être reprises par les députés du NFP. Cela porte essentiellement sur le fait que ces préconisations confirment le fait que dans le cadre d’une offre graduée la psychiatrie ne s’occuperait que des plus malades en crise et sur la volonté de « faire prendre au privé lucratif sa part des problèmes » mais sans donner des garanties que cela ne se traduise pas par une prise de part du marché par le Privé. Ce sont des contradictions qu’il s’agit de travailler afin de voir s’il s’agit d’une méconnaissance des conséquences ou s’il s’agit réellement de points de désaccords.

Quel accueil, quelle accessibilité et pour qui ?

La question que nous avons à trancher est de savoir si nous considérons que la psychiatrie de Secteur a pour vocation d’assurer la continuité des soins de prévention de cure et de postcure ou doit-elle dans le cadre du parcours de soins se limiter à la prise en charge des plus malades en situation de crise comme c’est le cas des autres spécialités médicales ? En d’autres termes doit-elle accueillir toutes les demandes de soins des plus graves aux plus bénignes, ou continuer le tri des malades ? Nous ne devons pas considérer cette question au vu de la situation catastrophique actuelle et à comment y remédier ponctuellement, en adaptant l’existant, mais de concevoir les fondements philosophiques d’un grand service public de psychiatrie qui réponde réellement aux besoins fondamentaux de toute la population. Ces fondements devant servir de repère et de garde-fou, permettant de définir la position du NFP pour toutes les propositions de loi ponctuelles.

Une inaccessibilité des soins

Lorsque l’on évoque la psychiatrie avec la population, revient systématiquement l’idée d’une impossibilité d’accéder à un rendez-vous en CMP. C’est malheureusement une évidence pour la pédopsychiatrie, mais c’est également vrai pour la psychiatrie adulte. Aujourd’hui, seuls les plus malades sont éligibles à un suivi par leur Secteur. Et au prix d’un délai d’attente insupportable souvent de plusieurs mois en psychiatrie adulte à parfois plus d’un an en pédopsychiatrie. Pour la majorité des patients suivis il s’agit de soins exclusivement ambulatoires. Il eut été bon de rappeler à la Ministre Buzyn que nous ne l’avons pas attendue pour le virage ambulatoire, il date de 1960 !

Par contre il n’est pas rare que lorsqu’une hospitalisation s’avère nécessaire, il faille passer par une hospitalisation sous contrainte en HDT. Simplement parce qu’il n’y a pas de lit dans le Secteur et que ce mode d’hospitalisation impose à l’établissement de trouver un lit dans un autre Secteur. C’est quand même particulièrement scandaleux de devoir passer par un internement c’est à dire une procédure d’exception qui prive le Citoyen de ses droits pour pouvoir être soigné ! Mais même ces personnes souffrant de pathologie lourde sont actuellement en passe d’être exclues des soins de postcure en CMP, CATTP… au prétexte qu’elles sont stabilisées et relèvent de ce fait du parcours de soins généraliste, comme c’est le cas pour les autres spécialités médicales. Ce qui a pour conséquence de démentir ce qui vient d’être évoqué, quant au fait que la majorité des patients suivis le sont en ambulatoire. Cela non parce que le nombre de personnes nécessitant une hospitalisation sont plus nombreux, mais parce que l’on exclut du suivi nombre de ceux qui n’en nécessitent pas !

Aujourd’hui la majorité des personnes en souffrance psychique est obligée de se rabattre vers un psychiatre libéral lorsqu’il y en a, un psychologue libéral, si elles en ont les moyens, et le plus souvent vers leur médecin généraliste. Pour les personnes pouvant consulter un psychiatre (lorsqu’il y en a un et qu’elles peuvent payer s’il est en secteur 2) la plupart du temps cela se limitera à des rendez-vous au mieux mensuels et l’instauration d’un traitement chimiothérapique. Pour celles qui optent pour un travail psychothérapique avec un psychologue, cela implique qu’elles peuvent payer puisque ces consultations ne sont pas remboursées, sauf dans le cas du dispositif « Mon psy », mais dans ce cas la fréquence des séances est souvent trop distendue si la souffrance est trop sévère et cela ne permet pas de travailler en profondeur les causes de celle-ci. Par ailleurs le recours au psychologue en cabinet ne règle pas le problème en cas de nécessité d’instaurer en parallèle un traitement chimiothérapique, ou si une modalité de groupe s’avère plus adaptée à la personne.

Ce sont quelques-unes des raisons qui font que nous ne sommes pas favorables au maintien du dispositif « Mon Psy » et proposons que dans l’immédiat ce budget soit alloué aux Secteurs pour la création d’urgence de postes de psychologues titulaires.

Pour celles qui doivent consulter leur généraliste, il peut s’agir de personnes stabilisées adressées par le Secteur pour renouvellement et suivi du traitement dans le cadre du parcours de soins. Il peut s’agir de personnes adressées par un psychiatre libéral surbooké, pour renouvellement du traitement comme le font les autres spécialistes. Il peut s’agir de personnes adressées par un psychologue parce que le travail psychothérapique ne suffit pas et qu’il n’y a pas de psychiatre. Et enfin il peut s’agir de personnes qui n’ont pas de psychiatre près de chez elles, ou n’ont pas les moyens de consulter un psychiatre en Secteur 2 ou un psychologue. Dans tous ces cas, la prise en charge se limitera par manque de disponibilité et de formation à la psychothérapie, à un renouvellement de prescription médicamenteuse, avec suivant les disponibilités des consultations tous les mois ou tous les 3 mois, voire tous les 6 mois ! Ces éléments contribuent largement au fait que la France soit le premier consommateur de psychotropes au monde. Cette consommation excessive touche aujourd’hui également de manière inquiétante les enfants et les adolescents.

Il nous faut également évoquer une autre catégorie de personnes, je veux parler des exclus, des précaires, qui trop souvent en dehors des périodes de crises ne sont suivis par personne ! Lorsqu’elles vont trop mal, elles se retrouvent souvent aux urgences avec les conséquences trop fréquentes que l’on sait : attente durant des heures, montée de l’angoisse, inquiétude des soignants et des autres patients, contention sur un brancard, hospitalisation en péril imminent et chambre d’isolement et contention dans le service de psychiatrie. Les causes de cette situation sont connues. C’est le résultat de plus de 40 ans de paupérisation de la psychiatrie comme l’a reconnu le Ministre Véran sur France Inter en 2021. Cette paupérisation ayant entraîné au fil des ans un tri de plus en plus sélectif des patients éligibles au suivi par leur Secteur de référence. Mais aussi au renoncement de certaines missions fondamentales du Secteur tel qu’il a été conçu en 1960, notamment en termes de soins de prévention et maintenant de postcure. Et enfin cela renforce la stigmatisation des lieux de soins et de ceux qui les fréquente puisque du coup, dans l’imaginaire collectif ils ne sont fréquentés que par les Grands Fous

La prévention

Si on reparle de prévention, c’est plutôt en direction des populations infanto juvéniles. Il s’agit essentiellement de dépistage de certaines pathologies (TDAH, TND,…). Par contre une fois le jeune diagnostiqué, le soin se réduit trop souvent à l’instauration d’un traitement par un centre expert, le renouvellement du traitement se faisant par le pédiatre ou le généraliste. La prévention est bien plus large et implique notamment des actions qui permettent de dénouer des situations avant qu’elles ne s’enkystent et deviennent réellement pathologiques que ce soit pour les enfants comme pour les adultes.

L’exemple des LAEP

Par exemple toujours en pédopsychiatrie, les LAEP (Lieu d’Accueil Enfants Parents) qui sont des structures relevant du secteur social, reçoivent des enfants qui vont parfaitement bien mais parfois aussi des enfants et des nourrissons en grande difficulté, pouvant aller jusqu’à des signes d’entrée dans la psychose, voire l’autisme parce qu’en manque de lien social. Pour ceux qui pensent que l’autisme n’aurait qu’une causalité organique, je rappelle l’explosion de cas d’autisme lors du confinement parce que ces enfants se sont trouvés dans les mêmes conditions d’isolement social. Dans certains quartiers populaires, une proportion importante d’enfants, du fait de leur isolement, ne parlent pas, même à 3 ans, voire ne babillent pas et n’ont que de rares interactions avec les autres enfants et sont en grande difficulté pour construire des jeux. Leur fréquentation régulière permet à la plupart de dénouer ces situations qui pourraient devenir dramatiques pour ces enfants et leurs parents. Et cela essentiellement au travers du lien social qu’ils tissent au travers des jeux avec d’autres enfants et adultes, mais aussi parfois avec leurs parents parce que c’est compliqué et qu’être parent n’a rien de simple, surtout dans notre société de la performance et de la norme. Il faut savoir que ces structures sont issues du modèle des Maisons vertes imaginé par Dolto dans son Secteur. Elle considérait que si l’on rassurait les parents, pour ceux dont les enfants sont en difficulté on avait déjà fait 60% du travail. Par contre pour les rares enfants pour qui ce travail de prévention précoce ne suffisait pas elle les orientait vers les autres modalités de prise en charge du service. C’était tout à fait fluide dans la continuité des soins de prévention et de cure. Aujourd’hui les LAEP n’ont plus ce lien organique avec le Secteur infanto juvénile. Cela a des conséquences dramatiques pour les enfants pour qui cela ne suffit pas à dénouer les difficultés.

La plupart des Secteurs ne prévoient pas de passerelle permettant de recevoir prioritairement ces enfants. Ainsi même si une demande est faite sur les conseils de l’équipe du LAEP, elle sera inscrite dans la liste d’attente et si les parents ne se démobilisent pas, l’enfant et ses parents seront reçus l’année suivante. Mais pour beaucoup on ne va pas soutenir les parents à aller vers le CMP, du coup c’est la maternelle qui va les signaler. Et si, par mal chance, l’enfant est sage et ne pose pas de problème, on risque d’attendre la fin de la Grande Section pour se résoudre à faire un signalement. Et on aura perdu 3 précieuses années puisque l’on sait que plus on intervient précocement plus on a de chances que l’enfant puisse retrouver un développement quasi normal et que le suivi en CMP ne soit que temporaire. Plus on tarde, plus le pronostic est sombre et plus on va vers un suivi à vie.

Ainsi c’est au nom de l’économie et du manque de moyens que l’on renonce à prendre en charge précocement des enfants qui ne nécessitent qu’un suivi relativement court. Ce qui fait que 3 ans plus tard on va devoir s’occuper d’enfants qui vont être suivis dans le service jusqu’à leurs 18 ans pour ensuite aller vers la psychiatrie adulte voire des structures de type MAS !

Comme quoi les économies apparentes immédiates se révèlent fort couteuses à long terme. Nous avons volontairement développé cet exemple parce qu’il est paradigmatique et permet de percevoir le lien qu’il y a entre prévention et cure et l’intérêt d’une continuité fluide, graduée. Pour les adultes ce sont exactement les mêmes processus qui sont à l’œuvre. À ce propos mardi soir sur France 3 un reportage montrait une équipe de Villejuif qui se déplaçait en bus dans les Lycées pour rencontrer les adolescents et prévenir le suicide. Il s’agit essentiellement de rassurer les jeunes et parfois de dénouer des situations un peu plus compliquées. Ceux qui nécessiteraient une prise en charge plus conséquente étant orientés vers le CMP, et cette situation serait évoquée en synthèse du CMP dans la semaine pour définir qui et comment il serait pris en charge. Si cette mission prévention de santé mentale était dévolu à une association, il n’y aurait vraisemblablement pas de psychiatre et en cas de situation nécessitant un suivi plus lourd, le passage vers le secteur serait moins fluide.

Une logique de tri due à la dissociation Psychiatrie vs Santé Mentale qui permet de poursuivre la paupérisation de la psychiatrie.

Réduire la prévention au dépistage est une conséquence de la dissociation abusive entre santé mentale et psychiatrie qui s’est imposée après les rapports Macé et Piel Roelandt. Seuls les plus malades relèveraient de la psychiatrie de Secteur publique, toutes les autres formes de souffrance psychiques relevant de la Santé Mentale et donc du secteur libéral. Eric Piel rappelant néanmoins régulièrement que pour lui il ne s’agissait pas de dissocier la Santé mentale de la psychiatrie, mais d’insister sur la nécessité de développer l’extra hospitalier qui commençait à être submergé de demandes du fait du manque de moyens et contre la tendance hospitalocentriste de certains de ses collègues. Cela dans le prolongement du rapport Demay demandé en 81 par Jack Ralite. Il est paradoxal de noter qu’en fait c’est cette conception hospitalocentriste qui domine aujourd’hui en psychiatrie du fait de l’éviction des moins gravement malades et au nom de cette distinction.

Si la situation de la psychiatrie est catastrophique ce n’est pas qu’une question de moyens, ou plutôt, c’est avant tout parce qu’elle repose sur une logique de tri des patients, instaurant une discontinuité des soins au travers du séquençage de la maladie en fonction de la gravité des symptômes et de la segmentation de la prise en charge, à chaque séquence correspondant des intervenants différents. Le soin relationnel individualisé y a laissé la place à des traitements standardisés, protocolisés, dans un objectif de normalisation des comportements et des populations. Pourtant tout le monde sait que la qualité de la prise en charge repose toujours sur la continuité d’un soin singulier.

Par contre c’est la réduction progressive des moyens depuis la fin des années 80 qui a conduit les équipes à se résoudre à ce tri qui a été intégré « culturellement » par les soignants. Les différents gouvernements s’en servant pour progressivement organiser ce tri et en faire un système auquel nous sommes confrontés aujourd’hui, au moins dans la loi, puisque sur le terrain 9 ans après l’adoption de la Loi Touraine, la plupart des patients présentant des pathologies lourdes, mais stabilisés sont toujours suivis en ambulatoire par leur Secteur. Ainsi au lieu de tenter de pallier à l’insuffisance de réponses face aux besoins, on est dans une logique visant à limiter la demande en faisant en sorte qu’une partie de ces demandes ne relèvent plus du dispositif de Secteur, permettant de réduire encore la capacité de réponse, qui maintient une tension excessive sur les délais d’attente que ce soit en ambulatoire ou pour l’hospitalisation, ce qui vient justifier de nouvelles fermetures de structures et la nécessité d’opérer de nouveaux tris. Pour rappel, réduire l’offre pour réduire la demande, alors que les besoins sont toujours les mêmes, c’est la logique instaurée par le Plan Juppé de 95 qui n’a, malheureusement, pas été remise en question par la Gauche plurielle en 97.

C’est donc un choix politique !

Parce qu’il sous-tend une conception de l’humain. Repartir des besoins et non de l’offre en diminution, cela ne nécessite-il pas de réinscrire dans la Loi le fait que le Secteur est le dispositif public de lutte contre les maladies mentales au travers de la continuité des soins de prévention de cure et de postcure et non simplement l’un des dispositifs en charge de cette lutte ? Mais aussi que chaque Secteur soit un pôle, c’est-à-dire une entité médico administrative en tant que telle qui ne saurait être fondue avec d’autres « services » au gré des projets du chef de pôle.

Cela implique que soit restauré ainsi le Secteur psychiatrique de proximité. La proximité étant un garant de la continuité des soins.

Ce qui exige non seulement d’arrêter la fermeture des structures ambulatoires sous prétexte de fusions de secteurs au travers des pôles, mais de rétablir les Secteurs qui ont fusionné en leur donnant les moyens de fonctionner et de rouvrir les structures qui ont été fermées. La proximité est un des éléments permettant la continuité des soins. Imaginez ce que coûte au patient de devoir se résoudre à venir régulièrement à son rendez-vous en CMP, ou son activité au CATTP. Si en plus, il faut un temps infini en transports, il n’est pas étonnant que nombre d’entre eux renoncent à venir quand ils se sentent mieux, ou lorsqu’ils se sentent moins bien ! L’éloignement des structures du domicile est un élément, non seulement du tri, mais également de « l’écrémage » ! Et plus la personne est en situation de précarité ou d’isolement, les deux allant souvent de pair, plus ce phénomène va être important.

Si le Secteur à pour mission d’accueillir toutes les souffrances psychiques cela nécessite qu’il adapte les horaires des structures ambulatoires aux besoins de la population qui travaille. Ce qui implique d’élargir les plages horaires en soirée et à minima le samedi matin. Cela peut se faire dans un premier temps en réorganisant les plannings, mais nécessite d’urgence une augmentation significative de ses moyens humains.

Le Secteur ce n’est pas des locaux mais un territoire !

Aujourd’hui on considère que le Secteur c’est l’hôpital où sont les lits et les locaux du CMP, du CATTP… C’est dans les locaux que ça se passe. A l’hospitalocentrisme des années 80/90 s’est rajouté un repliement sur les locaux de l’extrahospitalier, alors que l’un des fondements du Secteur c’est d’être en osmose avec le territoire et sa population. Plutôt que de limiter les consultations et les accueils au CMP, pourquoi ne pas développer les permanences dans les locaux municipaux, les centres de santé, ou de sillonner le territoire dans des bus comme à Villejuif… Plutôt que de vouloir cantonner les activités du CATTP à ses locaux, ou a des groupes fermés quand on va à l’extérieur (centre équestre, piscine…), pourquoi ne pas les mener en participant à des activités des Centres sociaux au milieu des habitants du quartier ou aux séances d’aquagym organisées par la piscine… Là encore ce serait un moyen de déstigmatiser la psychiatrie et de la banaliser.

Redonner à chaque Secteur les capacités d’hospitalisation nécessaire !

Il n’est évidemment pas question de revenir aux 100 000 lits des années 70. Le développement de l’extra hospitalier et les modalités de prise en charge pluridisciplinaires ont réellement permis de réduire les besoins en lits. Par contre cette réduction trop massive révèle aujourd’hui, dans nombre de Secteurs, un manque dramatique de lits.

Cela se traduit par deux phénomènes :

  • Soit des durées d’hospitalisation trop courtes parce qu’il faut faire de la place en raison des patients en crise en attente d’une hospitalisation. Ce qui au lieu de résoudre le problème d’embolisation du dispositif, le rend chronique, puisque nombre de patients à peine sortis d’hospitalisation, nécessiterait d’y retourner parce que la crise est insuffisamment résorbée. D’où des ré-hospitalisations plus fréquentes, entrainant à leur tour une embolisation des capacités d’hospitalisation. C’est donc une dégradation du soin due à une mauvaise réponse à un dysfonctionnement qui génère elle-même un dysfonctionnement chronique. Cela joue aussi sur l’ambiance tendue des unités et génère de l’angoisse et des passages à l’acte de part et d’autre et aboutit à un recours abusif à isolement et un recours scandaleux à la contention, dans un rapport de force de gestion de la violence là où on devrait se centrer sur l’action psychothérapeutique de rassurance et d’apaisement de l’angoisse
  • Soit des patients hospitalisés dans d’autres Secteurs que le leur. Dans ce cas, soit durant l’hospitalisation ils seront pris en charge par une équipe qu’ils ne connaissent pas et qui ne les connait pas, ce qui est évidemment préjudiciable à la qualité des soins et est une des causes de montée de l’angoisse qui elle-même génère peur et violence de part et d’autre pouvant aboutir à des mises en chambre d’isolement avec contention (y compris en Soins Libres), simplement parce qu’on ne se connait pas. On y reviendra lors de nos réunions de mars avril sur le contenu du soin. Soit l’équipe de leur secteur doit passer des heures à arpenter l’hôpital pour aller d’un service à l’autre ce qui est très chronophage dans un dispositif déjà exsangue. Inutile de préciser que du coup on n’aura pas le temps de voir le même patient plusieurs fois par jour, s’il le demande, alors que dans son unité il peut toujours interpeller son médecin dans le couloir. Ce qui est très important. Il faut donc redonner de la fluidité à l’hospitalisation en augmentant le nombre de lits.

La création de Centres d’Accueil et de Crise

Nous proposons que chaque Secteur puisse bénéficier d’un CAC (Centre d’Accueil et de Crise) qui soit directement intégré au dispositif du Secteur. Ces CAC fonctionnant 24h/24h. Ils sont à disposition des patients qui ne se sentent pas bien, mais qui ne peuvent être reçus en « urgence » à leur CMP. Il ne s’agit pas de lits de thérapie brève, ni de lits porte, et sont installés dans la Cité et non sur les sites d’hospitalisation contrairement à ce qui se fait dans certains établissements. Le Docteur Baillon, plutôt que de lits, parlait de « canapés convertibles », pour bien montrer que dans ces lieux c’est l’accueil qui compte et non le lit, le patient pouvant y passer de quelques instants, le temps d’être rassuré jusqu’à 72 h. Cela éviterait également les drames que l’on connait lorsque ces patients doivent se rendre aux urgences de l’hôpital général.

En conclusion

On voit bien que ce qui vient d’être développé remet radicalement en cause la conception actuelle des missions de la psychiatrie et est en contradiction avec les préconisations du rapport sur les Urgences telles quelles. Si en tant que parlementaires vous adoptez ces principes fondamentaux cela implique à notre sens que même pour des lois préconisant des mesures d’urgences vous inscriviez dans la loi ces objectifs à terme. Et du coup que les mesures qui n’iraient pas dans ce sens soient explicitement limitées dans le temps. Cette question nous en avons conscience vient perturber la manière dont habituellement sont posées ces questions et que cela nécessite certainement débat, éclaircissements, voire dispute.

Au vu de cette offre graduée de réponses on voit que cela nécessite que le Secteur soit reconnu comme un parcours de soins spécifique, mais que cela ne peut être efficace pour le patient que si s’établit un véritable partenariat et une collaboration avec tous les autres acteurs (généraliste, PMI, Médicosocial, social…). Si on est d’accord avec ces principes, cela signifie également que l’on considère que la psychiatrie ne doit plus être une spécialité de la médecine comme les autres mais une discipline médicale à part entière. Cela pose également la question de la démocratie sanitaire et de la prise en compte de la population dans les choix. Au travers notamment des CLSM, mais qui ne doivent plus être des instances formelles où se retrouve tout un aéropage de responsables de services et de structures, mais où doivent se rencontrer les acteurs de terrain avec la population pour élaborer ensemble la politique territoriale de santé mentale.

Santé mentale étant bien évidemment prise dans son acceptation originelle impliquant toutes les problématiques de santé mentale de même que lorsque l’on parle de dispositif de santé cela implique évidemment l’hôpital général !

Toutes ces questions on vous propose de les aborder lors de notre prochaine rencontre, sauf si on tombe d’accord rapidement sur ces premiers points. De même que nous n’avons pas abordé la question de l’augmentation considérable des moyens humains nécessaires pour récupérer 40 ans de paupérisation, en nombre mais aussi qualitativement en termes de formations initiales et continues.  Formations prenant en compte la complexité des dimensions biopsychosociales de l’humain et non simplement sa réduction à sa dimension biologisante neurologique, qui doit permettre à tous les soignants de se former aux soins psychiques relationnels et ne plus être de simples opérateurs des protocoles. Ce que nous aborderons en mars avril.