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La fermeture de l’USAID fragilise les systèmes de santé en Afrique

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Résumé :
La fermeture de l’Agence Américaine pour le Développement (USAID) annoncée en février 2025 par l’administration américaine a définitivement été actée le 1er juillet 2025. Après 64 ans d’engagement mondial dans le soutien à l’éducation, la santé, l’aide humanitaire, la gouvernance, l’USAID créée en 1961 a vu ses programmes être supprimés par Donald Trump. Les conséquences sont catatrophiques.

Abstract :
The closure of the United States Agency for International Development (USAID), announced in February 2025 by the American administration, was definitively enacted on July 1, 2025. After 64 years of global commitment in supporting education, health, humanitarian aid, and governance, USAID, created in 1961, saw its programs eliminated by Donald Trump. The consequences are catastrophic.

La   fermeture de l’Agence Américaine pour le Développement (USAID) annoncée en   février 2025 par l’administration   américaine a définitivement été actée le 1er juillet 2025. Après 64 ans d’engagement mondial dans le soutien à l’éducation, la santé, l’aide humanitaire, la gouvernance, l’USAID créée en 1961 a vu ses programmes être supprimés par Donald Trump.

Les conséquences dramatiques de cet arrêt brutal pourraient provoquer dans le monde plus de 14 millions de décès supplémentaires d’ici à 2030, sans compter l’anéantissement des nombreuses avancées réalisées ces dernières années dans divers secteurs. Pour Dean Karlan, professeur d’économie et de finance à l’université américaine Northwestern, et ex-chef économiste d’USAID, « il n’était pas nécessaire d’interrompre l’aide d’urgence et les médicaments destinés aux enfants au beau milieu d’un programme pour procéder à une réforme. C’est quelque chose qui se fait sur le long terme. Ce qui s’est passé est un réel désastre, avec des enfants qui sont morts à cause de cela ». 

L’Afrique plus frappée

L’Afrique subsaharienne a été particulièrement frappée par cette décision, puisque 40 % du budget de l’Usaid lui étaient consacrés, soit un montant de plus de 15 milliards de dollars (selon le Forgien Assistance) D’après les calculs de la revue spécialisée Lancet, les programmes financés par l’USAID ont permis d’éviter 91 millions de morts dans les pays les plus pauvres d’Afrique entre 2001 et 2021, soit une diminution de 15 % des décès, toutes causes confondues

Les systèmes de santé fragilisés

Les coupes budgétaires provoquent des dégâts durables : les cas de paludisme augmentent, des centres de traitement ferment, des médicaments n’arrivent plus, et des enfants meurent en chemin pour recevoir des soins. Pour le Sida, 350 000 nouvelles infections au VIH chez les enfants et 8,7 millions de nouvelles infections supplémentaires chez les adultes d’ici à 2029 ce qui rendrait impossible l’élimination du sida en tant que menace pour la santé publique d’ici à 2030

Paludisme

Les   coupes budgétaires provoquent des dégâts durables dans la lutte contre le paludisme : les cas de paludisme augmentent, des centres de traitements ferment, des médicaments n’arrivent plus, et des enfants meurent absence de soins. A cela s’ajoutent les perturbations des chaines d’approvisionnement qui font naitre des craintes de pénuries de médicaments dans plusieurs pays comme le Mali, le Soudan et le Kenya. Au Soudan du Sud, les cliniques financées par l’USAID ont fermé leurs portes au milieu d’une épidémie de choléra.

Sida

La lutte contre le VIH pourrait reculer des décennies en arrière, à cause des coupes importantes de l’aide américaine. Alors que le nombre de décès liés au virus a été plus que divisé par deux entre 2010 et 2024, les coupes brutales dans l’aide américaine en février font l’effet d’« une bombe à retardement » pour Winnie Bayiha, directrice exécutive d’Onu sida. Le désengagement du principal donateur a pris les pays africains par surprise et a laissé un grand vide dans nombre d’entre eux. Si ce vide n’est pas comblé, nous pourrions avoir 6 millions de nouvelles infections supplémentaires au VIH d’ici à 2029, dans quatre ans, et 4 millions de décès supplémentaires, déplore-t-elle. Enfin, l’un des programmes le plus menacé est le Pepfar., (Plan d’Urgence Présidentiel de lutte contre le SIDA) : un plan d’urgence créé en 2003 sous la présidence de George W. Bush qui a permis de sauver des millions de vie en Afrique en 20 ans. Dans ce contexte son interruption pourrait menacer davantage la santé de millions de personnes comme le note Catherine Kyobutungi Directrice exécutive du Centre de recherche sur la population et la santé en Afrique.

Une opportunité pour l’Afrique ?

Cette fermeture de l’USAID est vue par un certain nombre de spécialistes, comme une opportunité pour la fin de la dépendance de certains pays aux financements étrangers occidentaux, mais aussi l’occasion de repenser leur modèle économique pour plus d’autonomie. « Le retour de Donald Trump rappelle puissamment à nos dirigeants africains que  les Africains doivent être en première ligne pour réduire la pauvreté et améliorer notre bien-être collectif et durable », rapporte dans une tribune sur le média burkinabé Le Faso le sociologue et militant panafricaniste Moussa Sys.

Pallier à l’arrêt des aides américaines,

Pour pallier à l’arrêt des aides américaines, une myriade d’options sont proposées par les spécialistes africains. Parmi elles, les réformes fiscales pour élargir l’assiette fiscale et instaurer plus d’équité. Cependant, lever des impôts est loin d’être évident dans ces pays généralement assez pauvres, qui ont très peu d’épargne et pas de capacités de financements propres. Au Sénégal, la participation de la diaspora pourrait être une autre piste privilégiée pour diversifier les sources de financement. En 2023, les fonds transférés par la diaspora vers le Sénégal s’élevaient à 2,8 milliards d’euros, selon la BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest), soit plus que l’aide publique au développement (1,4 milliard d’euros). Le gouvernement sénégalais mise ainsi sur les « diasporas bonds », des obligations pour les ressortissants sénégalais à l’étranger. La diversification des partenariats est aussi encouragée. Ainsi que le renforcement des partenariats régionaux et une coopération Sud-Sud. En plus du Sénégal, la Banque mondiale a aussi son idée là-dessus. Pour elle, « les dépenses publiques en matière de santé restent faibles et sont loin d’atteindre l’objectif d’Abuja, qui est de consacrer 15 % du budget national à la santé. Parallèlement, l’aide au développement diminue dans le domaine de la santé sous l’effet des réorientations stratégiques des partenaires, ce qui rend plus urgentes que jamais la mobilisation des ressources nationales et l’utilisation plus efficace des fonds existants »