Résumé :
L’auteur se livre ici à une présentation très synthétique de la situation de la psychiatrie en France. Elle défend particulièrement la politique de Secteur psychiatrique.
Abstract :
The author gives here a very concise presentation of the situation of psychiatry in France. She particularly defends the policy of the Psychiatric Sector.
Les chiffres :
- 2 millions de patients suivis pour des troubles psychiques
- 1er poste de dépense de l’assurance maladie
- La France est le 1er pays consommateur de psychotropes par habitant
- Tentatives de suicide en recrudescence chez les adolescents
- Accès difficile aux soins pour les urgences, traitées et maltraitées dans les hôpitaux généraux qui manquent de moyens et recourent aux méthodes barbares de contention ; délais d’attente inouïs pour les soins ambulatoires en secteur public
Le Secteur psychiatrique mis en place dans les années 60 à 80 était une avancée progressiste historique soutenue par une philosophie :
- Passer du fou relégué hors des villes dans les asiles au soin dans la cité du malade mental
- Le Secteur était centré sur la souffrance psychique de la personne et non plus sur l’anormalité et la dangerosité
- Le Secteur fut un enjeu politique et le rôle des psychiatres progressistes fut essentiel dans son élaboration.
- Un dispositif novateur dans la Cité, il organisait la continuité des soins de prévention, de cure et de postcure, prototype d’un parcours de soins spécifique devant accueillir toutes les souffrances psychiques
- Le Secteur comprenait des centres-médico-psychologiques adultes et enfants (CMP) pour les consultations ambulatoires, des lits d’hospitalisation publique si l’état de santé du patient le nécessitait, des hôpitaux de jour, des centres d’aide thérapeutique à temps partiel (CATTP) qui permettait le suivi au long cours sans rupture de soins
- C’est ce modèle qui fut détruit
La destruction du secteur par les réductions budgétaires :
- Un dispositif exsangue après 40 ans de réduction de moyens
- Entre 1980 et 2020, le nombre des lits d’hospitalisation en psychiatrie est passé de 120 000 à 40 000.
- Des délais de prise en charge insupportables pour les patients : 18 mois pour un rendez-vous en pédopsychiatrie publique et 6 mois pour la psychiatrie adulte avec des inégalités régionales et sociales (rendez-vous plus rapproché dans le secteur libéral avec dépassement d’honoraires)
- Le généraliste représente le seul recours pour les patients les moins atteints et les plus démunis. Le généraliste aura tendance à prescrire des psychotropes, faute de pouvoir adresser son patient à un correspondant médecin psychiatre.
La destruction du Secteur au nom d’une pseudoscience instaurant une conception déshumanisée de la personne :
- Une conception hégémonique déshumanisante de la psychiatrie centrée exclusivement sur la dimension biologique de l’humain, récusant ses dimensions sociale et psychique, s’appuyant sur une instrumentalisation caricaturale des neurosciences
- Entrainant un soin standardisé au service d’une psychiatrie normalisatrice et sécuritaire
- Et aboutissant à un manque d’attractivité des professions pour les différents acteurs de la santé mentale
L’inscription de la psychiatrie dans la destruction du système public de santé :
- L’inscription dans le parcours de soins par le recours au médecin généraliste organise la rupture du soin et l’exclusion du dispositif de soin spécifique au travers du séquençage de la maladie entre périodes de crise et de rémission et la segmentation des prises en charge ; la psychiatrie ne s’occupe alors que de la crise et de l’immédiat postcure y compris en Centre médico-psychologique et en CATTP, le suivi au long cours relevant du médecin généraliste pour le renouvellement trimestriel du traitement. On recourt au social (Groupement d’entraide mutuelle,…) ou du médicosocial (FAM, …) s’il faut un étayage supplémentaire.
- Depuis le Covid et la catastrophe sanitaire du point de vue de la santé mentale, les seules mesures positives ne concernant que le remboursement de certaines consultations de psychologues libéraux et les autorisations d’ouverture de structures pour le privé lucratif, aucun moyen supplémentaire pour le Secteurs, au contraire, les fusions se poursuivent ainsi que les fermetures de structures ambulatoires
Notre action politique :
- Comment œuvrer politiquement pour imposer une approche prenant en compte la complexité des dimensions biopsychosociales ?
- Partons d’un dispositif récemment mis en place par les collectivités locales en lien avec l’Etat et les ARS : le Conseil Local de Santé Mentale. Ce pourrait être un levier pour rassembler et organiser la défense d’un soin de qualité pour tous sur le territoire. Notamment avec les autres acteurs de terrain (généralistes, social, médicosocial, groupement d’entraide mutuelle (GEM), associations de patients et de familles). Le CLSM pourrait devenir un espace de démocratie locale avec les citoyens, organisant régulièrement des débats citoyens sur ces sujets au travers de différentes initiatives (film, débat,…) pas uniquement lors de la Semaine d’Information en Santé Mentale.
La nécessité d’une Loi cadre de refondation du Secteur :
- Une simple augmentation des moyens du Secteur si elle est primordiale ne suffira pas à renouer avec une psychiatrie humaine.
- La nécessité d’une Loi Cadre de refondation du Secteur
- Tout projet de regroupement d’un équipement du Secteur (CMP, CATTP, hôpital de jour) ou d’établissements (GH) devra recevoir l’accord préalable des équipes professionnelles et des représentants des usagers
- La proposition de Loi communiste (2019) est une base pour cette Loi cadre, impliquant la reconnaissance de la psychiatrie comme une discipline médicale spécifique et non une spécialité de la médecine et le retour à une formation spécifique (comprenant l’étude de la psychogenèse, de la sociogenèse et de la biogenèse) pour tous les professionnels (Médecins, Infirmiers, Psychologues…) exerçant en psychiatrie.