Brèves du cahier n°49

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Pour espérer vaincre le VIH, il faut changer de paradigme de recherche

À l’occasion du Sidaction médias, qui a eu lieu du 22 au 24 mars, la Pr Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel de médecine 2008 et présidente de Sidaction, est revenue pour le Quotidien du Médecin sur l’épidémie de VIH en France et les principales avancées de la recherche.

Chaque année, près de 5 000 personnes découvrent leur séropositivité VIH en France. C’est un chiffre stable depuis plusieurs années. Cette stabilité, qui signifie que l’on continue à s’infecter par le VIH en France, est préoccupante. Parmi les 5 000 découvertes annuelles, près de 14 % concernent des jeunes de moins de 25 ans et 22 % les plus de 50 ans. On a 28 % de personnes qui découvrent leur infection par le VIH à un stade tardif. Ce qui veut dire qu’elles peuvent transmettre le virus à d’autres pendant des années et qu’elles n’ont pas pu bénéficier pour elles-mêmes d’un traitement précoce. Or plus le traitement est précoce, plus l’espérance de vie est similaire à une personne non infectée. Près de 24 000 personnes ignorent leur séropositivité en France. Il faut proposer le dépistage à ses patients !

La technique de ciseaux moléculaires permettant d’aller couper l’ADN proviral, issu de l’ARN et intégré au génome des cellules, est une piste très intéressante. Cet ADN proviral intégré dans la cellule permet à certaines de jouer un rôle de réservoir. Si les patients arrêtent leur traitement, le virus ressort de ces cellules, se multipliant en même temps que la cellule. Il faut voir ce que cela va donner dans des modèles précliniques. Certaines équipes ont fait des études sur des modèles précliniques en utilisant cette stratégie avec des résultats encourageants. Il y a des études en cours chez l’homme. Ce sont des études de sécurité, sur un tout petit nombre de patients, pas encore d’efficacité, parce qu’il faut s’assurer quand même que ces ciseaux moléculaires ne vont pas couper à des endroits pouvant créer des effets délétères ! Françoise Barré-Sinoussi ne pense pas que ces ciseaux moléculaires vont permettre d’éliminer tous les réservoirs du corps. Ces réservoirs sont partout, dans les différents tissus : intestin, ganglions, foie… Se lancer à la recherche de ces cellules réservoirs, c’est aller chercher une aiguille dans une botte de foin. Il faudra certainement coupler, même si Crispr est une excellente voie, et l’associer à d’autres stratégies thérapeutiques comme l’immunothérapie par exemple. On a des résultats très encourageants dans ce domaine, par exemple en utilisant des combinaisons d’anticorps neutralisants, extrêmement puissants et efficaces. Mais pour le long terme, c’est forcément le vaccin qui est attendu de tous et de toutes. Ce ne sera pas pour demain.

Grippe aviaire : développement d’un vaccin à ARNm contre le virus H5N1

Un vaccin expérimental à ARN messager (ou ARNm) qui cible le virus de la grippe aviaire H5N1 et pourrait prévenir les infections humaines. C’est ce qu’affirme avoir développé une équipe de chercheurs de la Perelman School of Medicine de l’Université de Pennsylvanie, aux États-Unis, alors qu’une épidémie de grippe aviaire frappe actuellement les oiseaux et les bovins du pays. Les travaux ont été publiés dans la revue Nature Communications.

Des vaccins ARNm plus faciles à développer que les vaccins conventionnels

Lors des précédentes pandémies de grippe, comme celle de H1N1 de 2009, les vaccins étaient difficiles à fabriquer, expliquent les scientifiques. La plupart des vaccins antigrippaux utilisent des œufs dans leur fabrication : les experts injectent des œufs de poule fécondés avec ce qu’ils prédisent être la souche virale dominante, la laissent se répliquer, puis inactivent le virus pour l’utiliser dans les vaccins contre la grippe”.

Or, au cours d’une pandémie de grippe aviaire, les œufs ne sont pas forcément disponibles puisque les poules meurent. “La technologie de l’ARNm nous permet d’être beaucoup plus agiles dans la conception des vaccins : nous pouvons commencer à créer un vaccin à ARNm dans les heures qui suivent le séquençage d’une nouvelle souche virale à potentiel pandémique.

L’équipe de chercheurs a donc mis au point un vaccin à ARNm ciblant un sous-type spécifique du virus H5N1 qui circule largement chez les oiseaux et les bovins. Le vaccin en question, “tout aussi efficace que le vaccin traditionnel réalisé avec les œufs”, a permis de déclencher une forte réponse immunitaire chez les souris et les furets à l’étude.

Le virus de la grippe aviaire a causé des décès humains. Depuis 2003, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a recensé 889 cas humains d’infection par la grippe aviaire dans 23 pays, dont 463 décès, soit un taux de mortalité de 52%.

En 2023 et 2024, la situation est particulièrement préoccupante : depuis le début de l’année 2023, l’OMS a enregistré 888 cas humains d’infection par la grippe aviaire, dont 463 décès. En avril 2024, l’OMS a déclaré être “très préoccupée” par la transmission du virus H5N1 aux humains. Des cas d’infection ont été signalés chez des mammifères, ce qui soulève des inquiétudes quant à une possible mutation du virus et à une augmentation du risque de transmission interhumaine.

Nous voilà prévenus !

Nouvelle convention médicale : Les principales mesures clés que propose la Cnam

– G à 30 euros en étendard

Mesure tarifaire emblématique de ce projet conventionnel, la consultation généraliste G (C + MMG) – hors téléconsultations – est établie à 30 euros.

– Coup de pouce aux consultations longues et de l’enfant

Les trois consultations obligatoires de l’enfant donnant lieu à certificat sont facturées 60 euros (cotation COE). La consultation longue est rémunérée 60 euros pour les médecins traitants. Elle pourrait être facturée une fois par an et par patient pour chacune des trois situations suivantes : dans les 30 jours après une sortie d’hôpital ; pour les consultations de déprescription pour les patients polymédiqués ; pour les dossiers d’allocation personnalisée.

Constitutionnaliser la sécurité sociale

M. Pierre DHARRÉVILLE, député et certains de ses collègues ont proposé un projet de loi pour inscrire dans la Constitution le principe de la Sécurité sociale. Principal pilier du système de protection sociale, la Sécurité sociale est alimentée par une cotisation sociale assise sur les salaires versés en contrepartie des richesses créées par les travailleurs. Chacun contribuant selon ses moyens et recevant selon ses besoins : les fondateurs de la Sécurité sociale affirmaient ainsi les principes de solidarité, d’universalité et de démocratie au cœur d’un nouvel édifice social profitable au développement du pays. La fin de la Sécurité sociale gérée par les élus et l’éclatement des branches en 1967 ont marqué le début d’une longue offensive du patronat contre la démocratie sociale et ses institutions de protection collective. En 1991, la création de la contribution sociale généralisée a remis en cause le financement par la cotisation en introduisant une logique de fiscalisation. Cinq ans après, la constitutionnalisation des lois de financement de la sécurité sociale a rendu le Parlement compétent pour déterminer le budget de la sécurité sociale. Les politiques d’allègements des charges patronales se sont succédé  pendant  trente  ans,  mettant  en  œuvre  pas  moins  de 82 mesures. En 2023, le coût de ces exonérations atteignait 83 milliards d’euros, soit deux fois plus qu’en 2018. Ainsi, le taux de prélèvement effectif versé par les employeurs pour un salarié au niveau du Smic est passé de 44 % en 1980 à 7 % en 2022. Dans le même temps, la part des exonérations non compensées a atteint 2,3 milliards en 2021, soit une hausse de 19 % sur un an, et 2,5 milliards en 2022 et 2023. Ce montant devrait même s’élever à plus de 2,7 milliards en 2024.

Sous prétexte de maîtrise des « coûts » des dépenses publiques, de soutenabilité de la dette ou de simplification administrative, la protection contre les risques sociaux a été dégradée. Entre les reports successifs de l’âge légal de départ à la retraite, un moindre remboursement des soins et médicaments, l’instauration du forfait hospitalier, le durcissement des règles d’accès et la baisse des indemnisations de l’assurance chômage, la baisse constante des allocations familiales, aucune branche de la Sécurité sociale n’a été épargnée par ce processus de précarisation.

Alors que le système de santé français était classé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme le meilleur au monde en 2000, il occupe désormais la vingtième place selon un think-tank britannique. De même, les inégalités en matière de santé augmentent. Les chiffres publiés par l’Insee en 2018 montrent un écart d’espérance de vie de treize ans entre les 5 % des hommes disposant des revenus les plus bas et les 5 % des hommes aux revenus les plus élevés. Les chiffres relatifs à la protection contre le risque de chômage sont tout aussi alarmants : entre 2006 et 2010, 50 % des demandeurs d’emplois étaient indemnisés par l’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (Unedic) contre 36 % en 2022. L’organisation Oxfam estime que cette même année, près de 40 % des personnes au chômage étaient pauvres. Quant aux services publics médico-sociaux et de santé, ils sont absolument exsangues. Enfin, l’offensive contre le Sécurité sociale s’est aussi manifestée par une attaque contre un de ses principaux piliers : le salariat et le salaire socialisé. Le surgissement du travail des plateformes, ainsi que les formes de salariat déguisé sur lesquelles il repose, a eu pour conséquence de priver des centaines de milliers de travailleurs de leur droit à une protection contre le risque de chômage, de vieillesse ou d’invalidité. De plus, d’après le Haut conseil du financement de la protection sociale, ce travail dissimulé a fait perdre à la Sécurité sociale au moins 6 milliards d’euros en 2021. Les dispositifs de “partage de la valeur” plébiscités par le Gouvernement représentent une perte de recettes croissante pour la sécurité sociale qui atteignait près d’1,7 milliard en 2021. Toutefois, malgré ce contexte de puissantes offensives contre notre modèle social, ce dernier a su, à chaque crise traversée par notre pays, démontrer son efficacité et sa nécessité en tant qu’amortisseur social. Ce fut notamment le cas pendant la crise économique de 2008-2009 et, plus récemment, pendant la pandémie du covid. C’est donc particulièrement en temps de crise que la Sécurité sociale a démontré qu’elle est l’outil de protection sociale le plus abouti.

Pour toutes ces raisons, il apparaît indispensable d’inscrire la Sécurité sociale dans la Constitution. Conformément à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, la Constitution a vocation à assurer  la  « garantie  des droits ». Concernant le « droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence » de l’alinéa 11 du Préambule de 1946, le Conseil constitutionnel est allé jusqu’à y consacrer des « exigences constitutionnelles » qui « impliquent la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale ». En effet, c’est par ces dispositions, listant les principaux risques susceptibles d’advenir au cours de la vie, que le constituant a institué cette réalité juridique qu’est notre système de sécurité sociale. Cependant, le Conseil d’État a considéré que ce principe de 1946 « ne s’impose à l’autorité administrative, en l’absence de précision suffisante, que dans les conditions et les limites définies » par la loi ou les conventions internationales incorporées au droit français. Quant à lui, le Conseil constitutionnel ménage au législateur un très large pouvoir d’appréciation dans la mise en œuvre de cette exigence sauf à la « priver de garanties légales ». À ce titre, il ne s’est pas opposé à l’institution de mécanismes de retraite par capitalisation, pouvant à terme se substituer à ceux par répartition et donc aux prestations des régimes obligatoires de base et complémentaires, sous prétexte que ces nouveaux mécanismes ne font que s’y ajouter. Ce principe de 1946, appartenant au bloc de constitutionnalité, n’apparaît donc pas pleinement garanti. Il souffre d’une protection incomplète qui nécessite d’être renforcée. Dès lors, introduire un nouvel article après l’article premier de la Constitution pour y inscrire notre modèle de Sécurité sociale lui conférerait une assise constitutionnelle et une protection juridique à la hauteur des attaques dont elle fait l’objet.

La Sécurité sociale est notre principale institution de solidarité nationale en ce qu’elle repose sur un principe unique de mutualisation des risques et d’une redistribution assurant une égalité de traitement entre tous, selon la doctrine : de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins. Il s’agit d’une exception française qui répond aux principes de notre République indivisible, laïque, démocratique et sociale tel que l’article premier de la Constitution la définit. Si nos concitoyens demeurent viscéralement attachés à la Sécurité sociale c’est parce ce qu’ils en mesurent sa modernité, d’ailleurs enviée à travers le monde. En des temps de grande incertitude sociale, économique et environnementale, graver la Sécurité sociale dans le marbre de notre Loi fondamentale constitue plus que jamais une nécessité. Tel est le sens de cette proposition de loi constitutionnelle.