«La fracture. Comment la jeunesse d’aujourd’hui fait sécession: ses valeurs, ses choix, ses espoirs» de Frédéric Dabi

NOTE DE LECTURE PAR JEAN-PIERRE BASSET.

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Dans la complexité du monde, Frédéric DABI directeur général opinion de l’IFOP vient d’écrire LA FRACTURE comment la jeunesse d’aujourd’hui fait sécession. A l’origine, en 1957, L’Express et l’IFOP réalisent une enquête auprès des 15/29 ans, publiée sous le concept de «nouvelle vague» inventé à cette occasion. Dans les 10 ans qui suivent  ce sondage est reproduit puis un peu oublié. Il est repris en février 2021 avec une trentaine de questions déjà posées dans le passé, les autres en lien avec l’actualité. Deux lignes de fractures sont analysées : la rupture des moins de 30 ans  avec l’ensemble des autres français sur la plupart des grands enjeux politiques culturels et sociétaux. Une 2e fracture se repère au sein de la génération des moins de 30 ans. En 1999, 82% des jeunes croyaient à l’importance d’un idéal dans leur vie, en 2021, ils ne sont plus que 42%, perte de 40%.

Dans le positionnement social, les 2/3 des 18/30 ans  se vivent comme appartenant  aux classes moyennes inférieures, populaires ou défavorisées. La pandémie COVID a amplifié le sentiment de déclassement. Et 34% seulement de cette catégorie d’âge partage l’idée d’avoir une influence  sur les destinées  de la France, soit 25% de moins qu’en 1999. L’enquête révèle aussi le recul, voire la disparition de l’idéologie libertaire de 1968 de rejet de l’autorité, de rupture avec les structures familiales. En 2021 la notion «d’autorité» recueille 62% de connotations positives,  supérieure  à l’ensemble des français, 60%. On trouve même 34% de ces jeunes français qui adhèrent à l’idée que l’armée puisse diriger le pays.

Clivage interne à la jeunesse, 73 et 67%  des jeunes déclarant appartenir aux catégories privilégiées ou aisées plaident pour un chef de l’Etat débarrassé de tous obstacles et contre- pouvoirs. Dans les catégories moyennes inférieures ou défavorisées ils sont encore 40 et 45% à approuver cette éventualité. D’autres signes d’un effondrement idéologique apparaissent. Par exemple seule une minorité (47% des 18/24 ans, 49% des 25/30 ans considèrent comme essentielle l’existence  de «corps intermédiaires» comme le syndicalisme. Les phénomènes observés lors des attentats (Charlie, Bataclan) ou de l’exécution de Samuel Paty sont longuement décortiqués. Se confirme l’emprise nouvelle de la religion, portée par l’islam politique. Désormais c’est 30% des 18/30 ans qui affirment que les règes et normes érigées par les religions devraient prévaloir sur les lois de la République. La majorité des 18/30 ans délégitime le principe républicain de laïcité et plus d’un lycéen sur deux (52%) est désormais  favorable au port de signes religieux ostensibles à l’école,  interdit depuis  la loi de 2004. Sur «Travail et Enteprise» (un long paragraphe aussi)  le clivage s’estompe avec le reste de la société. Mais cela me parait une circonstance aggravante sur fond de l’effondrement idéologique de la lutte des classes et de montés de l’influence Le Pen/RN  chez les salariés.

L’auteur aborde aussi les présidentielles 2022 en rappelant  qu’en 1981 la seule catégorie «sociodémographique»  où Georges Marchais était arrivé en tête  était les 18/24 ans  avec 24% (15,5 ensemble des français) et 23% Giscard, 22% Mitterrand. En 1988, André Lajoinie recueillait encore 2% de plus des 18/24 ans que de l’ensemble des électeurs. Au chapitre Le Pen il faut aussi constater une inversion : si les 2/3 des électeur RN se situent dans une attitude de rejet des autres partis, les moins de 30 ans, eux, envisagent le vote Le Pen à la présidentielle 2022 par adhésion. Au final, 21% seulement des 18/30 ans se positionnent «à gauche». L’ensemble est inquiétant. Il faut donc lire cet ouvrage. La bataille politique sera longue.