L’établissement français du sang est un service public moderne répondant aux besoins des patients dans un cadre non marchant innovant. J. P. Basset nous en montre les succès, mais aussi les difficultés liées aux politiques de réorganisation mises en place par les pouvoirs publics sous la pression de l’industrie privée.
Pour cause de COVID le bilan 2019 de l’EFS n’a été publié que fin octobre 2020. Si on pose la question au public : à quoi servent les transfusions de sang? la réponse est presque toujours “à traiter les hémorragies après les accidents de la route”. La réalité est toute autre :
– 40% des transfusions sont destinées aux maladies du sang dont Drépanocytose et Thalassémie. Mais aussi les leucémies dont les malades reçoivent le plus souvent jusqu’à 50 transfusions avant que n’intervienne la greffe. On connait un cas à 421 transfusions après deux échecs de la greffe.
– 30% sont utilisées après les traitements de cancers. Les Chimios détruisent les cellules cancéreuses, mais dégradent aussi les cellules hématopoïétiques de la moelle osseuse qui ne produisent plus assez de Globules rouges et de Plaquettes. Il faut alors transfuser.
– 20% sont utilisées lors d’interventions chirurgicales lourdes, transplantations, prothèses, ainsi que lors d’accouchements (hémorragies de la délivrance).
– tous les accidents confondus, de la route, du travail ou domestiques utilisent 5% des transfusions.
En 2019, 530 980 patients ont reçu 3 044 777 “produits sanguins labiles”, concentrés de globules rouges, plasma thérapeutique ou plaquettes. Cela a été possible grâce aux prélèvements de 2 925 422 poches dont 2 487 230 dons de sang total, 338 284 aphérèses plasma, 99 636 aphérèses plaquettaires, le reste en combinaisons. Il y a aussi eu 271 dons de granulocytes. Les prélèvements autologues, de soi même pour soi-même, sont en voie de disparition, 12 en 2019. Par ailleurs, 897 735 litres de plasma ont été fournis au LFB pour la production de médicaments dérivés du sang. Pour cela 1 610 173 donneurs de sang se sont mobilisés dont 52,6% de femmes et 47,4 d’hommes. Le rapport s’est inversé en 2008 et l’écart grandit depuis. Le système fonctionne majoritairement (1 971 688 dons) grâce aux collectes mobiles organisées dans les salles municipales, universités, lycées et entreprises par les 2850 associations de donneurs de sang bénévoles regroupées dans une fédération nationale la FFDSB. En 2020 la situation s’est compliquée avec la pandémie COVID: toutes les collectes d’entreprises, lycées et facultés ont été suspendues. Les tentatives de relance dans les lycées ont été des échecs. Le système reste donc fragile. Mais les associations, en réelle coopération avec le service public, font face malgré les contraintes imposées par le risque de contamination COVID, qui ne se transmet pas par le sang. Il faut noter qu’un nombre considérable d’interventions chirurgicales ont été reportées, contribuant au détriment des patients à maintenir un haut niveau du stock, qui doit être de 12 jours.
La délivrance des produits sanguins est assurée par 148 sites EFS dont 103 sont ouverts 24h/24, 365 jours/an, la plupart étant dotés d’un labo d’immunohématologie qui répond instantanément aux demandes d’analyses complémentaires formulées par des médecins hospitaliers. La Guyane et Mayotte où il n’est pas possible de réaliser des dons de sang pour cause de risques multipliés de contaminations sont respectivement fournies par les EFS de Guadeloupe et de La Réunion.
La Biologie médicale et transfusionnelle a atteint 491 millions d’actes en 2019, dont 157 millions en lien avec le système HLA, en particulier destinés aux greffes de moelle osseuse pour le registre de France Greffe de Moelle géré par l’Agence de Biomédecine. L’EFS dispose aussi de 17 unités de thérapies cellulaires, de 5 plateformes de thérapies innovantes où “nous savons produire des CAR-T cells” indiquait M. François Toujas président de l’EFS lors de son audition par la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale le 22/9/2020. Mais note le rapport d’activité page 19, une fois prélevées les cellules “sont expédiées aux États-Unis ou la modification génétique est réalisée“. Cela montre la gravité des carences dont la santé publique de notre pays est victime : recherche insuffisante, financement public défaillant. Mais aussi des incohérences, la filiale “Biotechnologies” du LFB ayant été vendue à Novartis, alors que le gouvernement aurait dû imposer une coopération EFS/LFB.
Les questions de contrôle qualité et de sécurité tiennent une grande place dans l’activité de l’EFS. Chaque site départemental compte un médecin chargé de “l’hémovigilance”, avec un coordonnateur régional. En 2019, 218 “incidents indésirables graves des donneurs” ont été recensés par 100 000 dons (83,73% étant de simples malaises vagaux). 9175 “incidents indésirables receveurs” ont aussi été relevés. Deux décès imputables à la transfusion sont survenus sur des patients âgés qui présentaient “une pathologie cardiovasculaire sous-jacente”. En 2019 où est intervenue une innovation, l’inactivation des pathogènes des plaquettes par le procédé “IA Amotosalem”, aucune infection bactérienne n’a été observée. Mais le coût de ce progrès, 29 millions d’euros, a aggravé le déficit de l’Établissement public déjà victime la même année de l’application de la TVA imposée par l’Union européenne soit 70 millions d’euros.
Je pense que les citoyens devraient se mobiliser, à la fois pour donner régulièrement leur sang quand ils sont en bonne santé, mais aussi pour défendre et promouvoir l’Établissement public en même temps que les principes éthiques. Je pense aussi que le rôle de l’EFS et de notre système transfusionnel est sous-estimé. En France, en 2019 on disposait de 4613 unités de produits sanguins par tranches de 100 000 habitants. Le Soudan l’un des pays les moins développés disposait, selon une étude de l’OMS publiée en 2019 par le Lancet, de 46 unités pour 100 000 habitants aussi. L’OMS précisant, dans la même étude, qu’en Afrique subsaharienne une femme sur 37 meurt pendant l’accouchement, contre une sur 6500 dans les pays européens.