Les prochaines élections départementales et régionales vont se dérouler après un épisode de pandémie virale, la Covid 19, que nous n’avons jamais connu en France comme dans le monde. Il a pu mettre en évidence l’inadéquation de notre système de santé, tant en soin, qu’en recherche et santé publique. Il a prouvé l’importance d’associer les collectivités territoriales à l’organisation des soins et de la prévention, liée au social. Il a mis en valeur l’impérieuse nécessité d’un Pôle publique du médicament, au regard de l’appétit des multinationales pharmaceutiques, rendant plus que jamais nécessaire la gratuité des masques comme des vaccins, biens communs universels. L’importance de ces questions de santé, dans ces deux prochains scrutins, n’ont pas échappé à la Droite, qui tente de focaliser son discours sur un discrédit des ARS (Agences Régionales de Santé), en oubliant de rappeler que R. Bachelot, fondatrice de la loi HPST (Hôpital Patient Santé Territoire), était et reste des leurs. Le moment est venu, lors de cette campagne des départementales et des régionales d’exiger que les enseignements en soient tirés.
La territorialisation: une donnée politique forte
Définir une politique de santé ne peut être mené sans se poser la question des territoires et de leur pertinence. Des années 80 à aujourd’hui, le cadre législatif n’a cessé d’évoluer pour réduire drastiquement les dépenses publiques de santé, pour diminuer la prise en charge socialisée de ses dépenses par la Sécurité sociale au seul bénéfice du patronat, poussant à la privatisation de la prise en charge hospitalière et médico-sociale. Des Observatoires régionaux de santé (ORS) au milieu des années 1980 à la loi hospitalière de 1991, instituant des Schémas régionaux d’organisation des soins (SROS), la région devenait le territoire pertinent en matière d’organisation de la santé, crédo européen. En 1993, le rapport Santé 2010 a anticipé le schéma des actuelles Agences Régionales de Santé. En 1996, le Plan Juppé s’en est directement inspiré pour créer des agences régionales de l’hospitalisation (ARH), qui relayent au niveau régional la politique nationale de restructuration hospitalière.
Parallèlement au souci manifesté par l’Etat de régionaliser les politiques de santé, les autres acteurs du système de santé n’ont pas toujours su, pu ou souhaité investir l’échelon régional. Les élus régionaux ont souvent montré quelques réticences à l’égard d’une décentralisation sanitaire, volontiers perçue comme un élément d’inégalité entre régions. Depuis, se sont mises en place les Agences Régionales de Santé (ARS) avec la loi HPST en 2010, confirmées par les Lois de santé Touraine et Buzyn, en les élargissant au champ ambulatoire, faisant du territoire un cadre politique de la santé. Notre système s’est ainsi reconstruit autour de l’Hôpital et de la Région, le territoire devenant la variable primordiale de la recherche d’efficience et de maîtrise des dépenses de santé, notamment par le biais de la planification sanitaire.
Parallèlement, les élus se sont vus retirer tout pouvoir, de même que les usagers et les professionnels de santé ou leurs organisations syndicales. Comme seul échelon possible d’expression, la Loi Bachelot a mis en place un simulacre de démocratie, les Conférences régionales de la santé et de l’autonomie (CRSA) censées avoir un rôle majeur à jouer dans la démocratie sanitaire en région. En réalité, les CRSA, qui ne bénéficient d’aucune allocation budgétaire autonome, ne sont associées ni en amont à la définition du cahier des chargesde la politique de santé régionale, ni en aval à l’analyse des résultats et son évaluation. Rien n’est prévu en ce qui concerne la possibilité concrète d’auto-saisine et la faculté de commanditer des études spécifiques, par exemple.
Pour nous, l’organisation administrative régionale de la santé doit reposer sur une organisation politique et citoyenne de la Région, redonnant pouvoir politique aux élus, aux usagers et aux professionnels du champ de la santé, sous l’égide d’Assises régionales de la santé, structure d’expression de la démocratie sanitaire régionale. Ce sont elles qui doivent faire remonter les besoins des Conseils territoriaux de santé implantés et organisés dans les départements à l’échelle d’un bassin de vie, travaillant à l’offre, donnant des orientations sur les besoins à l’échelon administratif régional. Dans ce bassin de vie, nous devrions pouvoir compter sur un hôpital de proximité, tel qu’il existait avant Mme Buzin. Nous pourrions à nouveau retrouver tout à la fois, une maternité, un service de réanimation (qui a fait tant défaut pendant la COVID 19), de la chirurgie (avec des blocs), des urgences, la psychiatrie de secteur, la pédiatrie. Le tout aux côtés d’un centre de santé pluriprofessionnel ouvert à la prévention et d’un équipement médico-social.
Ces Assises régionales de la santé seraient, ainsi, dotées d’une direction régionale de la santé, structure administrative qui aurait pour objectif, en lien avec la politique de santé nationale et le Ministère de la santé, de mettre en œuvre la politique de santé ainsi définie régionalement. Elle serait, en outre, la structure ressource à l’élaboration de cette politique régionale. Elle serait l’administration développant les moyens financiers régionaux sanitaires et sociales, des capacités d’appui et d’ingénierie au service des échelons territoriaux en infra. Elle mettrait ses moyens à disposition d’un territoire pour accompagner ses projets et apporterait sa plus-value aux acteurs de terrain. Elle se déclinerait départementalement. Cette réorganisation à l’échelon régional nécessiterait une redéfinition et un renforcement de la place des élus locaux dans les dispositifs de suivi de l’emploi et de la formation des professionnels de santé et médico-sociaux. Les élus, déjà très engagés dans l’aménagement de leur territoire, dans l’accompagnement de leurs mutations, doivent pouvoir exercer une réelle influence sur les politiques de la santé, en lien avec l’Etat. Ils doivent pouvoir veiller à la définition de la politique de santé à l’échelle régionale.
Ensemble, élus, citoyens, professionnels de la santé et du médico-social, représentants syndicaux, responsables universitaires et médicaux, représentants de la médecine de ville comme de l’hôpital et du médico-social, associé à un fort secteur de santé publique, doivent pouvoir établir leurs Schémas régionaux de politique de santé. Ainsi nous sortirions des SROS (schémas régionaux d’organisation des soins), aujourd’hui outils de gestion et de délivrance d’autorisations d’activité ou de restructurations rythmées par les seuls outils financiers. Les Régions et territoires ont besoin de vrais projets avec une vue d’ensemble des besoins, de l’évolution de l’offre et de leur service rendu en fonction de la demande, qui ne soient pas régies par de simples statistiques. Il en est ainsi des structures sanitaires ou médico-sociales insuffisamment sécurisées.
Ce maillage territorial reposerait sur une nouvelle organisation rendue indispensable de par l’évolution de la démographie médicale et l’ampleur des inégalités sociales et territoriales.
C’est pourquoi, il nous faut:
- imposer l’arrêt des regroupements / restructurations en cours et toute fermeture d’établissements et / ou services,
- exiger un plan national d’embauche, de titularisation, de formation, de réorganisation des services dans une ampleur exceptionnelle,
- exiger un plan de sauvegarde budgétaire des hôpitaux, mettre fin à la T2A (la tarification à l’activité), l’effacement total de la dette et un plan de sortie de tous les emprunts toxiques.