Brèves du cahier n°35

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Des choix non éthiques

Martin Hirsch, professeur d’éthique médicale à l’université Paris-Saclay dès mars 2020 expliquait dans Le Figaro les dilemmes moraux que devront affronter les médecins lorsque afflueront les patients les plus gravement atteints par le coronavirus. «L’arbitrage des choix en réanimation dans un contexte de ressources limitées, et au regard de leurs conséquences en termes de vie ou de mort, ne saurait relever de la seule responsabilité des médecins. Nos aînés en sont désormais informés: ce sont notamment des critères d’âge qui déterminent en Italie le choix inévitable entre ceux que l’on réanime ou ceux que les médecins renoncent à réanimer faute de dispositifs suffisants». Il justifiait que la décision soit politique. Bilan aujourd’hui: plus de 10000 morts dans les Ehpad abandonnés sans soins adaptés, sans même la moindre chance d’hospitalisation. Les vieux comme variable d’ajustement de notre système de santé déficitaire, ce n’est pas éthique. La pénurie organisée, ce n’est pas éthique: c’est une grave faute politique.

5% des français détiennent un tiers du patrimoine

En 2018, les 1% des Français les plus riches possédaient 16% du patrimoine brut de l’ensemble des ménages, selon une étude de l’Insee publiée en décembre 2019 au moment où démarrait l’épidémie de Covid. Les 10% de ménages les plus aisés disposaient d’au moins 607700 euros d’actifs alors que les 10% les plus modestes possèdent au maximum 3.800 euros chacun, soit 160 fois moins. Quant aux 1% de ménages les mieux dotés, ils possèdent au moins 1941600 euros de patrimoine brut. Les revenus du capital ont fortement augmenté depuis 30 ans, plus vite que les revenus du travail comme le montre une étude de la revue scientifique de l’Insee, «Economie et statistiques».

La retraite à points en Allemagne a accru la pauvreté des personnes âgées

Selon Eurostat, en 2018, 19% des Allemands de plus de 65 ans sont en risque de pauvreté, ce qui est davantage que la moyenne de la zone euro, qui est à 17,4%. Surtout, c’est trois points de plus qu’en 2009. À titre de comparaison, en France, le taux de personnes en risque de pauvreté chez les plus de 65 ans est de 9,9%, alors qu’il était de 13,4% en 2009. Outre-Rhin, la question de la pauvreté des retraités est au cœur du débat politique et a conduit à la correction d’un système de retraite à points qui, combiné aux réformes néolibérales du marché du travail, est à l’origine du phénomène. En mêlant flexibilisation extrême du marché du travail, modération salariale et mesures d’économies sur le système de retraite, les gouvernements allemands ont fait du système à points une machine à créer massivement de la pauvreté. Alors l’Allemagne est-elle le modèle à suivre au moment où le gouvernement veut installer son système de retraite à point en France?

Un hôpital de Saône et Loire abandonne la chimiothérapie jugée trop coûteuse

Il s’agit de l’Hôtel-Dieu du Creusot. Les patients doivent désormais parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour être soignés. C’est une convention avec l’hôpital privé du groupe Ramsay qui jusque-là préparait les doses de médicament qui a été remise en cause du fait d’une augmentation de 80% des tarifs. “Très clairement, le groupe Ramsay a voulu ponctionner l’Hôtel-Dieu du Creusot et le groupe SOS Santé pour faire exploser ses profits. Et je le dis très clairement : nous n’avons pas vocation à combler le manque ou l’insuffisance de profits du groupe Ramsay“, a déclaré Mickaël Munier, directeur général du groupe SOS Santé, cité par le site d’information creusot-infos.

L’Assurance-maladie a raté l’occasion de se faire rembourser des millions par Sanofi

Alors qu’elle réclamait plus de 115 millions d’euros au géant de la pharmacie du fait d’agissements anticoncurrentiels, le tribunal de commerce de Paris a rejeté sa demande, au motif que l’action engagée était prescrite. Ahurissant.

44% des Franciliens ont déjà renoncé à des soins

Le Parisien – Aujourd’hui en France et la Cosem, association qui compte six centres de santé en Ile-de-France dont certains accueillent les urgences, se sont rapprochés pour créer avec l’institut Ipsos un baromètre des patients et de la santé en Ile-de-France. Ce sondage a été réalisé entre le 25 octobre et le 8 novembre 2019 sur la base d’un échantillon de 1102 personnes de 18 ans et plus, résidant en Ile-de-France et représentatives de la population. Pour plus d’un sondé sur deux (54%), depuis cinq ans, se soigner est devenu «plus difficile». À tel point que 44% du panel assure avoir déjà dû renoncer à des soins. Pour plus de 40% d’entre eux, ce renoncement est lié aux délais d’attente pour rencontrer un professionnel de santé. Ils évoquent principalement le refus du médecin de prendre un nouveau patient, la difficulté à trouver un praticien disponible le soir ou le week-end et les délais pour un rendez-vous chez le spécialiste.

Masques: ce que recommandait Santé publique France en 2019

Un milliard de masques! C’est le besoin estimé par l’Agence nationale de santé publique, en mai 2019, en cas de pandémie grippale affectant 30% de la population. Dans le document retrouvé par Santé & Travail, les experts recommandaient aussi de constituer des stocks minimaux, avec un système de distribution simple. Les scientifiques ont alors estimé qu’en cas de pandémie, le besoin «est d’une boîte de 50 masques par foyer, à raison de 20 millions de boîtes en cas d’atteinte de 30% de la population». Les auteurs recommandent plutôt «de constituer un stock minimal à renouveler, l’objectif étant que ce stock puisse tourner pour être utilisé dans les établissements de santé et médico-sociaux un an avant leur péremption». Ils spécifient également que celui-ci «doit être positionné au plus près des utilisateurs, avec un processus de distribution simple et lisible dans la communauté». Le gouvernement est resté sourd.

Le financement des services de soins palliatifs a baissé de 30% en 2019

Les baisses de moyens et de dotations sont visiblement de rigueur dans tous les secteurs… y compris ceux que l’on souhaiterait voir épargnés au regard de leur rôle et de leur vocation. Il en est ainsi des services de soins palliatifs: dans l’Aude, les financements de l’ARS ont diminué de 30% en 2019… alors même qu’ils étaient déjà en baisse de 10% en 2018. Les soins palliatifs sont en régression partout en France. L’épidémie de la Covid 19 montrera le désastre de cet abandon par les pouvoirs publics. Il nous faut reconquérir une logique qui réponde aux besoins humains plutôt qu’à la logique financière.

Pauvreté et opiacés

Une étude menée en France par des chercheurs de l’Université libre de Bruxelles montre que la lutte contre la précarité réduit la consommation d’antalgiques opiacés. La pauvreté incite-­t-­elle à consommer davantage de médicaments opiacés? Ou ces antalgiques entraînent­-ils certains patients dans une spirale d’addiction et de déclin? Pour la première fois, des économistes se sont penchés sur le cas de la France, et pour eux la première hypothèse est la bonne. Selon leurs calculs, l’augmentation du taux de pauvreté de 1% dans un département se traduit par une augmentation de 10% de médicaments opiacés. En 2015, près de 10 millions de Français, soit 17% de la population, avaient reçu une prescription d’opioïdes. Et certains veulent rendre libre la vente de cannabis…

L’épidémie de Covid 19 creuse les inégalités dans le monde

A la crise sanitaire, politique et sociale, il faut ajouter celle du développement humain, alertent les experts du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) dans leur rapport, rendu public mercredi 20 mai. L’indice de développement humain (IDH) connaît un «déclin rapide et sans précédent» du fait de la crise du coronavirus, notent les auteurs. Par ailleurs selon des projections du FMI, le nombre de personnes vivant dans une extrême pauvreté devrait augmenter de 40 à 60 millions et le monde pourrait compter entre 14 et 80 millions de personnes sous-alimentées supplémentaires.