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Une bonne retraite, c’est nécessaire et c’est possible. Non au recul de l’âge de départ.

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NDLR : nous donnons ici pour information le texte issu de la réflexion du groupe de travail du Pcf sur les retraites et validé par les instances nationales.

Dans la vie de tous les jours, quand il est question des retraites, et alors qu’un Français sur deux et les trois-quarts des 50-64 ans ont déjà effectué une simulation sur leur âge de départ à la retraite, deux questions sont le plus généralement posées : « Quand pourrai-je prendre ma retraite, à quel âge ? » et « Quel sera le montant de ma pension ? »

La jeune génération ne se pose le plus souvent aucune des deux ; tout comme les travailleurs ubérisés. Quand ils se projettent et qu’ils imaginent ce que pourrait être leur vie après le travail, ils doutent de la possibilité de bénéficier de notre système de retraite qui doit garantir « un niveau de vie satisfaisant, sécurisé et anticipé ». Quant aux retraités, beaucoup d’entre eux s’inquiètent de l’évolution de leur pension dans les années à venir. La population française refuse à une très forte majorité  (les 3/4) le recul à 64 ou 65 ans de l’âge du départ à la retraite. Concernant les sujets de plus forte préoccupation, l’avenir du système social (santé et retraite) arrive en troisième position (26 %) derrière le pouvoir d’achat (54 %) et la protection de l’environnement (34 %).

Des néolibéraux aux socio-démocrates

Trente mois après l’échec de la précédente réforme des retraites, imposée par un 49.3 en février 2020 puis suspendue en mars avant d’être définitivement enterrée, Emmanuel Macron a ouvert son second quinquennat par une nouvelle offensive. Elle n’est plus « systémique » mais « paramétrique » alors qu’il n’avait cessé de dire, lors du premier quinquennat, qu’une réforme des retraites ne devait pas se faire sur des critères budgétaires. Il affiche une fermeté pour un recul de l’âge de départ. Il veut un recul progressif de 4 mois par an, aboutissant à 65 ans en 2031, avec une application dès 2023 pour les personnes qui peuvent prétendre à un départ en retraite l’an prochain (génération 1961). Emmanuel Macron et son gouvernement avancent sur un terrain qu’ils savent hautement explosif. Avec quels objectifs prioritaires ?

Politiquement, Emmanuel Macron veut poser un acte d’autorité, vis à vis de sa propre majorité relative, et vis à vis du pays tout entier et prendre date sur son ambition de redevenir un président « réformateur ». Il veut aussi rassurer les marchés financiers et la Commission européenne sur la trajectoire de son programme de stabilité avec de nouvelles limitations des dépenses publiques et sociales. Certes, il communique sur une « nouvelle méthode », pour davantage « d’écoute », de « diagnostics partagés », de « partenariats »… Mais il veut entraîner, et rapidement, sur une injonction : travailler plus et plus longtemps pour relancer l’économie du pays, pour dégager des ressources nouvelles tout en réalisant des économies sur la dépense publique. Nous relions la contre-réforme des retraites avec celle de l’assurance-chômage, de Pôle-emploi, de la formation professionnelle. Ces différents chantiers dessinent une opération de grande envergure contre le monde du travail.

Ainsi, il faudrait « allonger le temps de travail pour assurer l’équilibre financier de notre système de retraite », « travailler plus car l’espérance de vie augmente », « travailler plus pour vivre mieux en finançant des politiques publiques ». Nous récusons l’argument démographique : pour les 40 années à venir la part des plus de 65 ans devrait certes augmenter de 25% mais selon les prévisions officielles les richesses créées devraient augmenter de 60% en euros constants. Le travail va donc continuer à être plus efficace chaque année. La question est donc : pour nourrir les profits faut-il épuiser ceux et celles qui travaillent ? Macron feint de plaider pour les budgets de la santé, de l’environnement, de l’éducation, du grand âge et de la sécurité. Mais comment faire croire que les économies potentiellement réalisées par un recul de l’âge légal seront en mesure d’assurer le financement d’un tel périmètre de politiques publiques ? Et d’autant plus quand le recul de l’âge de départ, par exemple de 62 à 64 ans, aurait comme conséquence un supplément de dépenses sociales hors retraites de 7,2 milliards par an. En mélangeant sans vergogne, les budgets sociaux et le budget de la Nation, le macronisme poursuit une offensive idéologique qui bascule dans une étape inédite. Quand on veut à ce point voler les mots, les héritages, à commencer par celui du Conseil National de la Résistance, c’est que l’affrontement de classes est plus que jamais d’actualité. En face, ils veulent en finir et dire « adieu à 1945 ». Il s’agit là de la promesse d’un immense jackpot pour les assurances privées. À n’en pas douter, c’est un projet néolibéral, un projet de combat, idéologique avec des dimensions autoritaires, avec sur le dossier des retraites, la volonté de faire travailler plus et plus longtemps, pour exploiter cette force de travail jusqu’à l’épuisement, alors que ce sont les gains de productivité réalisés après la deuxième guerre mondiale qui ont permis les progrès de notre système de retraite. Macron porte un projet vraiment antisocial.

Méthode et calendrier du projet macronien

L’exécutif a finalement opté pour un « cycle de concertations » avec un bilan avant Noël, pour adopter un projet de loi avant la fin de l’hiver, et une mise en œuvre de la réforme au début de l’été 2023. Il a renoncé à introduire le recul de l’âge légal de départ via un amendement gouvernemental au PLFSS 2023 qu’il est passé en force avec le 49.3. Les enquêtes d’opinion indiquent qu’une très forte majorité dans le pays ne veut pas d’un tel passage en force, la méthode a été très vivement dénoncée par les partenaires sociaux et au sein même de l’alliance macroniste, avec un Bayrou alertant sur les risques de l’autoritarisme. Le pouvoir présente le recul de l’âge légal comme un élément non négociable, non discutable. Comment alors engager une négociation, ouverte aux onze organisations syndicales et patronales siégeant au COR, en voulant imposer, avant même les premiers échanges, le recul de l’âge de départ ?

Quant au calendrier, les trois cycles thématiques devraient être bouclés à la mi-décembre -soit trois semaines par blocs de question-, puis le gouvernement mettrait sur la table des « conclusions formalisées » qui serviraient de base au projet de loi déposé dans la foulée au Parlement. Mais l’exécutif peut ressortir un amendement lors d’un PLFSS rectificatif début 2023 accompagné d’un nouveau 49.3… Si une motion de censure est votée, E. Macron a menacé d’une dissolution immédiate.

L’étatisation des régimes sociaux pour écarter les partenaires sociaux de la gestion des ressources, comme la confusion nourrie par l’exécutif entre budget de la Nation et budgets sociaux, sont trop peu évoqués dans les commentaires journalistiques, c’est pourtant un sujet essentiel.

Le calendrier proposé veut installer l’idée d’une urgence à réformer notre système de retraites. Pourquoi une telle précipitation ? Le système, actuellement excédentaire (900 millions en 2021 et 3,2 milliards en 2022, soit 0,1 point de PIB) pourrait enregistrer un faible déficit (de 0,5 à 0,8 point de PIB) jusqu’en 2032. Le véritable objectif est de réduire les dépenses publiques. Le COR indique que les dépenses de retraites sont dans une dynamique sous contrôle. Mais il note aussi qu’elles ne semblent pas compatibles avec les engagements que le gouvernement a inscrits dans le programme de stabilité (juillet 2022) avec l’objectif de limiter l’augmentation des dépenses publiques, et donc de faire baisser la part de ces dépenses dans le PIB. Or, si la part des dépenses de retraites dans le PIB serait stable, selon le COR lui-même, elle est beaucoup trop élevée pour tenir les engagements auprès de Bruxelles. Le calcul est simple : alors que la part des retraités dans la population augmente, refuser d’augmenter la part de PIB pour les retraites signifie programmer leur appauvrissement. C’est une rupture avec notre système de retraite qui doit garantir « un niveau de vie satisfaisant, sécurisé et anticipé ».

Riposte et unité syndicale

Dans une déclaration commune datée du 4 octobre, l’intersyndicale interprofessionnelle demande au gouvernement de préciser ses intentions, ses éléments de diagnostics, la méthode de concertation et ses objectifs. Attachées au système par répartition, les organisations syndicales veulent des concertations « loyales et transparentes pour plus de justice sociale » et celles-ci doivent « porter sur les dispositifs de carrière longue, de pénibilité et d’usure au travail, de transition emploi retraite et de fins de carrière, d’emploi des séniors, de minimum retraite, de financement du régime et d’égalité femme/homme ». La déclaration commune rappelle qu’un salarié sur deux arrivant à l’âge de départ à la retraite n’est déjà plus en activité. Toutes mesures d’âges ne feraient que précariser encore les futurs travailleuses et travailleurs.

Pour le PCF, une réforme des retraites est nécessaire. La vie à 64, 65 ans et plus…

Aujourd’hui, un très grand nombre de personnes vivent de plus en plus dans une situation précaire dans cette période charnière qui va de la fin de l’emploi au départ en retraite. Les employeurs se séparent des séniors et embauchent difficilement au-delà de 50 ans. Et dans la situation actuelle, faire travailler plus longtemps les seniors ne crée pas d’emploi supplémentaire. Par contre, comme l’écrit le COR, cela peut avoir comme conséquence une augmentation du chômage des jeunes, un accès plus difficile à l’emploi pour les chômeurs et les femmes.

En termes de santé, d’espérance de vie, de taux d’emploi, comment vivent les Français à cet âge qui pourrait devenir la nouvelle frontière entre activité et retraite ? 64 / 65 ans, c’est l’âge où arrivent les premières pathologies, les premières comorbidités, les premiers décès d’amis du même âge. C’est l’apparition des premières incapacités. Dans ce tableau général, les inégalités sociales donnent à voir une situation très sombre. Parmi les 5% les plus pauvres dans la population française, un quart est déjà décédé avant 62 ans. Un quart encore des hommes les plus pauvres ne peut espérer aujourd’hui vivre à la retraite plus de 10 ans. Alors avec un âge de départ à 65 ans, c’est deux ou trois ans de moins pris dans ce temps où la fin d’une vie est quasiment concomitante avec la fin de la vie au travail. Il faudra dire ce qui est bien plus qu’une brutalité, qu’une violence sociale. Pour les plus fragiles dans notre société, ceux qui ont connu les métiers les plus difficiles, les moins valorisées et rémunérés, ceux qui terminent avec le corps cassé et la tête explosée, les quelques années à la retraite ne seront plus qu’un compte-à-rebours en accéléré. Il ne s’agit pas ici de situations marginales, il est question de millions de personnes, qui n’auraient qu’une retraite in extremis.

Il nous faut poser avec force cette question de civilisation.

Au XXIe siècle, la retraite ne doit pas être un couperet entre une période où le capital exploite les personnes comme on presse un citron et une période où les personnes âgées sont tenues à l’écart de la vie sociale. L’âge de la retraite doit devenir un moment où, comme tout au long de la vie, chacune et chacun, aura la possibilité de développer pleinement ses capacités de participer activement à la vie sociale, politique et culturelle, d’enrichir les autres de son expérience et de s’enrichir des échanges avec eux. Une bonne retraite, avec de meilleures pensions et une nouvelle place des personnes âgées dans la société fait partie de notre projet de société où « le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous ».

La retraite à 64 ou 65 ans serait une régression et une injustice pour de très nombreuses personnes. Un exemple : dans notre pays, une salariée sur quatre exerce dans les métiers du soin et du lien. Il en a été beaucoup question de ces femmes lors de la crise sanitaire. Elles, les essentielles des métiers qui le sont tout autant. Elles qui, malgré les engagements pris sur le « monde d’après-Covid » ne sont toujours pas prise en considération, qui subissent les bas salaires, des mauvaises conditions de travail, la pénibilité et aussi la perte de sens du travail. Pour elles, la réforme Macron serait une atteinte de plus. De trop. La France de 2030, c’est des aides-soignantes dans les couloirs des hôpitaux jusqu’à 65 ans ? Pareil pour les aides à domicile, les personnels dans les Ehpad ? Et pour quel niveau de pension ? Dans leur vie professionnelle, les femmes subissent de nombreuses contraintes au travail qui, non seulement ne permettent pas de construire une carrière dans de bonnes conditions, mais qui en plus privent le monde du travail de compétences, de talents et de forces considérables. Si le taux d’emploi des femmes et leurs rémunérations étaient égaux à ceux des hommes, le PIB de la France ferait un bon de 6,9 % !

Les grands principes

Avant d’aborder notre projet alternatif pour une bonne retraite, une retraite universellement juste, il est utile de rappeler ici quelques grands principes. Les retraites sont un bien social commun dans la filiation directe du Programme des jours heureux du Conseil national de la Résistance. C’est de cela dont le macronisme, la droite et l’extrême-droite ne veulent pas. Les ressources de la protection sociale et des caisses de retraites sont celles qui sont créées par ceux qui travaillent. Le capital seul ne crée aucune richesse sans le travail humain. Et l’État lui-même ne redistribue à la population que ce qu’elle lui a donné. Le droit à la retraite est un pilier du pacte social, un droit à une nouvelle période de vie dégagée des contraintes du travail prescrit, une période nouvelle libérée de la nécessité et ouverte sur des potentialités de libre activité. Une population en bonne santé, qui a du temps libre et qui peut bénéficier de ressources correctes quand l’âge de la retraite arrive est un élément clé de la société pour son développement. Les retraites ne sont donc pas une charge sociale mais un outil de Sécurité sociale tourné vers le progrès. Les retraités participent à la vie de la société et y apportent une contribution indéniable. Leur sort est le reflet du développement de notre civilisation. Il dit là où nous en sommes et le chemin que nous voulons prendre.

La retraite constitue donc un droit pour chaque personne. Les cotisations qu’elle a versées tout au long de sa vie professionnelle ne sont pas un titre de propriété sur une part de capital soumis aux fluctuations du marché et aux éventuelles faillites mais bien un droit protégé et garanti par la nation, selon le principe « de chacun selon ses capacités à chacun selon ses besoins ». C’est pour cela que nous sommes contre toute évolution vers une retraite par capitalisation telle que le proposait encore récemment Macron avec son système « à points ». Le mouvement social puissant et rassemblé l’a fait reculer. Nous sommes contre la fiscalisation qui lierait les retraites et la situation aléatoire des finances publiques. Nous nous prononçons pour un système de retraite par cotisations, sécurisé et pérenne. Pour cela le mieux est un système universel, démocratique – c’est à dire géré par les cotisants eux-mêmes – et solidaire. Ce système ne doit laisser personne sur le bord du chemin. Les régimes spéciaux doivent servir de point de repère pour améliorer la situation de tous. La pénibilité doit enfin être reconnue, évaluée et prise en compte réellement. Il faut revaloriser immédiatement les retraites les plus basses. L’âgisme qui repousse les personnes âgées hors de la société doit être combattu.

C’est donc une nouvelle étape qu’il faut franchir. Il faut s’attaquer aux inégalités sociales par rapport à la vieillesse. L’égalité de salaire homme / femme est une urgence. Il faut établir un fonctionnement économique qui assure aux femmes une continuité de carrière en résorbant ce système haché qu’elles vivent aujourd’hui. Allons vers une société libérée du chômage et non pas un chômage résiduel à 5% comme Macron le propose aujourd’hui. En effet le développement du chômage et des emplois précaires est au cœur de la montée des inégalités sociales, des bas salaires, de la pauvreté et de la crise du financement des retraites. Une articulation nouvelle entre une politique de la retraite et une sécurisation de l’emploi et de la formation est à mettre en place.

Une nouvelle conception de la protection sociale doit être mise en avant. La protection sociale conçue comme un marché est une impasse. Les pressions permanentes pour réduire le rapport salaires / valeur ajoutée au profit de cette dernière doivent cesser. Et les exonérations de cotisations patronales toujours plus importantes, supprimées. L’Europe néolibérale comme cadre politique et économique doit revoir sa copie. Ce qui vient de se passer en Suède, puis en Italie est une nouvelle alerte sur l’urgence à changer de cap. Enfin, l’inflation qui refait surface et abaisse les niveaux de vie doit être maitrisée car elle est en 2022 l’outil majeur du recul relatif des pensions et de la baisse du niveau de vie. Il faut donc une indexation sur les salaires et le niveau d’inflation pour garantir les retraites.

Le financement des retraites, c’est un problème de recettes et pas de dépenses. Dans la continuité des politiques d’allègement du prétendu « coût du travail » mises en œuvre depuis trente ans, le Gouvernement actuel a organisé l’assèchement des ressources de la Sécurité sociale, en créant de nouvelles exonérations de cotisations sociales sans les compenser aux caisses concernées pour un montant de 3 milliards d’euros par an. Au total, les politiques d’« allègements sociaux » grèvent les finances publiques de 66 milliards d’euros chaque année pour une efficacité jamais démontrée.

Une bonne retraite

Une réforme pour une bonne retraite est possible et nécessaire. Le programme présidentiel des « jours heureux » proposait une loi pour rétablir la retraite à 60 ans à taux plein avec une pension à 75 % du revenu net d’activité. Dans le privé sur les 10 meilleures années ; pour le public, un droit d’option la plus favorable entre les dix meilleures années de salaires avec les primes, ou les six derniers mois de traitement indiciaire ; un départ à 60 ans avec une pension à taux plein garanti pour une carrière d’activité, allant de 18 à 60 ans, avec une prise en charge des cotisations pour les périodes de non travail  (chômage, formation, études à partir de 18 ans, congé parental, maladie, invalidité) ; des départs anticipés pour les personnes exerçant des métiers pénibles ou ayant des carrières longues.

En février 2020, Pierre Dharréville et le groupe à l’Assemblée nationale ont déposé une proposition de loi « pour une retraite universellement juste ». Cette PPL, qui sera redéposée, présente « un système à prestations garanties, fondé sur la solidarité intergénérationnelle qui assure un taux de remplacement (rapport entre la pension et les salaires) élevé et prévisible pour tous dès le début de carrière. Elle envisage de mieux reconnaître le travail et la qualification qu’il requiert, en prenant en compte dans la carrière complète les périodes de formation (initiale comme continue). Elle harmonise vers le haut les droits à la retraite des différents régimes en se fixant à terme de mettre en œuvre l’ambition originelle de la Sécurité sociale : l’élargissement du régime général dans le respect des spécificités des métiers et des sujétions de service public. Dans ce cadre, le régime général serait étendu en intégrant les régimes complémentaires des salariés du privé (Agirc‑Arcco) et des contractuels de la fonction publique (Ircantec). Le régime spécifique des fonctionnaires serait maintenu et amélioré avec la possibilité de prendre en compte les primes dans le calcul de la pension et le relèvement des droits familiaux. Elle s’inscrit dans l’objectif de réduire le temps de travail prescrit. Ce principe implique de garantir un vrai temps de retraite en bonne santé et donc d’abaisser l’âge de départ au‑dessous de l’espérance de vie en bonne santé. Ce projet de loi poursuit l’objectif de corriger les inégalités présentes dans le monde du travail en prenant mieux en compte les écarts de salaires, les carrières courtes et les interruptions d’activité. Il crée des droits nouveaux en matière de reconnaissance de la pénibilité pour résorber les inégalités d’espérance de vie et garantir au plus grand nombre un départ en bonne santé. Il assure un haut niveau de solidarité en relevant le minimum de retraite, en reconnaissant les périodes de chômage et de formation, et en valorisant les périodes d’implication familiale (maternité, paternité, aide à un proche en perte d’autonomie).

Il garantit des ressources suffisantes au profit du système des retraites en réaffirmant la place essentielle de la cotisation sociale tout en élargissant l’assiette de financement. Ces ressources seront encore plus importantes si nous mettons en place toutes les conditions économiques pour créer de nouveaux emplois, augmenter les salaires et appliquer réellement l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Ce sont autant de moyens d’accroître les rentrées de cotisations sociales et d’assurer la pérennité de notre modèle de protection sociale. Enfin, il renforce les pouvoirs des salariés en accordant un rôle central aux organisations syndicales salariales représentatives en matière de gestion et de pilotage. Fermement opposés à l’étatisation de la protection sociale, nous estimons que le principe de participation des travailleurs est le corollaire de l’objectif d’unification des régimes et d’harmonisation des droits.

Nous ne pouvons présenter ici de manière exhaustive l’ensemble des articles qui structurent la proposition de loi. Rapidement les éléments-clés déclinés en trois objectifs constituent les trois titres du texte : garantir un bon niveau de vie des retraités actuels ; améliorer les droits contributifs et solidarités de notre système de retraite par répartition ; et consolider son financement grâce à une meilleure répartition des richesses produites. Sur le second objectif, la PPL propose de fixer à 60 ans l’âge légal de départ en retraite. Les premiers assurés concernés seraient les personnes nées en 1960. En conséquence, tous les dispositifs légaux qui permettent des départs avant l’âge légal sont désormais déterminés par rapport à cette nouvelle référence de 60 ans. Ainsi, il sera possible de partir à 58 ans à taux plein avec le dispositif « carrières longues » pour les personnes qui ont commencé à travailler avant 20 ans, et à 55 ans au titre du niveau « dispositif pénibilité » que nous proposons. Cette PPL abaisse la durée d’assurance nécessaire pour atteindre le taux plein. Alors que le système actuel prévoit que la durée de cotisations atteindra 43 ans à compter de la génération 73, nous proposons de fixer cette durée à 40 ans pour mieux refléter les durées réelles d’activité, tout en reconnaissant, par la validation de trimestre, les périodes d’études après 18 ans, d’alternances, de stages rémunérés ainsi que les périodes de chômage indemnisé et non-indemnisé. Nous proposons à moyen terme de supprimer le critère de durée d’assurance pour le calcul de la retraite pour retenir seulement la notion de carrière complète. Ce changement implique que toutes les périodes d’activité professionnelle, d’études, de formation et « d’inactivité » subie, comprises entre l’âge de 18 ans et de 60 ans, seraient valorisées pour garantir le droit à la retraite. Seules les périodes « d’inactivité » choisies pour convenance personnelle par le salarié ne seront pas alors validées au titre de la retraite. Le droit à une retraite pleine et entière dès l’âge de 60 ans deviendra alors accessible à tous les salariés sans exception sous la seule condition d’être resté « actif » au sens défini de leur sortie du cycle d’études secondaires jusqu’à l’âge de 60 ans . Enfin nous vouons créer crée un nouveau dispositif de pénibilité afin de garantir un départ à la retraite anticipé à ceux qui ont été exposés pendant une certaine durée à des conditions de travail pénibles au cours de leur carrière. Pour assurer un temps suffisant de retraite en bonne santé, il permet aux travailleurs concernés de partir à l’âge de 55 ans, contre 60 ans dans le système actuel, en appliquant la règle suivante : cinq années passées dans un métier pénible donnent droit à un an de départ anticipé. Cet article renvoie à des négociations au sein de chaque branche professionnelle, le soin de déterminer les métiers et les emplois pénibles. De manière dérogatoire, des droits supplémentaires pourraient aussi être accordés aux travailleurs ayant occupé des métiers exceptionnellement pénibles. En outre, il est prévu que les organisations syndicales engagent une négociation nationale interprofessionnelle tous les cinq ans pour adapter le dispositif de reconnaissance de la pénibilité à l’évolution des emplois et des conditions de travail. Cette PPL traite des périodes de référence, des décotes, du minimum de cotisations nécessaires pour valider un trimestre, du dispositif de retraite progressive, des droits familiaux, des aidants, du minimum de retraite pour une carrière à 100 % du Smic net, des règles de réversion.

La bataille du financement

Pour une telle réforme, il faut dépenser plus pour les retraites. C’est nécessaire et c’est possible, et il faut en faire méthodiquement la démonstration avec des propositions claires et précises. La bataille du financement est véritablement centrale. Commençons par tordre le cou à deux idées fausses qui servent à cadenasser le débat et à en limiter la portée en termes d’alternatives :

  • La première est mise en avant par le pouvoir : l’état des finances publiques exigerait que les Français « fassent des efforts », une série de sacrifices sur leurs retraites. En réalité, le système économique capitaliste a été capable de supporter un doublement des dépenses de retraites en proportion du PIB entre 1960 et 1980. Il ne peut plus le supporter aujourd’hui parce qu’il est en crise. Pour maintenir la rentabilité du capital, ils n’ont pas d’autres choix que de tenter de réduire non seulement les salaires mais aussi le financement des services publics, et celui de la Sécurité sociale.
  • L’autre idée fausse est de suggérer qu’il n’y aurait pas de problème de financement des retraites. Ce n’est pas le cas. Il faut bien prendre les mesures des mutations qui sont en train de se produire, en accéléré, sous l’effet d’un cumul de crises, sanitaires, climatiques, économiques, financières, politiques. Le statu quo est donc impossible. Et il n’est pas souhaitable.

Pour un départ à 60 ans pour tous, avec 75% du dernier salaire et après 40 ans de cotisations prenant en compte les années d’études, il faut un grand débat public national permettant de faire la lumière sur l’ampleur des ressources financières pour la mise en œuvre d’une réforme progressiste des retraites. Un départ effectif à 60 ans implique une forte augmentation du nombre de personnes à qui il faut servir une pension, et le calcul du montant des pensions sur une base favorable augmente le montant global des pensions à verser. Différentes autres dispositions de notre réforme (reconnaissance de la pénibilité, prise en compte des années d’études dans la durée de cotisations, égalité femmes-hommes en matière de retraites comme en matière de salaires) conduisent également à relever le montant global des dépenses de retraites. Les différentes évaluations disponibles, d’origines syndicales et autres, convergent pour admettre que cela correspondrait à une augmentation des dépenses de retraites à terme d’au moins 100 milliards d’euros par an, soit quelque 4% du PIB.

Nous proposons donc de consacrer une part accrue des richesses au financement des retraites mais il y a aussi bien d’autres dépenses publiques à développer pour réponse aux besoins. Il faut donc une part du gâteau plus grande pour les salaires, pour la Sécurité sociale et pour les services publics. Mais toutes ces dépenses ne peuvent être compatibles entre elles que si le « gâteau » est plus gros est surtout s’il est fabriqué avec une recette sociale et écologique, et non selon la recette capitaliste qui ne vise que le taux de profit le plus élevé pour les actionnaires et les financiers.

Pour le dire autrement, la réforme des retraites que nous proposons, associée au financement de politiques publiques et sociales ambitieuses, ne peut être réalisée seulement en changeant la répartition des richesses. Cela exige de changer la façon de les produire. Une autre gestion des entreprises, axée sur le développement le développement de l’emploi et de la formation, permettrait d’aller vers l’éradication du chômage en commençant par créer, en cinq ans, 5 millions de vrais emplois dans les entreprises et dans les services publics, et d’engendrer des gains d’efficacité économique gigantesques par l’accès de tous à des formations professionnelles librement choisies et rémunérées au même niveau que les salaires.

Si, au cours de la même période, la part des richesses consacrées aux salaires et au financement de la Sécurité sociale revenait à son niveau d’avant la libéralisation financière des années 1980 (par la hausse des salaires et par la suppression progressive des exonérations fiscales et sociales dispensées au patronat par les gouvernements successifs depuis 1993), l’effet combiné de ces mesures et de l’augmentation de l’emploi et de la valeur ajoutée augmenterait de quelque 260 milliards d’euros les ressources disponibles pour le financement de la Sécurité sociale. Ce serait assez pour financer un système de retraites digne du XXIe siècle tout en sortant le système de santé de sa misère actuelle.

L’objectif d’une éradication, à terme, du chômage par la voie d’une sécurisation de l’emploi et de la formation (SEF) pour toutes et tous est ainsi à la fois un objectif majeur de notre programme, et la clé économique de sa réalisation. Le principal obstacle, c’est le comportement des entreprises et des banques. Toutes leurs décisions sont dominées par la logique du capital (profit et accumulation). Nous proposons la conquête de nouveaux pouvoirs des salariés dans les entreprises sur les décisions d’embauche, d’investissement, de recherche, de financement. Et des leviers d’action sur les entreprises pour les pousser à viser une production efficace de richesses utiles à l’ensemble de la population, et non les profits financiers et la baisse du coût du travail pour augmenter la rentabilité du capital.

Deux mesures sont centrales dans notre projet de financement des retraites :

  • D’abord un prélèvement sur les revenus financiers des entreprisespour les dissuader de placer leurs profits en titres financiers et les pousser à les utiliser, plutôt, pour des investissements porteurs d’emplois et d’efficacité économique. Les revenus financiers des entreprises ont atteint 385 milliards d’euros en 2021, dont 98 milliards d’intérêts et 231 milliards de dividendes. Si ces revenus étaient soumis à un prélèvement au même taux que celui des cotisations patronales vieillesse sur les salaires, cela rapporterait à la Sécurité sociale 40 milliards d’euros la première année. Toutefois, l’effet attendu de cette mesure est une réduction des placements financiers des entreprises, et donc des revenus qu’elles en tirent. Le produit de ce prélèvement est donc appelé à fondre avec le temps. Il serait progressivement remplacé par les ressources nouvelles dégagées d’une création de richesses accrues et des salaires distribués à partir de ces richesses.
  • Nous proposons de moduler les cotisations patronalespour agir sur les entreprises et changer leur relation à l’emploi. Les exonérations de cotisations dont bénéficie le patronat seraient progressivement supprimées. En outre, à partir d’un taux de base qui pourrait être plus élevé qu’aujourd’hui, le taux de cotisation sociale employeur serait augmenté pour les entreprises dont la part du total salaires et dépenses de formation dans la valeur ajoutée diminue, ou augmente moins que la moyenne de leur branche. Les autres entreprises bénéficieraient du taux normal. L’incitation à accroître les salaires tendrait à augmenter la base des cotisations en valeur ajoutée produite et leur assiette salariale ; et donc la masse des cotisations.

Deux autres leviers d’action sur les gestions d’entreprises concourraient au même résultat :

  • Une modulation du taux de l’impôt sur les sociétés en fonction du respect par les entreprises de critères précis en matière économique (création de valeur ajoutée en économisant le capital matériel et financier), sociale (emploi, formation, salaires) et écologique (économies d’énergie et de matières premières).
  • Et une réorientation du crédit bancaire et de la politique monétaire pour faire baisser l’influence des marchés financiers et le coût du capital, et pour favoriser les investissements porteurs d’emplois de qualité.

Au total, si les dépenses de retraites étaient augmentées de 100 milliards d’euros au bout de cinq ans, elles passeraient de 14 % du PIB de 2020 à 16 % du PIB de 2025. La part de création de richesses consacrée aux retraites serait plus grande, mais ce ne serait pas au détriment des autres parts puisque les richesses augmenteraient elles aussi.

L’enjeu démocratique

Pour un véritable débat démocratique, partout dans le pays, le gouvernement doit retirer son projet, ne pas imposer en force et dans l’urgence un recul de l’âge légal et accepter d’ouvrir en grand ce débat de société, à la hauteur de ce qui a été réalisé en 2005 sur le Traité constitutionnel européen. Si le pouvoir ne retire pas sa réforme pour imposer un recul de l’âge de départ, le PCF propose que l’avenir des retraites soit décidé par un référendum. C’est au peuple de décider. Et c’est d’autant plus important que le débat sur les retraites est étroitement lié aux questions décisives de l’emploi, du travail, des conditions de travail et de son sens, des salaires, de la création et de la répartition des richesses. En août dernier, Fabien Roussel a mis sur la table la proposition d’un référendum sur l’avenir des retraites, proposition relayée par le groupe GDR à l’Assemblée nationale, via une motion référendaire. Cet objectif est désormais partagé par tous les groupes de gauche et écologistes. Cette motion permettra de suspendre la discussion du texte afin que soit organisé un référendum si le Sénat approuve cette exigence démocratique.

Notre campagne pour « une bonne retraite » et notre contribution à une dynamique unitaire

Nous proposons une campagne avec un mot d’ordre positif, une campagne pour « une bonne retraite ». Oui à une réforme mais pas celle pour un recul de l’âge de départ. Oui à une retraite à 60 ans mais rien ne sera possible sans une bataille de grande envergure pour son financement. Nous voulons mener une campagne positive, à l’image de celle de la présidentielle afin de donner à voir le modèle de société de progrès sous-tendu par notre réforme. L’idée est, au travers de la réforme des retraites, de démontrer l’affrontement entre deux projets, de deux visions pour la France et l’avenir de la société. Pour cela, nous proposons de mettre au cœur de notre campagne une idée forte : Une bonne retraite  est possible.

Nous lançons une campagne nationale d’affichage. A cette campagne d’affichage s’ajoute un site internet : https://unebonneretraite.fr qui appelle au référendum sur la réforme Macron et donne à voir les détails de nos propositions pour financer le droit à la retraite à 60 ans.

L’unité la plus large, du front syndical, des forces de gauche et écologistes est une condition  essentielle pour s’opposer à la contre-réforme Macron et la mise en oeuvre d’une réforme de progrès social. Comme nous l’avons fait il y a deux ans, sur le même sujet, nous soutiendrons et nous agirons pour donner le maximum de force à cette dynamique unitaire qui peut trouver des ressources citoyennes et populaires considérables.