L’image de l’Hôpital Public a évolué avec le Covid 19. Avant la pandémie, la grande majorité des usagers, malgré les mobilisations inédites des années 2018 et 2019, n’avait pas forcément pu prendre conscience ni de la dégradation profonde de l’hôpital, ni de son rôle fondamental en matière de santé publique. Pendant la pandémie, la situation catastrophique est apparue en grandeur réelle tant au point de vue de la capacité d’accueil que des moyens de fonctionnement, en lits, en personnel, en matériel. Chacun a pu se rendre compte du caractère essentiel de ce service public au regard de sa propre vie et de celle de sa famille et appréhender les difficultés et contraintes très fortes subies et supportées par son personnel, professionnels de santé ou autres. Et on a applaudi les soignants!
Ce livre montre très justement que l’image de l’Hôpital Public a été redorée par son personnel qui grâce à sa capacité d’initiative et d’organisation a sauvé la face de l’hôpital, lors de la pandémie. C’est dire à quel point les gouvernements successifs et leurs représentants ont failli! Depuis, la crise de l’hôpital, malgré les graves difficultés qu’elle a représenté pendant cet épisode covid, ne s’est pas ralentie bien au contraire, les mêmes recettes délétères ont continué à lui être appliquées. Une question se pose : jusqu’à quel point veut on aller ? Veut-on tuer l’hôpital public? De cette prise de conscience surgira-t-il une volonté collective de lutter pour sauver ce bien commun qu’est l’hôpital public, pour restaurer ses structures, développer son activité l’adapter au mieux aux évolutions actuelles et donc le «refonder»?
Ce livre, qui aborde de très nombreux aspects de la crise de l’hôpital public et ouvre des pistes de réflexion et d’action, est un des outils pour y contribuer. C’est une «mine d’or» qui balaie l’ensemble de notre système de soins à travers l’hôpital public en 3 parties:
- Des considérations générales abordant les racines et l’histoire de l’Hôpital, le poids du secteur public son utilité et son identité mise à mal dans les têtes aujourd’hui par les politiques libérales qui ont fait reculer sa proximité, l’ont déstructuré, concentré, privatisé, déconstruit à l’aide d’une «imposture sémantique» qui cache derrière des affirmations positives des attaques toujours plus grandes.
- Les défis de l’Hôpital public : Des transitions démographiques, épidémiologiques, écologiques et technologiques à la gestion des urgences, des inégalités sociales et territoriales, en passant par la question du vieillissement et du respect de la vie, de la confidentialité y compris transnationale des énormes banques de données que l’hôpital détient. Les liens indispensables qu’il faudra tisser entre les services et soins de ville et l’hôpital qui doit nécessairement s’ouvrir sur son territoire sont aussi abordés.
- Les ruptures qu’il faut opérer à la fois en interne et en terme d’orientation des politiques publiques, pour une qualité moins formelle et déshumanisante qui n’handicape plus la qualité réelle des soins, et pour mettre un terme à la privatisation de l’hôpital comme aux mises en concurrence avec le privé lucratif qui n’a ni les mêmes objectifs ni les mêmes contraintes et à la marchandisation du soin. Il faut réaffirmer les missions premières de l’hôpital public en matière de service public hospitalier, l’exonérer des taxes injustes qui l’étouffent et lui permettre de retrouver des financements à partir des besoins de santé de la population, à l’opposé des enveloppes fermées actuelles. L’hôpital public, service public essentiel doit pouvoir disposer de financements publics pour investir, au-delà des ressources de l’assurance maladie, il en a un besoin urgent. L’hôpital ne doit plus être la vache à lait des banques ou des actionnaires et à travers le partenariat public/privé. Pour faire face à la pénurie de personnel médical il faut former en nombre, enrichir les compétences et permettre à l’hôpital public de retrouver une attractivité en matière de recrutement par une revalorisation des statuts et des indices. Mettre fin aux prix exorbitants des médicaments innovants qui impactent fortement l’hôpital public et transforme les financements publics en sources de profits énormes pour la big pharma est tout aussi essentiel. Financer la «Sécu» à la hauteur des besoins actuels d’une population qui a augmenté en nombre et qui a vieilli est une question centrale en lien avec la nécessité de retrouver la démocratie sanitaire à tous les niveaux de décision. La période covid a bien montré l’importance de l’intervention des soignants. C’est aussi le meilleur moyen pour répondre aux besoins en rapprochant le peuple, les élus, l’hôpital public et son personnel..
Le livre conclut sur la proposition d’un plan d’urgence pour l’hôpital et les Ehpad qui «tire sa source dans toutes les analyses et propositions» qui y sont présentées. Un plan d’urgence, sans lequel l’accès aux soins risque d’être compromis pour un grand nombre de gens, et qui intègre notamment les emplois, les capacités d’accueil, la question des financements et de la dette la reconstitution des réserves hospitalières de matériel et la création sans tarder d’un pôle public du médicament, seul moyen pour permettre de reprendre la main sur ce secteur industriel stratégique. Qu’on se le dise il y a urgence à faire voter un PLFSS 2022 rectificatif!
À la lecture de cet ouvrage il est permis de proposer des pistes de réflexion complémentaires… par exemple :
– Appuyer plus fortement sur le lien direct entre les questions de l’autonomie du grand âge et celle des retraites. Certains aujourd’hui appellent sans vergogne les retraités à la solidarité avec les plus jeunes, c’est incohérent au regard du niveau des pensions actuelles mais c’est surtout insupportable, lorsqu’on leur laisse des restes à charge considérables pour assurer leur autonomie.
– Insister sur le respect de la personne qui doit être une préoccupation constante des politiques publiques et des établissements comme des personnels. L’enfermement des personnes en Ehpad pendant le covid les a sacrifié. Ceux qui ont vécu la situation en vivent encore le traumatisme !
– Il faut aussi développer la recherche et la formation comme le préconise l’OMS pour pouvoir dépasser la question de la prise en charge et permettre à chacun de rester citoyen quel que soit son âge ou son handicap.
– Concernant les questions qui touchent à la pénurie de professionnels de santé, pourquoi s’interdire de travailler à des pistes d’organisation comportant des obligations rétablies ou nouvelles. Lorsqu’il s’agit de questions qui impactent fortement la santé publique les professionnels du secteur, dont le revenu est sécurisé par des financements socialisés, doivent pouvoir accepter un certain nombre d’obligations. Cela peut concerner par exemple la gestion des urgences en ville ou une meilleure répartition, dans l’attente de la formation de générations plus nombreuses (ce qui prend du temps et on n’en a pas), des professionnels de santé sur le territoire comme entre secteur privé et secteur public, médecine libérale et salariée. Comme le disent les auteurs de cet ouvrage: «Tant que l’obligation ne sera pas contraignante sur le plan juridique et organisée la situation ne changera pas»
En conclusion, c’est un livre qui sera très utile à tous ceux, personnels soignants ou non, usagers, qui veulent bien comprendre ce qu’il faut faire pour retrouver l’hôpital dont nous avons besoin comme à tous ceux qui veulent être en mesure d’organiser des débats ou d’intervenir pour aider à sauvegarder, développer, refonder ce service public essentiel.