À propos de la note de lecture de septembre 2022 (N°42) sur l’Histoire de la médecine générale, de 1945 à nos jours ( coordonné par Yves Gervais, Editions Les Belles Lettres, 2022)
COURRIER DU DR YVES GERVAIS
Au Docteur Michel Limousin,
Cher Confrère,
Je tiens à vous remercier au nom de mes collègues pour votre lecture critique de notre livre sur l’histoire de la médecine générale, parue dans le numéro 42 de votre revue. Une saine critique est toujours bienvenue.
Comme vous l’avez très justement noté, il s’agit d’une histoire « purement professionnelle ». Ce choix délibéré, porté par une équipe constituée uniquement de généralistes ayant exercé à divers titres des responsabilités professionnelles, est incontestablement marqué par leurs parcours, dont le point commun est d’avoir œuvré à la réhabilitation de leur discipline, tant dans le domaine des rapports institutionnels que sur le plan des concepts[1] et de l’enseignement.
Cela dit, conscients du fait que le travail d’historien est un métier, nous avons, dès le début de notre projet, tenté d’en impliquer certains dans notre démarche. Mais cette recherche est restée vaine, notre sujet ne suscitant manifestement aucun intérêt, hormis de la part de Patrick Zylberman et Patrice Pinell[2], qui nous ont fait bénéficier de leurs conseils méthodologiques.
Aussi, ce travail est-il non seulement « purement professionnel », mais aussi, pourrait-on ajouter, « purement généraliste », s’agissant de la nature spécifique et longtemps mal identifiée de cette discipline. Il n’y a donc pas lieu d’y chercher ce qui n’entre pas dans ce sujet, même si nous ne prétendons pas à l’exhaustivité et admettons volontiers que divers compléments y auraient utilement trouvé leur place.
En particulier, la partie concernant l’histoire des centres de santé est réduite à neuf pages[3], en raison non pas d’un quelconque désintérêt de notre part, mais du fait de l’absence de contribution malgré nos sollicitations répétées, adressées à vos instances professionnelles[4]. Nous avons dû, avec regret, nous contenter sur ce point des apports bienvenus d’Emmanuel Vigneron, géographe de la santé ; mais peut-être n’avons-nous pas assez cherché ?
D’autre part, nous ne nous sommes pas autorisés à parler au nom des représentants d’usagers, dont nous n’avons pas perçu d’intérêt manifeste pour notre sujet. Le développement du rôle de leurs associations, certes de plus en plus important autour et à partir des années 2000, n’entrait d’ailleurs pas dans notre sujet. Il leur revient de s’en saisir, au sein ou au-delà de leurs préoccupations pour l’ensemble du système de santé.
Quant aux autres pratiques ambulatoires, préventive[5] ou sociale, elles n’entraient pas non plus dans notre sujet, dont vous avez parfaitement noté que la discipline généraliste est le seul objet.
Enfin, je crois lire dans les dernières lignes de votre propos une sorte de reproche, porté par la phrase « une médecine libérale empêtrée dans ses conflits internes, etc… ». Bien que le statut des généralistes en France soit de fait très majoritairement de type libéral, nous récusons tout parti pris de notre part sur ce point. Le bref commentaire sur l’héritage du libéralisme hérité de la charte de 1927 (pages 48-51) ne saurait être lu comme un plaidoyer en faveur de ce libéralisme, dont par ailleurs, dans de nombreuses pages de notre livre, les tenants les plus acharnés font l’objet d’appréciations critiques…
Au total, si l’on veut bien accepter les limites de ce livre, il est souhaitable de lire celui-ci comme une illustration de l’évolution d’une discipline médicale longtemps dépréciée et peu à peu réhabilitée dans le contexte où il lui a été donné d’exister, ceci sans aucunement se prévaloir d’une quelconque supériorité de tel ou tel cadre d’exercice, ni entretenir de vaines querelles de chapelle.
Que d’autres forces vives de la profession, celles des centres de santé, par exemple, apportent d’autres chapitres à cette histoire, serait particulièrement bienvenu.
À propos des droits fondamentaux des personnes accueillies en Ehpad
COURRIER DE NATHALIE VERMOREL
Bonjour,
Je souhaite réagir à l’article de Nadine Khayi, « Réforme des retraites et handicap » publié dans le N°44.
J’ai fait toute ma carrière en tant qu’assistante sociale dans un régime de Sécurité sociale, la MSA et je travaillais principalement avec nos équipes médicales pour les salariés en difficulté de santé dans l’emploi. Je souhaite apporter des rectifications et précisions sur quelques aspects techniques insuffisamment documentés de l’article. Je précise cependant que je partage tout à fait la philosophie du texte.
- En ce qui concerne l’invalidité , celle ci comporte deux niveaux d’indemnisation à 30 ou50% (pas 60 ) du salaire annuel moyen. Pour les personnes qui sont mises en invalidité par le médecin conseil alors qu’elles sont dans l’emploi ( ou en arrêt maladie) il existe des pensions complémentaires des régimes de prévoyance obligatoires qui complètent la pension d’invalidité de la sécurité sociale. Selon les garanties du contrat de prévoyance, cela peut aller jusqu’à garantir le versement de l’équivalent la totalité du salaire. C’est un élément très important d’où la nécessité d’une orientation du salarié vers un service en capacité de reprendre avec lui ses droits de façon personnalisée. C’est pourquoi un travail commun entre médecin du travail, médecin conseil et assistante sociale autour du salarié avait cours dans ma Caisse de MSA et les salariés en étaient très satisfaits.
- Lorsqu’une personne bénéficiaire d’une pension d’invalidité part à la retraite à l’âge légal son dossier ouvre droit automatiquement à la validation d’une carrière complète et d’une retraite à taux plein, ( 50% de la moyenne des 25 meilleures années) quel que soit le nombre de trimestres cotisés. Pour les non titulaires d’une pension d’invalidité, la personne qui établit son dossier de retraite à l’âge légal peut demander une étude “au titre de l’inaptitude” si elle n’est plus en mesure de travailler sans compromettre sa santé ou si elle est en situation d’incapacité permanente d’au moins 50%. Le médecin conseil de sa caisse devra statuer. À l’avenir il faudra remplacer 62 par 64 ans. Donc deux ans de plus à vivre avec une pension d’invalidité ou travailler avec une santé défaillante. La prise en compte de 25 meilleures années au lieu de 10 est le véritable problème. En effet lorsqu’une carrière est hachée par des arrêts maladie, l’indemnisation de ces arrêts ne rentre pas dans l’assiette de calcul des cotisations vieillesse. Or c’est cette assiette ( le salaire brut) qui sert de référence aux 25 meilleures années. Sur 25 ans, on a plus de risques d’être en arrêt maladie que sur 10. Par conséquent les assiettes des années d’arrêt maladie vont être plus faibles et la retraite également. Autre effet de la mise en invalidité: la perte ou la réduction des cotisations de retraite complémentaire.
- Il existe en fait trois types de retraite pour raisons de santéjusqu’à présent :
– la retraite pour handicap dés 55 ans destinée aux travailleurs handicapés quasiment depuis l’enfance
– la retraite pour inaptitude à l’âge légal ( 62 et maintenant 64 ans ) que je viens de préciser ci dessus
– et la retraite pour incapacité permanente d’origine professionnelle dite “pour la Pénibilité” dès 60 ans
Elle est sollicitée dès 60 ans en cas de taux d’incapacité d’au moins 20% dans le cadre d’une maladie professionnelle ou d’un accident de travail. Elle est accordée à taux plein quel que soit le nombre de trimestres validés. Si le taux est compris entre 10 et 20% , le dossier va être étudier selon des critères plus restrictifs pour l’attribution : il faudra justifier de 17 années d’exposition aux risques professionnels et 17 années de trimestres réellement cotisés. Cette présentation est simplifiée. Cependant il faut retenir que le taux plein est garanti pour compenser justement les carrières hachées en cas d’invalidité, de maladie professionnelle ou d’accident de travail.
Je suis tout à fait d’accord avec Nadine Khayi pour dire que le passage de l’âge légal de 62 à 64 ans aura des conséquences lourdes pour les travailleurs handicapés ou en difficultés de santé dans leur emploi.
Je vous remercie d’avoir pris le temps de me lire. Je veux bien apporter mes quelques connaissances ponctuellement aux personnes qui écrivent dans la revue et auraient besoin de vérifier des points de législation ou autre.
Bien cordialement
Nathalie Vermorel
Réponse du Dr Nadine Khayi à Nathalie Vermorel
J’ai lu avec attention votre réponse à l’article des cahiers et je vous remercie des précisions apportées. Mon texte traduit l’expérience d’un médecin du travail souvent tiraillé entre les difficultés du salarié pour poursuivre son activité et les difficultés financières qui le conduisent à vouloir aller au-delà du possible.
Je partage votre remarque sur le travail pluridisciplinaire entre médecin conseil, assistante sociale et médecin du travail. Les coopérations sont effectivement capitales (et les précisions et corrections que vous apportées ne font que le souligner). Elles sont maintenant inscrites dans les textes pour les services de santé au travail. Toutefois cette coopération devient de plus en plus difficile quand les médecin conseils disparaissent du paysage (que ce soit en raison de départ à la retraite ou pour maladie : le burn out existe aussi dans ce corps de métier !).
Je voulais surtout souligner la « double peine » pour les personnes handicapées qui, en plus des difficultés du commun des mortels ajoute les difficultés pour la retraite liées aux difficultés majorées dans le travail. Vous évoquez les complémentaires qui complèteraient la pension en cas d’invalidité mais dans les TPE il n’est pas rare que ces contrats soient minimalistes et ne prennent pas en charge ces cas. Les salariés se trouvent alors avec la pension de base.
Vous évoquez la pénibilité avec la validation de 17 années d’exposition. Or, dans l’ensemble des entreprises que j’ai eu à connaître en 20 ans de carrière, je n’ai pas le souvenir d’une seule qui réponde aux critères de pénibilité règlementaires. Pour les AT/MP, le taux de 20% d’IPP n’est pas très fréquent et relève pratiquement d’une impossibilité totale de retrouver du travail. Pour les personnes ayant des difficultés sans être dans l’impossibilité de travailler, je ne vois rien qui compense ou répare cette perte vis-à-vis de la pension de retraite. Si un taux plein est garanti, c’est une retraite diminuée généralement par les difficultés du travail pour les personnes handicapées.