Résumé :
Les auteurs demandent une nouvelle politique capable de « renverser la table » d’un système de santé à bout de souffle. Un véritable Plan “Marshall” pour les Services Publics de Santé doit être mis en place avec un service public territorial de santé de proximité.
Abstract :
The authors call for a new policy capable of “turning the table” on a health system that is running out of steam. A real “Marshall” Plan for Public Health Services must be put in place with a local local public health service
Dans une tribune récente, la question était posée : “Lorsque la puissance publique ne parvient plus à offrir des soins, quel risque prend-on à renverser la table ? “. Face à l’effondrement des services publics de santé (hôpital public, médecine scolaire, médecine de prévention etc), face à la crise des soins de ville dans tous les territoires, il y a en effet urgence. Il s’agit moins de renverser la table (elle l’est déjà) , mais de la remettre sur des bons pieds avec des mesures concrètes, immédiates et de rupture. Il est temps d’entamer enfin la reconstruction de notre système de santé. Et les Centres de Santé de Service Public devront être au cœur de cette refondation.
La situation actuelle est alarmante : hausse continue des besoins de santé, manque criant de professionnels de santé dans tous les secteurs , organisation du système de santé défaillante et toujours plus illisible pour les usagers comme pour les professionnels, poids des corporatismes qui freine toute tentative sérieuse de transformation du système. L’exercice libéral, le paiement à l’acte, les dépassements d’honoraires et les négociations conventionnelles mono-professionnelles ne font que reconduire pour la médecine de ville les mêmes recettes qui ne permettent pas de répondre aux besoins de santé des citoyens ni aux nécessités du terrain. Pire, l’absence d’un véritable service de santé public de santé de proximité aggrave les inégalités sociales et territoriales de santé.
Un Plan “Marshall” pour les Services Publics de Santé
Alors que faire ? En premier lieu, un plan “Marshall” pour les services publics de santé est indispensable et urgent : établissements de santé, médico-sociaux, centres de santé (CDS) publics gérés par des collectivités ou des établissements de santé publics, protection maternelle et infantile (PMI), et médecine scolaire doivent bénéficier d’un soutien massif de l’État associant revalorisation des carrières des professionnels de santé, embauches permettant le bon fonctionnement des services et financements à la hauteur de leurs missions de service public.
Un Service Public Territorial de Santé de Proximité
Au-delà, ce plan doit viser à reconstruire un système de santé fondé sur des principes de solidarité et d’égalité, d’accès à des soins de qualité pour tous mais aussi sur la création d’un Service Public Territorial de Santé de Proximité. Ce service articulera les centres de santé de service public avec les établissements publics de santé, les centres médico-psychologiques (CMP), les PMI, les services de santé scolaire, et tous les autres professionnels de santé qui souhaiteront y participer. Le tiers payant généralisé et la suppression du secteur 2 en seront les obligations de base pour les acteurs du soin de ville.
Les centres de santé de service public, centres de santé publics ou de gestion non lucrative et engagés dans des missions de service public, auront une place centrale dans cette nouvelle organisation, car offrant des soins de proximité, gratuits et universels, et intégrant la prévention et l’éducation à la santé.
Vers un Nouveau Modèle de Financement
Pour réellement transformer notre système de santé, il est indispensable d’abandonner le financement à l’acte inflationniste, qui incite à la course à l’activité et au risque de soins et de prescriptions non pertinents. Une bascule doit s’effectuer vers des financements forfaitaires des équipes et structures engagées dans le Service Public Territorial de Santé de Proximité, à la capitation, pour des missions de santé publique et des missions d’intérêt territorial et général. Ils permettront de recentrer le travail des professionnels sur la qualité, la pertinence et la sécurité des soins, tout en répondant aux besoins des territoires.
Un statut pour les Centres de Santé de Service Public
Les Centres de Santé Publics n’ont aujourd’hui ni reconnaissance ni statut. Compte tenu de leur multiplication dans tous les territoires, la création d’un statut d’établissement public ambulatoire territorial est urgente pour les CDS publics. Ce nouveau cadre juridique doit offrir stabilité et reconnaissance à ces centres. De plus, la création d’un corps de fonctionnaires professionnels de santé pour les centres publics, ou au moins pour tous les centres de service public, d’un statut à l’exemple de celui des Praticiens Hospitaliers pour les médecins, dentistes et autres professionnels, est indispensable. Il renforcera l’attractivité des carrières et l’engagement des professionnels dans ces services publics de santé .
L’universitarisation des Centres de Santé de Service Public
Enfin, l’universitarisation des centres de santé de service public participant au Service Public de Santé de Proximité est une condition sine qua non pour assurer l’excellence et l’innovation dans les soins de proximité. Cela implique d’allouer les moyens nécessaires pour la formation continue, la recherche et l’évaluation permanente des pratiques et politiques publiques. Faire de ces centres de santé des lieux de formation et de recherche pluri-professionelle en soins primaires répondra de plus aux aspirations des jeunes professionnels de santé et favorisera leur installation dans les territoires
Alors, chiche, redressons la table ensemble, professionnels de santé salariés et libéraux, élus et usagers, mais dans le cadre d’un système de santé refondé, public et solidaire, en osant les ruptures nécessaires, en créant le maillon de base de ce système, le Service Public Territorial de Santé de Proximité et en soutenant la création et le développement de Centres de Santé de Service Public. Après des décennies de gestion néolibérale de la santé, qui a privilégié l’intérêt privé au détriment de l’intérêt général, redressons le système de santé autour des besoins des citoyens et des territoires, et redonnons-y à la puissance publique toute sa place .