Posées comme réponse à la crise de civilisation, « revenu universel d’existence » et « salaire à vie » sont-elles des options porteuses d’une véritable protection sociale du 21e siècle ? L’auteur de cet article considère que non. Si chacune aspire à sa manière à organiser un meilleur partage des richesses que celui défini par la régulation marchande, elles ne constituent en rien des points d’appuis pour intervenir sur les modalités de production de ces richesses instituées par le capital, et à l’origine de ces inégalités, ni pour formuler les conditions d’une organisation de la production et de la société qui assure à chacun la possibilité de son émancipation concrète du poids de la domination capitaliste. Or, c’est bien là le fond de la question d’une nouvelle sécurité sociale du 21e siècle. Quelle est son ambition ? S’agit-il simplement de répondre aux besoins sociaux dans les meilleures conditions possibles ? Ou s’agit-il, tout en répondant aux besoins sociaux, de créer les conditions d’une efficacité sociale nouvelle qui assure un dépassement du capitalisme ?
Abstract :
Posed as a response to the crisis of civilisation, are “universal subsistence income” and “lifetime salary” options providing real social protection for the 21st century? The author of this article considers not. If each aspires in its own way to organize a better sharing of wealth than that defined by market regulation, they in no way constitute points of support for intervening in the methods of production of this wealth instituted by capital, and at the origin of these inequalities, nor to formulate the conditions for an organization of production and of society which assures everyone the possibility of their concrete emancipation from the weight of capitalist domination. However, this is the essence of the question of a new social security for the 21st century. What is its ambition? Is it simply a matter of responding to social needs in the best possible conditions? Or is it a question, while responding to social needs, of creating the conditions for a new social efficiency which ensures an overcoming of capitalism?
« Le travail des marxistes est toujours “difficile”. Mais ce qui les différencie des libéraux, c’est qu’ils ne déclarent pas impossible ce qui est difficile. Le libéral appelle le travail difficile impossible afin de dissimuler le fait qu’il y renonce ».
I. Lénine
La crise économique qui frappe lourdement en approfondissant précarité et paupérisation de la société française, combinée à l’inefficacité désormais réelle de notre système de protection sociale, Sécurité sociale incluse, conduisent à faire naître des options de protection sociale nouvelles[1]. Que ce soit la question du maintien des revenus tout au long de la vie, ou celle des moyens de se nourrir, de se loger, …, la volonté qui émerge est de sortir des limites imposées par le cadre actuel de notre système de protection sociale, marqué par des décennies de réformes destructrices, et d’ouvrir de nouvelles pistes.
On peut distinguer deux grandes idées qui inspirent ces démarches, et dont les fondements théoriques ne sont pas exactement nouveaux, mais qui incarnent selon leurs promoteurs l’ambition d’être des alternatives ou des prolongements efficaces à notre système de protection sociale au sens large. La première est celle du revenu universel d’existence porté par une large partie du mouvement social et de la gauche politique, et la seconde est celle du salaire à vie mis au jour par Bernard Friot[2] et portée par une part du mouvement syndical et social.
Qu’est ce que le revenu universel ou revenu d’existence ?
Sans revenir sur le socle théorique originel du revenu d’existence, on peut résumer l’intention de ceux qui, à gauche, portent le revenu universel d’existence par l’idée que chaque individu, parce qu’il est un être humain, est en droit d’obtenir sans conditions de la société un revenu lui permettant de subvenir à ses besoins et de ne pas sombrer dans l’indigence, cela de la naissance à la mort, lorsqu’il est privé d’emploi ou même lorsqu’il souhaite ne pas travailler. Pour qu’elle soit efficace, cette proposition impose un revenu suffisant pour ne pas être indigent, à savoir un seuil monétaire au moins égal au seuil de pauvreté. Ce dernier étant défini par un montant mensuel égal à 60 % du revenu médian, ce revenu universel d’existence ne pourrait donc être inférieur à 1102 € en France.
Qu’est-ce que le salaire à vie ?
L’approche du salaire à vie diffère de celle du revenu d’existence. Pour Bernard Friot qui en est l’inventeur, le salaire à vie repose sur un principe : ce sont les hommes qui créent les richesses sociales par leur travail ; tous les revenus tirés de leur activité, qu’ils leurs soient directement versés ou indirectement versés (les revenus de la Sécurité sociale) sont donc du salaire qui rémunère leur travail. Il est légitime que tout le salaire leur revienne. B. Friot pose donc qu’il y a deux types de salaires : le salaire direct visible sur la fiche de paie en net et le salaire socialisé, celui issu de la Sécurité sociale, qui s’incarne dans la cotisation sociale. Dès lors, en élargissant le champ d’application de la cotisation sociale à l’ensemble de la production de richesses, à savoir en transformant tous les revenus tirés de cette production en cotisation sociale, B. Friot postule qu’il est possible de considérer que tout revenu est un salaire, dont le niveau doit être défini par un critère unique et inattaquable, qui ne peut être que la qualification du travailleur dont on ne sait pas précisément quel il lui donne. Ainsi, toute sa vie, un individu pourra bénéficier d’un salaire : lorsqu’il est étudiant parce qu’il est un travailleur en devenir qui se forme et cherche à se qualifier pour travailler, lorsqu’il est en emploi parce qu’il produit dans l’entreprise les richesses en fonction de sa qualification, lorsqu’il est retraité parce qu’il bénéficie de la part de cotisation sociale prélevée sur la production qui constitue sa pension de retraite calculée à partir de sa qualification. C’est l’idée du salaire à vie, dont le niveau est défini par la qualification individuelle et qui postule que chaque individu est un salarié, de sa formation jusqu’à sa retraite.
Fausses bonnes idées ?
Il est indéniable que ces idées séduisent par les implicites qu’elles portent. Se donner les moyens de sécuriser les revenus des personnes tout au long de leur vie afin de les empêcher de plonger dans l’indigence est une idée forte qui donne tout son attrait à l’idée de revenu universel ou de salaire à vie. Elle était à l’origine de la création de la Sécurité sociale et des politiques sociales en 1945-46, où le programme des « Jours Heureux » stipulait que la France devait se donner les moyens d’assurer à tous les travailleurs les moyens monétaires de leur subsistance et à ceux de leur famille lorsque les aléas de la vie les empêchaient de se les procurer par eux-mêmes. C’est ce qui justifia les allocations familiales pour tous, la prise en charge des dépenses de santé indépendamment des moyens des malades, la généralisation des pensions de retraite, mais aussi la volonté des ministres communistes de 1945-46 d’inscrire dans la Sécurité sociale la prise en charge des salaires lorsque les travailleurs étaient confrontés à l’arbitraire des licenciements et au chômage, comme de créer des conventions collectives qui permettaient alors de réguler les relations d’emploi dans l’entreprise, de reconnaître le rôle des organisations syndicales dans l’entreprise… Volonté qui fût combattue par les ministres gaullistes et une part importante de la classe politique, sociale et syndicale française.
Pour autant, ces idées sont-elles porteuse du socle pertinent d’une nouvelle protection sociale ? Rien n’est moins sûr…
D’abord, le revenu d’existence universel.
Techniquement, pour la France, le revenu universel d’existence dans sa conception de base impose de mobiliser rien de moins que 886 Milliards d’€ par an (1102€ multiplié par 67 millions de personnes sur 12 mois) ! Cela signifie qu’il faudrait mobiliser une masse monétaire de plus du 1/3 du PIB pour satisfaire le financement annuel de ce revenu d’existence ! Où trouver pareille somme si on ne la prend pas dans ce qui existe déjà ? Même en réorientant les aides aux entreprises (de l’ordre de 220 Mds d’euros par an) vers le revenu d’existence et en fiscalisant l’intégralité des dividendes versés (54 Mds d’euros pour le CAC 40 en 2021), on reste loin du compte. Techniquement, la mesure n’est pas réaliste financièrement. Sauf à prendre ailleurs sur la dépense publique ou sociale, ce qui viendrait alors à cautionner l’optique ultra-libérale du revenu d’existence en en faisant un outil contre les politiques sociales et la Sécurité sociale, ou sauf à réduire le montant du revenu d’existence et à le cibler sur certaines catégories de populations, ce qui lui ôterait alors son caractère universel et le transformerait en simple allocation.
Mais l’idée de ce revenu porte en lui une double contradiction bien plus grave. Formuler la possibilité d’un revenu d’existence universel financé par l’État sans l’accompagner avec la même vigueur, automatiquement et systématiquement, d’un appel à la lutte pour l’emploi et un salaire digne contre le chômage et la précarité, et donc contre la logique du capital qui conduit à ce que des personnes se retrouvent dans l’indigence sans possibilité de subvenir dignement à leurs besoins et à ceux de leur famille, est synonyme d’un renoncement au combat pour la dignité réelle des individus. Car il n’y a pas de sens à vouloir sortir les indigents de leur état par un revenu d’existence si l’on ne combat pas en même temps les causes économiques et politiques de cette indigence. Cela ne s’apparenterait qu’à de la charité, à savoir une action publique sociale visant à réparer les dégâts causés par la régulation marchande. Or bien souvent, la revendication à gauche de ce revenu d’existence universel répond précisément à l’acceptation implicite comme une réalité inéluctable du chômage et de la maîtrise par le capital des conditions concrètes de l’emploi et du marché du travail.
Ensuite, postuler que chaque individu est susceptible de bénéficier d’un revenu d’existence même lorsqu’il ne souhaite pas travailler soulève une vraie difficulté. Sa partie la plus visible est celle de l’acceptabilité sociale d’une telle proposition : pourquoi devrai-je supporter la contrainte d’un emploi et qu’une partie de la richesse que je m’échine à produire serve à rémunérer des personnes qui ne veulent pas se contraindre à travailler comme moi ? Avec des effets encore plus problématiques. La reconnaissance d’un droit à la paresse volontaire intégrale construit une division sociale majeure, qui diffère en nature de la division imposée par le capital avec le chômage. Là où l’exclusion sociale est imposée par le capital impliquant à la fois la possibilité d’une obligation de secours de la société mais aussi une cohésion de lutte sociale contre les logiques du capital qui conduisent à cette exclusion, les tenants du revenu universel impose une dichotomie sociale volontaire très utile au capital. Non seulement ce droit à la paresse volontaire intégral pose que certains peuvent vivre de la richesse produite par d’autres sans contribution de leur part. C’est un retour à une certaine forme légitimée de parasitisme social. Mais surtout, il organise un clivage social au sein même du « prolétariat » qui est susceptible de limiter le besoin d’unité populaire dans la lutte contre le capital pour l’aspiration à la liberté de tous. Au fond, alors même qu’elle revendique l’inverse, une telle proposition légitime les divisions sociales et renforce la domination du capital. Elle confirme l’adieu au prolétariat…
Le salaire à vie ensuite.
Bien que différente, la problématique du salaire à vie relève de la même philosophie. Car par définition, la conception du salaire à vie enferme le travailleur dans son statut salarial, qui est le vecteur de l’exploitation capitaliste. En effet, si le salariat a constitué un progrès dans l’histoire des relations de subordination dans le travail, il n’en demeure pas moins l’institution par laquelle, en régime capitaliste, le capital exploite le travailleur en lui extirpant la plus-value que la location de sa force de travail génère. Le salariat est le moyen trouvé par le capitaliste pour organiser la vie du travailleur autour de la possibilité d’accroître la plus-value produite par le travailleur à la source de son profit. Le salarié n’est donc pas réellement un homme libre (quand bien même il l’est plus que l’esclave ou le serf), mais un travailleur contraint qui n’a d’autres libertés que de se rendre sur le marché du travail afin de louer sa force de travail pour assurer sa subsistance. Il est donc essentiel de créer les conditions d’un dépassement du salariat.
D’autre part, poser que la part de richesse utilisée pour financer la réponse socialisée à des besoins sociaux (maladie, famille, vieillesse, par exemple, mais aussi logement, nourriture, transport, …) puisse relever du salaire (salaire socialisé), c’est d’une part, postuler que toute la richesse produite doit revenir à celui qui travaille parce qu’elle est le fruit de son travail, et donc oublier que cette richesse doit aussi pouvoir être utilisée pour renouveler les conditions de la production et développer le cadre social (investissement productif, fonds de roulement, financement du service public, …), et d’autre part, que l’essentiel de l’activité humaine se résume à l’activité productive du salarié, et donc oublier que le but de l’humanité est d’abord sa liberté, son émancipation, la recherche d’activités libres, que l’on trouve hors rapport de subordination salarial et qui implique de maitriser socialement et politiquement ce moment du travail salarié pour en réduire le poids sur la vie de tous. Et donc fondamentalement, postuler le salaire socialisé, c’est implicitement postuler que la réponse aux besoins sociaux est conditionnée à l’exploitation capitaliste des travailleurs dans le salariat. Dans cette vision, il n’y a donc pas d’émancipation possible pour l’humanité, juste une lutte pour un partage des richesses qui permette de mieux subvenir aux besoins.
Le point commun de ces deux options ?
Il en résulte un point commun entre ces deux options (et toutes leurs déclinaisons), dont la portée politique n’est pas négligeable. Si, comme les deux face d’une même pièce, ces deux options aspirent chacune à sa manière à organiser un meilleur partage des richesses que celui défini par la régulation marchande, elles ne constituent en rien des points d’appuis pour intervenir sur les modalités de production de ces richesses instituées par le capital, et à l’origine de ces inégalités, ni pour formuler les conditions d’une organisation de la production et de la société qui assure aux êtres humains la possibilité de s’émanciper concrètement du poids de la domination capitaliste. Or, c’est bien là le fond de la question d’une nouvelle sécurité sociale du 21e siècle. Quelle est l’ambition de cette sécurité / protection sociale du 21e siècle ? S’agit-il simplement de répondre aux besoins sociaux dans les meilleurs conditions possibles ? Ou s’agit-il, tout en répondant aux besoins sociaux, de créer les conditions d’une efficacité sociale nouvelle qui assure un dépassement du capitalisme ?
La réponse à ces questions est, évidemment, éminemment politique et conditionne l’architecture idéologique et institutionnelle de cette sécurité / protection sociale. Et si pour répondre, l’on veut s’inscrire dans la philosophie qui a prévalue à la création de la Sécurité sociale en 1946 en France, il est alors impératif de conjuguer les trois critères essentiels, véritables colonnes vertébrales politiques de l’institution, qui ont structuré la proposition du ministre communiste A. Croizat et qui font que le système français se distingue fondamentalement de ses homologues occidentaux :
- répondre aux besoins sociaux,
- contribuer à une efficacité économique et sociale nouvelle,
- unifier les travailleurs pour renforcer la lutte contre le capital.
Si la réponse aux besoins sociaux est la partie la plus visible des systèmes de sécurité / protection sociale au niveau mondial, la proposition de Croizat y a répondu de manière particulière. Non seulement elle a cherché à améliorer la vie des travailleurs en prenant en charge une large part des coûts induits par la perte de revenu, en cherchant à y intégrer aussi la perte de revenu du fait de la perte d’emploi. Mais elle l’a formulé d’une manière singulière. Là où, partout en Occident, le choix d’un recours à l’État ou aux marchés a prévalu, cette prise en charge à la française s’est faite de manière déconnectée des logiques marchandes mais aussi étatiques, et en s’appuyant sur un prélèvement sur les profits des entreprises calculé à partir des salaires (la cotisation sociale).
Chacun recevant désormais en fonction de ses besoins et non plus en fonction de sa contribution préalable, comme c’était le cas avec le système mutualiste patronal d’avant 1945, la logique française a brisé le principe d’équivalence marchande prévalant jusque là ; tous les travailleurs devenant réellement égaux en droit de prise en charge, la concurrence entre travailleurs par la couverture sociale était implicitement supprimée et les conditions de la lutte dans l’entreprise renforcée. Cela a été un choix politique. L’institution Sécurité sociale proposée par Croizat assurant une gestion autonome (majoritairement salariale) sur la base d’un financement à taux unique et d’une caisse unique pour toutes les prises en charge consécutives à la réalisation d’un risque social de perte de revenu, la possibilité d’un recours à un financement externe, y compris d’État, pour équilibrer les dépenses de chaque type d’aléa en était réduit d’autant. Cela aussi a été un choix politique, qui revendiquait une maîtrise par les travailleurs de l’institution. Le patronat l’a d’ailleurs bien compris qui, dans sa première grande réforme de la Sécurité sociale en 1967, en même temps qu’il réapparaissait dans l’institution au motif d’une division en deux types de la cotisation sociale (salariale et patronale), a principalement visé l’architecture institutionnelle de la Sécurité sociale en l’éclatant en branches distinctes financièrement et en définissant des taux de cotisations particuliers à chaque branche afin d’affaiblir sa solidité financière et justifier les réformes à venir pour cause de déséquilibres financiers des branches.
L’effet de cette construction à la française, comme partout ailleurs dans le monde occidental, a contribué à réduire une large partie des coûts de production en améliorant l’efficacité productive des travailleurs (meilleure santé) et en développant la demande (pensions de retraite et allocations familiales). Elle a aussi développé l’offre productive (construction des services publics associés et induits, formation des professionnels,…). Mais elle l’a fait en pesant sur la logique capitaliste de suraccumulation du capital. Car si comme partout durant la phase de croissance dite des 30 glorieuses elle a limité le développement de la suraccumulation du capital et permis de libérer des ressources financières pour développer l’activité productive, en utilisant la cotisation sociale pour financer le système, c’est-à-dire en forçant à l’utilisation d’une partie des profits dégagés par la production pour financer ces dépenses sociales, la solution française a aussi pesé lourdement sur les priorités de gestion des entreprises en les contraignant à utiliser une large part de la plus-value produite par les travailleurs pour le développement social, à savoir pour autre chose que la rémunération de la propriété du capital (et même pour autre chose que les salaires). Ce que par définition ne pouvaient pas faire les systèmes qui utilisent le marché pour se financer ou même qui passent par un financement d’État. Ce dernier puisant ses ressources à la fois dans la richesse produite par les entreprises et dans la poche des ménages, à savoir des ressources fiscales tributaires des choix de gestion interne des entreprises (la fiscalité s’applique essentiellement sur les bénéfices et ceux-ci résultent des politiques d’optimisation fiscale des entreprises) et d’un premier partage de cette richesse entre profits et salaires réalisé dans l’entreprise et lui-même tributaire d’un rapport de forces sociales dans la société, il ne permet pas d’intervenir sur ces choix de gestion du capital ; ce qui au demeurant rend le dynamisme du rendement de la ressource plus incertain face aux aléas économiques et fragilise la réponse aux besoins sociaux, faisant de la protection sociale un supplément d’âme de l’activité économique et non un de ses moteurs.
Une visée révolutionnaire portée par le ministre communiste du travail du gouvernement provisoire de De Gaulle, dont nos deux propositions, revenu d’existence universel et salaire à vie, restent très loin.
En guise de conclusion provisoire en ouverture du débat
Une protection sociale du 21e siècle répondant à l’esprit des créateurs de celle de 1945 mais soucieuse de relever les défis d’aujourd’hui impose donc d’être en capacité de dépasser (au sens hégélien du terme : conserver et supprimer, en même temps) les constructions du passé pour mettre en place des institutions nouvelles qui ont les mêmes objectifs. Si la question du maintien des revenus tout au long de la vie doit être un souci constant de cette nouvelle protection sociale, elle ne peut se contenter de le justifier pour éviter l’indigence ou pour rémunérer le travailleur au juste prix de son effort. De même, vouloir nourrir la dimension révolutionnaire de la Sécurité sociale française de 1945, ne peut se contenter d’en faire un moyen de répondre aux seuls besoins sociaux afin de répartir les richesses différemment et de restaurer un peu de justice sociale. Revenir à la Sécurité sociale de 1945 est insuffisant pour cela, et revendiquer un minimum pour vivre est une régression par rapport à l’existant. La sécurité / protection sociale doit pouvoir être un outil d’une autre ambition. Les institutions pour l’incarner doivent clairement viser l’objectif d’affrontement aux logiques du capital et viser plus que les besoins sociaux : l’émancipation des Hommes, la liberté. Car la sécurité / protection sociale porte en elle la possibilité d’un dépassement du capitalisme.