La crise qui a éclaté en ce début d’année 2020 montre une fois de plus la nécessité de changer de système.
Le contexte de « déconfinement progressif » est encore très incertain et beaucoup dépend de paramètres que personne ne maîtrise, comme la mise au point d’un vaccin ou la découverte de traitements efficaces contre la Covid-19. Mais c’est précisément dans les périodes de choc d’immédiat après-crise que l’histoire s’accélère, que les bifurcations sont engagées ou pas, que les décisions prises conditionnent pour une longue période la construction du futur. L’expérience toute récente est source de prises de conscience et de réflexions de plus long terme sur lesquelles nous entendons bien nous appuyer.
Depuis plusieurs mois, des organisations syndicales et associatives convergent, convaincues que les réponses aux urgences sociales et écologiques doivent être construites ensemble. La crise qui a éclaté en ce début d’année 2020 montre une fois de plus la nécessité de changer de système. Nous pensons que le moment est venu de préciser les contours du «plus jamais ça». Désormais il est nécessaire de dépasser l’effet de sidération paralysant que génère le traumatisme de la crise sanitaire. Il s’agit d’amener la population à se saisir de ce moment pour exiger que des enseignements en soient tirés.
C’est le sens de ces mesures que nous versons au débat. Elles sont volontairement précises et le plus souvent chiffrées. Il ne s’agit pas, cependant, de présenter un plan figé, ficelé et définitif. Au contraire, ces propositions ont vocation à être soumises au débat public et sont amenées à être complétées. La relative précision des mesures présentées poursuit deux objectifs. D’abord, signifier que nous ne nous contenterons plus des grands mots, des déclarations d’intention, des formulations creuses. Nous voulons démontrer, à travers l’articulation de mesures de court et de long terme, le pragmatisme et l’ancrage dans le réel de notre démarche. Ensuite, notre but est de faire la démonstration qu’il y a des alternatives au capitalisme néolibéral, productiviste et autoritaire, et que ces alternatives sont crédibles, désirables et réalisables, à condition que la volonté politique et les moyens financiers soient enfin mis au service des objectifs de transformation sociale et de préservation de l’environnement, au lieu de les soumettre aux pressions et désidératas des lobbies. Du reste, un grand nombre de ces alternatives relèvent d’un déjà-là qu’il s’agit de conforter, de rénover et de généraliser, que ce soient les grands systèmes collectifs mis en place dans le cadre de l’État social (protection sociale, services publics, etc.) ou les alternatives concrètes qui sont souvent autant de possibles si leur généralisation est envisagée.
L’heure est aux urgences sanitaires et sociales et à la satisfaction des besoins essentiels de la population, dans le respect des droits démocratiques : les semaines à venir seront décisives et le gouvernement doit urgemment changer de logiciel, pour répondre aux objectifs qui s’imposent et que nous nous fixons dans les deux premières parties de ce plan de sortie de crise. En particulier doit être lancé un vaste plan de renforcement et de développement des services publics. Une nouvelle loi de finance rectificative a été présentée : si l’on veut que cette crise ne soit pas l’occasion de plans d’austérité et de nouvelles régressions sociales, si l’on souhaite partager les richesses et financer la transition écologique, alors il faut refonder le système bancaire et financier et la fiscalité. C’est tout l’objet de la troisième partie. Enfin, face aux plans de relance du gouvernement, qui ne font que relancer un système profondément insoutenable, nous en appelons dans la dernière partie à des mesures courageuses, permettant une reconversion sociale et écologique de la production agricole, industrielle et de services, pour à la fois créer des centaines de milliers d’emplois de qualité et cesser les activités les plus néfastes pour les populations et la planète. Cette reconversion doit être aussi l’occasion d’une relocalisation des activités, qui s’accompagnerait de mesures fortes de solidarité européenne et internationale, que nous précisons également.
Plan de sortie de crise :
1. Les conditions pour un déconfinement assurant la sécurité sanitaire, la démocratie et les droits fondamentaux:
« Il y a des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché », déclare E. Macron le 12 mars. Pourtant depuis le début de la gestion de la crise, c’est la poursuite du système économique d’avant qui a été la « préoccupation » centrale du gouvernement, au détriment de la santé. Ce n’est que contraint et forcé par la réalité de la pandémie qu’il a commencé à commander des masques, à pratiquer des tests, à prendre des mesures pour éviter la propagation de la Covid-19. Mais il a laissé continuer le travail dans des secteurs non essentiels exposant des centaines de milliers de personnes et leurs familles. La santé est plus que jamais une priorité absolue. Les politiques néolibérales ont fait totalement faillite, et la pandémie a démontré que le système de santé doit échapper à une gestion privée. Il est urgent de réinventer un système public de santé, d’action sociale et de Sécurité sociale pour satisfaire les besoins de la population. Nous proposons en ce sens des mesures d’urgence pour protéger chacun en mettant à disposition ce qui est indispensable à sa sécurité, mais aussi de renforcer le service public de santé, gravement affaibli, de lutter contre les violences faites aux femmes et de garantir la sécurité des travailleurs en leur donnant les outils nécessaires et en renforçant l’effectivité des droits. Dans un même mouvement, nous voulons sortir de l’état d’exception dans lequel se trouve notre pays et que des mesures plus pérennes soient prises pour garantir les droits des femmes, des étrangers, des jeunes et des travailleurs. Combattre les discriminations jusqu’au cœur des institutions est absolument indispensable.
Objectif 1: Garantir à toutes et tous les mesures de prévention et de protection
Mesure 1: La gratuité des masques et l’accès aux tests pour toutes et tous
Nous demandons la distribution gratuite des masques pour toutes et tous, à la charge des entreprises pour les salariés et à la charge de l’Etat, sous le contrôle des collectivités territoriales, pour le reste de la population.
Mesure 2: Un plan d’urgence pour l’hôpital public
La preuve vient d’être donnée que le système de santé d’un pays peut générer ou au contraire compenser les inégalités. Dans ce système global, l’hôpital public est un outil indispensable pour que l’Etat puisse garantir l’accès gratuit aux soins de qualité sur l’ensemble du territoire. Il faut en urgence former et embaucher du personnel avec un 1er plan de 100000 recrutements, augmenter les salaires en assurant l’égalité avec les personnels étrangers, supprimer la sélection et créer des places dans les formations de santé, annuler la dette des hôpitaux et augmenter leurs budgets d’au moins 5%. Ces premières mesures doivent permettre d’améliorer le fonctionnement de l’ensemble des services et d’ouvrir des lits en nombre suffisant au quotidien comme en période de crise sanitaire. Tous les plans de restructuration et de fermetures de sites ou de services doivent être stoppés et une logique de coopération doit être mise en place.
Mesure 3: Un plan contre les violences faites aux femmes
Dès l’annonce du confinement, les associations féministes ont alerté les pouvoirs publics des risques accrus de violences familiales. Elles n’ont pas été entendues, les difficultés rencontrées avant le confinement ont été amplifiées.
Mesure 4: Garantir la sécurité au travail
Objectif 2: Assurer la sécurité sanitaire en renforçant les droits démocratiques et individuels
Mesure 5: La levée de l’État d’urgence sanitaire
La logique de protection, nécessaire en période de crise, est trop souvent remplacée par une volonté de contrôle et de pénalisation. L’état d’urgence sanitaire est un monstre juridique qui donne des pouvoirs considérables à l’exécutif, dessaisit le Parlement et fait reculer l’accès à la justice, il faut mettre fin notamment aux mesures liberticides et régressives qu’il contient en urgence.
Mesure 6: Le renforcement des droits des travailleuses et des travailleurs
Sur les lieux de travail, comme ailleurs, l’urgence sanitaire s’est traduite en une perte de droits (aux congés, d’intervention, de circuler pour les représentants syndicaux, etc.), l’ensemble des mesures dérogatoires doivent être levées.
Mesure 7: Pour les droits des femmes et contre le sexisme
Le confinement a démontré combien les femmes jouent un rôle essentiel dans notre société. Elles sont surreprésentées dans nombre de professions essentielles, des infirmières aux aides à domicile, des enseignantes aux caissières. L’égalité de leurs droits n’est pour autant pas encore effective que ce soit au travail ou dans la société. Une réelle protection contre le harcèlement sexiste et sexuel au travail doit être mise en place : procédures internes et application de la loi, formation spécifique pour les personnels.
Mesure 8: Pour les droits des étrangers et personnes incarcérées
La régularisation des sans-papiers et la fermeture des CRA (centres de rétention administrative) doivent permettre l’accès aux droits et d’éviter les contaminations. Des mesures immédiates pour répondre à l’accueil des réfugiés et sans papiers (logements, aide à la reprise de formation…) doivent être prises. Il est urgent aussi, pour limiter les risques de crise sanitaire en détention, de réduire drastiquement le nombre de personnes détenues.
Conclusion
Notre société fait face depuis des mois à une situation inédite, une crise sanitaire d’ampleur. Si l’hôpital a tenu, malgré les plans d’austérité imposés depuis de nombreuses années, c’est bien du fait de la mobilisation des personnels. Ce ne sont pas les premiers de cordée, bénéficiaires des politiques néolibérales, qui ont permis à notre société de tenir, mais bien le travail de salariés et de fonctionnaires d’ordinaire peu considérés, peu valorisés, au statut parfois précaire. L’utilité sociale des activités nécessaires au bon fonctionnement de la société ces dernières semaines doit être reconnue. La crise doit conduire l’État, les branches professionnelles et les entreprises, à prendre de nouveaux engagements pour revaloriser tous ces emplois à prédominance féminine. L’État se doit de donner l’exemple, en tant qu’employeur, en revalorisant immédiatement les emplois et carrières à prédominance féminine de la fonction publique. Il doit aussi s’engager en tant que financeur des secteurs sanitaires, sociaux, éducatifs et de la dépendance. Reconstruisons un système de santé et de protection sociale de haute qualité, universel, socialisé, dont les seuls profits seront le bien-être collectif. Développons les services publics, en embauchant des personnels fonctionnaires, pour l’Éducation Nationale, les universités, la recherche publique, mais également les collectivités territoriales. Pour satisfaire les besoins sociaux, sanitaires, environnementaux, il faut une politique s’appuyant sur les citoyens, une politique d’émancipation et non de répression. Nous n’avons pas besoin d’une gestion de crise paternaliste et répressive, nous exigeons au contraire un État qui s’adresse aux citoyens avec cohérence, franchise, avec des directives claires et précises, dont l’application sera permise par un rapport de confiance et non par la sanction et la répression. Dans ce contexte, la question de l’information est décisive. Elle doit éclairer le débat et les choix à opérer. Ceci impose de faire reculer l’emprise du pouvoir politique sur le secteur public de l’information et la domination du secteur privé de l’information par une poignée de milliardaires.
Objectif 3: Répondre à la crise sociale, ici et ailleurs
La crise sociale liée au coronavirus court à travers le monde et touche des millions de personnes en France. Déjà, le MEDEF et une partie de la classe politique veulent mettre en place des mesures qui ne visent qu’à une seule chose : maintenir le taux de profit des grands groupes pour maintenir les dividendes versés aux actionnaires. Leurs propositions sont bien connues : nous faire travailler plus et plus longtemps en laissant le chômage et la misère s’accroître. Les risques de licenciements massifs et de précarisation accrue sont bien réels. Le « remboursement de la dette » peut être utilisé pour étrangler les populations, ici et ailleurs. Pourtant, rien n’est inéluctable. Il est possible d’aller vers un autre avenir que celui qu’on va chercher à nous imposer. Oui il y a des alternatives ! Nous avons des propositions concrètes pour répondre à la crise sociale et pour aller vers une société du bien-être pour toutes et tous, qui ne laisse personne sur le bas-côté. Il est temps de garantir à toutes et tous l’accès au travail et à des revenus qui permettent de vivre avec dignité, à un logement stable, décent et à une protection sociale universelle. Nous avons les moyens de satisfaire les besoins essentiels de l’ensemble de la population, il faut agir rapidement dans ce sens. Nous avons une vision qui dépasse les frontières : nous voulons faire en sorte que la solidarité internationale soit concrète
Objectif 4: Du travail pour tous et toutes
Mesure 9: Une hausse des salaires
La justice sociale passe par une hausse conséquente des salaires, pour que chacun puisse vivre dignement de son travail. De façon générale nous voulons des hausses de salaires et non des primes : comme première mesure l’augmentation uniforme et égale pour toutes et tous avec un minimum de 200 euros, pas de salaires en-dessous de 1700 euros nets, le dégel et hausse du point d’indice pour la fonction publique.
Mesure 10: Le maintien des droits pour les intermittents, l’indemnisation des chômeurs
La réforme de l’assurance chômage et le décret du 28 décembre 2018 sur le contrôle des chômeurs doivent être abrogés.
Mesure 11: La réduction et le partage du temps de travail
Le partage du temps de travail est indispensable pour donner accès à toutes et tous au travail et gagner en qualité de vie. Nous souhaitons que le temps de référence soit les 32 h hebdomadaires, sans perte de salaire ni flexibilisation.
Mesure 12: L’interdiction des licenciements dans les entreprises qui font du profit
Mesure 13: La revalorisation immédiate des salaires et des carrières des femmes
Objectif 5: Garantir la satisfaction des besoins essentiels
Mesure 14: Pour la création d’emplois dans l’agriculture
Mesure 15: Pour un droit garanti au revenu et à la protection sociale pour toutes et tous
L’ensemble des minimas sociaux et des aides sociales doit être massivement revalorisé pour lutter contre la pauvreté. Le RSA doit être ouvert aux moins de 25 ans.
Mesure 16: Pour l’accès à une alimentation de qualité pour toutes et tous
Mesure 17: Pour l’accès et le droit au logement de qualité pour toutes et tous
Objectif 6: Pour une réelle solidarité internationale
Mesure 18: Engager des annulations de dettes des pays les plus pauvres
Mesure 19: Pour un fonds d’aides internationales
Mesure 20: La mutualisation des savoirs et des brevets pour garantir l’accès mondial à l’innovation et la coopération sur les biens médicaux
Il faut garantir une coopération internationale en faveur de l’accès à toutes et tous aux traitements de la Covid-19 en rendant obligatoire la mutualisation des savoirs et des brevets issus de la recherche contre le coronavirus, notamment en y conditionnant les subventions publiques pour faire primer l’intérêt général sur les intérêts des grands groupes pharmaceutiques. Un plan ambitieux de production et de distribution des futurs traitements et vaccins est nécessaire pour garantir l’accès universel, gratuit et juste partout dans le monde.
Mesure 21: Pour la souveraineté alimentaire pour tous les peuples
Conclusion. Étendre les droits, partager les richesses, réduire les inégalités et transition vers un autre modèle de société : l’ensemble de nos propositions sont concrètes et réalisables rapidement. Elles sont une alternative forte au monde d’avant et aux « solutions » qui sont génératrices d’inégalité et de pauvreté, en France comme dans le monde entier. La solidarité européenne passe par un budget de l’Union Européenne plus conséquent dont les fonds devraient être alloués spécifiquement aux urgences sociales et environnementales. Nous avons les moyens de créer des millions d’emplois. Nous avons les moyens de satisfaire les besoins fondamentaux de toute la population. Nous avons les moyens d’alléger le poids qui pèse sur les populations des pays les plus pauvres et d’apporter des aides concrètes. Tout cela doit s’appuyer dans le même temps sur un plan de développement massif et d’extension des services publics : ils sont, nous l’avons vu, le rempart contre le chacun pour soi, ils sont un outil fort pour le bien commun, des vecteurs d’égalités. Ils permettent l’accès effectif aux droits : pas de droit du travail sans inspecteurs du travail, pas de justice fiscale sans fonctionnaires des finances publiques, pas d’école gratuite et obligatoire pour toutes et tous sans fonctionnaires de l’éducation nationale, etc. Nos propositions peuvent en entraîner d’autres dans des dynamiques vertueuses. Ainsi, par exemple, pour faire en sorte que de nombreuses femmes puissent se maintenir en emploi à un temps plein, malgré la présence d’enfants en bas âge ou de proches en perte d’autonomie, il faut développer le service public de la petite enfance et celui de la dépendance. Nous devons également réfléchir et mettre en débat la création de nouveaux services publics.
2. L’argent «magique» existe: il suffit d’aller le chercher au bon endroit
La chute vertigineuse des cours boursiers a donné lieu à des mesures rapides et exceptionnelles de soutiens aux acteurs financiers privés destinées à stabiliser les marchés financiers. Ces mesures bénéficient avant tout aux grandes entreprises, sans qu’il soit exigé de contrepartie sociale ou environnementale. En l’absence de régulation suffisante, elles viendront aussi alimenter les bonus et dividendes bancaires. Au contraire, les plus précaires n’ont obtenu que quelques aides et ce sont des primes qui sont censées récompenser les soignants. La sortie de crise risque d’être synonyme de privations et d’austérité imposée, légitimée par le discours inchangé de la dette des États à rembourser. La menace d’une injonction à rééquilibrer le déficit public pèse. Sans changer les cadres économiques actuels, le remboursement de la dette à tout prix mènera à la misère sociale et à la catastrophe écologique. Pour mieux répartir les richesses et financer la reconversion sociale et écologique des activités, il faut au contraire changer de logiciel : réorienter la politique monétaire, contrôler la finance, utiliser la dette publique à bon escient et revoir fondamentalement la politique fiscale. Toutes ces propositions permettent de dégager de nouvelles ressources financières pour la puissance publique, en mettant au cœur de cette démarche la justice sociale et l’urgence écologique. Une autre voie existe, « l’argent magique » est là : il suffit d’aller le chercher au bon endroit.
Objectif 7: Reprendre le contrôle sur le monde de la finance et de la dette publique
Mesure 22: Pour une politique monétaire et prudentielle au service des besoins sociaux et environnementaux
Mesure 23: Réguler les activités bancaires
Objectif 8: Plus de justice fiscale
Mesure 24: Pour une imposition plus juste et progressive des revenus et du patrimoine
La transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI) est la mesure symbolique du Président des riches et de l’injustice fiscale. Nous ne proposons pas simplement de restaurer l’ISF, qui comportait de nombreuses niches fiscales, mais de le transformer pour qu’il soit plus juste et rapporte significativement plus, de l’ordre de 10 milliards d’euros selon certaines estimations.
Mesure 25: Lutter efficacement contre la fraude et l’évasion fiscale
La fraude et l’évasion fiscales représentent chaque année un manque à gagner d’au moins 80 milliards d’euros en France.
Mesure 26: Renforcer la taxation des transactions financières
Une taxe sur les transactions financières est un projet actuellement négocié par 10 pays de l’Union européenne. En taxant les transactions sur les actions, les produits structurés et certains produits dérivés, ces 10 pays pourraient dégager 36 milliards d’euros par an, dont 10,8 milliards pour la France.
Mesure 27: Supprimer les niches fiscales inutiles et les exonérations nocives pour le climat, la biodiversité et la lutte contre les inégalités
Conclusion
Sur le plan économique et financier, cette crise sanitaire va avoir des impacts de long-terme. S’il n’y a pas de rupture profonde en matière de financement de l’économie et de l’action publique, elle sera synonyme d’accroissement des inégalités et d’aggravation de la crise écologique. Pourtant, les leviers d’action existent et sont identifiés depuis plusieurs années déjà. Toutes ces propositions concrètes visent à répondre aux besoins de financement de l’indispensable révolution écologique et sociale, tout en répartissant mieux les richesses. Elles permettraient aussi de réduire le pouvoir de la finance en la subordonnant à des objectifs de long-terme sociaux et environnementaux et en réduisant l’instabilité des marchés financiers. Sur le plan de la fiscalité, elles visent à améliorer la capacité du système à réduire les inégalités, à en finir avec la concurrence fiscale et à renforcer le consentement à l’impôt, fortement dégradé du fait de l’injustice fiscale. Elles s’inscrivent dans une réflexion plus large sur une fiscalité plus juste et écologique, qui pèserait plus sur le capital que sur le travail, sur les grandes entreprises plutôt que les ménages (en réduisant la TVA sur les produits de première nécessité par exemple), qui pénaliserait les activités polluantes et favoriserait les secteurs de la transition écologique ainsi que la relocalisation des activités.
3. Pour une reconversion écologique et sociale des activités
Les manques flagrants dans des productions essentielles sur notre territoire (médicaments, masques) posent fortement la question de la relocalisation de nos activités de production. Produire au plus près des populations afin de répondre aux besoins sanitaires, écologiques et sociaux et œuvrer à un rééquilibrage entre territoires nécessitent de planifier les activités. Il s’agit alors de mettre fin aux logiques de flux tendu, de segmentation internationale des activités, de libre-échange et de dépendance aux importations. Durant la crise, les commerces de proximité ont été pénalisés par rapport à la grande distribution ou au commerce en ligne. Le rééquilibrage en faveur des commerces de proximité en lien avec la relocalisation des économies favorise une meilleure réponse au changement climatique. Le libre-échange est incompatible avec la relocalisation, la diversification, la transition sociale et écologique de nos économies. La refonte collective de nos modes de production, de mobilité et de consommation passe par des politiques publiques garantes de l’intérêt général. Des réformes importantes de la formation professionnelle sont essentielles pour assurer cette reconversion, en assurant à chacune une sécurité de l’emploi et du revenu. Il faut pleinement intégrer les travailleurs dans les processus de décision, car elles et ils sont les plus à même de proposer des changements en profondeur vers la production de biens et de services de qualité, répondant à l’urgence sociale et écologique. Les questions de la socialisation et de la structure des entreprises doivent être posées.
Objectif 9: Accompagner durablement la reconversion
Mesure 28: Une loi pour soumettre les entreprises à l’Accord de Paris et interdire les dividendes climaticides
Une loi doit être soumise au parlement, afin d’imposer des trajectoires de réductions d’émissions de GES et de réorienter les activités vers la transition écologique. Elle doit concerner les entreprises des secteurs de l’extraction, de la production, et des services (en premier lieu les entreprises soumises à la loi sur le devoir de vigilance), s’appliquer à l’ensemble des activités et investissements, impacts et émissions en France comme à l’étranger. Elle devra prévoir l’obligation de trajectoires annuelles de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour respecter l’objectif de limitation à 1,5 °C, le non-respect de ces obligations entraînant l’interdiction de versement de dividendes.
Mesure 29: L’arrêt des soutiens publics aux acteurs polluants
Les entreprises et acteurs financiers actifs dans les secteurs carbonés et destructeurs de la biodiversité doivent cesser de bénéficier d’exemptions fiscales, d’aides et subventions publiques (aides à l’agriculture et à la pêche industrielles, à l’exportation et à la promotion, à la déforestation importée…). Aucun investissement public ou garanti par l’État ne doit soutenir le secteur des énergies fossiles ni le développement de nouveaux projets nucléaires, des industries fortement polluantes, de la pêche et de l’agriculture industrielle. Les aides accordées dans le plan d’urgence aux transports polluants comme celles octroyées par le gouvernement sans contreparties à Air France doivent être soumises à des obligations sociales et environnementales.
Mesure 30: Accompagner la reconversion via des systèmes de formation et d’enseignement – recherche rénovés
Les formations initiales et professionnelles continues et la recherche publique doivent pouvoir répondre tant aux besoins dans les secteurs d’avenir de la transition écologique (énergie renouvelable, construction / rénovation, agriculture…) qu’aux besoins des salariés en reconversion, en prenant en compte leur expérience et leur savoir-faire. Les reconversions induites par les transitions doivent être anticipées, accompagnées et financées en intégrant les salariés dans les dispositifs de décision. La formation professionnelle, réaffirmée comme service public, doit être appuyée par un système collectif de protection financé par une caisse commune alimentée par les cotisations patronales afin de permettre aux salariés de prendre le temps de se former sans perte de salaire ni de droits. Les enseignements et méthodes de formation doivent être repensés pour développer les dimensions d’utilité sociale et écologique des activités économiques, tout en conservant une formation générale solide visant l’accomplissement personnel des élèves, étudiants et travailleurs. Les salaires des travailleurs du secteur doivent être revalorisés. Un investissement massif dans la jeunesse passe en premier lieu par leur garantir droits, statut et un accompagnement financier protecteur et permettant leur autonomie en particulier durant leurs études. Il s’agit également de soutenir fortement la formation des jeunes issus des quartiers populaires.
Objectif 10: Transformer nos modes de production, de mobilité et de consommation
Mesure 31: Stopper toutes les négociations et finalisations d’accords de commerce et d’investissement
La France ne doit pas ratifier les accords en cours, comme ceux avec le Canada et le Mexique. Ces accords placent les intérêts des multinationales au-dessus de tous les principes du droit et de la lutte contre le dérèglement climatique, jusqu’à instaurer des tribunaux d’arbitrage favorables aux investisseurs privés. Ils encouragent la spécialisation des territoires et empêchent toute politique publique ambitieuse. Il faut revoir le mandat de négociation de la Commission européenne en introduisant des clauses sociales, environnementales primant sur les intérêts commerciaux. Il faut protéger les secteurs d’activité des concurrences déloyales permises par un moins-disant social et écologique. Il est urgent de repenser nos échanges internationaux à l’aune de principes de solidarité, d’équité et de partage des connaissances.
Mesure 32: Repenser les mobilités
La reprise des déplacements est une opportunité unique pour repenser nos mobilités. Il faut acter dans la loi l’arrêt des vols courts (en fermant d’abord les lignes où l’alternative train se fait en moins de six heures ou quand il existe une alternative en train de nuit), l’annulation de tout projet d’extension ou privatisation d’aéroports, le développement d’un service accru de lignes ferroviaires de jour et de nuit, pour les passagers et le fret, et l’amélioration ou la réouverture de lignes régionales. Il faut sortir de la dépendance au transport routier, en abandonnant les grands projets inutiles de nouvelles infrastructures routières, en rendant accessible à toutes et tous des transports en commun de qualité et en réaménageant les territoires vers un modèle de service public de transport écologique solidaire et multimodal.
Mesure 33: Une loi pour bâtir une économie de sobriété
Nous exigeons une loi qui lutte contre les mécanismes de surproduction et surconsommation : gel de la surcapacité commerciale et arrêt de l’expansion du e-commerce, réduction des volumes de produits neufs dans les industries émettrices comme le textile ou l’électronique, réglementation drastique de la publicité et contrôle avec sanctions de l’obsolescence programmée. Cette économie plus sobre créera de nombreux emplois dans la production locale, la réparation, le réemploi et le recyclage.
Mesure 34: Un plan de transition sociale et écologique de l’agriculture et de l’alimentation
La relocalisation et la diversification des systèmes alimentaires se font en lien avec les besoins locaux. Cela passe par des soutiens publics bien plus importants au développement de circuits courts et de filières longues relocalisées : abattoirs et commerces de proximité, approvisionnement local et bio de la restauration collective. Les soutiens à la transition doivent permettre aux paysans de développer les protéines végétales et prairies, lier l’élevage au sol, gérer durablement l’eau, lutter contre la déforestation importée, s’affranchir à terme des pesticides et engrais de synthèse et des multinationales qui les fabriquent par un renforcement de la fiscalité, réduire au maximum la dépendance aux énergies fossiles. Les politiques publiques et les plans d’investissement doivent soutenir l’emploi, l’accès à une alimentation de qualité pour tous et le respect de l’environnement plutôt qu’une agriculture 4.0.
Conclusion
Le ciblage des aides publiques et l’intégration d’objectifs environnementaux et sociaux contraignants dans la loi et les accords commerciaux permettront d’enclencher une transition structurelle. En repensant l’ensemble de la production de biens et de services, c’est l’économie, comme système de gestion des ressources et des besoins, qui est à reconvertir à toutes les échelles. Se réapproprier l’économie passe par une meilleure valorisation du travail au détriment de la logique capitaliste et actionnariale. La politique énergétique est centrale pour la durabilité des ressources, plaidant pour un plan de développement des énergies renouvelables et locales. La participation active des travailleurs à la reconversion de l’économie est cruciale pour passer d’une économie court-termiste, financiarisée et soumise à des crises cycliques à une économie de long-terme, territorialisée et planifiée selon les objectifs écologiques et sociaux. La logique de collectivisation des pertes et de privatisation des bénéfices doit être remplacée par la recherche de l’utilité sociale et écologique de toutes nos activités, en commençant par revaloriser immédiatement les métiers d’utilité publique. Dans le secteur industriel, plutôt que la rentabilité à court terme sur les marchés financiers c’est le pouvoir de contrôle des travailleurs sur l’outil de production et sa transition vers la sobriété qui doivent être renforcés. La qualité de travail, l’aménagement des postes de travail, la réorganisation de la structure hiérarchique, l’impact de l’activité sur la santé et l’environnement doit être au cœur de cette nouvelle approche viable socialement et écologiquement. Afin de rompre le cercle vicieux du productivisme et du consumérisme, ces mesures politiques doivent s’appuyer sur les luttes collectives et le développement de pratiques alternatives. À travers des pôles publics forts (logement, santé, transports, industrie…), la réflexion collective menée avec l’apport des travailleurs permet la création de richesses de manière harmonieuse sur le territoire, notamment en zones rurales.